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Milton (1839)
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Livre électronique126 pages2 heures

Milton (1839)

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À propos de ce livre électronique

Les heures du soir descendaient, et les jaunes et rudes clartés d’une journée de juillet s’étaient amollies et fondues en un jour blanc, léger et soyeux, se nuançant lui-même avec plus de gravité, de moment en moment, de la pourpre veloutée et du céleste azur qui se mêlaient amoureusement aux horizons des campagnes d’Italie et au front des collines. Les travaux ont cessé ; on apprête la table du dernier repas ; on va réparer, joyeusement de longues sueurs par le repos et la nourriture.
LangueFrançais
Date de sortie13 déc. 2020
ISBN9791220234726
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    Aperçu du livre

    Milton (1839) - H. Riquier-Aldée

    Réservés

    A toi,

    H. R.-ALDÉE.

    PRÉFACE.

    Pourquoi ce livre ?

    Parce que j’ai vu l’immoralité du découragement.

    INVOCATION.

    J’ai écrit ce nom de Milton ! inspire-moi donc, ô poésie ! repose-toi, rayon divin, seule réalité de tant de rêves, sur ce grand nom qu’on doit aimer.

    Milton, avec une âme de jeune homme, respira tous les enchante-mens de la jeunesse.

    Milton, avec une âme de citoyen, vécut cette vie de la moderne humanité, où passent avec des déchiremens, écumeuses et bouillonnantes, les passions et les douleurs fécondes.

    Milton, avec son génie, monta au plus haut des cieux, et découvrit de nouvelles couronnes d’étoiles pour la poésie. Les séraphins le rencontrèrent, et il sentit battre leurs ailes sur sa poitrine. Il abaissa le ciel de Jéhova sur l’olympe et l’olympe ne parût plus. La harpe du prophète, suspendue devant un homme entre Dieu et Satan, fait de nouveau tressaillir les montagnes ; les ondes n’oseraient remuer ; et autour du trône du Créateur les saintes phalanges redisent les chants de la terre.

    Milton, c’est le voyage, c’est l’odyssée de l’âme à travers d’innombrables écueils ; jusques à ces zones où le souffle de Dieu est l’éternelle atmosphère et l’éternelle clarté ! — Inspire-moi donc, ô poésie !

    LIVRE PREMIER.

    Les heures du soir descendaient, et les jaunes et rudes clartés d’une journée de juillet s’étaient amollies et fondues en un jour blanc, léger et soyeux, se nuançant lui-même avec plus de gravité, de moment en moment, de la pourpre veloutée et du céleste azur qui se mêlaient amoureusement aux horizons des campagnes d’Italie et au front des collines. Les travaux ont cessé ; on apprête la table du dernier repas ; on va réparer, joyeusement de longues sueurs par le repos et la nourriture. L’aïeul qui, à cause de son âge, ne s’éloigne guère de l’ombre de son toit pastoral, se réjouit dans son cœur de rassembler à ses côtés toute sa famille : arbre antique qui ne voit plus son tronc vieilli sous les plis ondoyans des rameaux qui l’embrassent. L’enfant sourit dans son berceau, au retour de sa jeune mère auprès de lui. Les couvens s’ouvrent pour donner asile aux pèlerins fatigués. On entendait un appel de l’airain religieux ou la cornemuse du pâtre, solennelle et comme une voix ennidée dans l’amour, ou des chants de jeunes filles réunies aux sentiers qui les ramenaient en leur demeure. De jeunes laboureurs ne les quittent pas sans échanger avec elles des regards de tendres promesses. Le soleil disparaît ; mais la nuit retient son ombre ; rien ne se décolore, rien ne s’amoindrit ; tout est debout, tout se distingue encore ; regardez là-bas, c’est le lit du torrent ; plus loin le petit clocher ; de ce côté, les pierres d’un monument ruiné, Une humble croix, des arbres chéris. L’oiseau fait silence ; il nous laisse à nous-mêmes. Le tremblé frémit et fait onduler son haleine, qui est peut-être semblable au souffle craintif, à la voix inarticulée de la vierge conduite en la chambre nuptiale. Les fleurs se redressent avec une lente volupté. Ce qui s’agite n’annonce plus le travail, ce qu’on entend n’est plus que de la mélodie timide et mystérieuse. Le poète contemple, il s’émeut, il sent qu’il est grand et fort, il sent un Dieu qui le couvre du sacrement de l’inspiration. La nature à ses yeux est plus vive et plus éclairée que sous le soleil tout entier : la nature devient pour lui un temple magnifique, où, sous des arceaux d’or et de saphir, la lampe sacrée de son imagination resplendit en des figures célestes. Heureux moment, prolongez-vous ! recevez notre adieu plein d’amour ! c’est le jour qui s’en va en nous traduisant un regard de bonté de Dieu même.

    Et lui cependant, lui, le poète Milton demeurait insensible au charme et à la magnificence de cette fin du jour. Pâle et haletant, il marchait au hasard dans les Apennins¹.

    Milton était dans un de ces momens où, frémissant, indigné, on ne se retrouve plus, on se meurt à soi-même ; où le froid de l’agonie court et s’étend aux extrémités de l’espérance, et où l’on perd le sens des choses lointaines. Oh ! alors, pourquoi cette voix incessante à l’oreille de l’homme : Marche, marche ! C’est une voix de l’abîme qui appelle sa proie. L’univers et soi-même, dérision pour qui les pense ! La pensée roule dans le doute, comme pressée par deux chaos, l’infini et l’éternité. Rien pour se relever ; la terre manque au talon qui veut la frapper en partant pour le ciel. Ils viennent les mystères, ils viennent tous ; ils passent lentement dans une indestructible ronde autour de l’esprit. Océan des merveilles dont la rive est Dieu même, ô nature ! vous disparaissez sous l’œil qui délire et se calcine. Eaux bienfaisantes, eaux créatrices des gloires, vous tarissez sur de la bourbe et des cailloux tranchans. L’imagination n’existe plus que pour saisir le génie comme un esclave qui a failli et va subir sa peine ; elle le pousse en bas de ses hauteurs, le traîne dans la foule tout meurtri, et lui enfonce des doigts brûlans dans toutes ses vivantes plaies. Ce moment est suprême pour l’avenir des hommes comme Milton. Ce tourment et ce désespoir naissent quelquefois des forces même de l’âme ; on est perdu si on ne les jette pas hors de soi-même. C’est un glaive dont la pointe est sur la poitrine ; il faut le reprendre par la poignée.

    — Mais si durant le jour l’ouragan se fait notre ciel, n’oublions pas comment l’aube est revenue, et solennelle et d’une douce beauté, comme cette Marie du Titien qui monte à Dieu avec sa longue robe d’incarnat, dans les ondoiemens d’un air bleu et doré ; alors que l’oiseau se cache et se tait, n’oublions pas quel fut son premier chant du matin, sa première allégresse ; et de même, quand le guerrier pâlit et chancelle à cause du sang qui sort de sa blessure, n’oublions pas quelle était sa vive énergie au signal du combat : le trait est émoussé et par terre ; mais quelle main vigoureuse l’a donc lancé, et quel espace a-t-il parcouru ? Avant cette heure de Milton, dans de solitaires montagnes, quelle fut donc sa vie, et quelle route a-t-il foulée ?

    Oh ! combien les hommes sont le jouet de ce qui porte un nom si doux, l’espérance ! puissance fatale ; flux et reflux de la vie ; citadelle d’airain, ou tissu filandreux qu’un léger vent emporte un soir d’été ; spectre qui redescend avec de sourdes lamentations dans la poussière et les vers du cercueil, ou qui se dresse géant couronné de flammes fécondes ; monstre informe, rampant, qui s’est glissé du chaos dans la création, ou, plus royal oiseau que l’aigle, ouvrant les nues, et faisant comme une tempête de diamans des éclairs de son vol !

    L’âme de Milton espérait naguères de cette foi dans l’avenir qui est un des plus beaux attributs de l’humanité, et elle se relevait alors avec une inappréciable fierté, elle débordait avec dédain, avec impatience et raillerie, en présence même de tout ce qui était grand dans le monde passé, ou dans le monde contemporain. Sa parole se haussait formidable pour attester la faiblesse et la mort des âges passés de l’univers, comme aux déserts des Pharaons les palais du trépas.

    En passant en France, il avait cherché la poésie, depuis François 1er jusques au cardinal de Richelieu ; il n’avait rencontré que de prétendus poètes sans fierté, demandant de l’or à leurs maîtres. « Ne rougissez plus, disaient-ils, ne rougissez plus de vos penchans infâmes ; écoutez ! nous les célébrons ! écoutez ! s’ils faiblissent, nous les excitons, et nous les faisons triompher de nouveau ! » Ils rappelaient à Milton, les serviteurs de l’un des derniers maîtres de l’empire romain, qui répandaient une poussière d’or sur le chemin de sa chambre à coucher ; ou ces femmes de haute naissance qui, dégradées par la pauvreté, venaient à l’amphithéâtre, par le luth ou la danse, provoquer les frémissemens d’une affreuse volupté, et gagner les applaudissemens de César et du peuple !... Et Milton ne pouvait se sentir faible en les étudiants, et Milton traversait avec dégoût leur patrie. Cependant, ô jeune poète ! une secrète voix ne vous disait-elle pas que cette France était en travail d’une âme sublime et d’un miracle de génie. Respectez la cette belle France ! Corneille va venir.

    Le jeune voyageur avait été adressé à Galillée par un homme de science d’Angleterre, et il s’était empressé de le visiter dès son arrivée en Toscane. Galillée, déjà chargé de vieillesse, et sorti récemment des prisons de l’inquisition, où il avait été renfermé pendant cinq ans, ne croyait plus utile d’enseigner la vérité aux hommes. Son génie était vaincu. Le jeune Anglais se montra au vieillard avec la hardiesse et l’impétuosité de ses opinions sociales ; le vieillard frémit de tout ce qu’il y avait de gloire et de péril dans une tête aussi forte et aussi ardente. Mais ce fût un beau jour pour Galillée, le dernier vraisemblablement. Milton lui montra une admiration si franche et si profonde pour ses découvertes dans le ciel, pour les clartés nouvelles qui avaient jailli de son front immortel sur le système du monde ! Il lui montra une telle douleur pour tout ce qu’il avait souffert de la plus monstrueuse des tyrannies ! Il lui rappela si pathétiquement ce qu’il y avait eu de gloire dans son martyre, que le grand homme, se sentant rajeunir sous cette parole de flamme, aurait répété hautement une fois encore, en présence de la torture et du bûcher : «Oui, c’est la terre qui se meut ! »

    Milton s’était promené dans Rome, avait levé les yeux vers la coupole de Saint-Pierre, où passait l’ombre de Michel-Ange, pâlie à peine encore par l’habitation de la tombe ; sa conscience de réformiste zélé l’avait maintenu ferme et dans une sorte de supériorité, dans la contemplation même du grand artiste qui s’était posé dans la puissance de son génie, comme il avait assis largement les inspirations de ses prophètes : force et flamme comme la foudre, mais force qui féconde, mais flamme qui éclaire. Il s’était dit à lui-même, échauffé de sa propre conviction : « Est-ce que l’Allemagne et l’Angleterre n’existent pas pour Rome ? Luther n’a-t-il pas brûlé dans une place publique, à Wurtemberg, des décrétales du pape ? Sommes-nous demeurés, nous Anglais, feudataires du Vatican ? Devant moi, devant un puritain, qu’est-ce donc que le génie et cette magnificence du pouvoir pour consacrer des idées qui s’éteignent ? Nous démolissons, nous, les temples fastueux, nous lacérons les symboles menteurs, et nos ruines sont une édification bien au-dessus de tous ces nouveaux monumens des Romains de nos

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