Détrompez-vous!: Les étranges indignations de Stéphane Hessel décryptées
Par Jean Szlamowicz
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À propos de ce livre électronique
Les indignations sélectives de la nouvelle icône médiatique qu’est devenu Stéphane Hessel se sont répandues sans contrôle ni vérification.
En véritable saint du militantisme à la mode, il profère ses anathèmes, et pour ses adeptes, chacune de ses imprécations se transforme en une vérité révélée. L’indignation impérative devient alors un commandement pour tous.
Contrevérités, exagérations, emphase larmoyante... En usant jusqu’à la corde la dimension compassionnelle des droits de l’homme, Stéphane Hessel se livre à un florilège d’assertions démesurées sans fondement dans la réalité. Ce vieil homme indigné ne fait pourtant que ressasser les perles scandaleuses de la stratégie jihadiste.
Jean Szlamowicz décrypte les procédés de son imposture argumentative, ciblant chaque manœuvre rhétorique en la soumettant à l’épreuve des faits.
Est-il encore temps pour la raison de rétablir la vérité face aux ravages médiatiques d’un prêche dont la virulence fourbit les armes d’une indignation dangereuse ?
Grâce à son œil aiguisé, l'auteur décrypte les messages militants de l'ardent défenseur des droits de l'homme
EXTRAIT
Le langage est dans un rapport avec la réalité qui n’a rien de simple. Il n’en est jamais le décalque : la pluralité des langues et la synonymie montrent bien qu’un objet ou une idée peuvent recevoir plusieurs noms. Le langage ne fait pas référence au réel à la manière d’un étiquetage, car les mots (les « signifiants ») ne sont pas dans un rapport de correspondance univoque avec un réel stable et prédécoupé. Nous ne faisons référence qu’au fil d’opérations grammaticales de catégorisation, de détermination, de modalisation. Si le réel préexiste au mot, la façon de l’appréhender, de le découper est le produit de l’activité de langage pratiquée par une communauté linguistique. La langue est un donné partagé avec tous les autres locuteurs ; les mots sont, par conséquent, porteurs de valeurs communes qui ne sont pas propres à chaque locuteur. Le langage possède donc toujours une dimension sociale et culturelle : la sémantique est d’emblée articulée à des représentations ancrées dans la langue. C’est ce qu’on appelle en général l’« hypothèse Sapir-Whorf ». Si cette hypothèse pose parfois de manière trop absolue que la perception du monde dépend du langage, elle repose sur l’idée que l’expérience humaine est « saturée de verbalisme ».
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
- "Un remarquable ouvrage."(Actualité Juive)
- "C’est avec les outils de la rhétorique, qu’il explore le texte de Stéphane Hessel." (Emmanuel Lemieux, Lesinfluences.fr)
- "Comment répondre aux élucubrations de l’Indigné sinon par la logique et le raisonnement, par la rigueur et le parler-vrai bien étayé. C’est la méthode qu’à choisie l’auteur, linguiste par ailleurs et spécialiste de l’analyse des discours." (Desinfos.com)
- "Ce linguiste, enseignant à la Sorbonne et spécialiste de l’analyse du discours, se fait fort de démontrer en quoi l’opuscule hesselien est "un collage d’approximations factuelles", un ouvrage "démagogue", "d’une grande platitude intellectuelle et d’un manichéisme radical"." (L’Express.fr)
A PROPOS DE L'AUTEUR
Jean Szlamowicz est linguiste et enseigne à Paris IV Sorbonne. Il est normalien, agrégé d’anglais et traducteur. Ses recherches portent sur l’intonation, la traductologie, la musique et l’analyse du discours.
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Avis sur Détrompez-vous!
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Aperçu du livre
Détrompez-vous! - Jean Szlamowicz
À mes parents.
À mes enfants, Lucille et Jérémie.
De tous les conformismes, le conformisme du non-conformisme est le plus répandu aujourd’hui.
Vladimir Jankélévitch, Quelque part dans l’inachevé (1978)
Introduction
Le récent succès de librairie de M. Hessel¹ peut paraître surprenant à divers égards. Il y a encore quelques mois, ce diplomate de carrière était inconnu du grand public. Aujourd’hui, il est devenu une icône révolutionnaire. Comment croire à ce personnage soudain paré de toutes les vertus ? Comment expliquer son irruption spontanée sur les plateaux de télévision ?
Il faut croire que la société française a besoin d’indignation. Faute d’être réellement indignée par les événements du monde – comme les massacres du Darfour, le sort des femmes sous la férule islamique, la montée en puissance nucléaire de l’Iran, l’état de misère et de corruption endémique de l’Afrique –, elle a besoin de pouvoir souscrire à une posture rebelle pour pouvoir bénéficier d’une image de soi noble et vertueuse. Cette vertu par procuration a soif de belles phrases et de modèles historiques : la Résistance, l’engagement, de grands intellectuels sartriens, des manifs, une alliance de courage physique et intellectuel… Cela fait rêver. En achetant à un prix modique une trentaine de pages et en signant une pétition vous pouvez accéder à ce statut de résistant virtuel, vous dire compagnon d’armes d’un grand penseur, vous considérer comme un combattant de la liberté. Avouez qu’il serait sot de s’en priver. Rénovant radicalement l’art d’être grand-père, vous pourrez même raconter vos manifestations à vos petits-enfants et, à force d’exaltation, vous fabriquer une image de militant ayant risqué la mort dans les geôles fascistes de l’État français (pensez juste à omettre de raconter que vous défiliez aux côtés de gens qui criaient « Mort aux Juifs », mais de toute façon vous n’avez rien vu et vous croyez que le keffieh est juste une écharpe à la mode).
Ce haut fonctionnaire, qui a vécu à l’abri de la « carrière » sous la IVe et la Ve République dont il a inusablement servi les gouvernements successifs, se découvre anticapitaliste au soir de sa vie. Cette prose militante appelant au boycott anti-israélien aux allures de prêche pour la Résistance universelle ne se contente-t-elle pas de reprendre la plupart des clichés bien-pensants de notre époque ? Ses faits de gloire, en annexant le Conseil National de la Résistance et en s’appropriant tout progressisme social, ont été montés en épingle pour servir des causes parfaitement contemporaines. Ce personnage hyperbolique a été récupéré sur le tard et mis au service idéologique et militant de divers groupements islamistes et d’extrême-gauche dont le mouvement BDS (« Boycott Désinvestissement Sanctions ») est l’une des manifestations. Il est ainsi utilisé afin de rendre présentable une cause des plus douteuses : l’affaiblissement d’Israël par sa diabolisation. Le retournement de l’opinion publique est une stratégie politique qui trouve sa source dans les théories révolutionnaires d’Antonio Gramsci, qui voyait dans le renversement de l’hégémonie culturelle un moyen d’action politique. Il encourageait ainsi le combat culturel, l’entrisme et la propagande comme tactiques permettant de modifier les consciences. En la matière, la subversion du consensus concernant Israël est aujourd’hui facilitée par la complaisance de l’appareil d’État : la relation spéciale entre la France et Israël a cessé en 1967 et la politique étrangère de la France s’est tournée vers les États arabes comme partenaires privilégiés.
À cet égard, le texte de Stéphane Hessel est en symbiose avec un mouvement plus large et il est vital de démonter les mécanismes de la machine rhétorique qui sert ainsi de paravent pour atteindre l’opinion publique. Car son opuscule est un collage d’approximations factuelles, de parti pris et d’allégations dont les fondements sont uniquement idéologiques.
Son discours anti-israélien, férocement partisan sous des dehors d’équilibre attristé, est doublement suspect. Non seulement il ne dit pas la vérité historique et factuelle du conflit mais, quand bien même il dirait vrai, pourquoi son indignation s’exerce-t-elle uniquement sur ce pays et nullement sur les dictatures islamiques, la Chine, l’Iran, ou les massacres d’opposants régulièrement perpétrés par le Fatah et le Hamas ? De fait, un ouvrage aussi démagogue qui, avec des notions d’économie et d’histoire schématiques, se choisit pour unique cible les capitalistes et les Juifs a tout pour parler aux instincts les plus primaires de la grogne populiste. Même enrobée dans une grandiloquence qui célèbre la Résistance, cela reste un ouvrage d’une grande platitude intellectuelle et d’un manichéisme radical.²
Linguistique et politique
Un tel texte demande une analyse qui ne peut être que simultanément linguistique et politique. Le phénomène qu’il constitue est de nature discursive et comme tout discours, il prend place dans la société. Mais il s’insère dans l’espace public par le moyen d’un texte : une analyse strictement politique passerait à côté de son fonctionnement argumentatif et des mécanismes langagiers qui suscitent l’adhésion. Inversement, une analyse qui ne serait que linguistique et considérerait par exemple qu’il n’y a pas à connaître la réalité du Hamas ou de Gaza pour procéder à son déchiffrement, ne pourrait pas aborder la question de la véracité du texte.
Notre position ne peut qu’être « engagée » : à partir du moment où un texte engage lui-même de manière vitale la question de la véracité et qu’il manipule la réalité d’une manière trompeuse, l’analyse ne peut pas ne pas… s’en indigner. À quoi servirait une science du langage si elle devait, par une curieuse pudeur, se mettre en retrait de son objet même et refuser d’aborder ce qui dans le langage est justement crucial pour la société – à savoir le politique, les valeurs ? La philosophie médite sur l’axiologie, ou études des valeurs, mais cela n’est pas moins l’objet du linguiste. Comment pourrait-on à la fois mettre en jeu son savoir linguistique et se refuser à juger de l’objectivité et de la sincérité d’un texte ? Si le fonctionnement axiologique d’un texte est cela même que l’on se donne pour mission de mettre au jour, comment dans le même temps pourrait-on soi-même ne pas avoir de point de vue axiologique ? La nature du langage est d’être porteur de valeurs : comment le linguiste pourrait-il en être exempt ? Par quelle illusion pourrait-il se situer en dehors de tout système de valeurs ? Cela ne signifie pas pour autant un relativisme total où s’opposeraient de manière égale deux subjectivités. Le linguiste se doit en effet d’adopter un discours de nature démonstrative : sa position n’est pas militante, elle est critique.
La linguiste Roselyne Koren a abordé cette question en constatant que cette prise de position « ne va pas de soi pour le linguiste contemporain : la plupart préfèrent se taire
et exhiber une posture de chercheur scientifiquement
correct ». Elle déplore ainsi que le chercheur se refuse « le droit de recourir au savoir acquis sur le langage et les mises en mots argumentatives dans le cadre de l’interprétation et de l’évaluation (…) de textes où sévissent des thèses inadmissibles
: négation de l’existence de la Shoah et des camps d’extermination, incitation à la violence terroriste, diabolisation et/ou diffamation d’un État », etc. Elle imagine malgré cela « une réinterprétation de la mission du chercheur » et que le linguiste, par sa connaissance des procédés rhétoriques, du rôle de la subjectivité dans le langage et des fonctionnements argumentatifs puisse s’autoriser à produire des jugements appréciatifs face aux textes. Elle revendique ainsi « le droit à l’évaluation éthique de l’énoncé ou du texte analysés ».³
Notre position est donc celle d’une linguistique éthique, non pas dans le sens vertueux qui sert à valoriser certains produits dans les linéaires de supermarchés, mais au sens où l’analyse est articulée à la question de l’usage des mots et du discours du point de vue des valeurs. Cette approche a nécessairement une portée sociétale car elle s’intéresse à des formations discursives et des représentations qui concernent tous les locuteurs d’une langue. L’ambition de notre ouvrage sera donc double : rectifier les contrevérités inscrites dans le discours de Stéphane Hessel et analyser les moyens de ce que nous sommes amenés à qualifier de propagande. Comme dans toute analyse de discours, cela