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Les survivants: Les voleurs de corps, #2
Les survivants: Les voleurs de corps, #2
Les survivants: Les voleurs de corps, #2
Livre électronique406 pages5 heuresLes voleurs de corps

Les survivants: Les voleurs de corps, #2

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À propos de ce livre électronique

La suite du roman Les affamés
Dix ans plus tard, ils sont toujours là. Les esprits maléfiques libérés par Mina se mêlent maintenant aux humains, qui tentent de reprendre une vie normale au sein de la République après le carnage de l'éclipse solaire.
Sara, la petite-fille du général Andrei Prostova, travaille comme préposée à l'entretien dans les bureaux du ministère des Transports, où ces monstres cannibales abondent. Des monstres comme Hans, l'assassin de son père. Celui-ci compte bien profiter de la présence de la jeune femme pour se distraire de son quotidien morne de fonctionnaire.
Ce qu'Hans ignore, c'est qu'un prêtre de l'Église des Survivants a engagé Sara pour télécharger un virus dans le réseau informatique de la République. Un virus qui sabotera les communications entre le siège social et les ministères et paralysera la redoutable armée de robots de la Gendarmerie royale.
Sara réussira-t-elle la mission que lui a confiée l'Église avant que Hans ne découvre la véritable raison de sa présence au ministère et ne la livre aux siens, qui n'en feraient alors qu'une bouchée?

LangueFrançais
ÉditeurMarilyn Boissonneault
Date de sortie6 janv. 2025
ISBN9798230956297
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    Aperçu du livre

    Les survivants - Marilyn Boissonneault

    Les voleurs de corps

    Volume deux : Les survivants

    Pour un public averti

    De la même auteure :

    LES VOLEURS DE CORPS (romans)

    ♦Volume 1 : Les affamés.

    Lanoraie : Les Éditions de l’Apothéose, 2023.

    ♦Volume 2 : Les survivants, 2024.

    CARNETS ROUGES (nouvelles)

    ♦Premier carnet: Mon ange, 2023

    ––––––––

    Réseaux sociaux :

    Facebook : Marilyn Boissonneault - auteure

    Instagram : Marilynboissonneaultauteure

    www.marilynboissonneault.com

    ––––––––

    Conception de la couverture : Marilyn Boissonneault

    Photo de couverture : Unsplash

    Mise en page : Marilyn Boissonneault

    Révision linguistique : Jocelyne Deslandes

    Photographie : César Ojeda

    ––––––––

    Tous droits réservés © 2024 Marilyn Boissonneault

    ––––––––

    ISBN  978-2-9822247-0-4

    Dépôt légal

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec 2024

    Bibliothèque et Archives du Canada 2024

    ––––––––

    Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteure.

    Cette histoire constitue une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, ainsi que des endroits réels, relève du hasard.

    « La conscience de soi est atteinte lorsque l’homme comprend ce qu’il est aux yeux des autres : un idiot. »

    -anonyme

    1.   

    Hans

    ––––––––

    La lame du couteau s’arrêta à quelques centimètres de son visage.

    – C’est vous! C’est vous qui avez tué mon père! s’écria la femme de ménage en tentant à nouveau de le frapper avec son couteau mais Hans lui retenait fermement le poignet. Assassin! Monstre! Démon!

    Il l’attira vers lui et plongea son nez dans les cheveux noirs et bouclés de la fille. Sara sentait le sexe, la dope, l’océan, les fruits sucrés, la rosée du matin et la poudre pour bébé. Ces odeurs évoquaient les plus beaux souvenirs enfouis au fin fond de sa mémoire, mais qui lui étaient désormais inaccessibles. Il mourait d’envie de planter les dents dans son cou délicat, de boire son sang, de déchirer en lambeaux cet affreux uniforme beige et de... et de... et de...

    — Lâche-moi! Sale monstre! hurla-t-elle en le frappant de sa main libre. Je vais te tuer! Je vais te tuer!!

    — J’vais te faire couiner, toi aussi, p’tite salope!

    Hans saisit la main de Sara qui le rudoyait et la plaqua sur l’érection massive qui lui explosait le caleçon.

    — J’espère que t’es aussi cochonne que t’en as l’air!

    — Lâche-moi! À l’aide! À L’AIDE!!

    Une masse sombre heurta Hans et l’aplatit contre le mur, lui faisant enfin relâcher la pauvre fille. L’avant-bras du gardien de sécurité lui écrasait le gosier. Terrorisée par le garde, Sara se précipita hors du bureau, laissant tomber son couteau et abandonnant son chariot de produits ménagers dans sa hâte.

    — Bienvenue au ministère! s’égosilla Hans alors qu’elle quittait la pièce.

    — Fais pas le malin, l’avisa le garde, en pressant davantage sur sa gorge.

    Le gardien lui enfonça son avant-bras dans la trachée. Hans se débattit de toutes ses forces à coup de pied et de griffes, mais rien n’arrivait à faire bouger l’armoire à glace vêtue de noir qui le retenait à plusieurs centimètres au-dessus du sol. Alors qu’il se sentait sur le point de perdre conscience, la bouche du garde aux minces yeux rouges s’ouvrit sur deux rangées de dents taillées en pointe.

    — T’as de la chance d’être aussi faible.

    Il libéra Hans, qui tomba à genoux sur le tapis et se mit à tousser, la gorge et les poumons agressés par le soudain retour de l’air.

    — Tu pouvais vraiment pas t’en empêcher, hein?

    — Quoi? On n’a plus le droit de s’amuser ici? parvint à articuler Hans entre deux quintes de toux.

    — Tu connais les règles! C’est pas parce que t’es un sous-ministre adjoint que t’as un passe-droit! Une autre fois comme ça et je te brise les deux jambes, c’est compris? menaça le garde.

    Hans jura entre ses crocs.

    — C’est compris?! répéta le garde en l’empoignant par le veston.

    — Ouais, ça va! J’suis pas sourd, Karl! Fous le camp de mon putain de bureau!

    Hans adressa un doigt d’honneur au gardien de sécurité. Le colosse l’ignora et ramassa le couteau de la fille, puis poussa le chariot de produits ménagers hors de la pièce et referma la porte derrière lui. À nouveau seul, le sous-ministre dénoua sa cravate en pestant contre Karl et retourna à ses trop nombreux messages électroniques.

    De longues minutes plus tard, il buvait le sang d’un sac de soluté, incapable de se concentrer sur les courriels et les appels qui continuaient de s’accumuler. Il pensa à toutes les manières qu’il aurait pu étriper Karl, s’il avait été assez fort pour le faire. Hans s’imagina aussi toutes les façons qu’il aurait pu faire crier la jeune et belle Sara, après lui avoir enlevé son uniforme et l’avoir renversée sur son bureau.

    Sara Prostova.

    Le visage de la fille qui était entrée dans son bureau ce matin lui avait tout de suite semblé familier et Hans avait consulté la mémoire de l’homme dont il avait pris possession une dizaine d’années plus tôt. En effet, un certain Alexei Prostova avait jadis été à son emploi. Celui-ci lui avait montré des photos de sa fille plus d’une fois, tellement il était fier de sa gamine. Elle avait grandi, mais Hans n’eut aucun mal à la reconnaître, même si un autre nom était brodé à son uniforme. Cette nouvelle préposée à l’entretien était donc la fille adorée d’Alexei, un des hommes qu’il avait dévorés le jour de son arrivée dans ce monde. Une bien cruelle coïncidence, qui avait fait furieusement plaisir au démon en mal de chair fraîche. Il n’avait pu s’empêcher de partager la bonne nouvelle avec la principale concernée, ce qui avait convaincu Sara qu’il devait à tout prix rencontrer la pointe acérée d’un couteau de cuisine.

    Calé dans son fauteuil de cuir, les yeux fixés sur son insipide écran, Hans ruminait ses pensées en terminant de vider le sac de sang. Une érection mollasse accaparait le sang dont il aurait eu besoin pour se motiver à travailler. Il écrasa la poche de plastique vide et la lança dans la poubelle, à défaut de pouvoir tordre le cou de Karl.

    Qu’est-ce que je fous ici, à jouer les humains?

    Hans s’alluma une cigarette et alla à la fenêtre de son bureau du vingtième étage. Il contempla le ciel bleu et sans nuages qui s’étendait à l’infini vers les dunes, par-delà les limites des gratte-ciels de la ville de Drares. Il fuma en tentant d’ignorer le damné téléphone qui ne cessait jamais de sonner. Les alertes l’informant que les courriels, dont il ne voyait plus le bout depuis longtemps, s’accumulaient, encore et toujours plus, à chaque seconde passée dans ce foutu bureau.

    Comme presque tous les jours depuis que la présidente Mina Kovicha l’avait obligé à prendre le poste de sous-ministre adjoint au ministère des Transports qu’occupait jadis le propriétaire de son corps, Hans s’imaginait emprunter la route qui traversait le désert d’Astrein au volant de sa belle voiture sport de l’année. Il se voyait passer la frontière d’Efitra à plus de 300 km/h et se rendre loin, très loin, là où poussait autre chose que des dattiers et des figuiers, au lieu de devoir rester enfermé dans un bureau toute la journée pour faire fonctionner le royaume d’un de ces sales humains.

    2.

    Sara

    ––––––––

    Prise de nausées et de tremblements incontrôlables, Sara se réfugia dans la salle de bain la plus près pour se faire une ligne de spark et se jeter de l’eau glacée au visage. Elle se laissa choir sur la céramique froide, attendant impatiemment que la drogue fasse effet et que ses mains cessent de trembler. Elle se faisait violence pour ne pas s’enfuir à toutes jambes. Elle remonta sur son nez le châle de prière enroulé autour de son cou. Il sentait le savon à lessive de sa grand-mère, l’odeur la plus réconfortante qui soit. 

    Ça va, tout va bien aller. Ça va. T’es la meilleure, tu peux le faire. Je peux le faire. Ça va me prendre dix minutes, cinq même. Ça va. Je gère. Tout va bien. Y’a pas juste des monstres, ici. Tout va bien. Tout va bien. Tout va bien.

    Elle aurait vraiment dû s’informer un minimum sur les employés avant de postuler au ministère des Transports, mais Sara n’avait pas eu le luxe d’être difficile. Mais comment aurait-elle pu savoir que Hans, un ministre quelconque, avait été le patron de son père? Comme tout avait été chamboulé depuis l’éclipse solaire, comment aurait-elle pu deviner que cet homme occuperait exactement le même poste, au même ministère, dix ans plus tard? Comment aurait-elle pu savoir qu’il était désormais infecté et que c’était lui qui avait assassiné son père adoré? Il s’en était même vanté, le salaud!

    Sa respiration reprit un rythme normal et elle cessa de frissonner au bout de cinq interminables minutes, la laissant lessivée et en nage. C’était sa première journée au ministère des Transports, et il n’était que neuf heures trente.

    Ça va. Je gère.

    Après s’être assurée qu’elle était bien seule, Sara s’enferma dans une cabine de toilette et s’assit sur le siège rabattu. Grâce à l’implant sous-cutané logé derrière son oreille droite et connecté à son cerveau, elle composa mentalement le numéro pour joindre Lukas, le prêtre de l’Église des Survivants, qui lui avait donné son véritable travail. Il répondit au bout de trois sonneries, et l’image de l’ivrogne en caleçons allongé dans son lit s’afficha sur la cornée de l’œil droit de la jeune femme.

    — Sara! Les dieux soient loués! Tu es toujours vivante! Tout le monde te cherche! Où es-tu? explosa dans son tympan la voix éraillée de l’homme.

    — J’ai dû me cacher, qu’est-ce que vous croyez?! On s’est fait piéger comme des débutants! Vous nous aviez assurés qu’on était en sûreté dans le bunker, mais l’équipe au complet s’est fait tuer par votre faute! Vous réalisez la chance que j’aie eue?!

    — Comment j’aurais pu savoir qu’un des membres de l’équipe était à la solde de ces démons et allait nous vendre? grogna Lukas en se pinçant la peau entre les yeux.

    — Vous êtes censés être des professionnels et avoir tout planifié dans les moindres détails afin de garantir ma sécurité, et je me suis retrouvée toute seule au milieu d’un massacre! C’est un miracle si j’ai pu m’échapper!

    — Tu as toujours le virus informatique sur toi?

    — Vous me prenez pour qui? Bien sûr que je l’ai! Je suis une vraie pro, moi!

    — Les dieux soient loués! Où es-tu? Je vais envoyer des...

    — Comme si j’allais vous le dire! C’est à cause de vous si la mission a foiré! Je vais me débrouiller toute seule!

    — La mission n’a pas foiré! Tu es vivante et tu as toujours le virus sur toi, alors tu dois le télécharger dans le serveur du siège social de la République, sinon tu ne verras pas un seul des dramhs que nous t’avons promis! C’est clair? menaça le prêtre.

    — C’est ce que je vais faire! Vous me devez encore les millions que vous m’aviez promis pour le job, et je veux être payée! Et mes honoraires ont triplé, en passant!

    — C’est de l’extorsion! On va trouver un autre hackeur!

    — C’est ça! Bonne chance! C’est moi qui ai programmé le virus et son antidote, et c’est moi qui possède les seules copies qui existent encore! Vous pouvez rien faire sans moi!

    — Je vais te retrouver! Tu ne pourras pas te cacher longtemps, espèce de...

    Quelqu’un entra dans la salle de bain et Sara coupa la communication avant d’entendre la fin de l’insulte colorée que lui réservait le prêtre.

    Merde! J’aurais dû verrouiller la porte! Quelle conne!

    Elle tira sur la chasse d’eau et sortit de la cabine. Elle ouvrit le robinet d’eau froide et s’en aspergea la nuque. Sara n’avait pas prévu devoir se débarrasser de quelqu’un, et surtout pas si tôt. Elle n’avait pas pu se procurer d’arme à feu ou de pistolet à impulsion électrique avant son arrivée précipitée au ministère, et avait échappé son couteau dans le bureau de Hans. Ce serait la première fois qu’elle tuerait quelqu’un et elle devrait le faire à mains nues.

    C’est plus grand que nous.

    Elle fut soulagée de voir sortir d’une autre cabine une simple préposée à l’entretien. La femme devait avoir la quarantaine et semblait sympathique. Sara souhaitait surtout qu’elle soit assez sympathique pour oublier ce qu’elle venait d’entendre.

    — Oh, ça va? Tu es toute blanche! lui demanda-t-elle en la rejoignant aux lavabos.

    — Oui, oui, ça va, ne t’inquiète pas pour moi, répondit Sara en refermant le robinet.

    — C’est ta première journée ici?

    — Ça parait tant que ça? demanda Sara en se séchant les mains avec du papier.

    — Il s’est passé quelque chose? Tu avais l’air de te disputer avec quelqu’un, tout à l’heure, je n’ai rien compris, mais j’espère que je n’ai pas interrompu une discussion importante...

    Fiou! Je n’aurai pas à la noyer dans une cuvette!

    — Ça va, je te dis. Oublie ça, ce n’est rien.

    La femme afficha une mine désolée qui donna mal au cœur à Sara. La préposée extirpa une flasque en métal de la poche arrière de son pantalon. Elle la lui proposa, et Sara ne se fit pas prier. Avec tout ce qu’elle vivait depuis quelques jours, elle avait grand besoin d’un petit remontant. Sa collègue se servit ensuite à son tour. Le nom de Kim était inscrit sur l’étiquette collée à sa chemise, confirmant, avec ses yeux bridés, sa peau olive et ses cheveux noirs qu’elle était originaire d’Azos, le continent oriental.

    — Tu es loin de chez toi, dis donc, remarqua Sara.

    — Oui, j’ai déménagé à Drares il y a quelques années pour y rejoindre mon mari.

    — Tu as dû le regretter, non? Drares est probablement l’endroit dans le monde où il y a le plus de nagarrs et de gens infectés au mètre carré. Moi, dès que j’en aurai les moyens, je saute dans un avion et je fiche le camp d’ici.

    — Infectés? Ah, tu es de ceux qui croient que des gens sont soudainement devenus cannibales et se sont mis à attaquer tout le monde à cause d’un virus.

    — Qu’est-ce que ça peut être d’autre? Tu crois que ce sont des esprits maléfiques sortis d’on ne sait où qui auraient pris possession d’une personne sur dix au moment d’une éclipse solaire? C’est ridicule!

    Kim reprit une gorgée de sa flasque et la tendit à Sara.

    — Tu pries des dieux, pourtant, dit la femme orientale, en désignant le châle rouge autour du cou de Sara. En quoi ça te pose un problème de croire que des démons existent aussi?

    — Je ne crois ni en l’existence de dieux, d’anges ou d’esprits malveillants. Je vais juste à l’église pour faire plaisir à ma grand-mère. Je ne peux pas adhérer à l’idée que des forces invisibles régissent nos vies et nos destins, c’est complètement absurde.

    Kim lui sourit et n’ajouta rien. Sara but une dernière lampée d’alcool et lui rendit la petite bouteille, tout en l’étudiant un peu plus attentivement. Cette femme aux cheveux coiffés en une longue tresse qui lui encerclait la tête lui rappelait sa mère. Elle voulut être gentille et offrir à Kim de se faire une ligne de spark, mais se ravisa; elle devait l’économiser en attendant de savoir à qui en racheter. Elle trouverait bien une manière de la remercier pour l’alcool plus tard.

    — Allez, tu vas voir, ce n’est pas si terrible que ça ici, lui dit Kim en posant une main sur son épaule. Peu importe ce qu’ils sont, tu n’as qu’à les ignorer et à te tenir loin d’eux le plus possible, même si je suis consciente que ce ne sera pas toujours facile. Et tu sais qu’on peut toujours compter les unes sur les autres, d’accord?

    À peine les deux femmes sorties de la salle de bain, Nora, leur superviseure, les intercepta.

    — Tut tut tut! Qu’est-ce qui se passe, ici? On potine au lieu de travailler?

    Oh non! Elle est là depuis combien de temps? Est-ce qu’elle a entendu ma conversation avec Lukas, elle?! Merde!

    La belle blonde croisa les bras sur son tailleur azur. Son teint de pêche, ses yeux d’acier et ses longs ongles noirs ne laissaient planer aucun doute sur son statut d’infectée. Sara balbutia quelques mots, mais Kim accourut à sa rescousse.

    — Pardon, madame! Comme Tania est nouvelle ici, je me suis permis de lui donner quelques conseils pour rendre son séjour parmi nous plus agréable, s’excusa-t-elle, en s’inclinant légèrement. C’est de ma faute si nous avons du retard.

    Nora glissa un doigt dans ses multiples colliers argentés, un petit sourire malicieux sur ses lèvres charnues. Kim invita Sara à l’imiter et la jeune femme se courba à contrecœur devant sa supérieure.

    — Bon, d’accord, ça va pour cette fois, mais considère ceci comme un avertissement, Kim. Quant à toi, jeune fille, que je ne te reprenne plus à faire d’appels personnels pendant tes heures de travail. J’ignore à qui tu parlais et de quoi vous discutiez, mais essaie d’être plus discrète la prochaine fois, si tu ne veux pas que je te colle une réprimande à toi aussi.

    Sara se mordit l’intérieur des joues et acquiesça. Satisfaite, Nora tourna les talons, autorisant ainsi ses employées à se redresser.

    Quelle chance! Nora n’a pas entendu ma conversation avec Lukas! Je ne peux plus prendre le risque de l’appeler! En plus, Hans m’a reconnue et va sûrement aller dire à tout le monde que Tania n’est pas mon vrai nom! Pourquoi tout va toujours mal?

    — Bon, il faut retourner travailler, déclara Kim. On se revoit ce midi à la cafétéria?

    — Je pense que je vais aller diner chez moi.

    — Tu loues un appartement dans la tour? Moi aussi! Tu loges à quel étage?

    Sara coupa court à la conversation quand elle vit que Nora les épiait, à l’autre bout du corridor. Pas question de donner une raison à cette femme détestable de la surveiller davantage. Les deux préposées se promirent de se rejoindre à la cafétéria le lendemain midi.

    Aidée par le spark qui pétillait toujours dans ses veines, Sara prit son courage à deux mains et récupéra son chariot rangé contre le mur, près de Karl, le gardien de sécurité qui l’avait sauvée des griffes de Hans. L’homme chauve et au teint clair lui tendit le petit couteau à parer qu’elle avait laissé tomber plus tôt.

    — Merci, monsieur.

    — Si tu veux de la dope, c’est pas à Hans qui faut que tu t’adresses.

    — Je ne vois pas de quoi vous parlez.

    Il la gratifia d’un sourire carnassier. Sara se détourna de l’horrible garde; plus vite elle s’éloignerait de lui et du bureau de l’assassin de son père, mieux elle se porterait.

    J’aurais dû demander beaucoup plus cher pour ce job.

    3.   

    Lukas

    ––––––––

    Lukas se redressa dans son lit.

    — Je vais te retrouver! Tu ne pourras pas te cacher longtemps, espèce de sale petite garce! Je vais te retrouver, tu m’entends?

    L’image de Sara disparut avant la fin de sa phrase. Il se frotta les yeux et crut d’abord avoir rêvé, mais le registre s’affichant à même sa cornée indiquait qu’il venait bel et bien de recevoir un appel. Il recomposa le numéro à partir duquel Sara l’avait contacté, mais il tomba sur sa boîte vocale. Lukas passa une main dans ses cheveux en la maudissant. Rien ne se déroulait comme prévu. Il se traina jusqu’à la cuisine pour se servir un verre d’eau et avaler des cachets contre le mal de tête, heurtant quelques bouteilles de bière vides abandonnées sur le comptoir.

    Tout en prenant sa douche, l’image de Sara, assise sur un siège de toilette, s’imposa à lui. Sous ses charmants traits juvéniles se cachaient un sale caractère et une redoutable pirate informatique. Où avait-elle appris à infiltrer des systèmes informatiques, d’ailleurs? À la lumière de l’échec de sa mission quelques jours auparavant, Sara avait choisi de faire cavalier seul, refusant même de lui dévoiler où elle se terrait. Quoique si un assassin envoyé par la présidente de la République était à ses trousses, Lukas aurait probablement fait la même chose. Comment l’équipe d’informaticiens qui accompagnaient Sara avait-elle pu se retrouver dans une situation pareille? Qui donc les avait trahis? Est-ce que la présidente Kovicha et les rois du peuple des démons qui formaient son entourage étaient au courant de son implication? Un frisson d’effroi parcouru Lukas au souvenir des pupilles reptiliennes de Jean-Claude qui scrutaient les tréfonds de son âme. Il termina sa douche à l’eau bouillante.

    Il s’épongea les cheveux avec une serviette et tâta la petite bosse derrière son oreille droite, où se trouvait l’implant qui remplaçait depuis quelques années les téléphones portables. La puce insérée sous la peau de son poignet gauche faisait office de portefeuille et la plus récente, celle à la base de son crâne, pouvait stocker une quantité phénoménale de fichiers.

    Je dois savoir où est Sara, il ne faut pas perdre la trace du virus. Il aurait vraiment été préférable que j’en garde une copie sur moi, mais j’ai trop attendu avant de me faire poser l’implant, et voilà le résultat.

    Lukas détestait ces nouveaux bidules et avait longtemps hésité avant de se les faire installer. Les jeunes à qui il enseignait, et qui en avaient déjà plusieurs greffés un peu partout sur le corps, avaient fini par le convaincre qu’ils étaient sécuritaires. Il oubliait encore à l’occasion qu’il n’avait plus rien dans les poches, mis à part ses clés de voiture et un pistolet à impulsion électrique.

    Lukas enfila sa soutane blanche de cérémonie, fixa un petit chapeau rouge sur sa tête et enroula une étole pourpre brodée de fil doré autour de son cou, symbole de son statut de célébrant. Ses habits lui donnaient l’impression d’être quelqu’un d’important, du moins le temps d’une messe.

    Après tous ces efforts et cette longue préparation, voilà où on en est. L’avenir de l’humanité repose maintenant entre les mains d’une adolescente hystérique complètement gelée.

    Il s’enduit le visage de crème solaire et s’assurant d’avoir son pistolet électrique, il quitta la maison.

    Je me demande vraiment qui a mouchardé.

    Le ciel était sans nuages, comme toujours à Drares, et il suait déjà dans ses vêtements. Ébloui, Lukas mit ses lunettes fumées même si le trajet jusqu’à la cathédrale n’était que de quelques pas. Les rayons cuisants du soleil étaient sans pitié pour les peaux pâles comme la sienne. Le sable charrié par une soudaine bourrasque l’obligea à se couvrir le visage, les grains se collant sur sa peau fraichement crémée.

    Pays de merde.

    L’immense église donnait le vertige à Lukas, qui n’avait pourtant jamais eu peur des hauteurs. Ses clochers s’élevaient à plus d’une centaine de mètres et toute la façade était finement sculptée et ornée de gargouilles plus laides les unes que les autres, vestiges de l’ancien culte à qui avait autrefois appartenu la cathédrale. Elles effrayaient les enfants et Lukas avait demandé à maintes reprises au maire de faire retirer les statues, sans succès. Elles faisaient partie du patrimoine de la ville, une stupidité du genre.

    À l’exception du colonel Mihael Masa et de la vieille dame qui passait le balai dans l’église avant le début de chaque messe, personne d’autre ne se trouvait devant les portes. Mihael n’était plus dans l’armée, mais aimait qu’on lui rappelle le rôle qu’il y avait tenu jadis. Il clamait avoir tout au plus la cinquantaine, mais ses longs cheveux blancs retenus en queue de cheval et les rides qui lui hachuraient le visage lui en donnaient au moins vingt de plus.

    — Bon matin, Colonel! Avez-vous réussi à fermer l’œil cette nuit?

    — Quelques heures, oui, dit l’ancien militaire en réajustant la sangle de la carabine accrochée à son épaule.

    — Bien! La situation s’améliore! Vos cauchemars vont bientôt finir par disparaitre!

    — Vous êtes plus optimiste que moi.

    Le prêtre salua la dame âgée qui se tenait en retrait et actionna le mécanisme qui ouvrait les lourdes portes d’entrée de la cathédrale. Il évita de regarder l’œil artificiel et la prothèse robotisée qui remplaçait le bras droit du colonel Masa. Son pantalon dissimulait les deux mollets cybernétiques qui lui permettaient de tenir debout. Même en sachant que le militaire avait dû dépenser une fortune et souffrir le martyre pour se les faire installer afin de ne pas finir comme les autres soldats de l’armée impériale estropiés qui mendiaient au centre-ville de Drares, tout ce métal rendait Lukas franchement mal à l’aise. Peut-être parce que ça lui rappelait l’étrange armure des nagarrs, ces hideuses chimères mangeuses d’hommes qui arpentaient les rues la nuit.

    Lukas fit une révérence avant de pénétrer dans l’enceinte sacrée. Il devait admettre une chose : si l’architecture extérieure était de mauvais goût, l’intérieur de l’édifice était à couper le souffle.

    Le plafond de la nef, soutenu par d’imposants arcs de pierre, s’élevait à une trentaine de mètres au-dessus de leurs têtes, et de nombreux puits laissaient entrer la lumière du jour à l’intérieur du bâtiment sans le surchauffer. De grands vitraux colorés filtraient les rayons du soleil et plusieurs petites chapelles abritaient des autels sur lesquels reposaient les statues des dieux majeurs. Des milliers de chandelles éclairaient l’intérieur de ces chapelles, ainsi que des alcôves en pierre, où nichaient les statues représentant les divers dieux mineurs auxquels les fidèles adressaient leurs prières.

    De majestueuses colonnes, qui rappelaient à Lukas les troncs d’arbres surdimensionnés de la jungle d’Osnar, se dressaient jusqu’au plafond et séparaient en plusieurs sections les centaines de rangées de bancs. L’ensemble conduisait l’œil vers l’estrade surélevée, au bout de l’allée centrale, où reposait

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