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Caravage
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Livre électronique309 pages3 heures

Caravage

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Le Caravage (Michelangelo Merisi) (Caravaggio, 1571 – Porto Ercole, 1610)
Après avoir séjourné à Milan durant son apprentissage, Michelangelo Merisi arriva à Rome en 1592. Là, il commença à peindre en faisant preuve de réalisme et de psychologie dans la représentation de ses modèles. Le Caravage était aussi versatile dans sa peinture que dans sa vie. Lorsqu'il répondait à de prestigieuses commandes de l'Eglise, son style dramatique et son réalisme étaient considérés comme inacceptables. Le clair-obscur existait bien avant que le Caravage n'arrive sur scène, mais ce fut lui qui établit définitivement cette technique, obscurcissant les ombres et rivant son sujet à la toile par un rayon de lumière aveuglant. Son influence fut immense, et se propagea d'abord grâce à ses disciples plus ou moins directs. Célèbre de son vivant, le Caravage exerça une immense influence sur l'art baroque. Les écoles génoise et napolitaine s'inspirèrent de son style, et le grand développement de la peinture espagnole au XVIIe siècle était en liaison directe avec ces écoles. Dans les générations ultérieures, les peintres les plus doués oscillèrent toujours entre la vision du Caravage et celle de Carracci.
LangueFrançais
Date de sortie15 sept. 2015
ISBN9781783108480
Caravage

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    Aperçu du livre

    Caravage - Félix Witting

    bibliographiques

    Ottavio Leoni, Portrait de Caravage.

    Pastel sur papier, 23,5 x 16 cm.

    Biblioteca Marucelliana, Florence.

    Introduction

    Si Caravage et son art restèrent dans l’oubli depuis près de 300 ans, force est de constater que, depuis le début XXe siècle, une rédemption leur a été amplement accordée. Bien que banni (Poussin ne dit-il pas qu’il était venu pour détruire la peinture ?) et enfoui dans les méandres de l’oubli, son nom semble avoir pourtant surgi dans la mémoire collective à certains moments précis de l’histoire. A l’époque déjà, un contemporain de Caravage, Giovanni Baglione, avait su reconnaître l’importance de celui-ci en tant que précurseur d’un style résolument moderne[1]. Quoique constatant chez l’artiste ce grand désir d’être à la recherche de « la ferveur publique, qui ne juge pas avec les yeux, mais regarde avec les oreilles » et d’avoir poussé de nombreux jeunes artistes à prêter attention exclusivement au coloris, et non pas à la composition des personnages, il décrit tout de même ses œuvres comme étant « faites avec la plus grande application, de la façon la plus exquise » — A cet instar, le mécène de Caravage, le marquis Vincenzio Giustiniani di Bassano (1564-1637), ne doutait pas du grand génie de l’artiste de son vivant. Dans une lettre adressée à l’avocat Teodoro Amideni, ce dernier reprend le point de vue du peintre qu’il considérait comme décisif[2] : « comme le disait Caravage, il lui en coûtait autant de soin pour faire un bon tableau de fleurs qu’un tableau de personnages » — « parmi les peintres de premier choix – nous avons notre Caravage ». Caravage peignit également pour lui son « Cupido a sedere » (Amour vainqueur), et, lorsque le tableau d’autel avec saint Matthieu pour la chapelle Contarelli à San Luigi dei Francesi fut refusé par la congrégation, le marquis décida de l’acquérir[3]. Quant à l’historien d’art Giulio Cesare Gigli, il se répandit également en éloges dithyrambiques sur l’art de Caravage à propos de la pittura trionfante: « Voici ce qu’est le grand Michelangelo Caravage, un peintre grandiose, la merveille de l’art, le miracle de la nature. »[4] Par ailleurs, au XVIIIe siècle, dans une lettre adressée à Giambattista Ponfredi, le 20 octobre 1765, le directeur de l’Académie espagnole à Rome, Francisco Preziado, décrit le peintre Caravage comme étant le fondateur d’une école à laquelle appartiennent désormais Ribera et Zurbarán[5]. Et si la période classique vit de temps à autre surgir l’évocation de ce peintre tumultueux, ce fut plus particulièrement pendant la période romantique que se porta un intérêt ponctuel pour l’initiateur du baroque. Le grand philosophe Schopenhauer (1788-1860) aussi lui prêta attention[6], mais, d’un point vue d’expert, ce fut le professeur Waagen (1794-1868) qui chercha à décrire les caractéristiques de Caravage[7]. Ensuite, d’un point de vue plus académique, ce fut l’historien d’art Manasse Unger (1802-1868) qui, dans ses Kritische Forschungen[8], fit des recherches sur les effets artistiques de ce peintre, et commença à rédiger une biographie de Caravage[9], plutôt complète pour l’époque, selon le jugement historique de J. Meyer. L’historien d’art Eisenmann chercha également à donner sens aux critiques fluctuantes concernant l’importance de l’artiste[10]. Quant aux historiens Woltmann (1841-1880) et Woermann (1844-1933) ils firent un portrait littéraire du peintre dans le cadre du développement historique de la peinture[11]. Ce furent des propos rares mais graves, étrangement réservés pourtant pleins de tension, que l’historien d’art Jakob Burckhardt (1818-1897), dédicaça à l’artiste dans la première édition du Cicérone. Force est de constater qu’ils furent à peine modifiés dans les parutions suivantes[12]. Entre-temps, des peintres comme Théodule Ribot (1823-1891) prirent entièrement parti pour le maître baroque et, d’une manière plus intentionnelle, cherchèrent à sauvegarder les théories de leur Caravage français, le maître Valentin de Boulogne[13]. Tout ce qui resta encore à faire, dans ce domaine, fut un hommage historique, objectif, et la reconnaissance d’une dimension psychologique des œuvres de Caravage et de son art, pour arriver, au-delà de l’enthousiasme littéraire, jusqu’aux mérites éternels du peintre.

    La vie de Caravage donna donc naissance à de nombreuses interprétations biographiques, toutes dominées par la personnalité violente et extravagante du peintre. L’une de celles-ci, composée sous forme de poème, est la fameuse Notizia écrite par Mancini (dont une traduction figure ici, au chapitre 3) qui relate les événements majeurs de la vie de Caravage. Selon ce poème et d’autres sources historiques, Michelangelo Merisi naquit en septembre 1571, probablement le 29, le jour de la saint Michel archange, à Milan où travaillait son père comme contremaître et architecte de Francesco Ier Sforza, marquis de Caravaggio. La prédisposition pour la peinture dont fit preuve assez tôt l’enfant pourrait lui avoir été transmise par son père. Cela contredit les écrits de Bellori (dont une traduction figure ici, au chapitre 3) selon lesquels l’artiste, né d’un père maçon, aurait, comme son contemporain Polidoro, porté dès son plus jeune âge les seaux de chaux et les enduits destinés aux fresquistes. Il semble cependant assez probable que Michelangelo ait hérité de ses ancêtres un certain talent, bien que certains biographes aient voulu en minimiser la signification. Quoiqu’il en soit, ses parents étaient donc d’honorables membres de la cité. Son père, étant intendant du marquis, jouissait d’une protection certaine dont Caravage allait bénéficier toute sa vie. En 1576, la peste qui s’abattit sur le duché de Milan obligea la famille de Michelangelo Merisi à fuir Milan pour la petite ville de Caravaggio où l’artiste passa son enfance. Quelques mois après l’exode, Michelangelo Merisi perdit son père à l’âge six ans.

    Sept années plus tard, le 6 avril 1584, Caravage entra en apprentissage chez le peintre Simone Peterzano à Milan, où il étudia avec assiduité pendant quatre ou cinq ans, quoique se livrant déjà de temps à autre à quelques extravagances causées, dit-on, par son tempérament excessif et emporté.

    Bacchus malade ou Satyre aux raisins, vers 1593.

    Huile sur toile, 67 x 53 cm.

    Museo e Galleria Borghese, Rome.

    Caravage, un destin romanesque

    Garçon à la corbeille de fruits, vers 1593.

    Huile sur toile, 70 x 67 cm.

    Museo e Galleria Borghese, Rome.

    Les Premières Années et son depart pour Rome

    Milan

    De l’époque où Caravage vivait dans la capitale lombarde, les milanais auraient conservé quelques premières œuvres de sa main, plus ou moins négligées par la recherche et dont les attributions sont aujourd’hui contestées. Elles furent néanmoins très significatives pour la connaissance de l’artiste, puisqu’elles portent en leur sein quelques particularités caravagesques. C’est auprès du peintre bergamasque Giovanni Cariani (actif entre 1511 et 1541) grâce à sa toile représentant un groupe de personnes sur une terrasse, datant de l’année 1519, et avec un joueur de luth, évoquant des motifs semblables, que Caravage s’appropria son penchant pour le genre monumental auquel il attacha plus tard beaucoup d’importance – bien qu’il s’adonnât dès le début de sa carrière à ce côté grandiose. Dans certaines œuvres milanaises, on aperçoit aisément la main du maître de Michelangelo Merisi, auprès duquel, selon les sources, le jeune fils du maître compagnon était ensuite en apprentissage. Il s’agit tout simplement de Bernardino Lanini[14] dont la maniera s’inspirant du style de Gaudenzio Ferrari est parfaitement reconnaissable. Caravage, à cette époque, semble s’intéresser uniquement à la forme physique de l’être humain qui se détache simplement d’un fond neutre. Les proportions entre la superficie du tableau et du personnage, souvent dominant – en faisant abstraction de tous les modèles hérités – soulignent une particularité de plus en plus présente et à laquelle le peintre va spécialement s’attacher. Caravage s’inspira notamment de Butinone par exemple, et de son motif évoquant sainte Anne entourée de sa famille. Dans nombre de ses œuvres, on retrouvera en effet l’étroitesse du cadre, qui nous évoque les tableaux de l’ancienne école milanaise et souligne la preuve que le jeune Caravage n’avait qu’un nombre restreint de sources à sa disposition, ce qui le poussa à se frayer son chemin vers la liberté à laquelle il aspirait déjà enfant.

    On peut observer que le jeune artiste se tourna vers le portrait, tout en étant plutôt attiré – comme le prouvent ses œuvres de jeunesse – par la représentation réaliste de motifs de genre, dont le style de grandeur déjà le démarquait de ses contemporains. Au regard des toiles de ses maîtres, on peut supposer que ce furent les exhortations de Gaudenzio Ferrari et de son successeur milanais, Bernardino Lanini, qui le poussèrent à l’imitation[15]. Le vif coloris utilisé dans l’art de ces derniers se retrouve dans les œuvres de jeunesse de Merisi, mais il provoquera surtout, par cette impression esthétique, un effet particulier très important dans ses œuvres plus tardives. L’artiste cependant montra très tôt une plus grande sagesse dans la configuration réaliste des personnages que les maîtres mentionnés, et il y révéla un sens de l’observation comme l’avait déjà prouvé de manière similaire un autre artiste lombard du passé, Guido Mazzoni, avec ses sculptures de terre, notamment celles de Santa Anna dei Lombardi[16]. La tête de Nicodème dans la Mise au tombeau à la galerie du Vatican, indique encore qu’il avait étudié les œuvres de ce sculpteur qui sont si marquantes par leur naturalisme. En outre, ce fut probablement Lanini qui lui parla de Venise où se serait rendu Caravage après un séjour de quatre ou cinq ans à Milan.

    Garçon à la corbeille de fruits (détail), vers 1593.

    Huile sur toile, 70 x 67 cm.

    Museo e Galleria Borghese, Rome.

    Garçon à la corbeille de fruits (détail), vers 1593.

    Huile sur toile, 70 x 67 cm.

    Museo e Galleria Borghese, Rome.

    Séjour à Venise

    Après une telle préparation, il fut logique qu’à Venise il fût fasciné par les artistes qui étaient favorables à l’acquisition de telles bases. La gloire de Giorgione et de Titien, mort peu avant, rayonnait encore ; le talent pour le modelage de Véronèse et le coloris franc de Paris Bordone attirèrent certes Caravage, mais ce fut surtout Tintoret avec son talent artistique, qui fascina Merisi. Tout en pensant à Caravage, Unger caractérisa déjà l’art du grand Vénitien de la façon suivante : « Tintoret est confronté à la grande répercussion de telles propriétés sur la vie, à une violence vitale en général, et il les résume plutôt sommairement, sans laisser examiner de près les conditions d’origine de l’impact généré de cette manière. »[17] « Les nuits, menaçantes et zébrées d’éclairs, avec les autodafés flamboyants et la fumée qui monte au ciel sont à la base de l’impact, des parties entières de ses tableaux se trouvent dans la pénombre, d’autres en revanche sont illuminées de manière fantomatique par des taches verdâtres, livides et vives »[18]. Le vif coloris des œuvres de Gaudenzio Ferrari et de ses successeurs, qui avait tellement fasciné Caravage, l’éblouissait également dans les tableaux de Tintoret. Aussi, s’y appliqua-t-il de manière encore plus décidée pour atteindre, dans son cycle de Matthieu de l’église San Luigi dei Francesi, un effet encore plus prononcé. Si ce fut chez Tintoret la consonance de toutes les valeurs stimulantes sur le plan de la mimique, comme expression d’un sentiment profond, qui forma si clairement ce moment d’unité dans ses œuvres, Caravage essaya de se l’approprier avec fascination, bien que son talent pour le modelage ne l’incitât jamais à la narration excitante que l’artiste vénitien maîtrisait si remarquablement.

    On suppose que Caravage, quittant la capitale lombarde, arriva à Venise dont l’influence devait être déterminante[19], vers 1585. Et si rien ne vient en effet étayer avec certitude sa venue dans cette ville, nul doute que le décès de sa mère, dans ces années-là, ne fit qu’accentuer son intention de départ. Une remarque faite par Federigo Zucchero sur les œuvres de Caravage, et transmise par Baglione, nous indique que ce fut Giorgio Barbarelli, dit Giorgione, qui fascinait particulièrement le jeune artiste de Bergame. « Je ne peux les voir sans l’influence de Giorgione » dit le célèbre maniériste de l’école romaine à propos des peintures de Caravage à San Luigi dei Francesi[20], jugement cependant à peine applicable aux toiles concernées, tant on n’y aperçoit plus seulement l’influence vénitienne mais déjà le style propre de Caravage. Dans les cercles artistiques romains pourtant, on croyait en ces temps-là que le peintre lombard entretenait d’étroites relations avec Venise. De cette époque, cet artiste sensible s’adonna à la magie de la peinture vénitienne alors à son sommet. Dans les portraits des artistes qu’il admirait, ces peintres avaient essayé de mieux caractériser leurs sujets par leurs grandes dimensions sur un fond restreint – on pensera notamment à des portraits d’hommes de Giorgione à Berlin et Brunswick[21], et au portrait de jeune homme de Torbido de la Pinakothek à Munich.[22] Caravage les dépasse en leur donnant une sorte de dimension gigantesque, qui va au-delà des tendances apparentées que l’on trouve chez Torbido et Giorgione. L’idée de pure contemplation, préférée par les peintres vénitiens, est ainsi surpassée.

    Selon Eisenmann, une Judith, qui se trouvait autrefois dans la collection La Motta, dans la région de Trévise, mais semble être désormais dans une collection particulière anglaise, est également à placer dans la période vénitienne de Caravage. Waagen, pourtant spécialement bien informé en ce qui concerne ces collections, ne mentionne pas ce tableau. Toujours est-il qu’un tableau représentant Judith et l’Holopherne fut peint vers 1597-1598 et se trouve actuellement au

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