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Amérique Latine: Laboratoire pour un socialisme du XXIe siècle
Amérique Latine: Laboratoire pour un socialisme du XXIe siècle
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Livre électronique178 pages3 heures

Amérique Latine: Laboratoire pour un socialisme du XXIe siècle

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À propos de ce livre électronique

L'auteur livre une analyse in situ et richement documentée des pratiques du socialisme en Amérique du Sud.

Serait-on aujourd’hui en train de construire en Amérique Latine cet autre monde possible ? Partant dʼune analyse critique et sans concession des expériences socialistes du passé, Marta Harnecker, chercheuse et militante active dans plusieurs pays de ce continent, décrypte les expériences actuelles et les tentatives innovantes pour faire de la politique d’une autre façon : celle qui devrait être au cœur du « socialisme du XXIe siècle ». En Bolivie, au Vénézuela, au Brésil ou en Équateur, des exemples illustrent comment on passe de la culture du « citoyen qui mendie » à celle du « citoyen qui réalise, contrôle, autogère » et se rend maître de son propre destin.
Mouvements populaires des paysans, des indigènes ou des classes moyennes qui se battent contre la privatisation de l’eau, pour la nationalisation du gaz, contre le bureaucratisme, lʼexcès de centralisation... des faits passionnants qui nous informent et nous donnent de lʼespoir. L’auteur ne cache pas les difficultés importantes rencontrées, internes comme externes, notamment en raison de la présence du « Grand Voisin » qui ne veut pas abandonner son arrière cour historique et ses bases militaires.

Un ouvrage indispensable pour comprendre de l’intérieur les bouleversements qui s’opèrent actuellement en Amérique Latine.

EXTRAIT

Il y a vingt ans, les forces de gauche vivaient des moments très difficiles en Amérique latine comme dans le reste du monde. Après la chute du mur de Berlin, l’Union soviétique tombait dans l’abîme pour disparaître à la fi n de 1991. En février 1990, faute d’une arrière-garde bien nécessaire, la révolution sandiniste était désavouée dans les urnes et les guérillas d’Amérique centrale étaient contraintes à la démobilisation. Le seul pays qui continuait à brandir le drapeau de la révolution était Cuba, malgré les augures qui annonçaient que sa fin était proche. Dans de telles conditions, il était difficile d’imaginer que vingt ans plus tard la
plus grande partie de nos pays serait gouvernées par des dirigeants de gauche.

À PROPOS DE L'AUTEUR

D’origine chilienne, Marta Harnecker est une figure emblématique des mouvements d’émancipation et de transformation sociale d’Amérique latine. Disciple d’Althusser lors de son séjour en France, elle fut après son retour au Chili et jusqu’au coup d’Etat militaire contre Salvador Allende la directrice du journal indépendant de l’Unité populaire Chile Hoy. Chercheuse, journaliste et sociologue, Marta Harnecker est une grande spécialiste des mouvements révolutionnaires latino-américains. Actuellement conseillère politique du gouvernement du Venezuela, elle a publié plus de soixante livres, dont « Les concepts de base du matérialisme historique », qui fut longtemps un bestseller en Amérique latine.
LangueFrançais
ÉditeurUtopia
Date de sortie20 févr. 2018
ISBN9782919160969
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    Aperçu du livre

    Amérique Latine - Marta Harnecker

    § 333-420.

    PREMIÈRE PARTIE

    L’AMÉRIQUE LATINE

    1.

    Une pionnière dans le rejet du néolibéralisme

    L’Amérique latine a été le premier théâtre où ont été mises en place les politiques néolibérales. Le Chili, mon pays, a servi de cobaye, avant même que le gouvernement du Premier ministre Margaret Thatcher ne les mît en œuvre au Royaume Uni. Mais cette partie du monde a aussi été la première à rejeter ces politiques qui n’ont servi qu’à y accroître la pauvreté, à y renforcer les inégalités sociales, à y détruire l’environnement, à y affaiblir les mouvements ouvriers et les mouvements populaires en général.

    Après l’effondrement du socialisme en Europe de l’Est et en URSS, c’est dans notre sous-continent que les forces progressistes et de gauche ont commencé à renaître. C’est là, après plus de deux décennies de souffrance, que naît un nouvel espoir. Dans un premier temps sont venues des luttes de résistance contre les politiques néolibérales, mais après quelques années ce fut une offensive et la conquête des lieux de pouvoir.

    Le triomphe des candidats de coalition des politiques de gauche et de centre gauche

    Pour la première fois dans l’histoire de l’Amérique latine – et dans un contexte de crise du modèle néolibéral – des militants de gauche et de centre gauche, portant des étendards antilibéraux, obtiennent le triomphe de leurs candidats dans la plupart des pays de la région.

    Rappelons-nous qu’à l’époque des élections présidentielles de 1998 (remportées par Hugo Chávez), le Vénézuela (si l’on excepte bien entendu l’honorable cas de Cuba) était sur tout le continent une île déserte au milieu d’un océan de néo-libéralisme. Mais très vite, Ricardo Lagos triomphe au Chili (2000), Luiz Inácio Lula da Silva au Brésil (2002), Néstor Kirchner en Argentine (2003), Tabaré Vázquez en Uruguay et Evo Morales en Bolivie (2005), Michelle Bachelet au Chili, Rafael Correa en Équateur et Daniel Ortega au Nicaragua (2006), Cristina Fernández en Argentine et Álvaro Colom au Guatemala (2007), Fernando Lugo au Paraguay (2008). En 2009, enfin, Mauricio Funes est élu au Salvador et Rafael Correa réélu en Équateur, José Mujica gagne au deuxième tour en Uruguay et Evo Morales est réélu à une large majorité en Bolivie.

    Nous sommes d’accord avec Roberto Regalado, qu’il s’agit des dirigeants très hétérogènes. « Dans certains pays, comme le Vénézuela, la Bolivie et l’Équateur, l’effondrement ou l’affaiblissement des institutions néolibérales, ont conduit au gouvernement des dirigeants qui ont capitalisé le mécontentement des citoyens, malgré le manque au départ, de partis de gauche solides. Dans d’autres pays, comme le Brésil et l’Uruguay, c’est l’expérience organisationnelle et politique de la gauche qui a conduit ses candidats à la présidence. En outre, il existe des situations comme celle de l’Argentine et du Honduras, où l’absence de candidats à la présidence représentant des secteurs populaires a permis l’émergence des figures progressistes des partis traditionnels¹. »

    Mouvements populaires : les principaux protagonistes

    Ils émanent de la crise de légitimité du néolibéralisme

    Même dans les pays où le rôle des partis politiques de gauche a été important, nous pouvons dire que ces partis n’ont pas été à l’avant-garde de la lutte contre le néolibéralisme ; ce sont au contraire les mouvements populaires qui l’ont menée. Ces mouvements naissent de la crise de légitimité du modèle néolibéral, de ses institutions politiques, et émergent des dynamiques locales de résistance au sein de leur communauté ou de leur espace local. Il s’agit de mouvements très pluralistes où cohabitent des composantes de la théologie de la libération, du nationalisme révolutionnaire, du marxisme, de l’indigénisme et de l’anarchisme.

    Les mouvements sociaux anciens et nouveaux

    À côté d’anciens mouvements, en particulier ruraux et indigènes, naissent de nouveaux mouvements sociaux comme ceux qui, en Bolivie, se battent contre la privatisation de l’eau (guerre de l’eau) et pour reprendre le contrôle du gaz (guerre du gaz) ; les piqueteros en Argentine, groupes des manifestants composés de petits commerçants, travailleurs, chômeurs, professionnels, retraités, etc. ; les paysans endettés mexicains, les étudiants chiliens du secondaire, plus connus sous le nom de « pingouins » à cause de leur pantalon foncé et de leur chemise blanche, les mouvements écologistes, les mouvements contre la mondialisation néolibérale. Les classes moyennes apparaissent aussi sur la scène politique : le personnel de santé au Salvador, les caceroleros (ceux qui tapent sur des casseroles lors des manifestations) en Argentine, entre autres.

    Le mouvement ouvrier traditionnel, très frappé par l’application de mesures économiques néolibérales telles que la flexibilité du travail et la sous-traitance, n’apparaît en première ligne sur la scène politique qu’à de rares exceptions.

    De la simple résistance à la mise en question du pouvoir

    Ces mouvements rejettent d’abord la politique et les politiciens mais, au fur et à mesure que le processus de lutte progresse, ils passent d’une simple attitude apolitique de résistance au néolibéralisme à une attitude de plus en plus politique de remise en cause du pouvoir établi et comprennent la nécessité de construire leurs propres outils politiques, comme cela a été le cas du MAS (Movimiento al Socialismo, « Mouvement vers le socialisme ») en Bolivie et du Pachakutik en Équateur.


    1. Présentation du livre América latina hoy, p. IX.

    2.

    Rapport des forces actuelles

    Depuis 1998 la carte de l’Amérique latine a radicalement changé. Un nouveau rapport de forces rend plus difficile pour les États-Unis la poursuite de leurs objectifs dans la région. Dans le même temps, les efforts de l’empire du Nord pour arrêter la percée de nos peuples s’intensifient. Nous soulignerons plusieurs éléments qui appuient nos affirmations.

    Faits qui marquent les avancées des forces progressistes

    Diminution de la marge de manœuvre du gouvernement américain

    Le gouvernement des États-Unis ne peut plus manœuvrer en toute liberté sur notre continent comme il le faisait auparavant. Il doit faire face à des gouvernements rebelles dont le programme propre est souvent en conflit avec celui de la Maison Blanche. Voici quelques faits à cet égard :

    Réunions sans la présence des États-Unis (2000-2009) : les dirigeants d’Amérique latine et des Caraïbes commencent à se réunir hors de la présence des États-Unis. Le premier sommet des présidents d’Amérique du Sud a eu lieu au Brésil en 2000 ; deux ans plus tard une nouvelle réunion s’est tenue en Équateur ; en 2004 le siège a été le Pérou. L’année suivante, c’est au Brésil que s’est tenu le premier sommet de la Communauté sud-américaine des nations dont le deuxième s’est tenu en 2006 en Bolivie : ce furent les bases de ce qui allait devenir l’Union des Nations Sud-américaines (Unasur), dont le nom a été adopté au sommet sur l’énergie tenu en 2007 au Vénézuela, et dont le traité fondateur a été approuvé l’année suivante (2008) à Brasilia en 2008.

    Accroissement des relations économiques avec la Chine (2004-2009)

    Les besoins croissants de la Chine en matières premières produites en abondance en Amérique latine ont amené ces deux régions à intensifier leurs rapports. La Chine est devenue un des principaux partenaires commerciaux de pays tels que le Pérou, le Chili et le Brésil et a commencé à établir des alliances stratégiques avec divers pays de la région, en particulier avec le Vénézuela.

    Selon une étude menée par Diego Sánchez Ancochea, professeur d’économie à l’Université d’Oxford, la Chine a signé au cours des années 2004 et 2005 une centaine d’accords et d’engagements publics avec plusieurs pays sud-américains, y compris un accord de libre-échange avec le Chili en novembre 2005. « Dans le cas du Brésil par exemple, les exportations vers la Chine ont augmenté de 382 millions de dollars en 1990 et de 6 milliards 830 millions en 2005. L’Argentine et le Chili ont connu des augmentations similaires passant respectivement de 241 et 34 millions de dollars en 1990 à 3 milliards 100 millions et 3 milliards 200 millions en 2004. La Chine est ainsi devenue un des principaux partenaires commerciaux, non seulement des pays du Mercosur, mais aussi d’autres pays sud-américains. Elle est le deuxième plus important partenaire commercial du Pérou, le troisième du Chili et du Brésil, et le quatrième de l’Argentine et l’Uruguay¹. »

    Ces dernières années, la présence chinoise sur notre continent s’est affirmée. Cela a été reconnu le 27 mai 2009 par la secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL), Alicia Bárcena, qui a fait valoir que les investissements de la Chine dans la région « avaient considérablement augmenté », surtout dans des secteurs spécifiques comme l’exploitation minière, le secteur pétrolier et l’industrie automobile, même si les montants demeurent faibles par rapport aux investissements des États-Unis². Prenons seulement deux exemples.

    Le 19 mai 2009, la Chine et le Brésil finalisent treize accords de coopération énergétique, faisant ainsi du pays asiatique le « premier partenaire commercial du Brésil ». Quelques jours plus tôt, Lula avait souligné que les deux pays devraient opérer leurs échanges dans leurs monnaies respectives et non pas en dollars.

    Les relations commerciales et de coopération économique entre la Chine et le Vénézuela ont été renforcées pendant les derniers mois de 2009. Des accords de coopération ont été signés dans le domaine agricole, industriel et énergétique. Aussi les deux pays ont-ils décidé d’augmenter le capital du Fond de développement Chine-Vénézuela en multipliant par deux le chiffre initialement prévu pour atteindre 12 milliards de dollars. Il s’agit du montant le plus important accordé par la Chine à un seul pays depuis 1949.

    Sánchez Ancochea signale que cela a créé de nouvelles ressources et de nouvelles possibilités pour le Brésil, l’Argentine, le Vénézuela et d’autres pays d’Amérique latine, non sans présenter toutefois des risques et des menaces importantes : ainsi, la forte hausse du déficit commercial avec la Chine, le renforcement de la « traditionnelle insertion latino-américaine, en particulier des pays andins et du « Cône Sud³ », dans l’économie mondiale » et un coup dur pour les secteurs qui nécessitent une main-d’œuvre abondante, comme le secteur textile, où est remise en cause la survie d’un grand nombre de petites et moyennes entreprises délocalisées en Chine pour y trouver une (relative) productivité relevée et de (réels) bas salaires⁴.

    Rejet de l’ALCA et création de l’ALBA (14 décembre 2004) : le gouvernement des États-Unis n’a pas été en mesure de concrétiser son projet de création d’une zone de libre-échange sur tout le continent américain, l’ALCA (Área de Libre Comercio de las Américas, « Zone de libre-échange des Amériques »). Cependant, le 14 décembre 2004, un accord entre le Vénézuela et Cuba fait naître une alternative à ce traité, l’ALBA (Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América – Tratado de Comercio de los Pueblos, « Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique – Traité de commerce des peuples⁵ »). Plusieurs autres pays de la région vont rejoindre progressivement l’ALBA : en 2006 la Bolivie, en 2007 le Nicaragua, en 2008 le Honduras et La Dominique, en 2009 Antigua-et-Barbuda, Saint-Vincent et les Grenadines et l’Équateur.

    Face à cette situation, la Maison Blanche a choisi de conclure des accords bilatéraux avec certains pays de la région, comme le Chili, l’Uruguay, le Pérou, la Colombie, et un groupe de pays d’Amérique centrale⁶. L’Équateur décide de démanteler la base militaire américaine de Manta (1er novembre 2008) : le 1er novembre 2008, le président de l’Équateur, Rafael Correa, a annoncé qu’il ne renouvellerait pas le contrat qui autorisait le Comando Sur (United States Southern Command, « Commandement américain pour la zone sud ») à avoir une base militaire dans la ville équatorienne de Manta. Ce contrat, signé en 1999, a pris fin en novembre 2009, ce qui a été un coup dur pour le Pentagone puisqu’il s’agissait du plus important centre d’opérations américaines dans la région.

    Plusieurs faits ont motivé cette décision, mais l’événement déclencheur a été, sans aucun

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