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Croix de chair: un roman court PsyCop
Croix de chair: un roman court PsyCop
Croix de chair: un roman court PsyCop
Livre électronique192 pages2 heures

Croix de chair: un roman court PsyCop

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À propos de ce livre électronique

Victor Bayne a toujours été harcelé par les fantômes, mais ces derniers temps, ils deviennent de plus en plus violents. Les médicaments qu’il prend d’habitude pour contrôler ses dons menacent de détruire son foie, et sa nouvelle prescription a autant d’effet qu’un morceau de sucre.

Vic doit également s’adapter à son nouveau partenaire PsyCop, un type nommé Roger avec autant de personnalité qu’une tartine de pain blanc. Il accepte de passer au Starbucks, c’est déjà ça.

Jacob est toujours aussi attentionné, mais il préférerait ne pas demander l’aide de son ex, Crash, un guérisseur empathique qui serait peut-être capable d’aider Victor à rééquilibrer ses pouvoirs, mais ce dernier semble plus intéressé par l’idée de faire tomber le futal de Victor que de lui apporter une véritable assistance.

LangueFrançais
ÉditeurJCP Books
Date de sortie14 juil. 2014
ISBN9781935540700
Croix de chair: un roman court PsyCop
Auteur

Jordan Castillo Price

Author and artist Jordan Castillo Price writes paranormal sci-fi thrillers colored by her time in the Midwest, from inner city Chicago, to various cities across southern Wisconsin. She’s settled in a 1910 Cape Cod near Lake Michigan with tons of character and a plethora of bizarre spiders. Any disembodied noises, she’s decided, will be blamed on the ice maker.Jordan is best known as the author of the PsyCop series, an unfolding tale of paranormal mystery and suspense starring Victor Bayne, a gay medium who's plagued by ghostly visitations.

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    Aperçu du livre

    Croix de chair - Jordan Castillo Price

    Chapitre 1

    C’était une journée plutôt agréable, pour un mois d’octobre à Chicago. Il faisait assez doux, au point que je ne portais qu’un jean, un tee-shirt, une chemise en flanelle, et ma veste en jean usée. Je pouvais voir mon haleine tandis que nous déposions la barque dans l’eau. Maurice, avec ses bottes en caoutchouc qui lui remontaient jusqu’aux genoux, maintint l’embarcation en aluminium pour que je puisse y grimper. L’eau s’infiltra dans mes Converses montantes noires. C’était pas le meilleur choix de godasses pour aller pêcher, apparemment.

    Mais je n’avais jamais été pêché avant, alors comment diable étais-je censé le savoir ?

    Maurice se hissa dans la barque, fourra une rame dans la vase verdâtre de la rive de la Calumet et nous poussa. Tout ça avec une facilité qui me rappela qu’en dépit de ses cheveux grisonnant, il se portait encore très bien.

    Maurice Taylor avait été mon partenaire dans l’Unité PsyCop pendant une douzaine d’années, et il était désormais retraité. Nous étions à l’extrême opposé l’un de l’autre lorsqu’on nous avait flanqués ensemble : lui, un noir d’âge mûr dépourvu de la moindre trace de pouvoir psychique, qui avait gravi les échelons jusqu’au titre d’inspecteur avec des années de dur et honnête labeur. Et moi, un jeune blanc impulsif sans amis, dont le sixième sens était toujours réglé sur le cran maximum sauf quand je me goinfrais d’un cocktail d’antipsyactifs.

    Maurice n’avait pas rajeuni. Et il n’avait pas perdu son bon sens, de ce que j’en savais. Moi ? Je n’étais plus un gamin, mais j’avais au moins réussi à me faire quelques amis. À part ça, je ne me serais même pas porté garant pour moi-même.

    — Donne-moi cette rame, dit Maurice en tendant la main vers moi. On va tourner en rond toute la journée si je te laisse faire des vagues dans tous les sens comme ça.

    Je ne protestai pas. Maurice est encore plus têtu que moi. Je le sais.

    Maurice prit plusieurs grandes inspirations en nous écartant de la berge. Le courant de la Calumet n’était pas particulièrement fort en automne. Il y avait des poches marécageuses couvertes de roseaux le long des rives qui me semblaient l’endroit idéal pour y parquer un bateau et glander toute la journée. Un train bringuebala quelque part au nord et le son d’une sirène nous parvint depuis l’autoroute surélevée. Ah, la nature.

    — Sens cet air frais, dit Maurice.

    Je grognai. Ça sentait l’algue et le gaz d’échappement, pour moi.

    Maurice battit les rames quelques fois encore avant de lâcher l’ancre (un bout de métal qui avait dû faire partie d’un altère dans une autre vie) par-dessus bord.

    — Je devrais pas porter, euh… un gilet de sauvetage ?

    Maurice sourit et se mit à tripoter sa baguette. Sa tige. Ce truc qui sert à pêcher, quel qu’en soit le nom.

    — C’est bon, Victor. L’eau t’arrive même pas à la taille.

    Je jetai un œil par-dessus la coque. L’eau était vert opaque. Difficile de dire si Maurice exagérait.

    Il me mit la canne à pêche dans la main et en sortit une autre.

    — Ne bouge pas tant que je t’aurais pas montré comment lancer. Sinon, tu vas te crever l’œil avec l’hameçon.

    Je jetai un regard audit crochet. Maurice y avait empalé un ver. Aucun esprit de ver n’apparut pour se mettre à me raconter ses derniers instants avant sa mort, je présumai donc que j’étais à l’abri des fantômes d’insectes. C’est alors qu’il se mit à bouger et je compris qu’il était encore en vie. Dégueu.

    Maurice jeta sa propre ligne avec une explication assez directe de ce qu’il était en train de faire, puis m’échangea celle-là avec la première canne, qu’il jeta à son tour.

    Je fixai les deux petits trucs flottant qui indiquaient où nos hameçons étaient immergés, et attendis la suite des instructions.

    Maurice cala sa canne dans une rainure sur le plancher du bateau et ouvrit la fermeture Éclair de son sac en toile. Il en retira une thermos et un mug de voyage en plastique mal en point.

    — Et maintenant ? lui demandai-je.

    Maurice versa du café dans le gobelet et me le tendit. Les rayons du soleil matinal filtrèrent à travers les volutes de vapeur qui s’élevaient de la surface du liquide, et j’eus l’impression que nous faisions partie d’une pub pour Folgers. Maurice se servit une autre tasse, revissa le bouchon de la thermos et poussa un soupir.

    — On attend, répondit-il.

    Je vis qu’il souriait, un petit sourire plutôt distant, alors qu’il observait l’eau de la rivière, ignorant commodément les cannettes de bière et sacs de courses en plastique qui flottaient autour de nous. La retraite lui seyait.

    En silence, nous bûmes notre caf et regardâmes l’eau, pendant que j’essayais de contrôler mes tremblements, assis que j’étais avec des baskets en toile humides en octobre. Certes, il faisait doux pour un mois d’octobre, mais pas tant que ça. Je calai ma canne à pêche dans le trou du plancher comme j’avais vu Maurice le faire et me servis une deuxième tasse de café. J’envisageai de verser le reste de la thermos sur mes pieds gelés, mais je me dis que ça ne me ferait du bien que pendant une minute, après quoi le café refroidirait et bientôt mes pieds se retrouveraient juste mouillés comme avant. Je laissai donc le café pour le boire plus tard.

    — Alors, dit Maurice lorsqu’il eut terminé sa tasse. Warwick a fini par te trouver un nouveau partenaire ?

    — Ouais, y a deux-trois jours. Un mec. Il s’appelle Roger Burke.

    Je ne voyais vraiment pas quoi dire d’autre au sujet de l’inspecteur « je t’en prie, appelle-moi Roger » Burke. Il me faisait penser au pain blanc. Ado, j’aurais été très heureux de me l’enfoncer dans le gosier. Mais maintenant que j’approchais de la quarantaine, je le trouvais un peu fade.

    Ne vous méprenez pas, Roger était mignon. Il avait le sourire facile, dont il m’assénait généreusement à la moindre occasion. Ses cheveux épais étaient naturellement blonds, coupés courts et soignés. Ses sourcils et cils étaient un plus foncés, et encadraient des yeux noisette aux reflets verts.

    Je ne l’avais jamais vu sans son manteau, mais à en juger par la manière dont ce dernier était tiré sur ses épaules et dont les boutons couraient sur sa taille cintrée, j’imaginais qu’il devait faire du sport régulièrement, et qu’il dissimulait des abdos de rêve sous sa chemise parfaitement repassée.

    Il était difficile de dire s’il était de la jaquette ou pas. Fut un temps où j’étais certain que tous les autres flics étaient hétéros, mis à part moi. C’était avant que l’inspecteur Jacob Marks ne m’accule dans les toilettes au pot de départ de Maurice.

    J’étais encore beaucoup trop obnubilé par Jacob et me foutais bien de savoir si Roger couchait avec des hommes, des femmes, voire même des animaux de ferme, au final.

    — Il est comment, ce Burke ? s’enquit Maurice.

    Je décidai que cela ferait beaucoup trop gay de donner à Maurice la couleur des yeux de Roger Burke. D’ailleurs, Maurice s’en contrefoutrait.

    — Il insiste pour toujours payer le café. Il a l’air plutôt correct. Il a été inspecteur pendant cinq ans à Buffalo.

    — New York ?

    — Ouais.

    — Hmm.

    Le flotteur en plastique de la ligne de Maurice plongea sous l’eau. Ce dernier fit tourner la bobine avec précaution, mais tout ce qu’il trouva au bout de l’hameçon fut un ver noyé. Il le relança à l’eau.

    — Et cette gamine mexicaine, alors ?

    « Cette gamine mexicaine » était Lisa Gutierrez. Elle avait été sélectionnée pour être ma partenaire non-psi, alias Raide, à la retraite de Maurice. Les choses se passaient bien entre nous, jusqu’à ce que notre sergent ne découvre qu’elle était elle aussi un sujet psi. Elle avait truqué les résultats de son examen pour obtenir le poste.

    — Elle est en Californie, dans un endroit appelé FormaPsy. Même si elle décide de revenir ici quand elle en aura terminé, ils ne voudront jamais nous remettre ensemble. Ils vont devoir la coller avec un Raide.

    — Dommage. J’ai entendu dire que vous aviez bien accroché.

    Je me figeai, et pas seulement parce que des cristaux de glace étaient en train de se former sur mes baskets. Je m’étais demandé si nous aurions un jour cette conversation, juste moi, Maurice, et un tas de détritus flottant de-ci de-là sur la rivière Calumet. Cet instant où je lui avouais aimer les mecs.

    — On, euh… Elle est chouette.

    Maurice remonta sa bobine de quelques tours et replongea son regard sur l’eau. Il n’ajouta rien. Je relâchai doucement mon souffle, soulagé d’avoir esquivé la balle, mais peut-être un peu déçu aussi. Après quelques instants de conversation très, très embarrassants, il n’y ferait probablement plus jamais allusion.

    Bon sang, d’après Jacob, Maurice était vraisemblablement déjà au courant. Ou en tout cas, s’en doutait. Douze ans et pas la moindre petite amie ? Certes, ça pourrait être significatif s’il était question d’un type lambda… mais c’était moi dans le collimateur. Pour ce que Maurice en savait, je pouvais très bien être beaucoup trop paumé pour avoir une femme dans ma vie. J’étais sans doute même trop paumé pour avoir aussi un mec dans ma vie en y réfléchissant. Mais puisque Jacob était un homme grand et fort armé d’un flingue, un flic à l’air tout ce qu’il y a de plus menaçant, il devait pouvoir faire le poids.

    Les deux tasses de café que j’avais bues remuaient dans mon estomac ; je penchai la tête par-dessus bord et tentai de me convaincre de ne pas être malade. Le beignet que j’avais avalé en trois bouchées en sortant de chez moi ne faisait pas son travail d’éponge pour tout absorber. L’arrière de ma gorge se mit à brûler avec l’acide et je déglutis avec force.

    — Ne me dis pas que t’as le mal de mer, fit Maurice dont les yeux ne quittaient pas les flotteurs à deux mètres de nous comme si je n’étais pas en train de changer de couleur et de prendre des goulées d’air.

    Je sautai sur l’occasion pour incriminer n’importe quoi d’autre plutôt que ma propre crise de panique interne.

    — Peut-être, dis-je. J’ai pas mis les pieds sur un bateau depuis que j’ai fait cette horrible croisière pour mes trente ans.

    J’observai la soupe verdâtre qui clapotait contre la coque de la barque, et y remarquai de minuscules formes arrondies qui, vu l’obscurité, auraient pu être des plantes, des escargots, ou encore d’autres signes de vie mystérieux.

    — Reste assis, dit Maurice. Ça va passer.

    Une forme ronde, plus large, flottait sous la surface trouble, sans doute un sac de courses ou peut-être un pot à lait. J’essayai de me distraire en imaginant un gangster de sortie avec sa bande qui aurait balancé la bouteille en plastique dans la rivière, mais je ne trouvai même pas ma propre touche d’humour particulièrement amusante.

    Ne pas savoir de quoi il s’agissait m’ennuyait ; je penchai la tête un peu plus près de l’eau et plissai les yeux. J’en remarquai une autre, de même taille et de même forme, à peu près, mais un peu plus loin, sur ma droite. Et une autre, sur ma gauche. Ma vue sembla s’étendre et je me rendis compte que ces formes pâles nous entouraient de partout, telle une formation nuageuse sous la surface de la rivière.

    Une espèce d’algue, donc. Ou peut-être même des petits monticules de sable, si le lit de la rivière était aussi proche que Maurice l’avait décrété, même plus encore, puisque nous étions arrivés dans une étendue d’eau où nous aurions très bien pu patauger, si je m’étais habillé correctement.

    Je me posai contre le flanc du bateau comme ma nausée s’estompait. J’étais sur le point de demander à Maurice comment son voyage à Fort Lauderdale s’était passé quand la chose immergée jaillit vers moi et prit soudain la forme d’un visage blême et mort.

    Je me redressai brusquement et la canne à pêche me fut arrachée des mains. Je réussis à la rattraper avant qu’elle ne tombe à l’eau, mais peut-être aurais-je dû la laisser couler. Je n’aurais sans doute pas eu l’air aussi secoué s’il n’y avait pas eu un énorme bâton tremblotant entre l’eau et moi.

    L’eau qui débordait de macchabées.

    Maurice me dévisagea un court instant, jeta un œil par-dessus bord, puis me prit la canne à pêche des mains et la coinça dans le fond du bateau.

    — Qu’est-ce que tu vois ? demanda-t-il calmement.

    Je savais de quoi je devais avoir l’air, le blanc de mes yeux visible de partout, le visage plus pâle encore que d’ordinaire. L’Expression qui annonçait que je venais de voir quelque chose. Maurice connaissait l’Expression.

    Je fermai les yeux et les images de visages distendus, blafards, jaillissant à la surface me revinrent en mémoire. Des centaines d’entre eux, les yeux ouverts mais aveugles, un paysage tout entier s’étirant jusqu’à l’horizon… en tout cas, jusqu’à l’autoroute.

    Il n’y en aurait pas autant. Pas dans la vraie vie. C’était juste mon esprit qui me jouait des tours.

    — C’est grave ? demanda Maurice d’une voix douce.

    Je soulevai les paupières et fixai son visage brun aux moustaches grises. Je pris une autre inspiration. Ce n’était pas si grave, me convainquis-je. J’avais juste vu une poignée de revenants et avais laissé mon imagination s’emporter. Ce n’était pas comme si je n’avais jamais vu de macchabées avant, me dis-je. Ce n’était pas comme si je n’avais jamais vu de fantômes.

    Je regardai par-dessus bord.

    Un visage me rendit mon regard, sa bouche caoutchouteuse s’ouvrant et se refermant comme s’il essayait de causer… mais l’eau ne bougeait pas et aucune bulle n’apparut. Le visage voisin cligna des paupières. Une main s’avança vers la surface de l’eau telle une araignée blême et boursouflée, dans ma direction. Et plus loin, une autre main. Et encore une autre derrière celle-là.

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