Êtes-vous un tigre, un chat ou un dinosaure ?: 100 questions sur comment la compétitivité influence votre vie
Par Stéphane Garelli
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À propos de ce livre électronique
Une vision humaniste de l’économie
Compétitivité ! Ce mot est devenu l'un des plus courants de la langue française. Chaque jour un dirigeant politique, un chef d’entreprise ou un journaliste l’emploie. Mais de quoi s’agit-il ? En quoi la compétitivité influence-t-elle la vie de chacun d’entre nous ?
Ce livre identifie 100 questions qui décrivent simplement, chacune en deux pages, la compétitivité des pays, des entreprises et des personnes. Et les réponses nous ramènent à notre vie de tous les jours. En quoi sommes-nous concernés ? Et que pouvons- nous faire ?
Des réflexions claires et pertinentes touchant tant à la sphère publique que privée
EXTRAIT
« En fin de compte, cher collègue, votre domaine (la compétitivité internationale) est assez facile… » Entre professeurs, on s’aime bien… Et pourtant mon cher collègue n’avait pas totalement tort. À vrai dire, c’est toute l’économie qui est relativement facile à comprendre. Mais si c’est le cas, pourquoi avons-nous autant de difficulté à gérer les crises économiques et à assurer la gestion saine d’un État ? Comment se fait-il alors que, comme le disait George Bernard Shaw, « si on mettait bout à bout tous les économistes du monde, on n’arriverait pas à une conclusion » ?
CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE
« L’ouvrage se lit à toute vitesse et nous fait pénétrer dans les réflexions tout à la fois limpides et pertinentes de son auteur. Ce dernier donne un relief original aux réponses à des questions comme « l’économie est-elle amorale ? », « faites-vous partie de la classe moyenne ? », « êtes-vous indispensable ? » ou « écrire à la main a-t-il un avenir ? ». S’il n’y a pas de recettes pour réussir dans le livre, le lecteur découvrira d’excellents éclairages, des citations percutantes et des prises de position chères à l’auteur, tenues tout au long de sa carrière. » - Stéphane Benoit-Godet, Le Temps
A PROPOS DE L’AUTEUR
Stéphane Garelli est professeur à l’IMD et à l’Université de Lausanne. Il est considéré comme une autorité mondiale en matière de compétitivité, ayant été un des pionniers de ce nouveau domaine de l’économie. Il a notamment créé le Centre pour la compétitivité mondiale de l’IMD. Anciennement directeur du World Economic Forum et des réunions annuelles de Davos, Stéphane Garelli a aussi été le président de la Sandoz FF Holding Bancaire et Financière et a travaillé avec la direction de plusieurs grandes entreprises internationales. Il est actuellement président du journal Le Temps. Il a aussi été membre de l’Assemblée constituante du canton de Vaud.
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Aperçu du livre
Êtes-vous un tigre, un chat ou un dinosaure ? - Stéphane Garelli
2015
L’ÉCONOMIE
LA COMPÉTITIVITÉ : EST-CE SI DIFFICILE ?
« En fin de compte, cher collègue, votre domaine (la compétitivité internationale) est assez facile… » Entre professeurs, on s’aime bien… Et pourtant mon cher collègue n’avait pas totalement tort. À vrai dire, c’est toute l’économie qui est relativement facile à comprendre. Mais si c’est le cas, pourquoi avons-nous autant de difficulté à gérer les crises économiques et à assurer la gestion saine d’un État ? Comment se fait-il alors que, comme le disait George Bernard Shaw, « si on mettait bout à bout tous les économistes du monde, on n’arriverait pas à une conclusion » ?
Les concepts économiques sont effectivement faciles à comprendre. Il ne faut pas avoir fait de longues et savantes études pour comprendre que l’inflation est le renchérissement des prix, que le PIB est le revenu annuel d’une nation ou qu’un déficit de la balance commerciale veut dire que l’on achète plus à l’étranger qu’on ne vend. En fait, ce ne sont pas les concepts qui posent problème en économie mais leurs relations. Pour le comprendre, il faut jouer au billard…
Faites l’expérience mentale suivante : imaginez un billard américain. C’est une table rectangulaire, recouverte d’un tapis vert, assortie de six trous. On y joue avec une bille blanche et quinze autres billes colorées. Le premier coup consiste à viser avec la blanche les quinze autres billes assemblées en triangle. Jusque-là tout va bien – c’est facile à expliquer. Maintenant imaginez le premier impact, le parcours de chaque bille et sa position finale après sa course. C’est impossible. L’interaction entre les billes – des objets simples – est tellement compliquée que votre cerveau chauffera.
Il en est exactement de même pour l’économie. La relation entre les éléments « simples » qui la composent – inflation, dette, budget, balance commerciale, chômage, etc. – devient incroyablement complexe quand ces éléments interagissent. Et ce n’est que le premier coup de la partie. Essayez d’imaginer l’enchaînement des autres cas de figure lors d’une partie ; cela dépasse l’entendement. Mais il y a mieux…
Supposons qu’une personne douée d’une intelligence exceptionnelle arrive précisément à modéliser une partie. On va donc lui demander de rejouer cette partie – juste pour voir… Seulement, au premier coup, il restera une infime particule de craie bleue sur la queue de billard et cela suffira à changer l’impact du premier coup et donc de la partie tout entière. C’est le fameux « effet papillon » d’Edward Lorenz : une variation infime peut avoir des conséquences considérables et imprévues sur tout un système. C’est en fait la théorie du chaos, qui souligne l’hypersensibilité d’un système aux conditions initiales avec pour conséquence de le rendre instable et imprévisible.
C’est peut-être ce qui explique notre incapacité à prévoir les crises économiques et aussi la difficulté d’apprendre de l’une à l’autre. Ben Bernanke, l’ancien président de la banque centrale américaine (Fed), était un spécialiste de la crise de 1929. Bien sûr cela lui a servi – mais jusqu’à un certain point : la plupart des mesures qu’il a prises étaient inédites parce que les conditions initiales en 2008 n’étaient pas celles de 1929.
Edward Lorenz, lui, était météorologue. Et il existe un parallèle entre sa science et l’économie. Les deux fonctionnent sur la base de lois qui décrivent assez bien des évènements immédiats mais qui ont des difficultés profondes à anticiper le long terme. Un cyclone est tout aussi imprévisible qu’une récession. Par contre, une fois qu’ils sont arrivés, on peut facilement analyser comment ils fonctionnent.
Le vrai défi de l’économie, comme de la météorologie, n’est donc pas uniquement d’analyser mais surtout de prévoir – et ça, c’est vraiment difficile…
ÊTES-VOUS AUSSI COMPÉTITIF QU’USAIN BOLT ?
Tout le monde aujourd’hui ne parle que de compétitivité mondiale. Il y a vingt ans, le terme n’existait pratiquement pas. Aujourd’hui, en tapant « compétitivité » sur le moteur de recherche Google, on obtient, selon les jours, en moyenne, plus de 2,5 millions de réponses. En anglais, c’est mieux : 9,5 millions ! Pourtant, ce terme assez nouveau renferme une multitude d’idées différentes que chacun utilise à sa façon. Qu’est-ce vraiment ? Usain Bolt va nous aider.
Il est sans aucun doute un des plus grands coureurs du 100 m de tous les temps – un véritable exemple de compétitivité ! Mais pourquoi est-il si bon ? Certains diront parce qu’il court vite – ce n’est pas entièrement faux. Cependant, comme disent les scientifiques, c’est une condition essentielle mais non suffisante.
Il y a probablement des centaines de jeunes gens qui devaient courir aussi vite qu’Usain Bolt, en Jamaïque ou ailleurs. Usain Bolt a pourtant eu la chance d’être découvert puis de pouvoir avoir accès à un ensemble de ressources et de compétences : un stade pour s’entraîner, un bon coach, des chaussures d’avant-garde, un excellent régime, un masseur hors pair, et peut-être même un docteur pour l’aider à améliorer son mental. Bref, c’est parce qu’il a pu et su gérer – mieux que d’autres – une totalité de ressources et de compétences qu’il est devenu le meilleur.
Il en est de même pour un État. Comme un athlète, un pays doit aussi gérer un ensemble de ressources (naturelles, énergétiques, alimentaires, d’infrastructure, etc.) et de compétences (administration, éducation, recherche scientifique, finance ou technologie). En fin de compte, un État, comme une personne, est en concurrence avec le reste du monde pour avoir accès et maîtriser des ressources et des compétences parfois rares.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Je me rappelle mes cours à l’université où nous apprenions avec fébrilité tout sur les taux d’intérêt, les balances des paiements, le commerce international, l’équilibre de l’offre et de la demande et la théorie des monopoles. Mais une fois que l’on est entré dans la vie active, tout cela retombe comme un soufflé. Car de quoi s’occupe-t-on ? De technologie, d’infrastructure, de relations sociales, de systèmes de valeurs, de motivation, d’efficacité de l’administration, de gouvernance d’entreprise, de gestion de l’État, etc. Bref, c’est un autre monde.
La théorie de la compétitivité intègre désormais toutes ces dimensions – des technologies d’avant-garde aux systèmes de valeurs – dans un cadre de pensée économique que certains appellent « holistique », c’est-à-dire qui considère les phénomènes comme constituant un tout.
La compétitivité est donc devenue « globale » non seulement au sens géographique du terme mais aussi parce qu’elle interagit avec presque toutes les autres sciences. Que ce soit Usain Bolt, Singapour ou Google, ils ont tous en commun d’être au point de convergence d’un grand nombre de ressources et de compétences.
En économie, comme dans la vie, ce ne sont pas ceux qui savent « tout faire tout seuls » qui réussissent. Au contraire, ce sont ceux qui savent gérer un « tout » mieux que les autres. C’est d’abord cela, la compétitivité…
À QUOI SERT LE SUCCÈS ÉCONOMIQUE ?
À accroître la prospérité d’une nation… Mais en fait qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que la population attend de l’économie ? La croissance, diront certains : c’est exact mais insuffisant. Chercher la croissance uniquement, c’est comme dire qu’on aime aller vite en voiture. Tôt ou tard, quelqu’un va vous demander : pour aller où ?
Aurelio Peccei était un Italien attachant, volubile, rondouillard et particulièrement brillant. En 1968, il crée le Club de Rome et en 1972 il publie Les limites de la croissance. C’est un des premiers livres modernes qui posent la question du pourquoi de la croissance. Grands débats bien sûr… mais, manque de chance, en 1973 commence une récession dramatique et ceux qui questionnaient la croissance furent les premiers à redemander son retour !
En fait la croissance économique est indispensable pour atteindre un objectif plus élevé : la prospérité. Comment la définir ? Pour simplifier, la prospérité, c’est la croissance économique plus « quelque chose d’autre ». Ce quelque chose dépend à la fois du stade de développement économique d’un pays et de son système de valeurs.
Par exemple, au Bangladesh, la prospérité, c’est la croissance économique plus un toit pour se mettre à l’abri, au Burkina Faso, c’est la croissance plus de la nourriture, en Russie, c’est la croissance plus la sécurité, en Chine, c’est la croissance plus consommer, et ainsi de suite. Dans les économies avancées, on pourrait définir le sentiment de prospérité comme la croissance plus la qualité de la vie et le développement durable.
De manière plus triviale, on peut illustrer la prospérité comme la recette pour faire une salade. On prend les meilleurs ingrédients possibles, laitue, tomates, carottes, etc. Dans le cas d’un État, ces ingrédients sont l’infrastructure, l’éducation, l’administration ou la technologie. Mais cela ne suffit pas pour faire une salade. Il faut rajouter la sauce. Vous avez sans doute remarqué que toutes les sauces à salade ont des noms de pays : italienne, française, russe, etc.
Pour gérer leur prospérité, les pays font de même. Ils sont en concurrence pour obtenir les meilleures ressources physiques et intellectuelles : c’est ce que l’on appelle la compétitivité. Mais ils se différencient aussi par la sauce qui va lier le tout, c’est-à-dire sur le système de valeurs qui détermine et rassemble les aspirations profondes de la population. Il y a donc une recette de compétitivité différente pour chaque pays, même si les ingrédients de base sont les mêmes.
Finalement, du point de vue étymologique, le mot prospérité contient la racine latine « sperare » (espérer). La prospérité est aussi ce qui répond aux espérances des gens. Pour gérer ces aspirations, il faut des moyens économiques, comme la compétitivité, mais aussi des objectifs de société qui motivent et donnent un sens à l’effort de toute une nation. C’est le rôle des politiques.
Autrement, et comme le soulignait Pline l’Ancien, « il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas vers quel port il va ».
EXISTAIT-IL UNE ÉCONOMIE AVANT L’ÉCONOMIE ?
Bien sûr ! Pourtant, on fait remonter – un peu arbitrairement – la naissance de l’économie en tant que « science » à 1776 avec la publication du livre d’Adam Smith sur la richesse des nations. Evidemment, l’économie existait avant. Mais elle n’était pas étudiée et comptabilisée comme un tout. Des « historiens-économistes » comme Fernand Braudel ou Angus Maddison ont essayé de combler cette lacune.
Il en ressort que l’apparition de l’agriculture a créé le besoin de calculer et de comptabiliser. Les mathématiques et la géométrie en Égypte permettaient de réattribuer les sols après les crues du Nil. L’apparition de l’écriture en Mésopotamie permettait de comptabiliser les offrandes aux temples et les transactions commerciales. Avec l’agriculture, la responsabilité économique de la communauté (représentée par le souverain puis par l’État) se concentrait essentiellement sur trois choses : l’attribution des terres, la gestion des stocks et la protection des routes commerciales. L’activité principale d’enrichissement demeurait bien sûr la guerre et ses butins.
Si les triomphes des Césars à Rome montraient surtout les richesses matérielles prises à l’ennemi, d’autres étaient plus « intellectuelles ». À Alexandrie, sous les Ptolémées, la fameuse bibliothèque confisquait les parchemins précieux des voyageurs, en faisait une copie, gardait l’original et rendait la copie… Même Tamerlan, au milieu de ses massacres, préservait les meilleurs artisans pour construire sa capitale, Samarkand. Le savoir-faire prenait de la valeur. Mais la richesse d’une nation n’était pas vraiment comptabilisée. C’est à Angus Maddison, et à ses successeurs, que l’on doit les premières estimations de l’évolution du PIB depuis l’an 1 de notre ère !
À cette époque, toute l’Europe avait pratiquement le même niveau de richesse, avec un PIB par habitant oscillant entre 600 et 800 dollars. En 1300, c’est l’Italie du Nord qui devint le pays le plus riche avec un PIB par habitant dépassant les 1600 dollars. En 1600, la première place fut occupée par les Pays-Bas, dont le PIB dépassait déjà les 2650 dollars par habitant. En 1820, ce fut au tour de la Grande-Bretagne de devenir le leader des pays riches grâce à sa révolution industrielle. Pour tous, le commerce et l’industrie étaient le fondement de leur nouvelle richesse.
Certains n’en profitèrent pas autant qu’ils auraient dû. L’Espagne, malgré ses conquêtes en Amérique latine et ses richesses en or et en argent, ne vit son PIB par habitant augmenter que de 846 dollars par habitant en 1500 à 916 dollars en 1800. Sa richesse en métaux précieux ne s’était pas transformée en industrialisation.
Tout aussi intéressante est l’évolution de la Chine. Si on part du principe que la Chine avait le même niveau de PIB que l’Europe en l’an 1, soit environ 600 dollars par habitant, il faut alors attendre 1963 pour que la Chine dépasse à nouveau ce seuil : près de deux mille ans d’histoire sans accroître la richesse de la population… Probablement en Asie jadis, comme en Afrique aujourd’hui, la démographie incontrôlée a freiné l’enrichissement. Depuis, la Chine s’est bien rattrapée et aujourd’hui son PIB par habitant est supérieur à 6000 dollars.
Ainsi, au fil de l’histoire, les principes fondamentaux de la compétitivité étaient déjà à l’œuvre : commerce, industrie, transformation des matières premières en produits, savoir-faire… Mais on ne l’étudiait pas vraiment – cela allait venir.
DEPUIS QUAND RATIONALISE-T-ON LE TRAVAIL ?
Probablement depuis toujours… En tout cas, depuis l’apparition du langage, qui a permis la chasse en commun, puis celle des outils, qui a permis la spécialisation de la fabrication. Cependant, on admet que la rationalisation du travail a pris tout son essor avec la révolution industrielle en Grande-Bretagne au XIXe siècle et l’apparition des grandes usines et des grandes entreprises. Quant aux théoriciens, ce sont, toujours au XIXe siècle, le Français Henri Fayol et l’Américain Frederick Taylor. Henry Ford est, lui, resté célèbre pour ses usines hautement spécialisées dont l’organisation était inspirée des grands abattoirs de Detroit…
Pourtant, les hommes ont toujours voulu rationaliser le travail. Au XIIe siècle, le chantier naval de Venise était capable d’armer cent galions en sept semaines ! La standardisation de la production permettait d’avoir des pièces identiques fabriquées et stockées un peu partout dans les ports de la Méditerranée, ce qui permettait de réparer les vaisseaux rapidement et où qu’ils soient. En 1571, à la bataille de Lépante, qui a vu la défaite de l’armada turque, plus de la moitié des vaisseaux chrétiens avaient été fabriquées dans l’arsenal de Venise.
Une autre histoire de bateaux : pendant la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis ont dû acheminer rapidement du matériel militaire pour les opérations en Europe et dans le Pacifique. Pour cela, furent lancés les « liberty ships ». Il en fut construit 2571 entre 1941 et 1945. Le premier bateau s’appelait le SS Patrick Henry, mis à l’eau le 27 novembre 1941. Il fallut 225 jours pour l’assembler. Rapidement, la production des 250 000 pièces nécessaires a été rationalisée et spécialisée. Une année après, il ne fallait plus que 70 jours pour assembler un bateau. Le record fut détenu par le SS Robert Peary qui fut construit en 4 jours, 15 heures et 26 minutes ! Le slogan des ouvriers était : « Gloire à Dieu et passez à une autre section. »
Aujourd’hui, la rationalisation du travail se poursuit. Les grands penseurs du XXe siècle s’appellent Edwards William Deming ou Joseph Juran pour les processus de qualité, ou Alfred P. Sloan (un des plus célèbres présidents de General Motors) et Peter Drucker (le plus fameux des « gourous » du management) pour l’organisation du travail dans les entreprises. La sous-traitance du travail dans les pays à faible coût de main-d’œuvre – notamment en Chine et en Asie du Sud-Est – est une autre forme de rationalisation du travail. Mais quelle est la prochaine étape ?
Probablement, ce sera de réduire la partie « humaine » dans le travail. On compte aujourd’hui près de 1,5 millions de robots en opération dans les usines du monde entier. Google travaille sur une voiture sans chauffeur et les trains sans conducteur prolifèrent. Cette automation est la conséquence de l’innovation technologique mais aussi de l’augmentation des salaires dans les économies émergentes (20 à 25 % par an) : la sous-traitance devient moins compétitive.
L’autre grande révolution sera « l’Internet des choses », où les machines connectées sur Internet pourront communiquer entre elles et prendre des décisions. Par exemple, une imprimante pourra commander directement de l’encre sur Internet quand son stock sera vide. La rationalisation du travail est donc inéluctable et, même, probablement intimement liée à la nature humaine. Le travail ne disparaîtra pas, il changera : il sera moins répétitif, plus créatif, plus intelligent – en tout cas, on peut l’espérer…
L’ÉCONOMIE EST-ELLE AMORALE ?
Jusqu’au XVIIIe siècle, l’économie se résumait donc essentiellement à accroître les richesses en or, argent, blé ou textiles qui se trouvaient dans les coffres du seigneur du lieu, pharaon, empereur, roi ou prince. Le capital n’était rien d’autre qu’une accumulation de richesses qui s’entassaient pour le bien presque exclusif de celui au sommet. Pas terrible…
Avec Adam Smith, la société moderne prit conscience d’une double révolution : la préoccupation première d’un État devait être l’accroissement de la prospérité nationale, et non celle du seigneur, et le capital ne devait pas être une fin en soi mais un moyen pour développer la richesse nationale.
Quand Adam Smith écrivait son livre, la révolution industrielle britannique battait son plein. Elle combinait des innovations technologiques, comme la machine à