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Tant que le jour se lève: Roman
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Livre électronique243 pages3 heures

Tant que le jour se lève: Roman

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À propos de ce livre électronique

Un docteur qui veut créer une prison-hôpital a-t-il toujours les meilleures intentions du monde ?

Le docteur Forman a créé une prison-hôpital dans laquelle sont accueillis de dangereux criminels. Sa mission est de les guérir de leur mal grâce à une thérapie intensive. L’un d’eux, Samuel Phillips, nie avec constance avoir tué ces femmes portant toutes au moment du crime un enfant dans leurs bras. Il clame l’impossibilité de tels meurtres tant il se sent fragile et sensible à la vue du sang. En croisant le regard d’une jeune femme, il s’éprend d’elle, cela ne fait qu’accroître sa certitude de n’avoir pu commettre de tels crimes.
Les intentions du Docteur Forman sont-elles si bienveillantes ? Samuel peut-il avoir commis ces meurtres ? Coupables et innocents se rencontrent, se jugent, s’épient. Et si le mal n’était pas où l'on croit ? Et si l’amour pouvait sauver des vies ? Un adolescent fasciné par la mort, une jeune femme éprise d’un psychopathe, des parents aveuglés par la peine, un homme prêt à tout pour sauver son enfant, une galerie de personnages, l’amour, la mort, la part d’humanité en chacun de nous, et cela tant que le jour se lève.

Plongez-vous dans un roman poignant et bouleversant qui vous fera découvrir que l'être humain est capable du pire, mais aussi du meilleur.

EXTRAIT

Il y a cinq ans de cela, lors d’une réunion avec le président de la République, son Premier ministre et le garde des Sceaux, le docteur Forman a défendu l’idée d’ouvrir un centre psychiatrique afin de soigner quelques détenus arrêtés pour de graves violences.
Depuis de nombreuses années, il avait tenté par tous les moyens d’être directeur de prison, en vain. Puis un jour alors qu’il errait avec sa vieille Austin, il découvre un château à vendre. Pratiquement en ruine, la bâtisse avait gardé tout son charme. Le jardin de plusieurs hectares était à rafraîchir tout comme les murs, les pièces du bâtiment ainsi que le portail en fer forgé.
Une visite est organisée avec le propriétaire pressé de s’en débarrasser, même à bas prix. Forman prend rapidement sa décision. Aidé de son fils pour les plans de sécurité extérieure et intérieure, il met tout en œuvre pour convaincre les membres de l’État de l’aider à réaliser « son » projet. Il attend plus d’un an, avant de recevoir une réponse positive. N’y croyant plus, la bonne nouvelle lui est transmise par téléphone.

A PROPOS DE L'AUTEUR

Née en 1978 à Cagnes sur Mer, Laetitia Duchet se passionne pour l’écriture dès l’âge de 8 ans.Elle écrit sa première nouvelle à 14 ans. Depuis elle n’a cessé de puiser dans son vécu hors du commun pour façonner ses personnages. Aujourd’hui mère de 4 enfants, elle est factrice dans un petit village des Alpes-Maritimes
LangueFrançais
Date de sortie19 oct. 2018
ISBN9782378774103
Tant que le jour se lève: Roman

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    Aperçu du livre

    Tant que le jour se lève - Laetitia Duchet

    1

    Comme chaque matin, le Dr Forman sort de sa poche une grosse clé rouillée qui ouvre un immense portail permettant d’entrer dans cet hôpital peu ordinaire, pratiquement en ruine depuis une trentaine d’années. Forman réussit grâce à une importante aide financière de l’État à faire de ce vieux château une forteresse pour détenus. Une sorte d’Alcatraz perdue au beau milieu de nulle part.

    Le premier village est à une centaine de kilomètres alentour. L’aspect primitif de ce portail laisse penser que l’endroit est désert et facile d’accès. Il n’en est rien. Après un bon mètre, tout un système de sécurité se déclenche pour quiconque essaie de pénétrer sans autorisation. Le Dr Forman est le seul à pouvoir accéder à la porte d’entrée. Dans la serrure, de petits capteurs à infrarouge émettent des signaux au contact de la clé. En un millième de seconde, ils décryptent une sorte de carte d’identité autorisant ou non le passage. Si un objet inconnu tente d’ouvrir le portail, huit caméras pointées sur la grande porte en fer forgé dirigent de nombreux petits canons qui surgissent du sol en direction de leurs futures victimes. Espacés de moins d’un mètre, ils sont prêts à tirer au moindre mouvement inhabituel. Dans les bois, trente-six alarmes infrarouges invisibles à l’œil nu perçoivent la plus petite agitation suspecte. Par un simple battement d'ailes, un oiseau peut déclencher l'un des systèmes de sécurité. S’ouvre alors automatiquement un enclos qui retient toute une meute de Rottweilers prêts à tout pour gagner leur morceau de viande. Tous ces moyens sont mis en place pour éviter l’intrusion mais aussi l’évasion d’un détenu.

    Ici se trouvent les hommes les plus dangereux, les plus sanguinaires que la France a comptés, ceux dont les médias évitent de parler pour ne pas effrayer la population.

    Assise aux côtés du psychiatre, directeur de la prison, son adjointe balaye du regard le sol le long de l’allée qui conduit au château. Forman a beau la rassurer chaque matin à l’approche de la grille, elle craint une défaillance du système qui les tuerait à coup de canon comme deux malfrats en pleine évasion. Un genre de Bonnie and Clyde du vingt et unième siècle, pense-t-elle. Ses doigts crispés sur les plis de sa jupe, Mlle Cassie retient sa respiration, les yeux en permanence rivés sur les abords du chemin. Amusé comme à l’accoutumée, son patron la rassure :

    — Voyons Mlle Cassie, vous savez bien qu’avec moi vous ne risquez rien.

    — On ne sait jamais avec les nouvelles technologies !

    — Je vous le répète sans arrêt, mes pneus nous permettent de traverser l'allée sans problème, ils empêchent le système de sécurité de se déclencher. Nous ne nous ferons pas tirer dessus...

    — Je sais, vous me l’avez déjà expliqué. Vous devez suivre un tracé sur ce chemin, c’est là que sont postés des mini-capteurs capables de reconnaître les moindres détails de vos roues. Vous voyez, j’ai compris.

    — Exactement, ces pneus ont été spécialement conçus pour moi. Des « F » sont façonnés sur la chambre à air. Seuls les petits capteurs dont je vous ai parlé peuvent les  identifier grâce à un rayon qui traverse le bandage en caoutchouc. Alors vous voyez, vous ne risquez vraiment rien. Seuls vous et moi connaissons ce petit secret.

    — Vous oubliez votre fabricant, ajoute la jeune femme.

    — Justement, ce fabricant comme vous dites n’est autre que mon fils. C’est un grand ingénieur en électronique et informatique. Il invente des tas de gadgets pratiques pour notre quotidien, comme des moyens de sécuriser notre travail. Il a même usé de son génie pour l’armée.

    — L’armée ? Qu’a-t-il bien pu inventer pour eux ? Des grenades à reconnaissance vocale ou linguistique ? Si un homme parle une autre langue quand il s’approche, elle explose.

    Plutôt intéressé le vieux Dr Forman s’exclame :

    — Quelle bonne idée ! Je lui en parlerai tout à l’heure au téléphone.

    Sidérée, Mlle Cassie reste ébahie face à cette élucubration. Le regardant avec de grands yeux, les sourcils levés, elle demande :

    — Vous plaisantez ?

    — Pas du tout ! Si vous me trouvez d’autres idées du même acabit, je suis preneur.

    La jeune femme ne sait comment encaisser le coup. Ironique, elle lui bafouille une toute dernière idée. La voiture va enfin pouvoir se reposer sur sa seule et unique grande place de parking. Le rêve de tout handicapé circulant en ville.

    — En tout cas si votre fils arrive à créer ce truc, je veux ma part.

    Du coin de l’œil, elle observe son patron avec un immense sourire aux lèvres. Il sourit à son tour. Toujours côte à côte, ils pénètrent dans la bâtisse. Derrière cette porte en bois magnifiquement travaillée, un agent de sécurité ne quitte pas des yeux la trentaine de petits écrans noirs et blancs qui ornent le mur en face de lui. Autour de lui, des vitres lui permettent d’observer toute activité dans le secteur. L’homme n’a pas besoin de se retourner pour savoir qui est présent dans l’entrée. De multiples caméras ont filmé leur approche depuis le parking. Avant que le Dr Forman ait pu saluer son employé, celui-ci annonce tout haut dans un micro grésillant :

    — Rien à signaler Dr Forman. Bonjour, Mlle Cassie !

    — Bonjour Georges...

    - Georges, comme d’habitude ! ordonne le médecin.

    — Bien, patron !

    Georges, les yeux toujours rivés sur ses écrans, appuie de mémoire sur l’un des boutons rouges à sa droite. Deux secondes plus tard, l’entrée se verrouille grâce à une porte blindée dont la descente raisonne dans tout le château. Tous les résidents savent à présent que le Dr Forman et son assistante sont arrivés. De nombreux néons s’allument clignotant plusieurs fois avant de libérer une lumière intense et continue. Accrochées aux murs, des armoiries anciennes sont alignées les unes aux autres de façon anarchique. Que ce soit à droite ou à gauche du long escalier desservant deux étages, des armures de chevaliers se dressent toutes les trois marches. Leurs mains sont crispées sur une longue épée bien aiguisée.

    Il est impossible de deviner que des individus sont incarcérés entre ces murs.

    Couchés comme sur des lits inconfortables, plusieurs visages endormis ouvrent leurs yeux, saisis par le bruit de la porte blindée qui se ferme. Une fois le silence revenu, les hommes referment leurs paupières. Les mains calées derrière la tête, ils attendent que les heures s’écoulent. Avec la chaleur qui sévit dans la région depuis plusieurs semaines, réduire les mouvements est le meilleur moyen de ne pas transpirer davantage. Comme le veut le règlement, les prisonniers n’ont autorisation de prendre qu’une seule douche par semaine en hiver et deux en été. La viande est rationnée ainsi que les légumes et crudités. En revanche pâtes, semoule, riz et toutes sortes de féculents sont servis à volonté. Chaque matin il suffit de passer commande de ce que l’on désire manger pour les deux repas servis dans la journée. Le docteur Forman a l’habitude de répéter encore et encore à celui qui tente de se plaindre :

    — Ici ce n’est pas le club Med, mais une prison pour criminels endurcis. Vous êtes ici pour être soigné de vos désirs meurtriers, de vos fantasmes sexuels, finit-il par conclure à chaque fois.

    Ces informations sont bien ancrées dans leur mémoire. L’envie de se rebeller de temps à autre serait le seul passe-temps un peu intéressant entre ces quatre murs vieillis par l’usure des saisons. Leurs pensées sont connues d’eux seuls. Depuis le temps qu’ils sont cloîtrés dans ce château, ils ruminent certaines idées morbides qu'ils mettraient probablement à exécution s'ils avaient la possibilité de sortir.

    Ils ne sont que douze prisonniers, ce qui laisse le temps au docteur de les écouter longuement durant leurs entretiens. Rares sont ceux qui se dévoilent, racontent, expliquent pourquoi ils ont agi de la sorte. Un seul depuis le premier jour de son arrestation, clame son innocence. Il dit qu’il n’a rien fait, qu’il ne se souvient pas d’avoir tué, qu’il ne comprend pas comment il a pu commettre toutes ces horreurs, lui qui a toujours détesté la violence.

    2

    Il y a cinq ans de cela, lors d’une réunion avec le président de la République, son Premier ministre et le garde des Sceaux, le docteur Forman a défendu l’idée d’ouvrir un centre psychiatrique afin de soigner quelques détenus arrêtés pour de graves violences.

    Depuis de nombreuses années, il avait tenté par tous les moyens d’être directeur de prison, en vain. Puis un jour alors qu’il errait avec sa vieille Austin, il découvre un château à vendre. Pratiquement en ruine, la bâtisse avait gardé tout son charme. Le jardin de plusieurs hectares était à rafraîchir tout comme les murs, les pièces du bâtiment ainsi que le portail en fer forgé.

    Une visite est organisée avec le propriétaire pressé de s’en débarrasser, même à bas prix. Forman prend rapidement sa décision. Aidé de son fils pour les plans de sécurité extérieure et intérieure, il met tout en œuvre pour convaincre les membres de l’État de l’aider à réaliser « son » projet. Il attend plus d’un an, avant de recevoir une réponse positive. N’y croyant plus, la bonne nouvelle lui est transmise par téléphone.

    Il a veillé, en y consacrant une grande énergie, au bon fonctionnement des opérations. C’est lui qui a tout décidé, tout organisé, même le choix de son assistante et de celui qui allait être posté à la sécurité de son château. Tout est allé très vite dès lors que le feu vert a été donné.

    Après un suivi très sérieux de tous les dossiers des détenus notoires du pays, il a fini par en choisir douze. Des violeurs, des pédophiles, des tueurs en série. Tous vivent désormais ensemble au château sans jamais se croiser. Aucune sortie ni aucune promenade ne sont permises, hormis pour se rendre aux entretiens avec le directeur de la prison et son assistante. Le rôle de Mlle Cassie est davantage celui d’une secrétaire que d’une assistante comme cela le lui avait été stipulé dans l’annonce. Ses opinions ne sont pas toujours prises en compte par le Dr Forman. Il l’écoute, il consent à dire « c’est à réfléchir, en effet ». La jeune femme est persuadée qu’un jour son patron ne pourra refuser ses remarques car elles sont justes, impossible à contredire. Il faudra s’y résoudre, accepter et se faire à ses idées à elle. En attendant que cela arrive, la jeune secrétaire-assistante suit les pas de son patron, prend note de tous ses entretiens avec les détenus. Elle doit garder trace écrite de tout ce qui est dit. Un support visuel ne pourrait être utile lors d’un procès. Ce genre de technologie n’a aucune valeur juridique. Elle peut juste a contrario servir de témoin.

    Aujourd’hui, le docteur Forman doit auditionner le tout premier détenu arrivé dans ce lieu. Jeune, athlétique, de grande taille. Beau garçon aux yeux de Audrey Cassie – même s’il est et restera à jamais un criminel – Samuel Philips attend dans le bureau. Les mains liées dans le dos, le jeune homme observe comme par habitude la pièce qu’il connaît par cœur. Sur la table en bois épais sans aucun tiroir sont disposées en une pile impeccablement rangée des pages blanches. Pas de stylo, pas de crayon, seule Mlle Cassie en possède. Quand elle entrera dans la pièce, elle ira directement s’asseoir sur l’immense fauteuil molletonné installé à l’arrière gauche du directeur. Elle notera en sténo chaque mot échangé dans cette petite pièce mal éclairée et encore fraîche d’une nuit orageuse.

    Sur les murs sont alignés six tableaux. Trois de chaque côté, où de magnifiques paysages sont peints avec une finesse incroyable. Alors qu’il a les yeux fermés, Samuel se demande si ce ne sont pas des photographies. Curieux, il ouvre à nouveau les yeux et observe attentivement. Il tente de déceler une quelconque anomalie, une supercherie qui prouverait qu’un jour un peintre ou un fou devant son chevalet s’est mis à prendre des clichés en rafale pivotant sur lui-même plutôt que d’utiliser sa peinture. Ou alors l’artiste a simplement tourner six fois sur lui-même et ainsi esquisser sur ses toiles le lieu où il se trouve. Le secret restera à jamais bien gardé.

    Soudain la porte s’ouvre libérant l’esprit du criminel encombré d’interrogations qui n’aboutiront nulle part. Le docteur Forman, fort de son imposante corpulence, entre, tout en s’essuyant le front d’une transpiration qui perle en toute saison. Âgé de quarante-cinq ans, son médecin l’a mis en garde et lui a répété maintes et maintes fois de faire un régime avant qu’une crise cardiaque ne l’assaille. Maintenant assis, il annonce fièrement son mouchoir calé dans le creux de sa main comme une seconde peau :

    — Bien ! Mr Philips, je ne vous cache pas mon envie d’apprendre que vous êtes guéri de vos pulsions criminelles. Il ne tient qu’à vous de me le prouver durant notre entretien. Vous le pouvoir que ce soit le dernier, ajoute Forman.

    Tout en notant les paroles de son patron, Mlle Cassie a beaucoup de mal à croire que ce jour puisse arriver. Un homme, qui prend plaisir à tuer femmes et enfants ne peut faire disparaître ses démons aussi rapidement. Il ne le peut sans doute jamais, pense-t-elle. Elle est persuadée que le discours bien ciselé du Dr Forman n’est en aucun cas sincère. Sans relever la tête, elle écoute attentivement la conversation qui suit :

    — Écoutez Docteur, pour la centième fois, je ne me souviens pas d’avoir tué ces trois mères de famille ainsi que leurs enfants. Je ne conçois pas que cela ait pu arriver.

    — Pourtant la police vous a retrouvé couché dans une ruelle non loin des lieux du crime un pistolet à la main. Le sang de toutes les victimes a eu le temps de sécher… les analyses ADN le prouvent… vos empruntes se trouvaient sur le manche de l’arme en question… il n’y avait que vos empruntes. Alors, comment croire que vous soyez innocent ?

    — Je sais tout ça ! Écoutez, toute cette histoire n’est qu’une horrible erreur judiciaire.

    Audrey Cassie, qui d’ordinaire à pour ordre de ne pas adresser un seul mot durant les entretiens, ne peut s’empêcher de déclarer à haute voix, un large sourire moqueur aux lèvres :

    — Ils disent tous ça !

    — Mlle Cassie ! S’il vous plaît ! rétorque sévèrement le Dr Forman pointant son doigt sur sa bouche. Humiliée, la jeune femme laisse tomber son regard sur ses notes. La bouche serrée, elle attend que l’entretien reprenne, afin de continuer son travail de simple secrétaire. Son diplôme de psychiatre en poche, elle avait à l’époque accepté ce travail afin de côtoyer un grand médecin et d’enchérir ses connaissances. Croyant qu’elle le seconderait dans ses exercices, elle a été vite remise en place en se retrouvant au poste de dactylo, réceptionniste, tout ce qu’elle a toujours détesté faire. Elle avait poussé un peu plus loin ses études justement pour ne pas finir sous les ordres d’un patron tortionnaire. Voilà qu’aujourd’hui c’est exactement ce qu’elle est en train de faire. Ses rêves de grandeur, de puissance, de liberté de pensée et d’action sont réduits à un simple stylo laissant pour emprunte des symboles sur des feuilles blanches, qui finiront comme toutes les autres, archivées dans un classeur cartonné sur une étagère de son placard.

    — Donc, reprit Forman, vous restez sur vos positions ? Vous êtes persuadé que tout ce qui vous accuse n’est que mensonge ? Qu’il s’agit d’une erreur judiciaire ?

    Oui ! confirme Philips.

    — Dans ce cas, je ne peux vous aider. Vous allez retourner dans votre cellule jusqu’au prochain rendez-vous.

    Audrey ne parvient pas à comprendre pourquoi le Dr Forman persiste à ne pas aller plus loin dans les entretiens avec ce détenu. Pourquoi n’essaie-t-il pas de faire un travail de recherche approfondi afin que Samuel puisse se souvenir de ce qu’il a fait ? L’hypothèse qu’il fasse une sorte de déni de son crime correspond au fait qu’il ne se souvienne vraiment de rien. Pourtant le Dr Forman en choisissant d'ouvrir ce centre avait pour ambition de guérir tous les maux, de chasser les démons qui prennent possession de certains corps. Il lui suffit de les trouver pour pouvoir les détruire, pense-t-il. Comme aucun commentaire ne lui est autorisé, la jeune femme reste assise sur son fauteuil, muette, observant le départ de Samuel Philips vers sa cellule. Suivi de très près par Forman, le jeune homme disparaît dans l’embrasure de la porte. Mlle Cassie coordonne avec minutie les nombreuses feuilles que constitue le dossier de Philips tout en gardant un œil vers la sortie. Le prochain détenu ne devrait pas tarder.

    La lourde porte ornée de fer forgé s’ouvre à l’arrivée de Samuel. Tout ici est automatisé. Aucun agent de sécurité n’accompagne les prisonniers à leur cellule. Une fois le règlement établi, tous suivent les consignes du Dr Forman à la lettre. Jusqu’ici aucun n’a essayé de s’évader, de faire autrement. Il existe tant de caméras filmant chaque recoin de couloir qu’il est impossible de ne pas se faire repérer. Au moindre écart, de petits capteurs rouges donnent l’alerte à l’agent posté à l’entrée, qui d’une pression sur un petit bouton déclenche un flot de systèmes de sécurité. Un pas de plus et la tentative d’évasion peut se terminer par des tirs à balles réelles. Après un calcul rapide de la morphologie du fugitif, les nombreuses armes à feu visent sans aucune erreur de trajectoire le cœur du pauvre homme qui finira sa course, couché à terre, une main appuyée contre sa poitrine. Tout se passera si vite qu’il n’aura pas le temps de crier, de souffrir. Devant ses écrans, l’agent sera fier du résultat. Une prime lui sera même offerte pour sa réactivité.

    Assis sur un matelas usé, aux ressorts cassés, Samuel tente une fois encore de comprendre pourquoi du jour au lendemain sa vie a basculé. Il est devenu tueur en série. Toutes les femmes qu’il aurait croisées sont mortes tenant fermement leur bébé dans les bras, après qu’une balle les ait traversées de part en part. Lui qui n’a jamais supporté la vue du sang, comment aurait-il pu sourire une fois l’acte effectué avec succès ? Aucune preuve n’a pu être contestée. Le meilleur des avocats, Maître Léone, savait d’avance que même avec une défense en béton, c’était peine perdue. Mais il

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