Les politiques publiques en loisir: Fondements, évolution et enjeux
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À propos de ce livre électronique
Cet ouvrage analyse le rôle déterminant des politiques publiques dans la structuration et l’évolution du loisir. En définissant les priorités, les objectifs et les actions nécessaires à la mise en œuvre de l’action publique, ces politiques se présentent comme des instruments stratégiques essentiels à saisir. Elles offrent aux professionnels et aux professionnelles en loisir des repères pour guider et orienter les interventions, tout en façonnant les pratiques et les enjeux sociaux qui y sont liés.
Cet ouvrage explore les mécanismes qui régissent les institutions municipales et provinciales afin de comprendre des concepts fondamentaux tels que la gouvernance, l’analyse des politiques et la participation citoyenne. Plutôt que de se concentrer sur un seul domaine précis, il examine plusieurs secteurs d’intervention (dont le loisir, la culture, la famille, l’immigration, le loisir rural, le patrimoine et l’activité physique), offrant ainsi une perspective globale des enjeux actuels.
Destiné à la communauté étudiante et aux spécialistes du secteur, cet ouvrage constitue une ressource essentielle pour l’élaboration et l’analyse des politiques publiques en loisir.
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Avis sur Les politiques publiques en loisir
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Aperçu du livre
Les politiques publiques en loisir - Julie Fortier
INTRODUCTION /
Les politiques publiques en loisir
Réseaux, institutions et valeurs
Julie Fortier et Marc-André Lavigne
Cet ouvrage a été élaboré en réponse à un besoin de connaissances sur les politiques publiques en loisir au Québec. Les différents chapitres ont été rédigés par des professeurs et des collaborateurs du Département d’études en loisir, culture et tourisme de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Ces derniers contribuent à ce collectif en apportant un regard distinct sur les politiques publiques en fonction de leur expertise en recherche: gouvernance, participation publique, relations avec les organismes, aménagement, ruralité, familles, immigration et culture. Ce livre s’adresse aux étudiants et aux professionnels intéressés par l’évolution, l’élaboration et l’analyse des politiques publiques, notamment celles réfléchies au niveau municipal.
Cependant, l’idée d’un livre sur les politiques en loisir au Québec, ou, autrement dit de l’intervention de l’État dans ce domaine, peut sembler, à première vue, contradictoire. Le loisir, défini comme «l’ensemble des comportements choisis et à valeur hédoniste auxquels une personne, à titre individuel ou en groupe affinitaire, peut s’intéresser ou s’adonner dans son temps libre, avec les ressources dont elle dispose, en rapport avec les gratifications qu’elle en attend» (Bellefleur, 2001, p. 57), se développe souvent indépendamment des institutions, dans un temps libéré de contraintes et d’obligations.
De plus, le domaine du loisir n’est généralement pas sujet à des controverses marquées, à des coalitions aux visions divergentes ou à des revendications fortes de la part des parties prenantes. Il n’est pas considéré comme un problème public majeur, mais plutôt comme une composante des solutions, ce qui, en théorie, favorise son intégration plus discrète aux priorités des décideurs publics. Inscrit dans une dynamique harmonieuse et collaborative entre l’État et la société civile, le loisir, comme objet de politique, se distingue par des objectifs et des moyens souvent partagés, se prêtant ainsi moins aux logiques de confrontation. En outre, il répond généralement de manière efficace et sans heurts aux besoins des citoyens, ce qui tend à limiter l’attention qui lui est portée.
Néanmoins, malgré ces caractéristiques, ce qui est communément appelé le secteur du loisir¹ a gagné en importance et a évolué ces dernières années pour englober divers sous-systèmes de politiques, chacun ayant sa dynamique propre, mais partageant une certaine complexité. Ces politiques reflètent un modèle en maturation de gouvernance collaborative entre l’État et la société civile, reposant sur l’interdépendance entre les institutions et les associations citoyennes (Jouve, 2003; Lavigne, 2014; Thibault, 2008), avec ses forces et ses défis.
Les politiques en loisir se distinguent souvent, en effet, par l’étroite collaboration entre les instances publiques et la société civile. Dans de nombreux secteurs, l’État délègue une grande partie de la prestation de services aux citoyens, regroupés au sein d’associations affinitaires. Cette dynamique ne signifie cependant pas que les municipalités et les gouvernements supralocaux se déchargent de toutes responsabilités.
Au contraire, dans cette gouvernance partagée, ces institutions s’engagent à assurer l’accès aux équipements, à fournir un soutien financier, à offrir un appui professionnel et technique, et à imposer des normes à l’approche, tout en assurant des orientations, sans nécessairement être au cœur du service aux citoyens. Les associations, quant à elles, contribuent avec leurs ressources humaines (salariées et bénévoles) et leur expertise technique en proposant une programmation variée d’activités, adaptée aux besoins exprimés par la communauté. Les acteurs publics ne peuvent agir seuls, n’ayant ni l’expertise ni les ressources humaines, salariées et bénévoles, pour répondre à la pluralité des demandes citoyennes. De même, la société civile ne peut agir seule, requérant les infrastructures, le soutien professionnel et financier nécessaire à l’offre de services aux citoyens.
Le modèle québécois de gouvernance du loisir est donc particulier, se situant à mi-chemin entre le principe de prise en charge du loisir par les citoyens et d’autonomie des associations locales d’une part, et le rôle de soutien d’un État partenaire aux initiatives de ses partenaires de l’autre (Thibault, 2008). Ce modèle incarne une approche où le pilotage de l’action publique repose sur un réseau d’acteurs, sur des relations formelles et informelles, et sur la force et la cohésion de ce maillage d’acteurs, à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’État. Le rôle des gouvernements est constamment remis en question et le discours appelle à un désengagement de l’État dans de nombreux secteurs, y compris en loisir. Les politiques en loisir au Québec vont cependant à contre-courant, appelant les institutions politiques à faire autrement au lieu de se faire plus discrètes.
C’est sa capacité à mobiliser efficacement des réseaux qui explique pourquoi le secteur du loisir a progressivement intégré ou été associé au développement de politiques à caractère social. La convergence de nombreuses politiques plus globales ou transversales au niveau local, sous l’égide des services municipaux de loisir, n’est donc pas une coïncidence. Les services municipaux de loisir ont développé une expertise propre avec des compétences en médiation sociale, en leadership et en développement de la vie communautaire nécessaires à l’intégration de politiques populationnelles plus transversales, comme les politiques familiales et des aînés, pour ne nommer que celles-là.
1 / Une dynamique municipale et gouvernementale complémentaire
L’objectif de cet ouvrage collectif est de mieux comprendre les dynamiques des sous-systèmes de politiques en loisir. Les différences fondamentales entre ces politiques publiques résident à la fois dans leurs acteurs (et la nature de l’intervention publique en loisir), leurs référentiels et les arrangements institutionnels qui les encadrent.
Au-delà des réseaux d’acteurs impliqués dans la prestation de services aux citoyens, la complexité de cette gouvernance partagée se manifeste par une superposition de structures à plusieurs niveaux de gouvernement qui ne communiquent pas nécessairement entre elles, mais qui jouent un rôle central au niveau stratégique. Dans le domaine du loisir et du sport, par exemple, le gouvernement provincial reconnaît près d’une centaine d’organismes nationaux de loisir (ONL) et de fédérations sportives québécoises (FSQ) en soutenant financièrement leurs actions. Parallèlement, les municipalités reconnaissent à leur tour des milliers d’associations récréatives, sportives et communautaires, appuient leurs initiatives et assurent un accès aux ressources de la communauté pour garantir une offre de services.
À l’exception des programmes de subvention destinés aux infrastructures et, dans une moindre mesure et de manière indirecte, de la relation entre les municipalités et les centres de services scolaires, le gouvernement provincial et les municipalités fonctionnent chacun dans leur propre réseau et leur propre écosystème.
La collaboration entre ces deux instances existe, mais demeure principalement informelle et ad hoc. La Politique de l’activité physique, du sport et du loisir du gouvernement provincial (2017) ne mentionne d’ailleurs qu’à quelques reprises le rôle du palier local, et ce, même si les municipalités dépensent bon an mal an près de 15% de leur budget annuel pour le loisir, le sport et la culture.
Pour d’autres secteurs, c’est tout le contraire. Les ministères s’appuient sur les municipalités pour la mise en œuvre de leurs propres orientations par des mécanismes formels. Concrètement, bien que le gouvernement provincial adopte des orientations, les ministères peinent souvent à les transmettre seuls aux acteurs locaux responsables de leur mise en œuvre. Par exemple, en culture, puis pour les aînés et la famille, les municipalités ont été sollicitées pour mobiliser les forces de leur milieu autour de préoccupations initialement identifiées par le gouvernement provincial, mais adaptées aux réalités de chaque municipalité participante.
Bien que cette structure bicéphale complexe, impliquant des acteurs d’importance interdépendants les uns des autres, ait conduit à l’adoption de nombreuses politiques municipales par les services municipaux de loisir et leurs partenaires, elle a également réussi à imposer et à transmettre un ensemble de valeurs, assurant ainsi une cohérence sur le plan des idées. Les politiques en loisir sont généralement influencées par des principes fondamentaux qui influencent tous les niveaux de cette gouvernance partagée, en définissant ou en orientant l’action publique.
Ainsi, les politiques du secteur du loisir s’inscrivent dans un «référentiel» d’action particulier qui assure une certaine cohérence à tous les niveaux. Sur un horizon temporel ou dans un espace géographique assez vaste, du Livre blanc de 1979 à la récente Politique de l’activité physique, du sport et du loisir de 2017, ou de la politique canadienne (ou Cadre stratégique pour le loisir au Canada en 2015) à plusieurs politiques locales, on retrouve sensiblement les mêmes principes: l’accessibilité ou l’inclusion comme cœur de l’intervention, la qualité et la variété des services offerts comme finalité, le développement des communautés et de la qualité de vie comme leitmotiv, et enfin, l’engagement citoyen comme moteur, chaque élément étant adapté aux enjeux et aux réalités propres à chaque communauté.
2 / Définition des politiques et présentation des chapitres
En cherchant à mieux comprendre comment s’articulent les interactions entre les parties prenantes, l’évolution des idées sous-jacentes à l’action publique et, dans une moindre mesure, le rôle et l’influence des institutions, les auteurs de ce collectif analysent et examinent les politiques en loisir sous deux conceptions distinctes et complémentaires. D’une part, une politique peut être définie dans son sens large, comme l’ensemble des actions (ou des inactions) des pouvoirs publics, ou, autrement dit, «tout ce que le gouvernement décide de faire, ou de ne pas faire» (Dye, 2017, p. 1). L’étude de ces actions permet d’analyser la logique qui les sous-tend, les valeurs véhiculées et partagées ainsi que les arrangements institutionnels particuliers. Une politique est, selon cette définition, une résultante peu tangible, mais décrivant clairement les actions réelles du secteur. Cette politique évolue dans un sous-système de politique (policy subsystem) qui regroupe et organise, autour d’enjeux sectoriels, des décideurs politiques de différentes instances gouvernementales, l’administration publique et des groupes d’intérêts. L’analyse de ces politiques publiques a pour objectif de comprendre ce que fait le gouvernement, pourquoi il le fait et quelles sont les répercussions de ses actions (Dye, 2017).
D’autre part, une politique peut être définie comme un instrument de gouvernance, un document officiellement adopté par un gouvernement pour annoncer des orientations et des objectifs stratégiques, définissant du même coup les enjeux et les solutions potentielles. De l’étude de ces politiques gouvernementales découle une meilleure compréhension de la logique souhaitée et des principes qui animent le sous-système. Une politique est, selon cette définition, une résultante tangible, mais décrivant un exercice de vision d’actions à venir qui pourraient ne pas être mises en œuvre. Ces politiques, rédigées et adoptées, sont généralement l’aboutissement d’un processus formel (Lemieux, 2009), souvent ouvert (Fortier, 2017) et duquel une coconstruction des idées associées au sous-système est assurée. L’analyse de ces politiques publiques est moins populaire chez les analystes (Lemieux, 2009), mais sont des outils prisés par les décideurs publics dans la gouverne de leur secteur.
3 / Structure de l’ouvrage
Ce collectif explore les politiques publiques selon ces deux définitions sans distinction et se divise en deux parties. Les auteurs ont été invités à adopter un modèle commun qui suggérait de se pencher sur l’évolution des politiques publiques sur la thématique traitée, d’apporter une analyse réflexive sur le sujet et d’identifier les principaux enjeux. À la fin du chapitre, ils devaient proposer des questions visant à préparer les lecteurs, en particulier les étudiants, dans leurs révisions.
Dans la première partie, les principaux concepts et principes entourant les politiques publiques en loisir sont présentés, permettant de saisir les fondements essentiels à leur compréhension, tels que la gouvernance, les politiques publiques (déterminants, étapes, acteurs, enjeux), le développement des compétences, la participation et la délibération. Le premier chapitre a été rédigé par Michel de la Durantaye, également auteur des chapitres 10 et 11. Il importe de souligner sa contribution majeure à ce collectif. Ce dernier est détenteur d’un doctorat de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris et professeur associé au Département d’études en loisir, culture et tourisme de l’UQTR. Il est, entre autres, spécialiste du développement culturel local et régional et des politiques culturelles municipales. Le premier chapitre a pour rôle de poser les bases de cet ouvrage en explorant en profondeur la notion de politique publique et l’historique de l’intervention de l’État en loisir. Ce chapitre aborde également les enjeux, les étapes d’élaboration ainsi que les intentions des parties prenantes impliquées dans la mise à l’agenda et l’élaboration des politiques.
L’auteur du deuxième chapitre, André Thibault, a participé à l’élaboration de politiques en loisir de proximité en partenariat avec les organisations citoyennes et a participé à la réalisation de la politique culturelle du Québec. Il met à profit ses connaissances dans ce chapitre en abordant les politiques publiques en loisir sous l’angle des compétences professionnelles nécessaires à leur élaboration et à leur pilotage. En complémentarité au chapitre précédent, plus conceptuel, ce second chapitre met l’accent sur la nécessité de développer les compétences requises à la création de politiques publiques efficaces en proposant le développement de cinq compétences propres à l’action professionnelle en loisir.
Le troisième chapitre a été écrit par Julie Fortier, qui s’intéresse au processus de participation dans le cadre d’élaboration de politiques publiques municipales. Ce chapitre a été rédigé en collaboration avec Esther Djossa, étudiante au doctorat en Loisir, culture et tourisme. Reposant spécifiquement sur la notion de participation publique, ce chapitre approfondit la réflexion sur la participation dans l’élaboration des politiques publiques municipales au Québec, replaçant l’évolution des pratiques dans leur contexte historique et en mettant de l’avant la reconnaissance croissante de l’expertise citoyenne par les municipalités.
Dans la deuxième partie, l’ouvrage comporte des chapitres sur les spécificités de différents domaines, champs, fonctions ou acteurs visés par les politiques publiques en loisir. À l’intérieur du quatrième chapitre, Marc-André Lavigne et Benjamin Branget examinent les particularités des politiques de reconnaissance et de soutien aux organismes mises en place par les municipalités québécoises, définissant ces politiques comme le reflet de la philosophie d’intervention de la municipalité et de sa relation avec les associations locales de la communauté. Ces deux auteurs possèdent une expertise en analyse des politiques publiques. Marc-André Lavigne détient un doctorat en administration publique de l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) dont la thèse portait sur la gouvernance des services municipaux de loisir. Benjamin Branget est candidat au Doctorat interdisciplinaire en aménagement de l’Université de Montréal et a également œuvré en milieu municipal à titre de directeur des loisirs. Il est également coauteur du chapitre 5.
Le cinquième chapitre est rédigé par Benjamin Branget, Carole Clavier et Sylvie Miaux. Carole Clavier et Sylvie Miaux détiennent un postdoctorat en Santé publique. La première étudie les politiques publiques favorables à la santé, notamment au transport actif, et la seconde s’intéresse à l’aménagement en faveur des déplacements actifs. Ce chapitre analyse les politiques municipales québécoises liées à l’activité physique à partir de la description de trois politiques spécifiques. Il étudie leurs processus d’élaboration, les acteurs impliqués et les enjeux en découlant. Les auteurs se penchent tout particulièrement sur les actions visant la création d’environnements favorables à un mode de vie physiquement actif, remettant du même coup à l’avant-plan le rôle des instances publiques dans l’aménagement d’une pratique récréative libre.
Le sixième chapitre est une réalisation de Jocelyn Garneau, doctorant et chargé de cours en Loisir, culture et tourisme à l’UQTR. Il a collaboré et mené plusieurs études sur le loisir en milieu rural. Son chapitre définit la ruralité, en présentant notamment ses caractéristiques. Tout en soulignant la place du loisir dans ces politiques, le chapitre explore la complexité de la ruralité, examinant les enjeux au Québec associés au développement des milieux ruraux.
Dans le septième chapitre, Gilles Pronovost examine les politiques familiales à travers un éventail de mesures prises par l’État, qu’elles soient directes ou indirectes, ayant un impact tant sur l’ensemble de la famille que sur chacun de ses membres. Le texte expose également les défis contemporains associés à la famille, tels que la diversification des structures familiales et les problématiques démographiques, tout en mettant en lumière les différents leviers politiques qu’il est nécessaire de consolider. Gilles Pronovost est un chercheur reconnu mondialement, notamment pour nombre de ses écrits sur la famille, l’emploi du temps et les pratiques culturelles.
Dans le huitième chapitre, Jean-Marc Adjizian, expert des questions relatives à l’inclusion, à l’immigration et au loisir, aborde les politiques en matière d’immigration et décrit à la fois les rôles et perspectives des gouvernements à l’échelle fédérale, provinciale et municipale. Ce chapitre aide à mieux comprendre les perspectives d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants, à saisir les nuances entre l’approche multiculturaliste et l’approche interculturaliste, et à reconnaître la contribution potentielle du loisir dans le processus d’accueil des nouveaux arrivants.
La seconde moitié de la deuxième partie de l’ouvrage se concentre plus spécifiquement sur les politiques en culture et leurs composantes. Le neuvième chapitre réunit à titre de coauteures Aude Porcedda et Jessica Rakotoarisoa. Aude Porcedda mène des recherches depuis plus de 20 ans sur la gestion du changement vers le développement durable et sur le lien santé et culture à travers la question de l’accessibilité universelle dans les institutions muséales. Doctorante en communication sociale, Jessica Rakotoarisoa s’intéresse à la communication pour le développement, la justice sociale, les médias sociaux, l’écoféminisme. En examinant quatre approches historiques à la politique culturelle au Québec, les autrices soulignent dans ce chapitre les changements significatifs et les interventions du gouvernement dans le développement culturel, tout en contextualisant ces évolutions sur les scènes nationale et internationale.
Les deux derniers chapitres révèlent l’expertise de Michel de la Durantaye en regard des politiques liées à la culture. Le dixième chapitre est coécrit avec Stéphanie Laquerre, qui détient une maîtrise en Loisir, culture et tourisme de l’UQTR et un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en Gestion des organismes culturels à l’École des hautes études commerciales (HEC). Elle travaille en milieu culturel depuis plus de 25 ans. Les deux auteurs analysent les politiques culturelles locales et des municipalités régionales de comté (MRC) depuis la politique culturelle de 1992. En exposant certains événements phares en trame de fond de leur analyse, le chapitre examine les dynamiques de gouvernance, les défis financiers, et met en lumière la nécessité pour les municipalités d’élaborer des politiques culturelles transversales et intersectorielles, soulignant leur rôle crucial dans le développement local et régional.
Dans le onzième et dernier chapitre, Michel de la Durantaye décrit les orientations politiques des municipalités en matière de patrimoine, soulignant l’importance de la diversité des approches et des leviers ainsi que les défis associés à sa préservation. Le chapitre met en lumière le rôle crucial du patrimoine dans la transmission culturelle et explore diverses approches pour mettre en valeur le patrimoine, en insistant sur l’importance de la coordination entre les différents niveaux d’intervention pour assurer une cohérence dans ces politiques.
Références
Bellefleur, M. (2001). Le loisir public. Dans Association québécoise du loisir municipal – Laboratoire en loisir et vie communautaire (dir.), Le loisir public au Québec: une vision moderne. Presses de l’Université du Québec, 61-63.
Dye, T. R. (2017). Understanding public policy (15e éd.). Pearson.
Fortier, J. (2017). Le rôle de représentant au sein de comités municipaux de concertation en loisir. Leisure/Loisir, 41(4), 561-583.
Gouvernement du Québec (1979). On a un monde à recréer: livre blanc sur le loisir au Québec. Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports.
Gouvernement du Québec (2017). Politique de l’activité physique, du sport et du loisir. Ministère de l’Éducation du Québec.
Interprovincial Sport and Recreation Council et Canadian Parks and Recreation Association (2015). A framework for recreation in Canada 2015: Pathways to wellbeing. Canadian Recreation and Parks Association.
Jouve, B. (2003). La gouvernance urbaine en questions. Elsevier.
Lavigne, M. A. (2014). Urban governance and public leisure policies: A comparative analysis framework. World Leisure Journal, 56(1), 27-41.
Lemieux, V. (2009). L’étude des politiques publiques: les acteurs et leur pouvoir (3e éd.). Presses de l’Université Laval.
Thibault, A. (2008). Le loisir public et civil au Québec: dynamique, démocratique, passionnel et fragile. Presses de l’Université du Québec.
1 D’ailleurs, à des fins de clarification, notons que nous définissons dans cet ouvrage le secteur du loisir comme un concept parapluie incluant l’ensemble des sous-systèmes de politiques liés à la diversité des expériences vécues pendant les temps libres et au sein de la communauté, ce qui englobe du même coup des domaines tels que le sport, l’activité physique, les pratiques culturelles et les loisirs récréatifs.
Définition d’une politique publique du temps libre, ses acteurs et ses processus d’élaboration
Michel de la Durantaye
Dans ce chapitre, nous définirons la notion de politique publique dans le champ d’études concerné: le loisir, la culture et le tourisme et autres champs connexes et les politiques du temps libre. Nous montrerons l’utilité générale et professionnelle des politiques publiques dans le domaine. Nous présenterons les enjeux, les acteurs et les parties prenantes d’une politique publique en loisir, culture et tourisme et ses conditions déterminantes. Enfin, nous expliquerons les méthodes les plus fondamentales et les grandes étapes d’élaboration de son contenu. Nous conclurons sur son évaluation et son cycle de vie. Une bibliographie de références utiles sera présentée en fin de chapitre et une douzaine de questions destinées aux lecteurs.
Mais pourquoi une analyse des politiques publiques en matière de loisir, culture et tourisme? Donnons une première réponse succincte: principalement parce que les «politiques publiques structurent le système politique, elles définissent et délimitent des espaces, des enjeux, des acteurs» (Thoenig et al., 1985, p. XIV). De plus, elles balisent les actions à planifier et les résultats à mesurer.
Soyons curieux. Quels sont ces espaces publics de loisir, culture, tourisme et autres champs connexes (santé, sport, etc.) (LCT+)? Quels sont ces enjeux en LCT+? Quels sont ces acteurs et parties prenantes de ces enjeux en LCT+?
Ce sont des questions fondamentales à se poser, en effet. Pour illustrer ces notions de base, avant d’aller plus loin dans les définitions, nous tirerons quelques leçons des politiques publiques de LCT+ des 50 dernières années au Québec. Par exemple: quels principes de gouvernance, jusqu’à présent, ont prévalu en matière de politiques de LCT+? Quelles sortes d’enjeux en LCT+ se sont imposées dans les espaces publics? À cette occasion, nous verrons l’importance de bien identifier les enjeux si l’on veut élaborer une politique, quelle qu’elle soit, car les enjeux sont les justifications d’une politique. Pas d’enjeux, pas de politique, car une politique publique est une solution publique à un problème public¹. Nous montrerons que les enjeux déterminent le lieu et le niveau de gouvernance des politiques. Aussi, ces enjeux déterminent la multiplication des politiques en LCT+, et ce, à différents niveaux de décision et de fonction dans la société. Nous verrons aussi ce qu’est un «niveau» de décision et un niveau de fonction «chez les humains» dans un système de gouvernance².
Précisons d’abord que les professionnels³ en LCT+ savent qu’ils doivent s’adapter constamment à la situation qui pose un problème, s’ils veulent parvenir à résoudre correctement ce problème. Or, résoudre un problème «correctement» de nos jours, pour un professionnel en LCT+, n’est pas toujours aussi simple que de télécharger une application en informatique qui, elle, facilite les opérations sans trop se poser de questions⁴. Le choix des processus⁵ et des méthodes d’élaboration de politique doit être adéquat à la situation rencontrée⁶. Ce choix est intimement lié, en sciences sociales, à l’objet de nos décisions, en tant que professionnel, car ce problème à résoudre «correctement» apparaît dans un contexte particulier qui possède ses propres déterminants et ses propres logiques de fonctionnement. Les parties prenantes⁷ à ce problème à résoudre peuvent rester silencieuses, comme dans le proverbe «Qui ne dit mot consent» ou peuvent réagir, en toute transparence, dans l’espace public, dans les lieux de la gouvernance de ce problème. Or, un professionnel en LCT+, comme un élu d’ailleurs, orienté vers la recherche du bien commun⁸, ne peut prétendre, avant de commencer, posséder la solution à un problème qu’il ne connaît pas encore. Un minimum de modestie ou de retenue évite au professionnel de ramener le problème de la situation à ses uniques perceptions, à sa compréhension immédiate et personnelle, ou même à des axiomes, qui n’ont pas de sens dans la situation concernée⁹. Une analyse préliminaire de la situation qui pose un problème peut éclairer bien des questions légitimes et éviter des bourdes, particulièrement dans la première phase d’une politique publique: émergence d’une politique¹⁰.
Durant cette phase d’émergence d’une politique publique, selon le politologue Vincent Lemieux, «il ne faut pas s’étonner que certains acteurs (sociaux) voient des problèmes là où d’autres n’en voient pas» (Lemieux, 1992, p. 31-33). Selon lui, une politique publique commence par la perception d’un problème public, car «les normes qu’ont les acteurs sociaux face à une même situation diffèrent, et leurs perceptions diffèrent elles aussi» (Lemieux, 1992, p. 31-33). D’où l’importance de discuter des processus avant d’élaborer une politique. Ce dialogue politique dans la phase d’émergence implique toujours, parmi les parties prenantes, les «entrepreneurs politiques» qui, selon Lemieux, peuvent recourir à des jeux de pouvoir qui influencent le contenu des politiques et leur adoption par un gouvernement. Lemieux pose d’ailleurs une question fondamentale à ce sujet des jeux de pouvoirs des entrepreneurs en politiques publiques. «On peut se demander, dit-il, si les politiques publiques sont définies en fonction des intérêts des entrepreneurs en politiques ou en fonction des besoins des populations?» (Lemieux, 1992, p. 31-33).
1 / Les politiques et le champ d’études concerné
Quant au «système politique» que mentionne Thoenig, on pourrait ici, en ce début de siècle, parler plutôt «d’écosystème» de LCT+. Cet écosystème tient compte de conditions déterminantes qui débordent le seul système «politique» traditionnel. Nous verrons que l’approche de LCT+ en la matière est plus holistique ou systémique maintenant ou, pour employer un terme plus courant, est davantage préoccupée par les «systèmes de gouvernance des politiques¹¹».
En effet, le monde du loisir, de la culture et du tourisme n’a pas fait exception à la règle et, là aussi, les politiques publiques ont contribué à structurer un système, à définir et délimiter des espaces, des enjeux et des acteurs.
Depuis le début des années 1970 au Québec, lorsque le loisir a commencé à être fortement valorisé et institutionnalisé¹², et lorsqu’il est devenu un objectif de la société, le système politique, selon Gilles Pronovost (1983), y a peu à peu affecté une partie des ressources collectives. À la suite de l’institutionnalisation du loisir et à sa professionnalisation sur le territoire, l’État du Québec, pour un, a investi le domaine et multiplié ses interventions en matière de programmes et de politiques. Toutefois, compte tenu de l’autonomie relative de nombreux ministères impliqués dans les questions culturelles, récréatives et touristiques ainsi que de la diversité des entités et des structures administratives concernées, ces interventions gouvernementales en matière de programmes et de politiques n’ont pas toujours été parfaitement coordonnées.
L’institutionnalisation du loisir selon Pronovost «réfère non seulement à la transmission, à travers diverses organisations sociales […] de finalités culturelles et de normes plus ou moins propres au loisir, mais aussi à une certaine différenciation de ce phénomène par rapport à d’autres institutions: école, famille, système religieux, par exemple» (Pronovost, 1983, p. 211). Quant à la professionnalisation, c’est-à-dire, entre autres, la constitution progressive d’une classe de professionnels occupant peu à peu le champ du loisir au Québec, lui-même fractionné en catégories de tâches et en niveaux d’intervention, on peut dire qu’elle est la conséquence de «la valorisation d’un champ d’activités, de la constitution d’un marché d’emploi, de la spécialisation progressive des tâches et enfin, de l’apparition de groupes sociaux prenant en charge un secteur de la société» (Pronovost, 1983, p. 214) au Québec.
Par conséquent, sur le territoire québécois, l’État¹³ définit les orientations, coordonne et régule, tandis que les municipalités, les centres de services scolaires ou leur équivalent ainsi que certaines associations accréditées et organisations, assurent la mise en œuvre et l’organisation au niveau local et régional (Gélinas, 2003). En ce qui concerne les associations ou fédérations disciplinaires, elles sont considérées comme des structures de services (Levasseur, 1986, p. 99).
Dès 1976, au Québec, une spécialisation et une répartition des tâches s’instaurent. L’État assumera la promotion des activités disciplinaires, tandis que le palier local prendra en charge le développement communautaire¹⁴, les instances régionales servant de relais entre les deux premiers. C’est ainsi que, selon Roger Levasseur, «le loisir participe à une division fonctionnelle de la culture, chaque fonction étant prise en charge par une institution politique et par des groupes professionnels spécialisés» (Levasseur, 1986, p. 103) (par exemple, les Unités régionales de loisir et de sport [URLS]).
Au milieu des années 1980, ce statut de partenaire des groupes professionnels spécialisés en matière de culture, loisir et tourisme, est en train de changer. Nous assistons à une métamorphose importante qui prend la forme d’un désengagement de l’État conséquent à une volonté gouvernementale de contenir les dépenses¹⁵ dans le but notamment de réduire le déficit provincial. Sur le plan municipal, également dans le but de réduire les dépenses publiques, on a développé, au cours de ces années, de nouvelles manières de produire en coopération avec d’autres appareils que celui des municipalités. Des études entreprises durant la même période par Max D’Amours sur la privatisation et le faire-faire municipal dans le domaine des services récréatifs et culturels confirment cette métamorphose chez les élus municipaux, c’est-à-dire une perception nouvelle de la municipalité plutôt comme un organisme de soutien aux groupes et associations dans leur «vocation» de concepteurs et producteurs de biens et services publics en loisir. C’est ce que D’Amours nomme «le nouveau concept de faire-faire» (D’Amours, 1987a). Ces nouvelles façons d’opérer, «on les trouve principalement dans des modes de partage ou de transfert des responsabilités à des tiers, c’est-à-dire à des associations sans but lucratif d’abord, à l’entreprise commerciale ensuite et enfin, à des organismes intermunicipaux» (D’Amours, 1987b, p. 7). Aux organismes sans but lucratif, on confie la gestion des programmes d’activités; à l’entreprise commerciale, la gestion d’équipement, l’entretien de matériel, les traitements informatiques, etc.¹⁶. Cette métamorphose générale dans le monde du loisir s’inscrit à l’intérieur de grands mouvements socioéconomiques qui se dessinent dans les pays postindustrialisés et particulièrement en Amérique du Nord, depuis le début de la décennie 1980. Selon Johanne Bondu «le responsable municipal de loisir pourrait voir ses responsabilités réorientées vers la planification stratégique, l’évaluation de programmes ou encore la recherche et le développement» (Bondu, 1993, p. 123). Bondu parle de «filière mixte» intégrant municipalité, organisme intermunicipal, entreprise commerciale et organisme sans but lucratif.
Or, cette métamorphose politique, qui prend la forme d’un désengagement de l’État, aura un impact remarquable sur le système de gouvernance des politiques publiques en LCT+ au Québec. De plus, celle-ci ne peut être interprétée en dehors des mouvements de société qui se manifestent lors de la décennie précédente, une décennie de grands bouleversements, celle des années 1970. En loisir, c’est la période du «boom associatif¹⁷» qui ne sera pas sans conséquence sur les politiques à venir, y compris le «boom» des politiques culturelles municipales des années 1990 et 2000¹⁸.
En effet, l’émergence, entre 1970 et 1983, du «boom associatif» au Québec, n’est pas un phénomène étranger à la situation d’une crise d’adaptation des mécanismes de choix collectifs qu’on observera un peu plus tard durant la décennie 1980: la fameuse métamorphose politique ci-haut mentionnée. C’est une crise qui trouve une voie de solution, lors des années 1980, dans une décentralisation de responsabilités publiques et un délestage vers des partenaires à reconnaître¹⁹. On est en présence, alors, d’une crise du système d’action publique²⁰, en matière de besoins et préférences du monde associatif, des consommateurs et usagers des services publics communautaires en général, et notamment récréoculturels. Donc, un problème d’ajustement de l’offre et de la demande en matière de loisir. À cette époque²¹, le principal enjeu consistait à combler l’écart entre les besoins en matière de services publics dans ce secteur particulier et la réponse fournie par le système collectif d’action qui comprend les services municipaux, provinciaux et fédéraux, le marché des valeurs économiques, le bénévolat ainsi que l’entreprise caritative. Nous croyons qu’il faut voir ce «boom associatif» de l’époque comme un phénomène de multiplication des participants à la compétition en vue de l’obtention de sa part de richesse sociale. Ce qui se traduira finalement par une inflation de la demande²². En effet, selon le Comité du suivi du Sommet québécois du loisir de mars 1987, l’émergence des associations communautaires de toute nature est un élément majeur dans la problématique du cadre de relations entre les municipalités et les associations de loisir (Comité de suivi du Sommet québécois du loisir, 1988). De plus, nous savons que c’est un déterminant majeur de l’émergence du «boom» des politiques culturelles municipales locales et régionales²³. Une remarque éloquente sur le sujet, à l’époque, venant du Regroupement québécois du loisir municipal (RQLM) mérite qu’on s’y attarde. En effet, selon le RQLM, aujourd’hui Association québécoise du loisir public (AQLP), nous vivons dans une ère «où des groupes locaux reliés à des préoccupations relevant plus du secteur des affaires sociales et même quelquefois de celui de l’éducation font pression auprès des municipalités, pour obtenir de celles-ci l’équivalent des services qu’elles offrent aux groupes de loisir» (RQLM, 1989, p. 5). Ainsi, lors de ce «boom associatif», entre 1970 et 1983, nous observons une démarche de mise à l’agenda politique municipal²⁴ des groupes sociocommunautaires et socioéducatifs.
Cependant, selon le Comité de suivi, le principal domaine d’action des associations communautaires dont on parle concerne: les activités de loisir, les activités d’échange et de rencontre, la culture «cultivée» (arts, lettres et sciences), l’éducation, les médias communautaires, les cultures ethniques, les fêtes et les festivals, les activités physiques et sportives (majoritaires) (Comité de suivi du Sommet québécois du loisir, 1988, p. 17).
On remarquera que la diversification LCT+ des associations qui accompagne le «boom associatif» fait partie de la diversité culturelle d’une société et elle témoigne de la diversification et de la segmentation²⁵ (spécialisation) des pratiques qu’on observera lors des années subséquentes. Selon le Comité de suivi du Sommet québécois du loisir, qui cite Max D’Amours et sa recherche sur la «privatisation des loisirs municipaux», il apparaît très clair que plus la taille de la population augmente, moins les élus sont portés à jouer un rôle de concepteur et de producteur de services (D’Amours, 1987a, p. 13). On pourrait émettre que plus l’urbanisation²⁶ du loisir se développe, plus la municipalité risque de déléguer des responsabilités aux associations, et donc par voie de conséquence, plus l’intervention des bénévoles sera nécessaire, et plus on observera une «prise en charge» par le monde associatif du développement récréoculturel, sociocommunautaire et récréotouristique. Selon Max D’Amours (1990), on est en présence d’une «crise d’orientation entre 1980 et 1990» (D’Amours, 1990) sur le plan institutionnel provincial et sur le plan des politiques locales. De 1965 à 1990, le rôle de l’État provincial en LCT+ s’est considérablement modifié, passant d’un État planificateur à un État catalyseur et décentralisateur pour aboutir à un type favorisant l’entreprise individuelle, la privatisation, le retrait de
