À propos de ce livre électronique
J'ai tout pris à mon petit rossignol. Sa liberté. Son innocence. Et même son nom. Désormais, elle ne sera plus Deirdre O'Malley, mais Deirdre Titone.
Ma femme. Bon gré, mal gré.
C'est le seul moyen de montrer à cette ville à qui elle appartient, le seul moyen de prouver au monde qu'elle est sous ma protection autant qu'en ma possession. Je la protégerai, même s'il ne reste plus personne pour la protéger contre moi.
Grâce à mon rossignol, je crois que la bonté d'âme existe. Peut-être que moi, je n'ai pas d'âme, peut-être même que je n'en ai jamais eu. Mais elle, si. Et je ne reculerai devant rien jusqu'à la lui avoir prise, en même temps que tout le reste.
Un serment inhumain est une romance de mafia torride, avec différence d'âges. Vous y trouverez un parrain de la mafia à l'âme tourmentée qui se prend d'obsession pour une héroïne jeune et innocente. Les thèmes comprennent la captivité et la contrainte, entre haine et amour, la différence d'âges avec une héroïne plus jeune, le mariage forcé et autres sujets propres au genre de la dark romance. C'est le second tome d'une duologie, et il faut d'abord lire Une dette impitoyable de Vero Heath.
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Avis sur Un serment inhumain
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Aperçu du livre
Un serment inhumain - Vero Heath
Chapitre 1
Deirdre
— J e ne t’épouserai pas.
Je répète cette phrase inlassablement dans la voiture en repartant du cimetière. Je la répète tant de fois qu’elle devient une sorte de mantra murmuré, ou une prière, des mots qui finissent par perdre tout leur sens à force d’être répétés.
Ils n’ont probablement aucun sens pour Elio non plus. Parce qu’il ne répond strictement rien.
Depuis sa menace de tout à l’heure, l’ultimatum de l’épouser sans quoi il dira à Darragh où se trouve mon père, il n’a pas dit un mot. Il reste silencieux dans sa fureur, en gardant ses mains gantées crispées sur le volant, la mâchoire serrée. Je crois bien que je n’ai jamais vu ses yeux noirs aussi concentrés. Rivés sur la route devant lui, tout en balayant dangereusement le périmètre de gauche à droite, comme s’il s’attendait à voir d’autres hommes armés surgir de l’ombre à la périphérie de son champ de vision, comme dans un putain de jeu vidéo.
Sauf que ce n’est pas un jeu vidéo. C’est ma vie.
Or ça ne ressemble pas à la vraie vie. J’ai l’impression de flotter tout autour. Comme si tout ceci arrivait à quelqu’un d’autre. Je tremble, mes dents claquent si fort que mes mots se transforment en charabia chaotique, mais je m’en rends à peine compte.
Nous avançons dans la longue allée et franchissons le portail du manoir d’Elio. Je n’ai jamais vu autant d’hommes ici. Ils arpentent les lieux ou montent la garde dehors, avec leurs regards méfiants et leurs armes dont je devine la présence même si je ne les vois pas encore. Je les regarde, tous ces hommes et leurs flingues, et soudain je n’en peux plus. C’est trop. Trop de sang qui s’accumule aux contours de ma vie. Tout ce sang finit par ruisseler jusqu’au centre. Il tache. Détruit.
Dès que la voiture s’arrête et que la portière est déverrouillée, je détache ma ceinture et je cours. Je ne sais même pas où je vais. Je n’en ai aucune idée. Une part de moi est vaguement consciente que c’est inutile, que je suis un rat dans une cage qui fonce tout droit vers les limites de son enclos et que jamais, au grand jamais, je ne réussirai à franchir ce mur impitoyable.
Une autre part de moi, la partie écervelée et effrayée de mon cerveau de rat, continue de détaler.
Je cours aveuglément vers les arbres, les poumons en feu et les cheveux flottant au vent derrière moi. Des cris retentissent autour de moi, et un homme de la maison est déjà à ma poursuite. Il m’a presque rattrapée. Du coin de l’œil, je vois surgir sa main nue, tatouée, prête à me saisir le bras. Même si je sais rationnellement que cet homme ne me fera aucun mal, que c’est impossible tant qu’Elio est ici, je n’arrive pas vraiment à y croire. La peur s’est changée en folie furieuse, et je dois m’échapper, m’éloigner, fuir quelque part, n’importe où. N’importe où mais pas ici.
L’homme glisse légèrement sur la neige fondue, puis se rattrape. Ses doigts se tendent à nouveau vers moi, désincarnés à la périphérie de ma vision, comme la main coupée d’un fantôme.
Mais c’est alors que j’entends une voix, pas celle de l’homme juste derrière moi, mais sa voix à lui. La voix qui façonne tant d’aspects de ma vie ces derniers temps. Une voix qui a ordonné et amadoué, apaisé et embrasé. C’est la première fois que je l’entends depuis qu’il m’a annoncé dans la voiture que j’allais l’épouser, et cet épisode me semble soudain douloureusement lointain.
C’est une voix qui me fait réagir, malgré l’engourdissement provoqué par l’adrénaline de ma fuite, une voix vers laquelle j’ai envie de tendre les bras et que j’aimerais fuir en même temps.
— Bas les pattes ! rugit Elio. Personne ne la touche sauf moi.
Personne ne me touche sauf lui.
Parce que je lui appartiens.
Je suis sa débitrice. Son rossignol.
Sa femme.
Non.
L’histoire n’était pas censée se terminer ainsi. Il devait y avoir une porte de sortie pour moi. Lointaine, peut-être, aussi infime qu’un grain de poussière à l’horizon, mais elle existait néanmoins. Rembourser l’argent. Reprendre le cours de ma vie.
La course fait battre mon sang violemment. Mon entrejambe me fait souffrir. Et j’ai envie de pleurer et de rire en même temps, car qui suis-je pour me plaindre de ne pas réussir à lui échapper alors que c’est moi qui ai réclamé sa présence ce soir ? Alors que c’est moi qui l’ai laissé m’étrangler, qui l’ai laissé me baiser ?
Alors que c’est moi qui ai pris sa main dans la neige face à la tombe de ma mère, parce que je n’étais pas sûre de pouvoir tenir debout sans lui ?
Je tiens à peine debout maintenant. Mes genoux flanchent. Je ne crie pas quand je m’effondre, me contentant de prendre une inspiration saccadée. Mais il m’a rattrapée, il m’a rattrapée, et j’aurais dû savoir que ça arriverait.
Parce qu’il ne me laisserait jamais tomber.
Et il ne me laisserait jamais partir.
Personne ne la touche sauf moi.
Toutes mes forces m’abandonnent d’un coup. Je ne crie pas, je ne me lutte pas contre lui. Je ne reprends même pas ma litanie murmurée de « Je ne t’épouserai pas ». Je m’effondre simplement contre la paroi agitée de son torse, aussi dur et brûlant qu’une roche animée. Après ma tentative de fuite insensée et pitoyable, je m’attends à ce qu’il me jette sur son épaule façon homme des cavernes, mais ce n’est pas ce qu’il fait. Il me soulève contre sa poitrine, me blottit contre lui comme si je n’étais pas plus lourde qu’une enfant, avant de tourner les talons et de repartir vers la maison d’un pas énergique, furieusement calculé.
Je passe la porte d’entrée dans les bras d’Elio, et c’est absurde, mais je suis si étourdie, si fébrile après le trauma qu’a engendré cette soirée que je me dis : c’est pas comme ça qu’un jeune marié porte sa femme en rentrant à la maison ?
Il y a des soldats postés à l’intérieur aussi, mais Elio leur aboie sèchement de sortir, et ils se dispersent en quelques secondes.
Alors nous nous retrouvons seuls.
Elio me porte jusqu’au canapé moelleux du salon et m’y dépose avec tant de précaution qu’on croirait que je suis en verre. Ou quelque chose d’encore plus fragile que ça peut-être. Car il semble inquiet qu’en dépit des coussins moelleux, je risque de me briser en mille morceaux.
Sans jamais me quitter des yeux, il attrape un plaid et le lisse sur mes jambes, le cale sous ma taille pour qu’il reste en place. Ça m’a toujours semblé étrange, la présence de ce plaid dans cette pièce. Comme un élément de décoration qu’une entreprise d’aménagement intérieur aurait mis là, disposé de façon chic, mais qui ne servait pas réellement – encore moins à Elio.
Mais il sert enfin à quelque chose à présent. J’y suis au chaud et bien enveloppée, les mains immobilisées sur mes cuisses. Je ne prends même pas la peine de les libérer de la couverture qui les entrave. À quoi bon ?
— Oh ! je murmure doucement, le regard rivé sur mes pieds. J’ai encore mes bottes. Elio !
Ma voix se durcit soudain, empreinte d’urgence, comme si je venais de découvrir quelque chose d’une importance capitale. Quelque chose qui doit être réglé sur-le-champ.
— Mes bottes. Le sol !
— Rien à foutre du sol, répond Elio, a priori nullement préoccupé par la flaque de sel et de neige fondue autour de mes semelles dégoulinantes. Il s’en remettra. Et dans le cas contraire, j’arracherai tout et je mettrai ce que tu veux à la place. Du parquet, de la céramique ou même une putain de moquette des années soixante-dix. Je m’en tape. Mais Deirdre…
Il me prend le menton, me forçant à détourner le regard de mes pieds pour plonger dans l’abîme sans fin de ses yeux.
— Je ne retirerai rien de ton corps tant que tu n’auras pas arrêté de trembler.
Il pince délicatement mon menton pour appuyer son propos, puis me relâche et se redresse en ajoutant :
— Alors, sois gentille mon petit rossignol et bousille mon parquet, d’accord ?
Je n’avais même pas remarqué que je tremblais encore. Mais maintenant qu’il l’a dit, je suis incapable de penser à autre chose qu’à mes muscles qui se crispent sous le coup des spasmes, à mes dents qui s’entrechoquent. Je tremble si fort que ça me fait mal.
Le froid s’est insinué en moi, et je crois bien que je ne peux plus m’en débarrasser maintenant.
Pourtant maman disait toujours…
Elle disait toujours qu’une tasse de thé viendrait à bout de n’importe quel froid pénétrant, de n’importe quel problème majeur. Ou du moins, que ce serait un sacré bon début.
— Du thé, je murmure.
Mais alors je cligne des yeux, perplexe, car je parle dans le vide. Elio est parti. J’entends des bruits derrière moi dans la cuisine, le sifflement distinct d’une bouilloire déjà en train de bouillir, ce qui signifie qu’il a commencé à le préparer avant même que j’en parle. Avant même que j’y pense.
Alors mon monde tout entier bascule, m’oblige une fois de plus à admettre que mon monstre sait ce dont j’ai besoin même quand je l’ignore moi-même.
Mais mon instinct se rebelle contre cette idée.
Il vient de menacer de tuer mon père pour me forcer à l’épouser ! Il ne se soucie pas réellement de mes besoins.
Et pourtant…
Il est en train de me faire du thé malgré tout.
Elio me tend un gros mug, à l’extérieur duquel pend encore le fil du sachet de thé. Ça me va très bien. S’il y a bien une soirée qui nécessite du thé corsé, c’est celle-ci. Ça paraît presque inimaginable tout ce qui s’est passé. Être étranglée par le chagrin le jour de l’anniversaire de la mort de ma mère. Aller sur sa tombe, chose que je n’avais pas faite depuis des années, pour finir par me faire tirer dessus. Voir des hommes mourir juste sous mes yeux.
Et perdre ma virginité.
L’homme qui me l’a prise se tient maintenant devant moi, avec ses bras musclés croisés sur son torse massif. Il a laissé sa veste quelque part dans la cuisine, mais pas ses gants bien sûr. Tout en tenant la tasse délicieusement chaude entre mes mains, je laisse mon regard parcourir sa grande silhouette de haut en bas.
Quand j’arrive à son épaule, là où on lui a tiré dessus la dernière fois, je sursaute si violemment que je manque de renverser le thé sur mes cuisses.
— Ça va ? je demande, stupéfaite de ne pas y avoir pensé plus tôt.
Un endroit de ce corps massif drapé de noir aurait pu être en train de le vider de son sang, je ne m’en serais pas aperçue avant de le voir s’écrouler sous le coup de l’hémorragie.
À supposer que ce soit possible qu’Elio s’écroule. Honnêtement, je peine à l’imaginer. Le type tiendrait probablement encore debout même sur le point de crever.
C’est juste que…
Je ne veux pas que ça arrive ce soir.
— Ce ne serait pas plutôt à moi de te poser cette question ? réplique-t-il d’un ton impénétrable.
— Ben, c’est assez évident que je ne vais pas bien, dis-je d’une voix tremblante. Mais au moins, je ne saigne pas.
Mais lorsqu’il penche la tête, je fais la grimace, car ce n’est même pas vrai, n’est-ce pas ? Cette soirée m’a fait saigner, après tout. J’ai une serviette collée à ma culotte pour le prouver.
— Je ne me suis pas fait tirer dessus, je précise platement.
Je le fixe avec autant d’assurance que possible.
— Et toi ?
— Ce soir ?
— Évidemment, ce soir ! Je sais que tu t’es fait tirer dessus plusieurs fois !
Il marque une pause, puis son regard devient légèrement distant, comme s’il évaluait les dégâts dans sa tête. Il s’est tellement empressé de me ramener ici que jusqu’à présent, il n’a même pas pris le temps de s’assurer qu’il allait bien. Bon sang, il était en train de me faire du thé sans même faire une pause, sans laisser l’adrénaline retomber le temps de voir s’il était blessé !
Puis son regard redevient clair, perçant, et vient se focaliser sur moi comme si j’émettais une sorte de signal spécialement destiné à attirer Elio.
— Je vais bien, se contente-t-il de répondre. Ou du moins, ce sera le cas quand tu auras bu ton putain de thé.
Une immense vague de soulagement déferle en moi, et mes muscles s’affaissent. Les tremblements violents commencent enfin à s’atténuer un peu. Je porte la tasse à mes lèvres et prends une gorgée.
La chaleur est agréable, mais je ne m’attendais pas à ce goût. J’avale, puis je tousse légèrement.
— C’est quoi ça ? dis-je en m’étouffant avec la gorgée de thé qui est passée dans le mauvais trou.
— Un truc à base de plantes.
— À base de plantes ?!
— Vu la quantité d’hormones de stress que tu viens de sécréter, inutile d’en rajouter avec de la caféine.
Il semble pensif, mais légèrement agacé.
— Si tu veux autre chose, je peux te donner du vin. Ou du whisky.
— Non, non. Ça va. Qu’est-ce que c’est ? je demande en prenant une autre gorgée.
Je ne bois pas de tisane d’habitude. La plupart du temps, ça ressemble juste à une version fade et diluée de ce que le thé est censé être.
C’est peut-être ce qu’Elio pense de mon thé irlandais comparé à son expresso…
Il ne répond pas, ne bouge pas tant que je n’ai pas pris une autre gorgée. Comme s’il était satisfait que je boive enfin un peu, il repart vers la cuisine et revient avec la boîte de sachets de thé. Il la lève entre nous pour que je puisse lire le nom.
— Tisane « Nuit tranquille » ? dis-je en plissant les yeux face à l’écriture cursive toute en courbes. Tu crois que j’ai quel âge, quatre-vingts balais ?
— Comme je te l’ai dit, pas de caféine. C’est censé être apaisant.
Elio regarde la boîte puis reporte son attention sur moi.
— Et puis, j’aime bien le chat sur l’emballage. Il me fait penser à toi.
Il y a effectivement un chat dessus. Un chat de dessin animé, avec un pelage roux et d’immenses yeux bleus.
— Il porte un pyjama…
Elio se contente de hausser son épaule valide.
— Et alors ? Toi aussi tu portes un pyjama.
Apparemment, j’ai donné ma langue à un chat somnolent buveur de thé, car je ne trouve aucune répartie. Je dois bien l’admettre – il m’a bien eue sur ce coup-là. Le pyjama bleu que porte le chat ressemble beaucoup à d’autres que j’ai déjà portés dans cette maison.
Je prends une autre gorgée de thé pour éviter de poursuivre cette conversation absurde. Peut-être qu’on a tous les deux complètement perdu la boule, à parler d’un chat de dessin animé alors que des hommes sont morts ce soir.
Alors que l’un de nous aurait pu mourir ce soir.
Je continue de boire le thé, et Elio continue de me fixer, les bras obstinément croisés comme le ferait un supérieur hiérarchique. La boîte en carton se tord sous la pression de sa main fermée. Il y a une tension dans son corps, une énergie frémissante qui me laisse penser qu’il préférerait faire autre chose en ce moment – peut-être tuer quelqu’un, peut-être me toucher – mais il se retient, reste là à me regarder boire la tisane qu’il a préparée. Son petit rossignol bien docile.
Mais je n’ai pas l’énergie d’être autre chose en ce moment. Alors je bois ma tisane, et une fois que j’ai presque vidé le grand mug, je me rends compte que ça m’aide vraiment. J’ai complètement arrêté de trembler, et je suis réchauffée, bien que très, très fatiguée.
Je cherche vaguement un endroit où poser le mug vide, mais Elio tend déjà sa grande main noire, qui passe devant mes yeux pour prendre la tasse. Il la ramène à la cuisine, et je me contorsionne sur le canapé pour le suivre du regard, l’observer par-dessus le dossier pendant qu’il jette le sachet de thé à la poubelle et dépose la tasse dans l’évier.
La scène est incongrue, choquante dans ce qu’elle a de si anormal. Elio qui se déplace dans la cuisine, accomplit des tâches aussi triviales que jeter un sachet de thé et poser une tasse usagée dans l’évier. Je me rappelle ce que Valentina m’a dit un jour, que les hommes de la famille Titone ne mettaient jamais les pieds dans une cuisine, et voilà que non seulement Elio me fait du thé, mais qu’en plus il nettoie derrière moi.
Même dans cet endroit si spacieux, il paraît immense. Et honnêtement, vraiment pas à sa place. Comme un prédateur traquant ses proies qui aurait atterri dans un chalet en forêt, et se serait soudain mis à se faire passer pour un humain vivant là.
Est-ce que je l’ai domestiqué ?
Je suis bête de me poser une question pareille. Si j’avais réellement le moindre contrôle sur lui, il ne me menacerait pas de révéler où se trouve mon père pour me forcer à l’épouser.
L’épouser…
Mais d’où est-ce que ça sort, ça, bordel ?
Enfin, peut-être qu’il a raison. Peut-être que ça obligerait réellement Darragh à me laisser tranquille. Mais se marier ? La première fois que j’ai rencontré Elio, il m’a dit qu’il ne couchait même pas avec les rousses, et maintenant il veut que je devienne sa femme ?
Ça n’a aucun sens. Et de toute évidence, un homme de son envergure aurait déjà un mariage politique prévu, un peu comme Valentina à qui on a choisi un fiancé. Il doit bien y avoir une princesse de la mafia qui lui est promise, une femme de son monde qui serait un atout pour l’empire Titone.
Je repense à la blonde du gala, à sa main possessive sur le torse d’Elio, et mon estomac se tord de telle sorte que je n’ai pas envie de l’admettre.
Elio n’a pas reparlé du mariage depuis l’épisode dans la voiture, alors peut-être qu’il a lancé ça comme ça, dans le feu de l’action. Un truc qu’il ne pensait pas vraiment.
Mais d’un autre côté, je le connais suffisamment bien pour savoir qu’il ne dit jamais quelque chose qu’il ne pense pas.
Bon, peut-être que je l’ai imaginé alors. Que je l’ai rêvé, étant donné que ça n’a absolument aucun sens.
Peut-être que je me réveillerai demain et que je me rendrai compte que l’essentiel de cette journée insensée n’était qu’un rêve. J’ouvrirai les yeux au matin, le lendemain de l’anniversaire de la mort de maman. Elio sera encore dans le nord du pays. Et je serai toujours vierge, une fille qui n’aura pas visité la tombe de sa mère depuis des années.
Mais cette version de la réalité ne me réconforte pas non plus, et je suis trop fatiguée et ébranlée pour chercher à comprendre pourquoi.
Elio revient et recommence à m’examiner. Puis, comme s’il était globalement satisfait de ce qu’il voit, il s’agenouille et me retire une botte, puis l’autre. Il me tient par les chevilles et me fait pivoter pour que mes jambes soient bien allongées sur le canapé, que mes pieds en chaussettes ne soient pas trempés par les flaques sur le sol.
Curieusement, il ne me lâche pas encore. Mes muscles se tendent puis se relâchent d’un seul coup, comme submergés par une vague, quand il commence à masser doucement la voûte de mes pieds avec ses pouces. Il est minutieux. Extrêmement méticuleux. Il imprime des gestes lents et appuyés sur des zones de mon corps dont je ne savais même pas qu’elles étaient douloureuses et fatiguées jusqu’à maintenant.
Que ce soit le thé, le massage ou la chaleur, je suis encore plus épuisée à présent. Mes membres sont aussi lourds que du plomb. Je m’avachis à nouveau contre l’accoudoir du canapé et le dévisage. La rage qui palpitait sur son profil dans la voiture a presque entièrement disparu de son visage. Sa mâchoire dure, striée de cicatrices et ses sourcils sombres semblent figés dans une expression vaguement indifférente, même si je doute qu’Elio Titone ait un jour été réellement indifférent à quoi que ce soit d’important dans sa vie.
Son visage se crispe légèrement quand je tressaille. Son pouce a appuyé sur un point sensible, là où le morceau de céramique de la tasse brisée m’a blessé le pied. Grâce à ses soins diligents, la peau a bien guéri, mais l’endroit est encore sensible. Avec une grande délicatesse, il ôte ma chaussette et la pose sur le côté. Il examine la plante de mon pied nu avec ce même regard détaché.
Puis ses yeux se ferment et il presse ses lèvres contre l’ancienne blessure. Ce baiser inattendu sur une zone si chatouilleuse fait tressauter ma jambe, mais sa main se transforme en prison de fer autour de ma cheville, m’empêchant de bouger. Quand il s’écarte et rouvre les yeux, son masque d’impassibilité est toujours intact, mais son regard le trahit. Il a l’aspect d’un liquide noir en fusion, comme si la chaleur s’était accouplée à l’obscurité.
Elio repose mes pieds sur le canapé, puis se penche sur moi en levant les doigts vers ma gorge. Je réprime un petit gémissement, incapable de savoir si je désire qu’il me touche ou non. Ma peau anticipe déjà la caresse possessive du cuir. Mais au lieu de ça, il se contente d’attraper le col de ma parka et la dézippe, laissant le manteau s’ouvrir. D’un geste rapide mais circonspect, il libère un de mes bras de la manche, puis l’autre. Mais alors qu’il termine de tirer ma manche droite, il se fige, le regard braqué sur un point au niveau du poignet.
Une fureur cataclysmique s’empare brièvement du visage d’Elio, et quand je baisse les yeux vers l’extrémité de la manche qu’il tient dans ses mains, je comprends soudain pourquoi. Il y a une zone brûlée et déchirée sur l’extérieur du tissu, près du poignet. Il me faut un moment pour réaliser qu’une balle m’a effleurée. Ou du moins, la parka.
Aussi immobile qu’une statue, Elio fixe cette déchirure noircie comme s’il voulait l’assassiner.
— Ça va, dis-je.
Je sais, à l’instant même où je prononce ces mots, qu’ils sont absurdes. Rien ne va dans cette situation.
Mais pour une raison qui m’échappe, je ne peux m’empêcher de les dire.
Elio me lance un regard puissant, furieux, puis arrache le reste du manteau et le jette en boule par terre. Une seconde plus tard, il est de nouveau à genoux, et son pantalon baigne dans les flaques de neige fondue. Mais il ne semble pas le remarquer. Il est trop occupé à examiner silencieusement et frénétiquement mes mains. Il lève chacun de mes doigts devant son visage, les examine minutieusement, puis il passe aux paumes et aux dos des mains. Ensuite, il remonte les manches de mon sweat jusqu’à mes coudes, balaie du regard chaque avant-bras, puis les endroits délicats au niveau de mes poignets, comme s’il comptait chaque veine et chaque artère.
— Tu as déjà fait ça, je lui rappelle d’une petite voix.
Il a déjà examiné mes mains au cimetière.
— C’était avant que je sache qu’une balle t’avait effleurée, rétorque-t-il entre ses dents. Tais-toi et laisse-moi me concentrer.
— D’accord, dis-je, agacée par son ordre. J’imagine que je ne te sers plus à rien si on me tire sur les doigts et que je ne peux plus jouer du violon.
Il s’immobilise, et ses mains gantées se referment sur mes poignets comme des menottes.
Puis son regard remonte vers le mien, et la rage a redoublé d’intensité. Cette fois, je vois bien qu’elle est dirigée contre moi.
— Si tu n’étais pas au bord du choc traumatique, je te mettrais une bonne claque sur le cul pour te punir de ce que tu viens de dire.
Elio pose mes mains sur mes cuisses d’un geste parfaitement contrôlé, puis me relâche.
— Mais dans l’état actuel des choses, je vais me contenter de t’informer que j’étais à des années lumière de penser un truc pareil.
— Ouais, enfin tu m’as déjà dit un truc du genre, lui dis-je pour rappel, de plus en plus sur la défensive. Tu te souviens ? Quand tu m’as donné des moufles en me disant que je ne pourrais plus jouer pour toi si mes doigts tombaient à cause du froid ?
— Oui, répond-il entre ses dents. Et je crois me souvenir que je plaisantais quand je l’ai dit. Si je me souviens bien, tu as même ri.
Il y a dans sa voix une colère aussi inflexible que du fer.
— Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que ce que tu viens de dire était une blague.
J’évite son regard, car c’est impossible et il le sait. Il n’y avait aucun humour dans mon commentaire, rien d’autre que de l’amertume. Peut-être même de la méchanceté.
Mon regard se pose sur ses mains gantées le long de son corps, et cette amertume se fane dans ma poitrine pour laisser place à la culpabilité. Si quelqu’un sait ce que c’est que de vivre avec des mains estropiées, c’est bien lui. Est-ce si difficile de croire qu’il ne veut peut-être pas que je subisse le même sort ?
Je hoche la tête.
— Tu as raison. OK, dis-je à voix basse après un long silence tendu.
Je ne suis pas prête à m’excuser, pas à lui, pas après tout ce qu’on a traversé. Mais je peux accepter ce qu’il a dit. Qu’il agit par inquiétude pour moi en tant que personne, et pas seulement parce qu’il a peur que je ne puisse plus endosser le rôle du petit rossignol dans la cage dorée qu’il a créée.
— OK, répète-t-il après moi.
On dirait qu’il s’est un peu calmé. La colère est toujours là, mais elle a quelque peu reflué, laissant place à une sorte de vulnérabilité indescriptible dans son regard.
— OK, dit-il encore une fois, d’une voix un peu plus douce cette fois, et je me demande si c’est à moi qu’il s’adresse ou à lui-même.
Alors, comme si cette journée avait été des plus ordinaires, il tend soudain la main vers moi et dit avec désinvolture :
— Allons nous coucher.
Je fixe sa main tendue, cette forme dure et puissante, enveloppée dans ce noir mat et luminescent à la fois. C’est une main qui m’a blessée et soutenue, possédée et protégée. Elle m’a coupé le souffle et laissé son empreinte brûlante sur ma peau.
Je ne lui fais pas entièrement confiance.
Mais je me lève et la prends néanmoins.
Chapitre 2
Deirdre
Elio me tient par la main pendant toute la montée des escaliers puis jusque dans ma chambre, et je sens bien que si je fais un seul faux pas ou perds un tout petit peu l’équilibre, il me portera une fois de plus dans ses bras. Mais ça me fait du bien de marcher seule, même si j’ai les jambes qui flageolent.
Ça me fait aussi du bien de lui tenir la main. C’est indéniable.
Nous traversons la chambre d’Elio pour entrer dans la mienne. Le lit m’attire comme un aimant, pourtant malgré ma fatigue extrême, mon cerveau bourdonne encore d’énergie nerveuse, et je ne suis pas certaine de pouvoir dormir tout de suite.
J’annonce :
— Je vais prendre un bain.
Oui, voilà. Ça va me faire du bien. De laver ma peau des événements de cette soirée.
— D’accord, répond Elio. Mais pas question de retenir ta respiration cette fois. Juste un bain normal, relaxant, compris ? Mets-y des bulles ou un autre truc comme ça.
Je hoche la tête, car je suis presque certaine que si je tente de retenir ma respiration trop longtemps dans mon état actuel, je vais juste m’évanouir. Je me dirige vers la salle de bain. C’est presque drôle, ou peut-être un peu triste, de réaliser que mon instinct de fermer la porte derrière moi a totalement disparu désormais. Comme la porte elle-même, j’imagine. J’enlève mon sweat à capuche et le laisse tomber par terre. À moitié nue, sans soutien-gorge, j’allume et laisse échapper un cri étranglé en voyant la silhouette massive dans le miroir, debout juste derrière moi.
— Comment tu fais pour être aussi discret ? je m’exclame en pivotant brusquement vers lui, en plaquant mes bras contre ma poitrine. Tu fais genre deux mètres de haut ! Tu devrais faire un minimum de bruit quand tu entres dans une pièce. C’est sûrement contre les lois de… Je sais pas, de la physique ou un truc du genre !
Je suis en train de bredouiller. Je le sais, et Elio le sait aussi. Mais il ne tente pas de m’interrompre, et se contente de m’écouter calmement.
Ou peut-être qu’il ne m’écoute pas du tout, qu’il promène son regard sur ma peau nue en faisant totalement abstraction de ce que je raconte. Dans un premier temps, je pense qu’il me reluque, mais je remarque ensuite une légère tension d’inquiétude autour de ses yeux, et je comprends qu’il est une fois de plus en train de vérifier que je ne suis pas blessée.
Ma théorie se confirme quand il m’attrape par les épaules et me retourne, de sorte que nous sommes tous les deux face au miroir. Il garde une main sur mon épaule droite, tandis que l’autre glisse doucement entre mes omoplates, pour suivre lentement le tracé de ma colonne vertébrale jusqu’à ce qu’elle se pose sur ma hanche gauche.
— Je suis en un seul morceau, je murmure, les yeux plantés dans les siens dans le miroir.
— On va voir ça, dit-il.
Il me serre doucement la hanche.
— Baisse ton fute.
— Oh, arrête un peu ! Tu sais très bien que mes jambes sont intactes ! j’aboie.
Contrairement à la manche du manteau, il n’y a aucune zone déchirée ou brûlée sur le tissu. Seulement quelques taches humides à cause de la neige.
— Soit j’inspecte chaque centimètre de ton corps ici et maintenant, soit j’attends que tu sois nue et étalée de tout ton long sur mon lit pour le faire.
Il le dit d’une voix sombre et menaçante, et une fois de plus je n’y vois pas d’intention sexuelle, rien de plus qu’une simple menace. Mais ses mots fusent droit vers mon entrejambe sensible, car cet épisode de la nuit refait surface dans mon esprit.
Je me souviens de lui s’enfonçant brutalement en moi, réclamant chaque partie de mon être, m’ordonnant de jouir sur sa queue comme une fille bien docile.
Et c’est ce que j’ai fait.
Et j’imagine que je suis toujours la même idiote bien docile, car je glisse mes pouces sous l’élastique de mon pantalon de jogging et le laisse tomber sans discuter davantage. Elio se relève en reculant légèrement, se penche pour examiner mes jambes, et le contact froid de son gant en cuir déclenche des sensations que j’essaie en vain d’ignorer.
— Parfait, dit-il. Maintenant, ça.
Il ne reste plus que ma culotte.
— Hors de question, je m’empresse de répondre. Qu’est-ce que tu crois, que j’ai une balle coincée là-haut ou quoi ?
— Tu comptes la porter dans le bain ? rétorque-t-il.
— Évidemment que non.
— Alors, enlève-la.
Mon visage s’embrase. Ce n’est pas comme si je n’avais jamais enlevé ma culotte devant lui, mais je sens le contact humide du protège-slip contre ma peau, et il y a quelque chose d’affreusement humiliant à l’idée de le laisser voir ça.
— Tout de suite, Deirdre.
Oh, et puis merde. Il ne me foutra pas la paix tant que je ne le ferai pas. En poussant un soupir agacé, je baisse ma culotte d’un coup sec et sors du tas de vêtements, tout en gardant les bras fermement croisés sur ma poitrine.
Le regard d’Elio tombe sur le protège-slip ensanglanté, et les muscles de sa mâchoire se raidissent. Quand ses yeux remontent vers les miens, je retiens mon souffle, car son regard est si féroce et brûlant qu’il me fait l’effet d’une caresse. Ce regard me réclame avec autant de désir et de force que son sexe l’a fait tout à l’heure, et je déteste que mes parois intérieures y réagissent en se contractant de désir.
D’un air renfrogné, je me penche et ramasse ma culotte et le protège-slip, pour me précipiter aussitôt vers la poubelle. Je m’apprête à tout jeter quand Elio m’arrête d’un seul mot.
— Non, dit-il.
Sa voix est gorgée d’une émotion que je ne parviens pas à identifier.
— Pas la culotte.
Je décolle le protège-slip et le jette, en gardant la culotte en main. Je n’avais pas suffisamment avancé le protège-slip tout à l’heure, et il reste une petite tache de sang séché sur le tissu. Une éclaboussure accablante de rouge foncé sur le coton blanc.
Je n’aurais pas dû mettre des sous-vêtements blancs en sachant que je saignais. J’ai cherché la merde.
— Maintenant, donne-la-moi.
Je le regarde et constate qu’il a la main tendue, le regard affamé.
Évidemment qu’il la veut. Évidemment, putain.
— Tu as un sérieux fétiche pour les culottes, dis-je en secouant la tête.
— Nan, répond-il, sans paraître le moins du monde gêné par cette situation. Juste un fétiche pour les rossignols. Maintenant, donne-la-moi.
Je serre le poing, froissant le tissu d’un geste possessif. Dans l’esprit tordu d’Elio, celle-ci doit avoir une valeur particulière. C’est celle que je portais juste après avoir perdu ma virginité, et c’est lui qui me l’a prise. Elle porte la marque de mon sang.
— Qu’est-ce qu’elle vaut pour toi ?
Une lueur brille dans ses yeux. Je ne sais pas s’il est surpris ou impressionné, mais quoi qu’il en soit, il se ressaisit rapidement.
— On reprend les négociations, c’est ça ? demande-t-il.
— Ouais, je réponds.
Aussi insensé que ça puisse paraître, c’est de cette façon que je me sens en sécurité. En sécurité dans cet endroit dangereux où je lui dois encore des millions. Parce que l’argent, c’est juste de l’argent.
Alors que le mariage, c’est...
Elio hausse son épaule valide. Puis il se détourne et sort deux ou trois bouteilles du meuble sous l’évier, plissant les yeux d’un air concentré vers les jolies écritures comme s’il s’agissait d’une langue étrangère. Mais il doit avoir trouvé ce qu’il cherchait, car il prend une bouteille – du bain moussant – et la pose sur le bord de la baignoire avant de faire couler l’eau. Il se penche pour mettre le bouchon, puis dévisse la bouteille et verse une quantité généreuse de liquide dans l’eau tourbillonnante. Des effluves de vanille et de lavande s’élèvent dans l’air.
Elio pose la bouteille, puis se retourne vers moi. Je suis terriblement consciente de ma nudité, et je serre la culotte contre moi comme si c’était un bouclier. J’ai envie de m’immerger sous l’épaisse couche protectrice de bulles qui se forme dans la baignoire, mais je suis assez forte pour terminer d’abord cette conversation.
— Alors ? je demande, et j’ai envie de m’applaudir car ma voix ne tremble pas. Combien ?
Elio frotte la zone abîmée de sa mâchoire en me dévisageant d’un air calculateur. Je me demande quels calculs mentaux se trament dans son esprit tordu. Quelles sommes il compare entre elles. Du sang, de l’argent, et tout ce que ça vaut.
— Tout, dit-il soudain en tendant la main à nouveau. La totalité de ta dette. Nulle et non avenue.
Il dit ça d’un ton si désinvolte. Comme s’il ne venait pas de faire exploser une bombe dans mon esprit.
— Quoi ?
Il m’échappe, ce mot que j’aspire en prenant une inspiration sifflante. Je plisse les yeux vers lui, parce que je le connais et je suis certaine qu’il y a un piège quelque part.
Son visage reste impassible. Il fait un grand pas vers moi, me prend la culotte des mains et déclare :
— Aucun intérêt à me devoir des millions de dollars à moi-même. Ce qui est à toi est à moi, et tout le tralala.
— Qu’est-ce que tu me chantes ?
— Ta dette, mon rossignol. C’est moi qui vais la prendre en charge, et comme ça n’a aucun sens de me faire un chèque à sept chiffres, je vais tout annuler. Tu pourras considérer que cette somme est intégralement remboursée.
Il se penche, replace une boucle rebelle derrière mon oreille avant d’ajouter dans un murmure :
— Quand on sera mariés.
Chapitre 3
Elio
Mes paroles causent un choc physique à Deirdre, ce qui est un peu étrange, vu que je lui ai déjà annoncé que nous étions fiancés dans la voiture. Et je suis carrément certain qu’elle n’a ni oublié ni mal compris, puisqu’elle a passé tout le trajet à me dire qu’on ne l’était pas. Et pourtant, à en juger par sa réaction, on dirait que c’est la première fois qu’elle m’entend lui dire.
— Pas question qu’on se marie, crache-t-elle comme un chat en colère.
Il lui faut encore un peu de cette tisane qui aide à dormir. Le chat sur la boîte avait l’air carrément détendu.
Elle agite ses mains comme des petites griffes pour attraper la culotte que j’ai déjà dans les mains. Comme si, en la reprenant, elle pouvait reprendre un peu de contrôle sur la situation.
Le seul problème, c’est qu’elle n’en a jamais vraiment eu dans cette histoire. Elle ne peut pas reprendre le contrôle que je ne lui ai jamais laissé.
Je m’écarte en douceur de sa portée, en rangeant soigneusement le vêtement dans ma poche.
— Si, on va se marier, je rétorque. C’est ta seule option. Notre mariage te protégera, et tu seras libérée de ta dette en même temps. Qu’est-ce qui te déplaît là-dedans ?
— Qu’est-ce qui me déplaît ? s’exclame-t-elle, si estomaquée que sa voix agacée monte dans les aigus. Peut-être le fait que je serai mariée avec toi !
Elle se raidit, puis ferme brusquement la bouche, les yeux écarquillés. Elle craint probablement de m’avoir offensé ou blessé, mais ce n’est pas le cas. Je suis parfaitement conscient que ce n’est pas moi le trophée dans cette relation.
Mais je suis aussi le seul qui peut lui offrir ce dont elle a besoin maintenant.
Je suis le seul qui peut la protéger.
Je suis le seul qui la possédera.
Deirdre Titone.
Ma femme.
Bon sang, ce que j’adore cette idée.
J’ai un petit sourire, et on dirait que ça la trouble, car sa fureur s’estompe légèrement.
— Je ne comprends pas, dit-elle en secouant lentement la tête. Ça n’a aucun sens. Tu dois bien avoir une vraie fiancée prévue quelque part. Pourquoi tu m’épouserais juste pour que Darragh nous foute la
