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L'éducateur spécialisé
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Livre électronique280 pages3 heures

L'éducateur spécialisé

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À propos de ce livre électronique

Dans cette période où, dans l’intervention éducative, l’accent est mis sur le maintien en milieu naturel des personnes en difficulté, l’éducateur peut être considéré comme l’un des spécialistes les mieux outillés pour cet accompagnement. Le travail de l’éducateur spécialisé prend tout son sens dans cette présence au jour le jour auprès des gens en difficulté d’adaptation. C’est par son accompagnement journalier, par ses interventions dans les moments stratégiques vécus par les personnes en difficulté que se définit le spécifique de cette profession, qu’il se précise et qu’il se qualifie. Les éducateurs spécialisés sont des acteurs du quotidien de par le partage du vécu avec les personnes en détresse, soit dans leurs milieux de vie, soit dans les milieux substituts. Vivre dans le pas à pas avec les personnes en difficulté d’adaptation, les accepter, les accompagner, les supporter, les guider, les confronter…les aimer. Quels que soient les milieux d’intervention, l’éducateur prend part aux activités des gens en difficulté, participe à la consolidation des acquis personnels, fait office de moi auxiliaire dans les moments de crise, confronte pour faire prendre conscience, utilise les événements du quotidien comme prétexte au changement. Il participe à la spirale de l’évolution, en tant qu’agent de changement. Il participe à la spirale de l’évolution, en tant qu’agent de changement. Il participe à la vie de son client. Il fait partie de son univers. Il est dans son monde. L’éducateur spécialisé, un professionnel pragmatique, ouvert d’esprit, rigoureux, qui possède une profondeur de réflexion, un jugement critique et des habiletés d’ordre socioaffectif adéquates.
LangueFrançais
ÉditeurBéliveau
Date de sortie12 août 2014
ISBN9782890926905
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    Aperçu du livre

    L'éducateur spécialisé - Chapleau Jean

    Québec.

    CHAPITRE 1

    L’éducateur spécialisé,

    qui est-il ?

    ♦ En tant que personne humaine

    Avant de plonger dans une définition plus technique, il nous apparaît important de parler de l’éducateur en tant que personne humaine, avec tous ses antécédents personnels. Dans les faits, qu’est-ce qui propulse une personne à adopter ce métier ? Comment cette personne en arrive-t-elle à vouloir côtoyer et aider des gens en détresse ? Et qui plus est, à les côtoyer quotidiennement.

    Dans un rapport¹ sur la fonction de l’éducateur spécialisé, Cournoyer et Bernier parlent de personnalité et d’habitus qui prédisposent à la profession d’éducateur spécialisé. Des antécédents personnels, en somme. Une combinaison de caractéristiques humaines favorables au choix d’une carrière en relation d’aide. Pourrait-on parler de conditions gagnantes ? Ces habitus de base, issus de la famille, constitueraient l’origine lointaine de l’identité professionnelle. La personne intéressée par le métier d’éducateur spécialisé aurait déjà, et ce, depuis son plus jeune âge, des qualités personnelles compatibles avec sa future profession en gestation, en latence chez elle.

    Le désir d’aider les autres ou les gens en difficulté, les personnes qui souffrent, représente la première caractéristique observée chez les futurs candidats à la profession d’éducateur². Il est impressionnant d’entendre les jeunes étudiants de première année, dans la formation en éducation spécialisée, parler de leur désir d’aider ou de « sauver » les gens en difficulté. Cette conscience de la souffrance des démunis est singulière chez eux. Parfois, cette clairvoyance prend son origine dans la vie familiale, où certaines personnes de l’entourage ont été en besoin d’aide. Alors, le jeune enfant ou adolescent s’est alors senti interpellé par leur détresse. Reconnaître, même si cela s’opère de façon intuitive, certains symptômes de détresse ou de souffrance chez son frère ou sa sœur n’est pas donné à tous. Le souci d’aider, d’écouter, de réconforter ou de prendre en charge émergera tôt dans la vie du futur éducateur spécialisé. D’autre part, en exergue à la famille, ces éducateurs en « latence » constituent aussi des personnes de référence dans leur groupe d’amis. Souvent identifiés comme la « grande oreille » par les membres de leur réseau social, ils possèdent déjà une écoute et un souci de l’autre très développés et pertinents. L’aptitude à prendre soin, tant au plan physique que psychologique, se démarque chez ces jeunes. Ils y découvrent une grande satisfaction et un accomplissement de soi. C’est un des facteurs qui nourrissent leur estime de soi. Bettelheim (1975) nous dit qu’il « est motivé par l’espoir inconscient qu’il en retirera lui aussi un bénéfice (…) En réalité, un individu ne peut donner toute sa mesure que s’il ressent comme une nécessité personnelle le désir de s’engager dans ce travail bien particulier³. »

    Une deuxième caractéristique pourrait être en lien avec le désir inconscient de réparer ou de rejouer des situations vécues durant l’enfance ou des situations personnelles non encore intégrées : forme de catharsis des affects refoulés. Se placer (encore une fois bien inconsciemment) en situation pour affronter ses anciens « démons » par l’entremise de la relation d’aide auprès de gens en difficulté. Une sorte de re-connaissance du vécu passé qui transpire de la situation, d’effet libérateur une fois rejouée. J’ai déjà vécu l’arrivée d’un enfant mort-né lors de l’accompagnement à un accouchement d’une cliente, dans un centre pour femmes enceintes en difficulté d’adaptation, quelques années après l’avoir vécu personnellement⁴. Un peu comme si on effectuait une mise à jour d’un logiciel vieillot. Re-vivre (en autant qu’une démarche personnelle ait été effectuée en lien avec le premier événement de la vie de l’éducateur), en tentant de comprendre différemment, en intégrant des pans de ce passé personnel difficile, en effectuant une démarche personnelle d’introspection et de prise de conscience. Accepter de vivre certaines émotions refoulées lors de la première expérience. Comme le dit Bettelheim (1975), l’éducateur ne recherche pas consciemment à vivre des situations difficiles. Mais elles se présenteront nécessairement dans le travail en relation d’aide. C’est ici qu’une démarche personnelle d’intégration lui apportera des bénéfices.

    Une troisième piste intéressante, dans la constitution de cette identité professionnelle par le biais du vécu personnel, s’articule autour du goût pour la vie de groupe. Une attirance et des aptitudes pour la vie en groupe semblent être des indicateurs importants pour le choix de la profession. Ces qualités personnelles pousseraient notre jeune personne vers la profession d’éducateur, puisque l’intervention éducative s’effectue presque toujours dans un contexte de groupe. Souvent issu d’une famille où l’entraide et la convivialité sont de mise, le futur éducateur porte en lui le germe de l’intervention de groupe. Il connaît, par expérience intériorisée, la dynamique d’un groupe, les interactions et interrelations qui peuvent se créer entre membres d’une communauté de personnes. Il a dû faire face, s’adapter régulièrement aux différents contextes liés à la vie familiale. Beaucoup de futurs éducateurs ont eu à offrir du support à un parent qu’il sentait démuni ou souffrant ; à se charger de frères ou sœurs plus jeunes ; à passer au travers de périodes de tensions familiales ou de conflits ; à se serrer les coudes en tant que fratrie lors d’événements dramatiques dans la famille. Ce jeune ne se retrouvera donc pas en pays inconnu lors de ses futures présences en groupe puisque certaines empreintes de son milieu familial sont profondes et durables. Un avantage certain. Cet acquis expérientiel familial se développera et se raffinera par l’acquisition, lors de sa formation, de techniques d’animation de groupe.

    Travailler en éducation spécialisée demande une certaine propension, chez la personne qui choisit cette profession, à vouloir relever des défis ! Et parfois, très grands. Cette quatrième caractéristique se retrouve chez presque tous les éducateurs. Un certain besoin de repousser ses limites, d’aller au-delà, d’affronter et de surmonter des obstacles, de faire face à l’adversité, de se placer en situation de dépassement personnel : cette profession regorge de situations qui permettront de combler ce besoin !

    En lien avec le goût pour les défis, on peut parler du besoin d’action, de mouvement, inhérent à la personnalité « éducatrice ». Ce sont rarement des gens, du moins s’ils ne sont pas désabusés, qui acceptent facilement un travail routinier. Cela les horripile. Et les défis rendent ce travail d’intervention des plus variés et en mouvance : clientèle qui se renouvelle régulièrement, multiproblématiques, situations de stress et de tension, sinon d’agression, travail en équipe multidisciplinaire, horaires des plus variables. Tout pour satisfaire les non-routiniers ! Parallèlement et paradoxalement à ce goût pour la nouveauté, l’éducateur sera celui qui installera des routines pour sécuriser les clients…

    Un dernier aspect, qui nous plonge dans un certain flou, puisque peu documenté, concerne la grande capacité de ces futurs éducateurs à côtoyer et à accepter la souffrance des autres. Et ce, à répétition ! Certains diraient presque une forme de masochisme… Il est très questionnant, voire dérangeant, de constater que les éducateurs, confrontés de façon régulière à cette détresse et à ce désespoir de la clientèle, poursuivent avec passion ce travail d’accompagnement. Une acceptation quasi inconditionnelle de la clientèle. Quels sont les gains secondaires qu’ils en retirent ? Qu’est-ce qui nourrit l’éducateur, au cours de ces longues périodes remplies de crises et de désespoir des clients ? Ce besoin de contact avec un être souffrant, de l’accompagner au jour le jour, sans entrevoir une issue vers le ciel bleu, que vient-il chercher chez l’éducateur ? Cette âme d’éducateur prend-elle racine dans un côté caché, obscur chez celui-ci ? Besoin de réparation ? Il est très surprenant, malgré les crises, les assauts, les insultes, les coups, les blessures, les propos blessants, de voir si peu, sinon pas du tout, d’éducateurs se venger ou agresser leurs clients. Plusieurs personnes auraient tendance à répliquer coups pour coups ! Pourtant, des éducateurs mis en accusation au criminel pour agressions ou voies de fait se font excessivement rares. Des éducateurs qui ont de longue carrière auprès de clientèles très lourdement hypothéquées ne sont pas rares. « Comment fais-tu pour endurer cela tous les jours ? » se font demander régulièrement les éducateurs. Il faudrait sûrement regarder du côté de cette âme d’éducateur…

    ♦ En tant que professionnel

    Les prémisses concernant les antécédents personnels étant posées, il nous apparaît important de définir (autrement que par la négative) le rôle et les fonctions de l’éducateur spécialisé. Il s’avère impossible de définir l’éducateur spécialisé en se servant des balises caractérisant les autres intervenants.

    L’éducateur, d’abord et avant tout, est un professionnel de la relation d’aide. Cette notion prise ici au sens large, de relation aidante. Cette relation d’accompagnement se tissera par les contacts fréquents, au jour le jour, entre l’éducateur spécialisé et la personne en difficulté. Contacts effectués dans toutes les sphères de la vie des gens en détresse et dans les plus infimes moments de la vie quotidienne de ceux-ci.

    Un premier élément de cette définition est le terme accompagnateur. Accompagner, être avec, partager des moments de vie, faire avec l’autre, aller vers, soutenir. C’est l’accompagnement du client dans son adaptation quotidienne, dans ses efforts et ses échecs vers un mieux-être. Du pas à pas. Parfois jusqu’à tenir la main. L’éducateur partagera avec la personne en difficulté différentes situations de vie, de la plus anodine à la plus significative, sans oublier de nombreux moments dramatiques. On le verra en activités sportives, dans la routine quotidienne du ménage et du lavage, dans le support apporté dans l’apprentissage à la propreté, dans la famille de la personne en difficulté comme modèle parental, en support à un professeur dans une classe de jeunes en difficulté d’adaptation, dans une activité pour favoriser le maintien de l’autonomie auprès de personnes âgées en centre de soins de longue durée. Partager.

    L’éducateur assurera ainsi une présence physique et affective importante et essentielle dans la vie de ces gens. Pour certains clients, il deviendra plus significatif que le parent. Le client s’engagera dans une relation plus profonde et, parfois, sur une plus longue période qu’avec son parent naturel. L’éducateur constituera, quelquefois, le seul membre de son réseau social. Cet accompagnement quotidien se traduit nécessairement par un support émotionnel primordial à la personne en difficulté. Support émotionnel de tous les instants, dans les nombreux défis que la personne en difficulté rencontrera dans sa journée et dans son adaptation à un nouveau mode de vie ou dans l’apprentissage de nouveaux comportements. Complément au moi déstructuré du client, sorte de moi auxiliaire, l’éducateur le guidera et l’encouragera à poursuivre un travail, une tâche quotidienne, un apprentissage nouveau. La petite tape dans le dos, le mot d’encouragement, un sourire complice, une présence rassurante, un regard d’appui, le faire avec : tous des gestes professionnels posés par l’éducateur qui peuvent semblés banals mais qui permettent au client de poursuivre, de persévérer, de se dépasser. Sans cette présence rassurante à ses côtés, il est fort possible que la personne en difficulté abandonnera. Soutien émotionnel dans les échecs et aussi dans les réussites. Être là quand le besoin se fait sentir.

    Plus particulièrement dans les moments de vive tension, ce moi auxiliaire que représente la présence de l’éducateur à ses côtés procurera une grande sécurité au client qui traversera une crise. L’éducateur servira de rempart contre les débordements occasionnés par la détresse du client, comme ces digues qui aident à contenir la crue des eaux. Se sentir accompagner, encadrer, voire protéger par l’éducateur qui est près de lui à cet instant, permet au client de franchir la crise sans trop de heurts ou, à tout le moins, en sachant qu’il peut recevoir de la part de l’éducateur le soutien nécessaire à se relever. Donc, accompagnement, sécurité affective, support émotionnel, encadrement. Et ce, directement dans la vie de la personne en difficulté. Les deux pieds bien plantés dans le quotidien.

    Il apparaît évident que le complément essentiel à cet accompagnement, voire l’attribut principal, soit la création d’un lien significatif avec l’autre. Là aussi, l’éducateur se distingue. Dans les premiers moments de la rencontre avec la personne ayant des problèmes d’adaptation et, par la suite, tout au long du vécu partagé, l’éducateur s’efforcera de créer un lien porteur de sens pour le client. Beaucoup plus : l’éducateur devra en faire un objectif primordial. Toutes les occasions du quotidien partagé seront donc exploitées et mises à profit pour arriver à bâtir le lien de confiance si nécessaire aux changements que devra effectuer le client. C’est en ayant pleine confiance en l’éducateur, cet adulte devant lui, qu’il pourra avancer en sécurité et entrevoir les efforts à faire comme réalisables.

    Le lien de confiance sera conforté par le cadre thérapeutique que l’éducateur mettra en place pour baliser le quotidien de la personne en difficulté. Ce qui signifie mettre des limites aux gestes posés et aux paroles dites par le client, lui apprendre ainsi à tolérer des frustrations, utiliser des situations pour lui faire prendre conscience de ses actes et de leurs impacts, l’arrêter parfois physiquement. Être accompagnateur, c’est aussi jouer ce rôle plus contraignant, plus policé. Ces moments de vie où la tension devient palpable, quand ils sont bien gérés, apportent un ciment à la relation. « Je t’aime suffisamment pour te protéger, pour t’empêcher de te détruire ou de poser des gestes irréparables. » Tel pourrait être le sens de l’encadrement et de la structure mise en place par l’éducateur. Langage affectif en filigrane.

    On comprendra bien que le lien significatif se créera par les nombreuses interactions et confrontations au quotidien. Et que les interactions ne seront probantes que s’il y a ce lien. Éternel dilemme de l’œuf ou de la poule ! Le premier est tributaire du deuxième mais ce dernier ne peut exister sans le premier. D’où l’importance de ce partage du vécu journalier. Nous y reviendrons plus à fond dans un autre chapitre.

    Afin de bien effectuer cette tâche d’accompagnement, l’éducateur se doit de structurer et d’encadrer le quotidien des personnes en difficulté. Envahies par leurs problématiques, ces personnes ont de la difficulté à fonctionner normalement dans leur vie. Désorganisation, structure interne défaillante, réaction impulsive, envahissement émotif, deuils successifs, tous ces éléments font que ces personnes deviennent non fonctionnelles. Le cadre n’existant plus, elles perdent le peu de repères qu’elles avaient.

    L’éducateur mettra en place, parfois au grand déplaisir des clients, une organisation routinière du quotidien. Organisation routinière éducative, c’est-à-dire avec objectifs à atteindre et défis gradués. Effet sécurisant s’il en est un, l’établissement de cette routine permettra au client de retrouver ses marques. Elle contiendra ses impulsions, l’encadrera dans ses agirs débordants, elle tracera une ligne de démarcation entre la perte de contrôle et la sécurité. Par l’organisation éducative des moments de vie de la personne en difficulté, l’éducateur garantira ainsi un minimum de normalité, de vie « ordinaire », de petits instants de réussite et d’espoir. Pour certains clients, savoir ce qui surviendra dans l’heure qui vient les rassurera et les empêchera peut-être de basculer dans la désorganisation face à l’inconnu. Cela peut leur procurer un bien-être certain. Pour des gens qui ont vécu dans l’incertitude ou qui se sont sentis aspirés par le vide, des moments de vie structurés deviennent un moyen de leur assurer un minimum de sécurité. Ils ne sont plus comme des objets ballottés au gré des événements qui surviennent ou selon le bon plaisir du parent souffrant, qui les utilisait afin de combler ses propres besoins affectifs.

    Une jeune éducatrice était renversée de constater que certains jeunes de son unité de vie pouvaient lui demander plusieurs fois par heure ce qu’ils feraient. Même si elle leur avait annoncé le programme prévu en début de journée, rien n’y faisait. Le besoin de sécurité était trop criant, l’anxiété trop lourde à porter.

    L’éducateur tiendra compte du vécu, des limites et des forces du client pour lui organiser un milieu de vie qui réponde le plus possible à ses besoins. Et nous parlons ici de besoins et non de désirs. Ce qui pourra occasionner beaucoup de réactions négatives de la personne en difficulté lorsque l’encadrement l’arrêtera dans ces désirs ou pulsions qu’elle laissait guider sa vie. Lorsqu’il planifiera des activités (prises ici au sens très large de moments de vie partagés avec le client) au quotidien, l’éducateur offrira au client un espace physique et affectif encadrant, chaleureux, cohérent, exempt de moments de désorganisation. C’est de cette façon que la personne en difficulté retrouvera un minimum d’estime d’elle-même, en réalisant des activités quotidiennes exemptes des débordements coutumiers qui écorchaient son estime de soi et qui la culpabilisaient, qu’elle réussira à poser des gestes constructifs et à travailler des limites personnelles. Par des petits défis posés dans sa routine journalière, toujours sous la supervision de l’éducateur, elle reconstruira des pans de sa personnalité, renforcera son moi en difficulté et pourra peut-être arriver à se donner une autre image d’elle-même.

    Organiser le milieu de vie ou les moments de vie exigera que l’éducateur utilise au maximum les potentialités du client. Ce qui sous-entend que l’éducateur se penchera aussi sur la découverte des forces du client et non seulement sur ses limites. Cibler les capacités en émergence, c’est utiliser une autre paire de lunettes, user de créativité et de discernement, voir autrement le jeune ou l’adulte que par le biais du dossier⁵ parfois énorme avec lequel il est arrivé. Le dossier clinique du client est fort utile mais il peut devenir un élément sclérosant dans l’intervention. Il doit davantage servir de base de lancement pour l’évolution du client.

    Une grande dose d’humilité sera nécessaire de la part de l’éducateur dans ce travail d’organisation du quotidien, car ce seront parfois de très petits moments de vie ou des activités minimalistes qu’il structurera. Dans le petit espace de l’intervention au quotidien, il faut souvent mettre de côté les grands gestes d’éclat ! Plutôt du pas à pas, une marche à la fois pour gravir le long escalier de la transformation. Il s’avère impossible d’atteindre l’étage supérieur sans avoir gravi les premières marches de l’escalier. Évidence que les éducateurs perdent de vue parfois. Comme nous dit si bien Bettelheim (1975) : « (l’éducateur) il doit en effet abandonner ses illusions naïves selon lesquelles quelque événement unique et extraordinaire va guérir le patient et démontrer ainsi en même temps sa propre valeur⁶ ».

    C’est ce qui constituera la trame de fond du changement pour la personne en difficulté. L’éducateur ira jusqu’à structurer, organiser et planifier de courts instants, des minutes dans une heure, pour favoriser une prise en charge du changement par la personne en difficulté elle-même. Plus la désorganisation de la personne en difficulté est grande, plus l’organisation du quotidien s’avérera

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