Une nuit à Los Angeles: Recueil de nouvelles
Par Yvan Landis
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À propos de ce livre électronique
Au siècle dernier, le monde semblait vaste, pour quelques mois, quelques années encore. D’une nuit à Los Angeles aux peurs de fin du monde, des personnages hauts en couleurs se croisent. Preuves que le monde d’avant le web était prêt à toutes les folies. Vingt nouvelles pour voyager à travers des vies inconnues.
Découvrez sans plus attendre ce recueil de vingt nouvelles et évadez-vous vers d'autres expériences, d'autres mondes et d'autres vies.
EXTRAIT DE Un dimanche à Saint-Ouen
Dimanche ? Et alors !? J'ai rien trouvé de mieux que de traîner aux puces. La foule est horrible, vagissante, beuglante presque. Je craquais à chaque pas. Sur le coup, j'ai pris les rues parallèles moins encombrées. J'ai horreur de la foule, de cette image visqueuse de la vie de troupeaux, pas rassurante du tout cette vie-là. Je ne veux plus suivre même par nécessité. J'ai passé mon dimanche à me dire que je vivais avec un sacré bout de femme. J'ai lutté des mois contre elle et surtout contre moi, à me dire que ce n'était pas encore la bonne, non pas celle-là, c'est l'enfer et le paradis en la même personne. Allez crétin, c'est toi que tu ne supportes pas et tu supportes encore moins de recevoir quelques bons coups de pied au cul. Merde ! C'est quand même avec ça que j'avance. Je fais un virage à 180° vers l'enfance, c'est bien ce type de femme barbare que je souhaitais, chieuse et tout le reste. Je n'ai pas à laisser tomber mes vieilles habitudes. Avec elle, il faut simplement que j'avance, bien ou mal, on s'en fout. Ça aussi, j'ai mis du temps à l'admettre.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dès son enfance, Yvan Landis a commencé à rêver et à écrire des histoires en images. Scénariste et réalisateur, il a mis son expérience au service des jeunes conteurs tout au long de son parcours. Il a animé pendant dix années des ateliers d’écriture de scénario et propose aux professionnels du cinéma la réécriture de leurs scénarios (script-doctoring). Entre deux scénarii, Yvan Landis écrit des nouvelles et des romans.
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Avis sur Une nuit à Los Angeles
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Aperçu du livre
Une nuit à Los Angeles - Yvan Landis
Un dimanche à Saint Ouen
Dimanche ? Et alors !? J'ai rien trouvé de mieux que de traîner aux puces. La foule est horrible, vagissante, beuglante presque. Je craquais à chaque pas. Sur le coup, j'ai pris les rues parallèles moins encombrées. J'ai horreur de la foule, de cette image visqueuse de la vie de troupeaux, pas rassurante du tout cette vie-là. Je ne veux plus suivre même par nécessité. J'ai passé mon dimanche à me dire que je vivais avec un sacré bout de femme. J'ai lutté des mois contre elle et surtout contre moi, à me dire que ce n'était pas encore la bonne, non pas celle-là, c'est l'enfer et le paradis en la même personne. Allez crétin, c'est toi que tu ne supportes pas et tu supportes encore moins de recevoir quelques bons coups de pied au cul. Merde ! C'est quand même avec ça que j'avance. Je fais un virage à 180° vers l'enfance, c'est bien ce type de femme barbare que je souhaitais, chieuse et tout le reste. Je n'ai pas à laisser tomber mes vieilles habitudes. Avec elle, il faut simplement que j'avance, bien ou mal, on s'en fout. Ça aussi, j'ai mis du temps à l'admettre.
J'ai fini par arriver chez mon bouquiniste, léger, serein. Il m'a lancé son « bonjour » de fausse vieille connaissance. Ça m'a rappelé les longues heures que je passais avec Cyril dans le rayon poésie. On se prenait pour des Baudelaire et Rimbaud en herbe. Jamais pour des Verlaine. Tiens non, il fallait pas passer pour des pédés ! Cyril était Marseillais. Ce qui me faisait bien chier, c'étaient ses poèmes, tirés à quatre épingles comme du Lamartine. J'imaginais qu'il pompait dans des bouquins que je n'avais jamais lus. J'étais vraiment pas fier avec mes alexandrins bottés de plomb. Mais non, le veinard avait un putain de talent. Il a laissé tomber pour fuir Paris et rentrer dans sa province ; écouter l'appel des parents qui donnaient l'alarme pour qu'il arrête ses études. Je crois surtout qu'ils avaient peur des cours Florent aux longues dents. Comme le dit ma belle, je parle encore trop. Moulin à parole.
Ah, le bouquiniste, il nous en faisait baver. On était fauché, alors on essayait de négocier les prix, même pour un livre à dix francs. Les sales gosses chiants, qui se donnent des airs de crève-la-faim. Voilà ce que son regard semblait nous dire. Alors, j'ai fait ce dimanche, une bonne action en pensant à mes revues que je lui avais larguées pour une bouchée de pain. J'étais dans le besoin à cette époque. J'ai tenté de négocier un Miller (Henry bien sûr) qui me faisait de l’œil. Mais, dès qu'ils font du fric, ils ne veulent plus rien lâcher. J'ai pris le second Miller sous le bras pour me servir, « mon Discount », comme au bon vieux temps. Saligaud ! Je me prenais pour un poète, voilà que je me prends pour un Miller (Henry, encore...). Tant pis, quand je le lis, il me déculpabilise de tout même de chaparder gentiment de temps en temps, du genre un œuf. Je vous laisse le bœuf et toutes les autres conneries moralistes que j'ai pu ingurgiter dans mon enfance. J'en ai encore une indigestion. En fait, je crois bien que c'est la banane que je viens d'avaler.
Je me suis mis à lire dans le métro. La foule était toujours collante. J'ai repensé à ma belle compagne pour respirer. Elle fait tellement déesse à côté des autres. Heureusement, on ne peut pas me taxer de raciste occidental qui veut préserver sa femme blanche. Elle fait déesse orientale, et croyez-moi, il y a du diamant dans l'air. J'ai vu les affiches du Quick, j'ai eu envie de goûter. Ils vendent bien leur merde tout de même. J'ai cédé pour du Ben & Jerry et sûrement deux kilos de plus. Ils osent même plaquer le portrait des consommateurs sur leurs murs : Des vaches en train de brouter. Mouton ou vache, je ne voulais pas suivre de troupeau. Les légumes de mon amour me manquent. Il y avait encore du soleil, une lumière caressante. Alors j'ai laissé tomber la crasse des métros pour grimper chez ma belle ; une aventurière au fond, qui lutte contre tous les dimanches en famille et les semaines au bureau, une femme qui refuse enfin de beugler. Mais, oui mais, elle gueule plus que les autres, et je dois aimer ça, même le dimanche.
Une seconde de beauté
Arrêtez tout et regardez le ciel ! Voilà ce que j'avais envie de hurler en sortant ce matin. Le dernier dimanche ensoleillé d'automne à Paris. Debout, de bonne heure sans me demander quoi que ce soit, le meilleur moyen de ne rien ressentir au fond. J'ai appelé ma famille, celle bourgeoise, celle des fausses banlieues, à savoir celles de l'Ouest parisien. Bien sûr, je fais de l'abus journalistique, une sorte d'amalgame. Bref, je donne rendez-vous à la sœur de ma compagne pour qu'elle m'accompagne à une remise de cadeaux, ceux qu'on vous dit être gratuits sur les prospectus des boîtes aux lettres. Je tente le coup avec sa sœur puisqu'elle est de l'autre côté de la Manche. Son mari Coréen ne dit rien, fidèle donc à son habitude. Par contre elle se fait toujours des films, une sorte de caricature de femme bourgeoise. Sur le chemin, je vois une seconde de bonheur. Je n'y fais pas attention, vu que je suis aveugle comme beaucoup d'autres.
Dans le salon d'un Novotel, un représentant nous déballe toute sa porcelaine de Limoges. Il n'arrête pas de balancer les prix. Nous sommes les plus jeunes. J'ai envie de vomir dans la première assiette qu'il nous donne. Vomir sur les générations futures qui ont toutes des vieux parents à leur image, ceux qui croient que le meilleur placement c'est de foutre des milliers de francs dans des services de porcelaine. Pour l'héritage qu'ils disent. En plus, ils gobent ce que leur dit le charlatan d'en face ; une grossièreté du genre : vous pourrez faire graver vos initiales en lettres d'or pour que vos petits enfants puissent penser à vous en mangeant. Dire quand même que certains petits enfants le feront. Ah la belle éducation ! Ils peuvent le croire ce bonhomme en complet veston, cravate rayée, une sorte de Jacques Martin ambulant qui se donne de faux airs sympathiques et rassurants.
Je sors quand même avec une montre en toc immettable, un lapin en cristal, une assiette de porcelaine et deux verres « faits main », très chers, paraît-il. Je cours quand même cacher toute cette saloperie à la maison. Qui sait ? La valeur des choses, je n’en sais trop rien, puisque je pense toujours à la valeur des sentiments. Conneries ! Pourtant, je m'étais réveillé l'esprit vide.
Vite, direction Versailles rive droite. Six ans, j'ai emprunté cette ligne sans me rendre compte à quel point elle est bourgeoise et aveugle. Qu'est-ce que j'ai contre les bourgeois ? Rien de spécial, à part le fait qu'il y a trop longtemps qu'on leur a pas botté le cul. Qui « on » ? Les encore jeunes comme moi et qui en ont marre qu'on se foute de leur gueule. Discours naïf et galvaudé ? Tactique de bourgeois conformiste, le même qui a peur des jeunes arabes dans le métro. Dire « Zarabes » pour éviter de les assimiler. Mieux encore, choisir le mot insertion, ça plaît, c'est correct, politiquement, mot pas trop sale, puisqu'on peut plus dire bougnoule. Insérer ? Insérer qui dans quoi ? Ils sont là, sur la même terre que vous, ils vivent avec vous. Ils sont insérés, de force peut-être, mais insérés. Dites plutôt : Nous ne voulons pas les accepter, nous ne voulons pas d'eux chez nous.
Un grand-père flanqué de trois petits-enfants ne cesse de leur faire la leçon pendant tout le trajet. Je vois bien le genre d'éducation. S'ils travaillent bien, ils dirigeront le pays en étant à côté de la vie des gens, à côté de la plaque, une vraie bande de connards loin des réalités ; le perpétuel mouvement.
Je crois bien que je vais laisser ma famille de côté. Je