La Révolution des casseroles: Chronique d'une nouvelle constitution pour l'Islande
Par Jérôme Skalski
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À propos de ce livre électronique
Sous forme de chroniques, Jérôme Skalski rend compte de la « Révolution des casseroles » en Islande. Suite au déclenchement de la crise financière internationale à l’automne 2008, l’Islande a choisi de tourner le dos à la « doctrine d’austérité » qui forme actuellement le lieu commun dominant des politiques de gestion de l’après-crise.
Passée du statut de laboratoire de la finance triomphante à celui du symbole de sa déroute, l’île nordique fut tout d’abord l’objet d’un mouvement de protestations aux conséquences inattendues. La presse internationale s’enflamma. On parla bientôt d’une « Révolution des casseroles » pour décrire les événements qui s’y déroulèrent et qui aboutirent en quelques semaines à la démission de son gouvernement et à l’anticipation d’élections législatives. Première dans l’histoire islandaise, une gauche armée d’ambitions réformatrices radicales, sous la pression de la société civile, arrive au pouvoir.
C’est sur la base de la description que la réflexion peut se développer, pas avant. […] Il n’y a pas de « description » neutre. La description est un produit critique. J’ai volontairement dissocié l’élément subjectif de l’élément objectif. Cet écrit se veut percutant non par le commentaire, le contre-point, mais par la description elle-même et la saisie de sa dialectique interne. […] J’ai tenté de suivre le procédé de Marx, dans le Capital.
Les chroniques de Jérôme Skalski offrent une analyse précise de la révolution islandaise !
EXTRAIT
Alors que la plupart des pays capitalistes « avancés » sont entrés dans la ronde de la contre-révolution mondiale néo-libérale avec un programme de démantèlement systématique des acquis du système d’économie mixte issus du compromis dit « keynésien » d’après guerre, programme qu’ils ont largement appliqué et qu’ils continuent d’appliquer, l’Islande, après la nationalisation de ses principales banques et la reprise en main des pivots de son secteur financier, semble sortir de sa crise avec un régime d’économie mixte à dominante sociale quelque peu anachronique du point de vue de cette contre-révolution mondiale. Mieux, car jusqu’à présent, c’est en tournant explicitement le dos aux recettes néo-libérales des institutions du capitalisme international qu’elle s’est relevée de ses cendres. Un contre-exemple, du point de vue de ces dernières, dont la Verte Eirin, sa quasi homonyme, renvoie le reflet inversé à la surface des eaux de l’océan atlantique.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Une succession de manifestations très sonores rythmées par des casseroles commence. Elles vont conduire à de nouvelles élections, qui portent au pouvoir une gauche rouge et verte, tandis que vingt-cinq citoyens sont élus pour rédiger une nouvelle Constitution. Comme les Français le firent lors de la Révolution, sauf que celle des Islandais est amendée sur Internet... - Christophe Goby, Le Monde diplomatique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jerôme Skalski est né en 1971 à Lens, dans le Pas-de-Calais -Pays noir. Fils d'une mère au foyer et d'un père professeur de mathématiques, frère d'un professeur agrégé de physique, il a vu les derniers chevalets du Bassin minier des environ de Lens. Il habite à Arras après un séjour de 17 ans à Lille, où il suivra des études de philosophie avec à la clé un mémoire de maitrise sur Marx. Ses études seront marquées par un engagement politique et syndical, bien que son militantisme politique remonte à ses 15 ans.
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Avis sur La Révolution des casseroles
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Aperçu du livre
La Révolution des casseroles - Jérôme Skalski
LA RÉVOLUTION DES CASSEROLES
Propriété littéraire réservée
© (Éditions) La Contre Allée (2012)
collection UN SINGULIER PLURIEL
JÉRÔME SKALSKI
LA RÉVOLUTION DES CASSEROLES
Chronique d’une nouvelle constitution pour l’Islande
PRÉSENTATION DE L’AUTEUR
Jérôme Skalski est né en 1971 à Lens, Pas-de-Calais - Pays noir. A vu les derniers chevalets du Bassin minier des environs de Lens. Après des études de philosophie, Jerôme Skalski est aujourd’hui journaliste et reporter.
« On dit qu’Héraclite, à des visiteurs étrangers qui, l’ayant trouvé se chauffant au feu de sa cuisine, hésitaient à entrer, fit cette remarque : Entrez sans crainte, entrez toujours, leur dit le philosophe, les Dieux sont ici comme partout. »
ARISTOTE
« La puissance qui vient du consentement des peuples suppose nécessairement des conditions qui en rendent l’usage légitime utile à la société, avantageux à la république, et qui la fixent et la restreignent entre des limites. »
Denis DIDEROT
« À cette étape de l’histoire, une seule des deux alternatives est possible : soit le peuple prendra le contrôle de sa propre destinée et se posera les questions de l’intérêt général, guidé par des valeurs de solidarité, d’empathie et d’altruisme ; soit il n’y aura plus de destinée à contrôler. »
Noam CHOMSKY
À Wilfrid Magnier
AVANT-PROPOS
À considérer l’ambiance politique et sociale qui régnait en Islande à la fin de l’été 2011, l’expression « Révolution des casseroles » utilisée pour désigner les événements qui se déroulèrent, à Reykjavik essentiellement, entre octobre 2008 et le début de l’année 2009, semblera, après coup, exagérée aux yeux de beaucoup. Une révolution aux allures bien sages, trop sages peut-être. Pour cette nation nordique de 320 000 habitants plus connue pour la beauté sauvage de ses paysages et l’éclat farouche de ses éruptions volcaniques, l’idée d’un avant-gardisme révolutionnaire pourra même faire sourire. Et puis c’est un pays si petit !
Rapportée à la démission, sous la pression de la « rue », du gouvernement de cette république parlementaire moderne devenue, en une dizaine d’années, un modèle orgueilleux de financiarisation économique débridée, l’expression fit son effet. Engagement d’une opération anti-corruption à l’échelle nationale, mise en place d’un gouvernement provisoire, anticipation d’élections législatives qui virent arriver au pouvoir, sous la poussée fiévreuse de la société civile, une gauche armée d’ambitions réformatrices radicales, les événements se précipitaient qui semblaient donner sens à l’expression. Pour ce pays passé du statut de « laboratoire » du néo-libéralisme à celui de symbole de la « déroute » du système financier international dans le sillage de la crise de 2008, ce « cacerolazo » septentrional eut bientôt un retentissement international.
De là à comparer les protestations d’Islandais manifestant bruyamment avec pots, louches et autres ustensiles de cuisine devant le siège de leur parlement, l’Althing, avec la Boston Tea Party, la Prise de la Bastille ou l’Assaut du Palais d’Hiver, l’affaire semble entendue et le procédé relever de l’emphase.
L’orage passé, l’image des chorales hivernales qui firent place à celles de jets de skyr sur la façade grise de la Maison de l’Althing rassurèrent les tenants de l’ordre mondial par médias internationaux interposés. À se fier au bruit médiatique qui entoure aujourd’hui son actualité, à part celui fait autour de l’entêtement d’un peuple qui par deux fois allait refuser, par référendum, d’accepter de payer pour les dettes d’une de ses banques nouvellement nationalisées, l’Islande semble même être rentrée, Candide repentant, docilement, non seulement en son « jardin » mais aussi dans le « meilleur des mondes possible ».
« Révolution des casseroles » ? L’association du terme « révolution » à celui de « casseroles » ou plus généralement d’« ustensiles de cuisine » pourrait même, après coup, être considérée, même sur fond rouge, comme relevant plutôt du bon mot dans la comparaison immédiate que fait l’esprit entre le terme « révolution » et l’ardeur du plus traditionnel couple d’outils, voire d’un certain dénigrement à fondations sexistes. Après son petit coup d’éponge, Fjallkonan, la Marianne islandaise, serait retournée à sa juste place, dans ses foyers et pour le mieux.
Alors ? Beaucoup de bruit pour rien ou avis pour la tempête à l’approche ? Toute révolution, même à « casseroles », est confrontée à un mouvement contraire. Dans les mains du peuple, un fracas fit se ravaler la morgue de l’oligarchie islandaise. Un silence calculé pourrait bien lui permettre de préparer son retour par une fenêtre entrouverte de l’Althing. Le bâillement national et international qui a accompagné, au début du mois de septembre 2011, le second acte de l’affaire Geir Haarde, ex-premier ministre islandais poursuivi devant une cour de justice extraordinaire, pénitent doucereux mais tout sourire, hors champ, malgré le bruit des multiples « casseroles » qui tintinnabulent dans son sillage, semble témoigner du caractère imperturbable de l’arrogance des Néo-Vikings qui conduisirent l’Islande à sa ruine. Elle est à l’image de celle des représentants internationaux du néo-libéralisme qui, une fois le grain passé et leur conversion à un interventionnisme décomplexé en matière économique devenus superflus, sont revenus à leur rengaine habituelle : « There Is No Alternative ». Par abréviation, leur R.A.S. : T.I.N.A.
Autre contre-tendance, interne celle-ci à la gauche parlementaire islandaise, l’effort fait par le gouvernement actuel sous l’impulsion de sa composante sociale-démocrate, malgré une opposition largement majoritaire de sa population, pour finaliser le processus d’intégration de l’Islande à l’Union européenne et lui redonner rang, sagement, parmi les bons élèves de l’OCDE¹.
Ceci étant dit, les Elfes semblent avoir d’ores et déjà joué, à leur manière, un tour pendable au capitalisme international dans ces parages septentrionaux. Selon les croyances populaires islandaises, les Elfes résident dans toutes sortes de terrains vagues, álagablettir et, en particulier dans les champs de lave. Or, sous la fine pellicule comme refroidie de la « Révolution des casseroles », l’observateur attentif devine une bien étrange société dont il ne saurait s’étonner que la structure et les tendances vivantes fassent si peu l’objet de louanges ni de publicité de la part des thuriféraires patentés du néo-libéralisme, social ou pas.
Dans la frénésie financière qui a saisi l’oligarchie islandaise, celle-ci, en effet, semble avoir comme négligé de garantir ses arrières et laissé en friche c’est-à-dire intact, un large pan de son économie sociale. Alors que la plupart des pays capitalistes « avancés » sont entrés dans la ronde de la contre-révolution mondiale néo-libérale avec un programme de démantèlement systématique des acquis du système d’économie mixte issus du compromis dit « keynésien » d’après guerre, programme qu’ils ont largement appliqué et qu’ils continuent d’appliquer, l’Islande, après la nationalisation de ses principales banques et la reprise en main des pivots de son secteur financier, semble sortir de sa crise avec un régime d’économie mixte à dominante sociale quelque peu anachronique du point de vue de cette contre-révolution mondiale. Mieux, car jusqu’à présent, c’est en tournant explicitement le dos aux recettes néo-libérales des institutions du capitalisme international qu’elle s’est relevée de ses cendres. Un contre-exemple, du point de vue de ces dernières, dont la Verte Eirin, sa quasi homonyme, renvoie le reflet inversé à la surface des eaux de l’océan Atlantique.
Mais, plus encore, c’est sur le terrain proprement civique que l’Islande détonne. À l’heure où l’idée de gouvernance mondiale et celle de dominions d’un nouveau genre plutôt que de nations entend s’imposer, l’Islande, sous la pression de sa société civile et dans une dialectique serrée entre celle-ci et sa représentation politique et juridique, n’a cessé d’emprunter la voie de la mobilisation citoyenne depuis sa bruyante sortie. Parmi ses réalisations, l’engagement d’un processus de révision de sa constitution faisant de la souveraineté et de la démocratie avancée et participative ses maîtres