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Griffin 26: Récit autobiographique de l'enfance de Marc Griffin
Griffin 26: Récit autobiographique de l'enfance de Marc Griffin
Griffin 26: Récit autobiographique de l'enfance de Marc Griffin
Livre électronique319 pages4 heures

Griffin 26: Récit autobiographique de l'enfance de Marc Griffin

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À propos de ce livre électronique

Un témoignage émouvant qui touchera autant les jeunes que les amateurs de biographies !

- OK, c’est confirmé, un jour, je vais jouer au baseball pour les Expos !

Les Jeux olympiques de 1976 à Montréal n’ont pas seulement marqué l’histoire du sport, mais ont aussi semé la graine du rêve dans le cœur d’un petit gars de Sainte-Foy.
Comment le jeune Marc Griffin, élevé dans un milieu culturel et sportif effervescent, a-t-il réussi à fouler le même terrain que ses héros, Raines, Carter et Dawson ?

Un récit touchant et rassembleur qui dépeint une époque où notre sang était rouge ou bleu, où la musique de Beau Dommage résonnait sur les terrains de baseball et où le nom Stastny est devenu québécois.

Un chemin parsemé de rencontres avec des idoles, de coups du destin où l’on apprend à perdre, à gagner… et surtout à rêver.
LangueFrançais
ÉditeurDe Mortagne
Date de sortie6 mars 2019
ISBN9782896629411
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    Aperçu du livre

    Griffin 26 - Marc Griffin

    toujours !

    PRÉFACE

    Je me souviens très bien du tollé qu’ont entraîné les signatures de Denis Boucher, par les Blue Jays de Toronto, et de Marc Griffin, par les Dodgers de Los Angeles. Ces recrues québécoises se voulaient parmi les meilleurs espoirs formés chez nous, et ils se retrouvaient tous deux à l’extérieur du Québec…

    J’ai eu l’occasion de croiser Marc au cours de certains camps d’entraînement, que ce soit à Vero Beach ou encore à West Palm Beach, mais je me souviens surtout de mes premiers échanges avec ce garçon orgueilleux de Sainte-Foy lors d’une caravane hivernale des Expos. J’avais alors perçu la force de caractère du jeune homme, et la lecture de ce bouquin m’a prouvé que j’avais vu juste.

    Marc Griffin a été un excellent athlète amateur, tant au hockey qu’au baseball. Mais il a rapidement réalisé que le baseball était le sport où il avait la meilleure chance de réaliser son rêve… celui d’atteindre les grandes ligues !

    Ses premiers pas dans le baseball professionnel ont été couronnés d’un succès inespéré… mais les suivants ont donné lieu à une succession de moments euphoriques et de profondes déceptions. Parfois, il roulait à bord de véritables montagnes russes !

    Des invitations au camp des ligues majeures des Dodgers à la ligue de perfectionnement de l’Arizona, tout semblait vouloir lui faire gravir les échelons plus rapidement qu’anticipé. Sauf que, malgré sa fougue, il était trop souvent enclin à douter de lui-même.

    Marc décrit très bien ce que tant de joueurs québécois ressentent lorsqu’ils se rendent aux États-Unis pour entamer leur carrière professionnelle. Ils sont isolés au sein d’un groupe de joueurs américains, latino-américains ou asiatiques, ne parlent ni ne comprennent complètement la langue de leurs instructeurs, et n’ont vraiment personne à qui se confier.

    Sans parler du fait que le jeune joueur qui est considéré comme l’un des meilleurs dans son patelin se retrouve entouré de coéquipiers qui jouissent d’une même réputation chez eux, un contexte inexploré.

    Tout au long de son cheminement, Marc a toujours été reconnaissant envers ceux qui l’ont épaulé, qu’il s’agisse de ses amis intimes, de son père, qui a été un précieux conseiller, de ses premiers entraîneurs… Marc ne les a jamais oubliés et en parle avec beaucoup d’amour et d’admiration.

    Il a toujours été fidèle à ses racines.

    J’ai eu le privilège de travailler à ses côtés durant les dernières saisons des Expos, à Montréal, et j’ai reconnu le Marc Griffin qui n’avait jamais ménagé ses efforts pour s’améliorer et relever de nouveaux défis.

    Au fil des pages de cette biographie, j’ai pu partager ses joies, ses peines, ses désillusions… et, aujourd’hui, je réalise que c’est ce parcours qui a formé l’homme qu’il est. Un être qu’on gagne à connaître.

    Jacques Doucet

    PROLOGUE

    Le match commence et la foule semble plus imposante qu’hier. Au moins vingt mille partisans ont envahi le stade. Les joueurs sont détendus et blaguent en se racontant des histoires alors que, de mon côté, c’est tout le contraire. J’ai les mains moites et une boule dans l’estomac. Avec leurs cris et leurs sourires, les gens dans les gradins ont l’air heureux de revoir leurs « Amours », qui font renaître, en quelque sorte, le printemps au Québec. J’ai peine à croire que Larry Walker, Marquis Grissom ou même celui qui m’a tant fait adorer le baseball, Gary Carter, passent devant moi, à titre de coéquipiers. Nos adversaires sont les redoutables Blue Jays de Toronto dont font partie Joe Carter, Devon White et Roberto Alomar. Le match se déroule rapidement, trop rapidement ! Je ne tiens plus en place, incapable de rester assis plus de trente secondes. J’attends toujours l’appel du gérant. Je décide de mettre mon casque et mes gants de frappeur, puis je récupère mon bâton pour ensuite faire les cent pas dans l’abri. En milieu de septième manche, les Jays mènent par un point alors que l’assistance chante Take Me out to the Ball Game. Puis Felipe me fait signe de m’approcher. Tout à coup, le temps s’arrête…

    15 SEPTEMBRE 1975,

    SAINTE-FOY, QUÉBEC

    — Yessss !

    Aujourd’hui, je suis de bonne humeur, parce que c’est ma fête et j’ai sept ans ! Hier, j’ai reçu mon premier gant de baseball tout neuf ! Il faut dire que j’ai trois frères plus grands que moi, alors je me retrouve souvent avec leurs vieilles affaires.

    — Bonne fête, Marco ! chantonne ma mère dans la cuisine.

    Ma mère me surnomme tout le temps Marco, même si mon nom, c’est Marc ! Ça m’énerve un peu, encore plus lorsque mes amis appellent à la maison. Mais ma mère rebaptise tout le monde : mon frère est devenu Nico alors que son nom, c’est Éric; Carl, c’est Carlo; et Steve, c’est Stevie.

    Nous sommes lundi matin et, encore cette année, mes parents m’envoient à l’école anglaise. Pourtant, chez nous, on parle français ! ? Je n’aime pas l’école anglaise. Premièrement, je ne comprends rien ; je me demande sans cesse ce que les gens disent, et ils parlent trop vite. Deuxièmement, je me sens à part, surtout que je dois me présenter en récupération tous les jours, seul dans la classe à travailler.

    En plus, mes enseignants ont de drôles de noms. L’an dernier, en première année, c’était miss Guitar ! Mes frères ont tellement ri lorsque je le leur ai dit ! Et ça continue. Ma professeure est cette fois la femme du directeur de l’école, elle est super sévère et s’appelle miss Law !

    En pensant à l’école anglaise, j’ai fait disparaître ma bonne humeur…

    — Dépêche-toi, Marco, tu vas être en retard pour l’autobus !

    Autre chose qui me frustre. L’école Notre-Dame-du-Sacré-Cœur est au bout de la rue. Mais mon frère Éric et moi devons prendre l’autobus scolaire avec des gens bizarres pour nous rendre très loin dans une école anglaise… Et puis, Éric n’a pas l’air plus emballé que moi d’y aller. Je ne connais personne dans ma classe, et le seul moment que j’apprécie, c’est le cours d’éducation physique, où je peux enfin m’amuser !

    En descendant de l’autobus, je cherche un endroit calme. Je suis un garçon timide et je veux juste que la journée passe le plus vite possible.

    — OK, kids, time to go to your classroom¹ ! crie la surveillante.

    Comme j’aimerais fréquenter l’école de mon quartier ! Je repense d’ailleurs à la conversation que j’ai eue avec ma mère :

    — Maman, c’est quoi, l’idée de m’envoyer à l’école anglaise ?

    — C’est ton père qui a insisté.

    — Pourquoi ?

    — Il pense que ça permettra à ses fils de connaître deux langues, ce qui sera utile dans l’avenir.

    — Mais pourquoi mes amis ne viennent pas avec moi ?

    — Tu as de la chance, Marco, ton grand-père Griffin, celui qui est décédé juste avant ta naissance, était anglophone, et c’est grâce à lui que tu peux apprendre deux langues.

    — Mais moi, je déteste parler en anglais. Je veux aller avec mes amis à celle au bout de la rue.

    — Peut-être l’an prochain, me rassure-t-elle. Mais, pour le moment, il faut que tu termines ta deuxième année.

    Heureusement qu’il n’y a pas que l’école ; la saison de hockey commence. Chez nous, tout le monde joue au hockey. Sauf ma mère, évidemment… c’est une fille ! Mes frères et moi sommes de grands partisans des Nordiques de Québec. Mais ils ne jouent pas dans la Ligue nationale, plutôt dans l’AMH². Peu importe, moi, je les trouve très bons et, en plus, mon père a deux billets de saison, donc j’ai des chances d’aller les voir en vrai quand je serai un peu plus grand.

    — Marc, je pense que Dad a une surprise pour toi, cette semaine, m’annonce Steve.

    Mon père, on l’appelle Dad ! Je n’ai jamais su pourquoi. Dad, c’est comme dire « papa », mais en anglais. Ça doit être parce que mon grand-père était anglophone. Mon père ne vit pas avec nous. Il est séparé de ma mère depuis toujours. En fait, pas depuis toujours, mais je ne me souviens pas que mon père ait habité avec nous. Par contre, tous les dimanches, il nous amène chez lui, mes frères et moi, et nous faisons une activité comme jouer au Monopoly en famille. Ça se termine souvent en chicane parce qu’on veut tous gagner !

    — Une surprise ! Pourquoi tu dis ça ?

    — Parce qu’il est temps que tu puisses voir les Nordiques, toi aussi !

    — Ah, oui !

    — Il y a un match samedi soir contre les Aeros de Houston. Gordie Howe et ses fils jouent dans cette équipe !

    Je deviens soudainement très excité ! Mes frères me disent que c’est très bruyant lorsque les Nordiques marquent un but. En plus, nos sièges se situent trois rangées derrière le banc de l’équipe adverse, où il y a encore plus d’action. On peut même entendre les joueurs se parler sur la patinoire !

    Mon frère Steve est super cool. Il m’explique comment ça se passera pour moi et il me montre, sur les affiches qui tapissent les murs de ma chambre, Gordie Howe et les autres joueurs de hockey que je vais voir.

    Mon père arrive toujours en retard, selon mes frères. Le match commence à sept heures trente du soir, et mon père m’a dit qu’il serait à la maison à sept heures. Il est sept heures quinze et je suis devant la fenêtre à tourner en rond. Mais que fait-il ? Il doit bien se douter que je meurs d’impatience. À sept heures vingt-cinq – je le sais, puisque je fixe l’horloge depuis trente minutes –, il tourne le coin de la rue. Je sors en courant pour le rejoindre. Il baisse la vitre et me lance :

    — Va changer de pantalon ! Pas de jeans au Colisée !

    Comment ça, pas de jeans ? Je rentre à toute vitesse pour me changer, et Éric me dit au passage :

    — Tu ne dois pas mettre de jeans au Colisée…

    — Franchement, vous auriez pu me le dire !

    Je retourne dans la voiture et je n’en peux plus. Peut-on se rendre directement au Colisée, maintenant ?!

    Malade ! que je pense lorsqu’on arrive à nos places. On est tellement proches de la patinoire et des joueurs ! Je remarque aussi que mon siège est très grand.

    — Dad, on aurait pu aussi emmener Éric, il y a de la place pour nous deux là-dessus !

    Mon père éclate de rire.

    Les Nordiques jouent un super beau match et leur gardien de but, Richard Brodeur, est fantastique devant le filet. Victoire de 4-1 de mes préférés. Les joueurs ont eu tout un effet sur moi, et j’aimerais plus que tout être à leur place. C’est une soirée que je n’oublierai jamais !

    C’est décidé :

    lorsque je serai grand, je serai un joueur de hockey et je jouerai au Colisée de Québec !

    ¹ OK, les enfants, c’est l’heure d’aller en classe !

    ² Association mondiale de hockey.

    PRINTEMPS 1976

    — Maman, je vais chez Stéphan.

    — Parfait, Marco, tu reviendras pour le souper !

    Stéphan, c’est mon meilleur ami. En fait, je l’appelle

    Bed, parce que son nom de famille, c’est Bédard. Bed et moi venons d’inventer un nouveau jeu : le « petit bâton ». En fait, c’est un bâton de baseball petit format. On est chanceux, puisqu’on aime les mêmes sports : le hockey et le baseball. Aujourd’hui, c’est la première journée du printemps où on peut sortir en short, alors c’est sûr qu’on va jouer au petit bâton chez lui. Bed vit avec ses parents et son frère dans un logement à quelques minutes de chez moi. Ce qui est cool dans tout ça, c’est que son père est le concierge du bloc appartement et il nous permet de jouer dans le stationnement, derrière. Avant, on jouait dans ma rue, mais on était tannés de courir après la balle. Ce nouvel endroit est parfait pour s’amuser ! Le père de Bed vient de construire une petite cabane pour ranger ses outils de travail, et la façade servira maintenant de receveur ! Il ne nous reste qu’à dessiner le marbre avec une craie et à déterminer où se situeront les buts.

    — OK, Bed, si la balle passe à droite de la voiture verte, c’est une fausse balle !

    — Parfait ! Je commence au bâton.

    On joue avec une balle de tennis et on la lance de toutes nos forces pour retirer celui qui est au bâton. Ce n’est pas facile de frapper puisque, comme le nom du jeu l’indique, notre bâton est assez petit. Bed a tout un bras et, en plus, il est capable de donner de l’effet à la balle en la faisant bouger vers le bas. Je suis très content lorsque je réussis à la toucher. Après, il faut que je me rende au coin du trottoir qui nous sert de but et revienne avant que mon ami ne lance la balle sur la nouvelle cabane. Comme au vrai baseball, après trois retraits, on change de place.

    — Stéphan, viens souper ! crie sa mère, du haut du balcon.

    — OK, dernière manche pis je rentre !

    Bed soupe toujours très tôt. À cinq heures, il faut qu’il rentre chez lui. Pour retourner à la maison, je dois passer par une passerelle, et un gros chien noir m’attend souvent au bout. Je n’aime pas ce chien, il me fait peur. Lorsque j’arrive au début de la passerelle, j’essaie d’écouter pour savoir s’il est là. Quand la voie semble libre, je me mets à courir le plus vite possible, comme un sprinter aux Jeux olympiques.

    — Yes ! Pas de signe du chien.

    À la maison, mon frère Carl, le deuxième plus vieux, me demande si je veux jouer au « ballon prisonnier » dans la rue, après le souper.

    — Cool ! Est-ce que Steve et Éric vont jouer avec nous ?

    Je suis chanceux d’avoir des grands frères qui aiment le sport, eux aussi. Je les trouve bons, mais je sais qu’un jour je serai aussi bon qu’eux.

    — Oui, et les voisins aussi joueront. On sera une grosse gang !

    Jouer dans la rue avec mes frères et des amis, peu importe à quel sport, c’est ce que j’aime le plus !

    ÉTÉ 1976

    — Marc, vas-tu jouer avec Bed, aujourd’hui ? me demande Carl.

    — Je ne pense pas, pourquoi ?

    — Vous devriez regarder les Jeux olympiques, c’est la cérémonie d’ouverture à la télévision, cet après-midi.

    Bed ne peut pas jouer, aujourd’hui, car il reçoit de la visite, alors je regarde la cérémonie des Jeux olympiques de Montréal avec mes frères. Je pose beaucoup de questions sur les différents pays et sur certains athlètes, mais je suis surtout émerveillé par l’ampleur de cette grande fête. Je trouve que tous ces gens habillés aux couleurs de leurs drapeaux sont très chanceux.

    — Comment on fait pour être dans le défilé avec eux ?

    — Ce sont les meilleurs athlètes du monde, répond Steve. Cette année, ce sont les Jeux olympiques d’été, donc ce sont les meilleurs athlètes des sports d’été comme la natation, la gymnastique ou encore la course.

    Après avoir été collé à l’écran de la télévision à regarder les Jeux, je décide de fabriquer ma propre flamme olympique. Pas avec du vrai feu, mais une sorte de torche en papier avec laquelle je cours dans mon quartier.

    C’est décidé :

    un jour, j’irai aux Jeux olympiques !

    Durant la semaine qui suit, je regarde les différents sports qu’on présente à la télévision. Puis je me prends, dans ma cour, pour un athlète de saut en longueur avec élan. L’herbe est assez longue pour qu’on puisse voir la trace de mes pieds après mon atterrissage. Je place un vieux bâton de hockey au sol, qui m’indique l’endroit d’où je dois sauter. Bon, je commence : Mesdames, messieurs, du Canada, Marc Griffin ! Je me concentre et puis j’y vais. Je cours le plus vite possible et, arrivé au bâton, je saute ! Wow ! J’ai sauté vraiment loin !

    La foule est en délire. C’est une médaille d’or ! me dis-je en murmurant.

    J’aime beaucoup imiter les commentateurs ; même quand on joue au hockey ou au baseball, avec Bed, on prononce le nom des joueurs. Ça rend notre jeu encore plus réel !

    Je suis en train de regarder la cérémonie de clôture des Jeux lorsque Steve m’annonce :

    — L’an prochain, les Expos vont jouer dans ce stade !

    C’est drôle, aujourd’hui, je porte justement mon t-shirt des Expos.

    — Ils jouent dans quel stade, présentement ?

    — Ils jouent au parc Jarry depuis les tout débuts, mais ils vont déménager au stade olympique pour la prochaine saison.

    — Ce serait l’fun d’aller voir les Expos au stade olympique !

    — Parles-en à Dad, dit Steve.

    Steve a raison, je vais le lui demander. Je sais qu’il aime le baseball parce qu’il l’écoute toujours dans l’auto, et c’est tellement plus l’fun que sa musique plate !

    J’adore le baseball et, en plus, je suis bon ! Chaque fois que je me présente au bâton, mon coach m’encourage : « On compte sur toi, Marc ! » Je n’ai pas beaucoup utilisé mon nouveau gant, cet été, parce que moi, je suis un receveur ! Le gant de receveur est différent de tous les autres et il est fourni par notre équipe d’atome A. J’aime être receveur parce que je suis toujours dans le feu de l’action. En plus, mon coach affirme que je suis le seul qui peut attraper la balle comme il faut. Ça me donne le goût d’être encore meilleur. Et Jacques Doucet, qui parle toujours à la radio lorsque mon père écoute les Expos, dit que le prochain receveur de l’équipe sera un joueur nommé Gary Carter ! Même Claude Raymond, à la radio avec monsieur Doucet, est certain que Carter sera une vedette dans les ligues majeures.

    Il n’y a pas de doute, je serai le prochain Gary Carter !

    C’est la fin du mois d’août et je dois aller porter mon uniforme de baseball à l’OTJ³ de la paroisse. Juste à côté du terrain de baseball, il y a un bâtiment où les responsables du parc rassemblent tout le matériel des sports d’été. Bed et moi l’avons baptisé « la cabane » ! C’est toujours plate de retourner son uniforme, parce que ça veut dire que l’année scolaire débute bientôt. Par contre, ça veut aussi dire que le hockey recommence !

    Je me demande si Gary Carter joue au hockey…

    Mon problème, au hockey, c’est que je suis loin d’être le meilleur. J’ai joué dans le novice C, mes deux dernières années. Je ne suis pas très grand ni très fort, mais, comme mes frères sont assez costauds, j’ai bon espoir d’avoir un jour la force nécessaire pour soulever la rondelle et l’envoyer dans le haut du filet comme eux ! Cette année, mes instructeurs sont le père de Bed, Laurent Bédard, et le père de Martin Roy, Jean-Guy.

    Je reviens de ma première pratique, fier de montrer mon chandail d’assistant.

    — Éric, regarde, c’est moi qui ai eu le A. Je suis l’assistant du capitaine !

    — Ben voyons, Marc, ç’a pas rapport ; au début, les entraîneurs donnent les chandails au hasard.

    — T’es jaloux parce que t’as jamais été assistant, toi !

    Bon, mon frère a peut-être raison, mais je suis bien décidé à ce qu’on n’ose plus me l’enlever. Pour la première fois de ma vie, je serai l’assistant d’un capitaine.

    C’est l’fun, cette année, car tous mes amis sont dans l’équipe, dont Stéphane Boivin, notre gardien de but un peu rondelet qu’on appelle affectueusement Bovet ! Cependant, j’aurai tout un défi à relever : celui de toujours trouver quelqu’un pour me reconduire à l’aréna. C’est impossible pour ma mère de faire le taxi pour nous tous, mes frères et moi.

    — Allo, Bed, peux-tu me donner un lift ?

    — Oui, pas de trouble, on sera chez vous vers cinq heures.

    — Super, merci !

    Le père de Bed est super gentil, mais il a un défaut de taille : il fume ! Mon équipement sent vite la cigarette. Les quelque dix minutes qui séparent la maison de l’aréna sont suffisantes pour que mes yeux deviennent tout rouges.

    L’autre jour, j’étais chez Bed, et ses parents roulaient leurs cigarettes sur la table de la cuisine. Sans même que j’aie eu à poser la question, sa mère m’a dit qu’ils agissaient ainsi parce que les cigarettes sans filtre étaient beaucoup moins chères. Ah bon ! Je ne sais même pas c’est quoi, des cigarettes avec filtre, alors je ne sais pas plus c’est quoi, sans filtre !

    Je suis chanceux, ma mère ne fume pas. Pourtant, tous ses frères et sœurs et même son père fument. J’ai un peu de misère à comprendre. Ça pue tellement !

    À notre arrivée à l’aréna, coach Roy nous donne ses directives pour le dernier entraînement avant que l’école recommence. Il parle fort, monsieur Roy, et il veut qu’on joue avec le plus d’intensité possible. J’aime bien qu’il nous pousse toujours à faire mieux, lancer plus fort, patiner plus vite, mais j’ai toujours peur de sa réaction si je commets une erreur sur la glace.

    ³ Œuvre des terrains de jeux.

    SEPTEMBRE 1976

    — Marco, tu sais que, demain, tu iras à l’école à pied ?

    Soudain, je deviens tout nerveux, mais je suis réellement content.

    — Oui, c’est super, maman ! Et tu viendras avec moi, pas vrai ?

    — Oui, je vais t’accompagner pour ta première journée en troisième année.

    Fini l’école anglaise ! Ça rendait ma mère triste de me voir si malheureux et, en plus, j’haïssais prendre l’autobus pour aller à un endroit qui ne me plaisait pas. Dorénavant, je vais marcher jusqu’à l’école et revenir à la maison quand bon me semble.

    Me voilà enfin à mon école de quartier. Il y a plein de monde dans la cour pour la rentrée scolaire. J’aperçois ma mère qui discute avec un monsieur qui n’a plus beaucoup de cheveux.

    — Maman, qu’est-ce que tu disais au monsieur ?

    — Que tu es nouveau ici et que tu arrives de l’école anglaise.

    Je me demande comment ça va se passer maintenant que tout est en français. En plus, je suis très gêné ! J’ai tellement peur quand je dois parler à voix haute dans la classe. Lorsqu’un professeur me pose une question, mon visage vire au rouge comme une tomate. J’entre dans ma nouvelle classe la tête basse, pour ne pas me faire remarquer, et je me dirige vers un pupitre à l’arrière. Je regarde autour de moi et me rends compte que je ne connais personne. Bed ne va pas à la même école, ni Bovet ni Martin Roy. Je suis un peu découragé. Tout à coup, le monsieur chauve qui parlait à ma mère tantôt entre dans le local et s’adresse à nous.

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