Accompagner la vie, la mort et mystère

Par Suzanne Pinard

Cet ouvrage est avant tout un éloge à l'humanité profonde dans la vie, bien sûr, mais aussi dans la mort. Il s'adresse aux familles, proches, amis, soignants, bénévoles qui accompagnent ou qui sont en lien avec une personne mourante, quel que soit leur rôle. Il s'adresse aussi à tout être humain préocupé par la mort, la sienne ou celle des autres.

Les personnes en fin de vie pourront y puiser des informations pertinentes pour êtres soutenues dans leur démarche d'appropriation de leur mort.

Ce livre nous familiarise avec les différents processus liés à l'annonce de la mort imminente et la fin de vie. Nous y retrouvons aussi d'authentiques témoignages, lesquels, bien que tissés de leur unicité au coeur de ces grands mystères, nous donnent souvent l'impression de lire notre propre histoire.

Des points de repère, des pistes de réflexion et des exercices pratiques nous sont proposés tout au long de l'ouvrage pour nous aider à traverser de façon consciente cette expérience d'accompagnement, si difficile soit-elle.

• Langue: Français
• Éditeur: De Mortagne
• Date de sortie: 4 sept. 2020
• ISBN: 9782896629770

Aperçu du livre

Komfield

Avant-propos

Je suis sensible depuis longtemps au désarroi qu’éprouvent de nombreuses personnes lorsque la mort d’un membre de leur entourage leur est annoncée. Et, souvent, je suis interpellée par la pauvreté spirituelle de l’accompagnement offert, pauvreté hélas ! trop fréquente, et par la déshumanisation actuelle de cet acte sacré du mourir. C’est ce qui m’a incitée à écrire ce livre. J’ai voulu aussi répondre à une demande pressante de plusieurs familles que j’ai accompagnées. C’est en partie grâce à la confiance et à l’accueil qu’elles m’ont réservés, dans l’intimité de leur expérience de vie et de mort, que vous pouvez lire aujourd’hui d’authentiques témoignages, des histoires humaines tissées de leur unicité au cœur de ces grands mystères. Par souci de confidentialité, j’ai changé les noms et certains détails, sauf lorsqu’on m’a autorisée à les divulguer.

Le présent ouvrage a pour objet de vous familiariser avec les différents processus liés à l’annonce de la mort imminente et à la fin de vie. Les exercices pratiques en fin de chapitre sont destinés à vous aider à vivre cette expérience de façon consciente. L’ouvrage vous propose en outre des points de repère et des pistes de réflexion utiles pour vous éclairer tout au long de votre cheminement.

Ce livre s’adresse à tous, bénévoles, soignants, et à toute personne préoccupée par la mort, la sienne et celle des autres.

Il est conçu pour apporter du soutien et du réconfort à tous ceux et celles qui sont aux prises avec la réalité incontournable de la mort prochaine d’un des leurs. Les personnes en fin de vie, cependant, si elles sont aptes à le faire, pourront puiser dans les premiers chapitres des informations pertinentes pour s’approprier leurs derniers moments de vie. Même si tel n’est pas l’objet de ces premiers chapitres, leur lecture offre plusieurs éléments pour apprivoiser cette étape incontournable de la vie. J’ose même croire que, inspirés, certains diront à leur entourage : « Écoute-moi… avec tendresse. »

Loin de moi l’intention de vous proposer des recettes ou un prototype d’accompagnement. Je reconnais l’unicité de la personne mourante, de son histoire, de sa façon de vivre sa mort, tout comme l’unicité de toute personne qui l’accompagne. Chaque accompagnement est différent et unique ; il est assujetti à un grand nombre de facteurs souvent imprévisibles et hors de notre contrôle.

À la fois inspirée par les profondes sagesses ancestrales et les différentes religions, je m’estime libre de toute pensée dogmatique. Au cours de mon cheminement de vie, mes croyances ont été bouleversées. Bon nombre d’entre elles ont même été anéanties, ce qui a laissé en moi une grande place pour l’accueil et le respect de toutes les croyances, si différentes soient-elles.

Ma seule certitude est que tout être humain porte en lui une dimension sacrée où se trouvent de la bonté, de l’amour, du mystère et qu’il est capable de se transformer à travers les épreuves, et ce, jusqu’à la toute fin de sa vie. J’ai une profonde intuition de l’existence d’une après-vie, mais malgré les multiples images qui surgissent de mon imagination, je ne sais pas…

Accompagner une personne en fin de vie est un grand privilège grâce auquel nous accédons à notre humanité profonde et établissons un pont avec celle du mourant. J’ai sciemment favorisé l’usage du nous dans tous les chapitres qui se rapportent à l’accompagnement. J’ai voulu ainsi les signer de la solidarité humaine qui nous unit tous sur ce chemin inévitable de nos vies respectives, et particulièrement quand ce chemin nous mène aux portes de la mort de l’un des nôtres.

LA PRÉSENCE DE LA MORT TOUT AU LONG DE MON HISTOIRE

La mort m’a toujours été familière. Ayant passé mon enfance et mon adolescence dans une ferme, j’ai pu observer et intégrer profondément le perpétuel renouvellement du cycle de la vie et de la mort dans les règnes animal et végétal. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours éprouvé une certaine fascination pour la vie et autant pour la mort.

Très jeune, j’insistais auprès de mes parents pour les accompagner aux veillées funèbres. Vers l’âge de quatre ans, j’ai accompagné ma mère chez des voisins et j’ai tenu à assister à la toilette mortuaire d’un bébé dont le corps a été par la suite exposé sur la table de cuisine.

J’étais très impressionnée par la gravité du moment où le glas funèbre annonçait, selon le nombre de coups sonnés aux cloches de l’église, la mort d’un homme ou d’une femme de notre petite paroisse.

J’ai été témoin de l’exposition de la dépouille de mes grands-parents dans le salon familial. J’ai encore le souvenir très net de toute la solennité qui entourait le départ du cortège funèbre pour la célébration des funérailles à l’église, dont les fenêtres et les statues étaient drapées de noir. Le souvenir de la descente du cercueil dans la fosse et du bruit sec des poignées de terre jetées par ceux et celles qui trouvaient le courage de le faire est encore très présent dans ma mémoire.

Pour l’enfant que j’étais, il était fascinant de voir les proches du défunt porter des vêtements noirs durant les six mois suivant le décès, pour ensuite passer successivement au violet et au blanc, qu’ils portaient jusqu’au service anniversaire marquant la fin de leur deuil.

J’avais 26 ans lors du premier décès survenu dans ma famille immédiate, celui d’un frère lourdement handicapé dont la mort était attendue et même souhaitée en raison de souffrances intolérables. À l’opposé, la mort subite de mon père cinq ans plus tard me causa un véritable choc, suivi de la prise de conscience du non plus jamais revoir vivant ni parler à cet homme que j’aimais profondément et de qui je m’étais toujours sentie aimée et même choyée comparativement à ses autres enfants ! Cet événement m’a bouleversée et a été le déclencheur d’un long cheminement, de questionnements, de réflexions sur la mort, sur ma propre mort.

J’ai cherché des réponses dans d’innombrables ouvrages traitant du sujet. J’ai assisté à des conférences, participé à des séminaires, suivi nombre d’ateliers. J’ai aussi tenté de décrypter les différents enseignements sur la mort offerts par les grandes religions, les grandes traditions spirituelles et philosophiques. Au cours de ces années, les décès se sont multipliés dans mon entourage, faisant disparaître tour à tour ma mère, mes trois sœurs, des oncles, tantes, cousins, cousines, amis.

La mort de ma plus jeune sœur, vaincue à 51 ans par une maladie qui avait duré quatre ans, a été très marquante dans mon cheminement. Très liée à elle et à sa famille, je les ai soutenues et accompagnées pendant toutes ces années. Aujourd’hui, seize ans plus tard, c’est encore avec émotion que je raconte certains passages de cette expérience.

Dans le cadre d’études universitaires de deuxième cycle sur la mort et le deuil, j’ai fait un stage dans une maison de soins palliatifs. Depuis, j’ai accompagné des dizaines de personnes en fin de vie et leurs familles, comme aidante naturelle, comme bénévole ou comme professionnelle en relation d’aide.

Lors de la célébration du passage à l’an 2000, la mort, sous le visage d’une crise cardiaque, m’a fait un grand signe, pour me laisser finalement du côté des vivants. C’est à ce moment précis que j’ai ressenti profondément que mort et vie sont intimement liées. Je demeure bien humblement émerveillée au cœur de ces grands mystères. Pour moi, tout comme l’acte de venir au monde, celui de le quitter est parfaitement naturel.

Le contenu du présent livre s’enrichit du récit de moments vécus avec mes deux grands amis de longue date, Odette et Elphège, qui m’ont quittée avant la fin de ma rédaction.

Cet ouvrage en était à ses premiers balbutiements lorsque je me suis engagée à accompagner jusqu’à la toute fin de sa vie Micheline, ma belle-sœur décédée à 65 ans.

L’HISTOIRE DE