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Le tourbillon de la vie: Pandémonium, tome 3
Le tourbillon de la vie: Pandémonium, tome 3
Le tourbillon de la vie: Pandémonium, tome 3
Livre électronique437 pages6 heures

Le tourbillon de la vie: Pandémonium, tome 3

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À propos de ce livre électronique

La guerre entre Satan et Dieu n'a jamais été aussi près d'éclater.
LangueFrançais
Date de sortie8 mai 2023
ISBN9782322545889
Le tourbillon de la vie: Pandémonium, tome 3
Auteur

Caroline Noëlle

Caroline Noëlle est une jeune auteure belge. Passionnée par ses nombreuses lectures, elle dévore : suspens, romance et surtout fantastique. Le tourbillon de la vie est son premier roman

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    Aperçu du livre

    Le tourbillon de la vie - Caroline Noëlle

    Chapitre 1

    Le soleil se couchait sur Pandémonium. Il était de couleur sang, tachant les nuages au travers desquels il s’éteignait.

    Plus bas, les sabots des chevaux appartenant aux Chevaliers noirs martelaient la route poussiéreuse qui serpentait jusqu’au château de Lucifer. Dans le silence dense, on entendait le grincement provenant du harnachement des équidés.

    Un plaid sur les épaules, Emma Pereira était secouée sur le pommeau de la selle, tandis que ses deux camarades, eux, devaient se contenter de marcher derrière les bêtes, une corde nouée aux poignets.

    Colin commençait à avoir mal aux pieds. Lui et Geoffrey marchaient maintenant depuis des heures. Il ne restait pas beaucoup de chemin à parcourir pour rejoindre la citadelle, en passant par son pont étroit, ainsi que son mur renforcé.

    Emma leva des yeux remplis de larmes. Elle priait dans son for intérieur depuis leur départ, pour que quelqu’un vienne les secourir. Mais maintenant qu’ils étaient arrivés, il fallait qu’elle se rende à l’évidence… Personne ne savait qu’ils étaient ici !

    Les chevaux s’arrêtèrent et Emma ne songea nullement à sauter de la selle pour s’enfuir. Pour aller où ?

    L’un des Chevaliers noirs annonça leur arrivée en soufflant dans un cor. Ils attendirent un long moment, puis les chevaux se remirent en marche.

    Au bout de quelques mètres, les deux cavaliers mirent pied à terre, et sans se soucier du bien-être de la gamine, l’un d’eux la balança par-dessus la selle comme un vulgaire paquet.

    À l’entrée, un garde les attendait.

    — C’est pourquoi ?

    — Il faut qu’on voie le Seigneur noir.

    Le garde jeta un œil aux enfants.

    — Par ici !

    Ils le suivirent le long d’un couloir sombre.

    ***

    Tous les invités avaient été conduits dans la salle d’apparat. Une pièce gothique, voûtée et lambrissée, avec ses œuvres d’art et ses colonnes centrales portant des statues de Cerbères. C’était la pièce la plus décorée du château, et pour la fête obscure de ce soir, on y avait suspendu des tentures rouge sang. Les tables de banquet avaient été rangées sur le côté, et à leur place, étaient installées vingt chaises alignées face à une petite estrade. Puis, il y avait deux chaises hautes de couleur rouge, à têtes de lions dorées, aux côtés du trône de Lucifer orné de pierres et de rubis. C’est là qu’Annabelle-Rose et son mari prirent place, ayant une vue imprenable sur le spectacle et la foule.

    La jeune femme se tenait bien droite, les bras posés sur les accoudoirs, fixant le joueur de flûte. Ce même homme qui avait combattu le dragon dans l’arène, quelques jours plus tôt.

    Elle avait du mal à respirer dans son corsage baleiné noir sur un plastron plissé, sa jupe de même couleur, brodée de perles et de dentelles, la privait de ses mouvements.

    Son mari et Lucifer aussi étaient très élégants dans leur ensemble justaucorps, sans col, fait de velours, l’un de couleur pêche, l’autre jaune or.

    Le musicien portait également un ensemble justaucorps de velours frappé, mais le sien était d’un modèle rouge cramoisi avec baudrier. Il fermait les yeux, la flûte en bouche, vivant chaque instant de son histoire.

    La foule, tout comme Annabelle-Rose, demeurait subjuguée par cet homme. Comme l’avait été le dragon, avant que l’artiste ne lui plante son épée entre les deux yeux.

    Elle sentit le souffle d’Alendras effleurer son oreille. Elle garda le regard rivé droit devant.

    — C’est l’histoire d’un dragon, commença Alendras à l’oreille de sa bien-aimée. Ce dragon avait trouvé refuge dans une grotte du pays Irmubis. Le pays des dragons. Beaucoup de ses frères avaient péri sous l’épée du brave chevalier royal. À mesure que ce chevalier tuait ses semblables, la colère du dragon s’amplifiait.

    Annabelle-Rose plissa les yeux, et se concentra sur l’histoire que lui contait Alendras. Son cerveau enregistrait tout ce qu’il lui racontait, et la jeune femme sentait son cœur battre de plus en plus vite. Se déroulait devant elle une histoire à couper le souffle. Irmubis, un pays que personne jusqu’ici n’avait pu voir, et une légende qui traversait bien des pays. Rose se laissa envahir par la voix du joueur de flûte — une sorte de barde — qui contait son histoire en musique.

    Alendras poursuivit :

    — L’animal finira par se retourner contre les habitants d’Irmubis et par les terrasser les uns après les autres, continua-t-il. La légende raconte que c’est le roi lui-même qui coupa la tête du reptile. Après, bien entendu, une lutte sans merci. Le roi brandit la tête du reptile sur son balcon, à la vue de tous. Son trophée !

    Annabelle-Rose se sentit mal tout à coup…

    — Je ne me sens pas très bien, finit-elle par déclarer, en se levant et en posant une main sur son ventre.

    Alendras se leva et jeta un œil au Seigneur noir. Ce dernier n’avait pas donné la permission à la princesse de quitter les lieux.

    Annabelle fixait ses pieds, sentant son cœur au bord des lèvres. Puis, Lucifer la fixa en silence un moment et acquiesça d’un mouvement de la tête en direction de son fils, le Balafré. Celui-ci attrapa la jeune femme par un bras et l’escorta jusque dans sa chambre, la servante sur leurs talons.

    La fête battait son plein. Le joueur de flûte avait fini de conter son histoire de Dragons. Les invités envahissaient la piste de danse, ils mangeaient abondamment et buvaient du bon vin.

    Les bottes des Chevaliers noirs martelèrent le sol et les clochettes attachées à leurs ceintures attirèrent l’attention de tous les convives. Le silence se fit, tandis que les deux Démons fendirent la foule, poussant les gamins devant eux.

    Satan ne bougea pas d’un pouce, la tête haute, le regard dur, il fixa les deux cavaliers. Ceux-ci le saluèrent de la tête, en posant une main sur leur poitrine.

    Il s’écoula quelques secondes où l’on entendit plus que le bruit des doigts du Diable, pianotant le bras de son trône de ses ongles taillés en pointes. Puis, il donna enfin l’ordre aux Chevaliers noirs de relever la tête.

    Alendras, qui avait repris place aux côtés du Seigneur noir, adopta la même attitude que son père.

    — Sire, commença l’un des cavaliers en tenant Emma fermement par un bras. Nous avons trouvé ces gamins en chemin. Cette fille est celle de la Gardienne, Sire.

    Le silence tomba à nouveau, s’étirant. Le deuxième cavalier déposa aux pieds de son maître deux petits sacs assez sombres.

    — Et voici vos présents, Sire, dit-il.

    Emma sentit un frisson lui parcourir l’échine. Les petits sacs noirs en question étaient remplis d’âmes d’enfants qui allaient nourrir celle de Lucifer, pour son plus grand plaisir !

    Alendras les ramassa et les déposa sur les genoux de son père. Lucifer, lui, n’arrivait pas à détacher ses yeux d’Emma. Il ne jeta même pas un œil aux gamins qui l’accompagnaient.

    — L’avez-vous vue ? demanda-t-il, en faisant référence à Émilie, qui n’était autre que la dernière gardienne en date.

    Il avait besoin de cette pierre qu’il convoitait depuis des siècles, et qui, associée au rubis qu’il portait à son doigt, ferait basculer le monde dans un chaos total. Satan avait séduit Elywen — qui était la première gardienne des deux pierres. Il lui avait dérobé le rubis, et Elywen avait été bannie du Paradis. La légende racontait que la jeune Céleste avait trouvé refuge sur l’île de Samania. Une île magique perdue dans le firmament. Mais tout comme la plupart des Célestes, Satan n’avait aucune idée d’où Elywen pouvait bien être réellement.

    — Non, Sire. Seule la fille était là sur notre route.

    — Emmène-les au cachot. La Gardienne ne devrait pas tarder.

    — Très bien, Sire.

    Les Chevaliers noirs tournèrent finalement les talons et poussèrent les enfants devant eux.

    Emma freina des pieds et on la traîna par le bras.

    ***

    La cour du château était éclairée par des torches dès la nuit tombée. Les cris d’Emma firent écho, comme une bagarre qui éclate.

    Annabelle-Rose plissa les paupières pour mieux voir. Elle était plantée devant la fenêtre, observant la grange où ses dragons étaient, eux aussi, retenus prisonniers. Et maintenant, elle regardait les enfants traverser la cour et cette petite blonde se débattant en hurlant.

    La porte derrière elle claqua et la princesse jeta un œil pardessus son épaule. À la vue de son mari, la jeune femme reporta alors son regard sur les gosses au-dehors.

    Alendras observa la scène, d’un air indifférent.

    — Que se passe-t-il ? demanda Annabelle-Rose.

    — Des prisonniers. Des enfants que les Chevaliers noirs ont ramenés. La fille est du même sang que la Gardienne. Et les Chevaliers pensent qu’elle pourrait servir de monnaie d’échange, contre l’émeraude.

    — Et les autres ?

    — Leurs âmes serviront de repas au Seigneur noir.

    La Chasseresse se tourna brusquement vers Alendras et le toisa avec un regard dur. Il souleva les épaules d’un air complètement indifférent.

    — Quel père indigne ferras-tu, Alendras ?

    Il lui attrapa le menton et le serra très fort.

    — Un père dont le fils sera fier ! Ne sois pas si sentimentale, Milady. Notre fils aura besoin d’apprendre à vivre.

    Il relâcha sa prise et Annabelle-Rose chancela. Elle le regarda s’asseoir sur le lit et retirer ses bottes.

    Elle posa une main sur son ventre. Elle avait appris la veille qu’elle était enceinte.

    — Qui te dit que ce sera un garçon ?

    — Il le faut !

    — Et si c’est une fille ?

    Alendras afficha un rictus.

    — Elle ne vivra alors que quelques minutes.

    La jeune femme ne lui répondit pas et le regarda se déshabiller. Elle allait devoir protéger son enfant. Qu’il soit fille ou garçon, Annabelle-Rose comptait défendre sa vie bec et ongle.

    Chapitre 2

    Paris

    Par une belle journée de printemps, Émilie Pereira était revenue à la vie.

    Depuis le moment où elle avait ouvert les yeux, la jeune femme voyait le monde différemment. Elle avait trouvé étrange cette sensation de voir le moindre détail de la peau de Daniel qui se tenait allongé à ses côtés sur leur lit. De respirer son odeur qui l’attirait comme autrefois. Pourtant, Daniel Müeller n’était plus un Ange ! Il était humain. Et maintenant… Émilie Pereira avait le sentiment que tous ses propres sens s’étaient démultipliés.

    Sa nuque lui faisait moins mal qu’à son réveil. À ce moment, la jeune femme avait eu l’impression que quelqu’un lui avait enfoncé un couteau à vif dans la peau. Elle jeta un œil à Daniel qui affichait un sourire pincé. Il était toujours aussi pâle que quelques minutes plus tôt, assis dans le rocking-chair.

    Émilie avait d’abord cru qu’il était mort. Elle l’avait appelé plusieurs fois, l’avait secoué, et Daniel avait mis un temps fou à émerger. Et puis, il y avait aussi cette tache de sang sur la chemise blanche de son mari, qui l’avait fait paniquer.

    Et la mémoire lui était revenue, d’un coup : tout avait commencé avec sa tumeur au stade quatre et la folle idée de Daniel qui tenait tant à la sauver. L’ultime solution de l’ex-Ange n’était autre que d’avoir recours à Louis Momtbel. Un Démon ! Ensuite, il y avait eu son mariage, l’île de Samania, et l’apparition de sa grand-mère dans la chambre d’hôtel, lui demandant de retrouver cette Chasseresse magnifique qui n’avait été autre que la compagne de Daniel, jadis.

    L’émeraude… Il y avait aussi ce bijou. Celui que Daniel lui avait offert le soir de son anniversaire, et qui s’avérerait être la pierre de la Gardienne, dotée de pouvoirs extraordinaires. La jeune femme avait donc appris qu’elle avait été choisie par Elywen, pour garder l’émeraude.

    La pierre l’avait absorbée à Pandémonium. Tapie dans l’ombre, Émilie avait assisté au mariage entre Annabelle-Rose et le prince des ténèbres, au discours que la belle avait servi aux disciples de Satan, leur promettant de gagner la guerre contre Dieu, avec une armée de feu qu’elle seule possédait. Et ce matin-là, tout s’était achevé par l’image d’horreur où, le soir de ses noces, la Chasseresse avait décapité un Céleste ! Émilie en avait été malade !

    La dernière chose dont la jeune femme se souvenait était son retour sur terre, après un bref passage au Paradis. Et la langue de Louis Momtbel se mêlant à la sienne, aspirant le peu d’oxygène qui lui restait encore, ainsi que sa tumeur. Elle avait cru y laisser la vie. Mais elle s’était réveillée miraculeusement dans son lit au petit matin, et voyait le monde tout autrement. Dans ses moindres détails. Seigneur !

    À présent, il y avait Daniel, refusant de lui promettre qu’il ne se rendrait pas à Pandémonium avec Momtbel pour sauver cette foutue fille ! C’était l’accord que Tommy, jumeau d’Émilie, avait obtenu auprès du Démon Momtbel pour protéger la jeune femme.

    — Annabelle-Rose est à Pandémonium et elle est au service du Diable, dit-elle.

    Daniel resta immobile, à l’écouter.

    — Elle ne reviendra pas. Ce qu’elle a été capable de faire… montre quel camp elle a choisi. Je remercie Louis Momtbel de nous avoir prolongé la vie, mais cela ne lui donne pas le droit de mettre en péril toute une famille, pour sauver une personne qui est irrécupérable ! Il s’est mis en tête, et toi aussi Dany, qu’Annabelle-Rose pouvait être sauvée…

    — Quel mal il y a-t-il à cela ?

    Elle entrouvrit la bouche et ne sut d’abord que répondre. Il ne le voyait donc pas ?

    — Si tu ne comprends pas ça, alors c’est moi qui me battrai contre Momtbel. Aucun de vous n’ira à Pandémonium. D’ailleurs, où est Tommy ?

    Il y eut un fracas dans le salon qui les fit sursauter tous les deux.

    Émilie sauta hors du lit et se précipita dans la pièce, Daniel sur les talons. Elle ne réalisa pas encore qu’elle venait de faire cela avec une facilité et une vélocité inhabituelle. Ce qui lui aurait été impossible, quelques jours plus tôt, avec sa jambe malade.

    — Ne m’approche pas ! cria Louis Momtbel en levant une main vers Émilie, qui se précipitait dans sa direction. Ce n’est pas parce que je t’ai sauvé la vie, que tu dois… me sauter au cou. Surtout avec cette chose.

    Il pointa du doigt l’émeraude et la jeune femme s’arrêta net au milieu du salon. Elle avait oublié que son mari lui avait passé à nouveau le bijou autour du cou.

    La pierre pouvait mettre un terme à la vie de Louis Momtbel, à tout instant.

    Daniel se tenait quelques pas sur la droite d’Émilie, les bras ballants le long du corps, fixant Momtbel qui était apparu dans le séjour de l’appartement, en faisant un fracas de tonnerre. Il avait renversé le bonsaï, qui était sur la table de verre. Le malheureux petit arbre gisait à ses pieds, hors de son pot.

    Quelques mèches s’étaient échappées de sa queue de cheval et il tenait dans sa main gauche une épée.

    Émilie regarda l’homme face à elle de la tête aux pieds et pinça la lèvre inférieure.

    — D’où sort cette créature ? demanda-t-elle.

    Bien sûr, elle connaissait déjà la réponse. Ce qu’elle voulait savoir c’était : que voulait Louis Momtbel ? Mais elle avait encore du mal à trouver ses mots.

    — De Pandémonium, lui répondit Daniel sans quitter le regard de Momtbel.

    Elle tourna la tête vers son mari et ses yeux s’attardèrent sur la lampe de chevet, restée allumée sur le meuble du salon.

    — Et devinez qui j’ai vu là-bas ? dit Louis.

    — Le Diable ? lança la jeune femme d’un ton pince-sans-rire.

    Louis Momtbel ne sembla pas comprendre la plaisanterie. Il ignora totalement la remarque de Melly.

    — Les enfants !

    Daniel plissa les yeux et Louis comprit que les amoureux ne voyaient pas du tout de qui il parlait. Il continua donc :

    — Emma, Colin, et… comment s’appelle déjà le fils de Guillaume ?

    Le sol sembla s’ouvrir sous les pieds d’Émilie Pereira. Elle manqua de s’effondrer. Un son étrange sortit de sa bouche. Cela ressemblait à un cri étouffé.

    Elle tâtonna à la recherche d’une prise, et renversa un verre d’eau qui avait échappé à l’arrivée du Démon.

    Émilie s’écroula dans le sofa blanc et prit sa tête entre ses mains. Daniel ne bougea pas, saisit d’effroi par la révélation du Démon.

    Emma, songea Émilie. Mon bébé. À son réveil, elle n’avait pas songé un instant à sa fille de onze ans. Elle aurait dû être en sécurité chez Marcus. Comment Emma pouvait-elle se trouver à Pandémonium ?

    Elle se balança d’avant en arrière, prise d’une angoisse incontrôlable.

    Momtbel regarda tour à tour Daniel, puis Émilie.

    — Personne ne compte me dire comment le fils de Guillaume Gaubert se nomme ?

    — Geoffrey, dit calmement Daniel en analysant la situation.

    Et elle était grave. Il serra les dents et les poings. Il n’était plus question de sauver Annabelle-Rose, à présent.

    — Ils veulent l’émeraude, continua Louis sur un ton plus sérieux encore.

    — Alors, donnons-leur ce qu’ils veulent.

    Émilie venait de relever la tête et planta ses yeux bleus dans ceux du Démon.

    Il y eut un silence, comme si Daniel n’avait pas fait attention à la discussion entre sa femme et Louis.

    La jeune femme était déjà en train de détacher le collier de son cou, quand enfin Dany reprit la parole :

    — Il n’en est pas question !

    Melly lui jeta un regard noir et le Démon cru qu’elle allait lui sauter à la gorge. L’ex-ange poursuivit :

    — Lui donner l’émeraude serait lui livrer le monde entier sur un plateau d’argent, Melly.

    Elle se leva d’un bond et s’approcha de lui comme une furie. Ce dernier ne cilla pas.

    — Je me fous de votre foutue guerre, qui est éternelle ! Emma est à Pandémonium ! Tu entends ? Ce qui veut dire que ma fille est entre les mains de Lucifer !

    Elle s’arrêta, attendant un moment avant de reprendre, plus furieuse que jamais, mais Daniel ne lui en laissa pas l’occasion.

    — J’ai entendu, Melly, dit-il sur le ton le plus calme possible.

    Je rêve ! pensa-t-elle. Pour la première fois depuis leur rencontre, ils se défièrent du regard un long moment.

    Louis songea qu’il était temps de mettre un terme à cet échange qui allait mal tourner. Pour une fois, il songeait bien !

    — Je pourrais la ramener, dit-il.

    Le couple tourna la tête vers lui.

    — Évidemment, seul, je ne pourrai que ramener Emma.

    Aucune réponse ne lui parvint. Il laissa Daniel dans ses réflexions. Car Louis savait parfaitement que Daniel était en train d’échafauder un plan. Seule la jolie blonde ne lui laissait pas le temps de réfléchir, et partir dans la précipitation n’était vraiment pas la meilleure solution.

    — Je dois admettre que pour une fois, je suis d’accord avec ce que ton mari raconte, continua-t-il en s’adressant à Émilie. Donner la pierre à Satan serait lui livrer le monde…

    — Je me fous…

    — Tu te fous de cette satanée guerre éternelle et bla, bla. Je sais aussi ! Mais tu vas m’écouter !

    Émilie ferma la bouche. Le ton de Louis était cassant. Il ne plaisantait plus à présent.

    — Je n’ai jamais admis ce qui arrivait aux enfants qui survivent dans Pandémonium.

    La jeune femme plissa le front, l’interrogeant du regard. Mais Louis ne répondit pas à sa question muette et continua :

    — Je sais où ils ont été emmenés. Un endroit qui n’est accessible à personne. Je sais aussi qu’Annabelle-Rose est irrécupérable.

    Il marqua une pause. Cette fois, Daniel posa les yeux sur lui.

    — Elle est enceinte ! Ses yeux changent. La transformation est presque terminée.

    Là, il venait de s’adresser à Dany. Une nouvelle fois, celui-ci serra les dents et Émilie sentit toute la frustration de son mari, à l’évocation que la Chasseresse portait l’enfant d’un autre.

    — Je peux vous aider à les récupérer, continua Louis en faisant référence aux enfants. Mais il faut que vous m’accompagniez.

    — Il est hors de question que Melly vienne avec nous.

    Le Démon ne broncha pas, quant à la jeune femme, elle ouvrit de grands yeux en regardant Daniel. Elle avait l’impression qu’elle allait se réveiller d’un moment à l’autre. Cela ne pouvait pas en être autrement. Emma ! À Pandémonium ! lui souffla à nouveau sa conscience.

    — Tu veux rire, j’espère ? finit-elle par lui demander.

    Il se tourna face à elle et la perça d’un regard, dont elle n’aurait su dire s’il était teinté de dureté ou de douceur. Elle aussi était partagée entre deux sentiments : une part d’elle-même voulait lui sauter au cou pour l’embrasser follement, et le remercier de vouloir partir à la recherche de sa fille, et de l’autre part voulait le secouer en lui rappelant qu’elle était une femme libre, et qu’on était plus au siècle des Romains.

    — Ai-je vraiment l’air de plaisanter ?

    Elle détourna les yeux et secoua la tête, avant de replonger son regard dans celui de Dany, qui était toujours en train de la fixer. Louis Momtbel regardait la scène sans oser manifester sa présence.

    — Je partirai avec vous. Et ce n’est pas négociable, ajoute-telle à l’adresse de son mari.

    Elle le vit prendre une grande inspiration et acquiescer faiblement. Peu importe ses arguments, elle ne céderait pas.

    Son téléphone sonna et Émilie ne broncha pas. Elle semblait avoir oublié la présence du cellulaire. Comme si celui-ci n’avait jamais fait partie de son existence. Il émit cinq sonneries, puis le silence envahit l’appartement, rempli de tension.

    Louis Momtbel se passa une main sur le front.

    — Il nous faut plus d’armes.

    — Je sais qui peut nous en procurer, dit Melly, en fixant un point vers la fenêtre.

    Une visite à sa grand-mère s’imposait.

    ***

    Le téléphone portable de Clara Pereira tomba lourdement sur la table de son salon. La jeune femme passa une main dans ses cheveux blonds et fixa le cellulaire, des éclairs pleins les yeux. Elle se mordit la lèvre à sang et sentit le goût métallique envahir sa bouche.

    La porte de l’appartement qu’elle occupait avec Roger claqua, et ce dernier apparut quelques secondes à peine plus tard, dans la pièce. Clara ne leva pas les yeux vers lui.

    Les valises étaient prêtes, posées sur le divan. L’état des lieux avait été fait quelques heures avant, et Bruno — le bébé du couple — dormait paisiblement dans son couffin.

    — Tu es prête ?

    Elle se tourna enfin vers Roger. Il était de vingt ans son aîné, avait les cheveux grisonnants, et Clara trouvait que sa taille avait épaissi depuis qu’il était venu la rejoindre en France. Roger était originaire d’Oxford, il avait vécu à New York avec Charlène, son ex-femme, et ses trois enfants, avait une magnifique carrière d’avocat d’affaires là-bas, avant de tout abandonner pour rejoindre Clara Pereira en Europe, alors que celle-ci était enceinte de leur premier enfant. Après une décision difficile, il avait finalement lancé la procédure de divorce entre Charlène et lui, avait fait des efforts pour parler un français correct et avait essayé de remonter son affaire dans un petit bureau de la capitale française. Mais la vie parisienne avait été plus difficile que ce que Roger l’avait espéré. À cause de quoi ? De Daniel Müeller et de l’effet qu’il produisait sur la jeune femme. Elle l’avait embrassé !

    Roger ferma les yeux et se demanda pourquoi il n’arrivait pas à chasser cette image de son esprit. Une scène à laquelle il n’avait pourtant pas assisté. Il avait entendu Clara en parler à Tommy, le jour du mariage de Daniel et d’Émilie. Le jour du mariage de sa sœur ! songea Roger.

    Aujourd’hui, Clara n’avait plus de nouvelles de son aînée, depuis… Eh bien, depuis le mariage en question. Encore à l’instant, la jeune femme avait essayé de la joindre et lui avait laissé trois textos. Toujours aucune nouvelle !

    Il la vit soupirer.

    — Oui, tout est prêt. On devrait partir. On risque de rater notre vol.

    — Très bien.

    Elle agita une enveloppe dans sa main droite.

    — Arrête-moi chez Émilie. Juste le temps de mettre ceci. Je ne veux pas partir sans la prévenir.

    — Et ta mère ?

    Elle souleva les épaules. Toujours avec cet air indifférent.

    — Je ne sais pas où elle est. Elle vend le domaine. Elle est certainement retournée dans la Drôme pour régler certaines choses.

    Il n’évoqua pas Tommy. Ce frère qui avait perdu la vie dix ans plutôt et qui était revenu. Inutile. Clara voulait tourner la page, comme elle l’avait si bien fait des années auparavant. C’était à cause de la mort de son frère que la jeune blonde s’était envolée pour les États-Unis, des années plus tôt. Elle se sentait responsable de cette mort. Elle avait insisté pour faire une balade à cheval. Une balade équestre qui avait viré au cauchemar.

    Dès sa majorité, Clara avait pris son envol, ne revenant au Domaine Pereira que pour les fêtes de fin d’année. Aujourd’hui, elle répétait le même scénario. Mais ce n’était pas pour Tommy que la jeune femme s’en allait. Roger le savait. Quelques semaines plus tôt, Roger lui avait dit qu’il avait besoin de temps pour réfléchir à leur situation amoureuse. Après ce qu’il avait entendu dans le jardin de sa grand-mère, son compagnon n’était plus certain de vouloir continuer avec Clara. Il avait ramené Clara à l’appartement après une balade nocturne au jardin des Tuileries, et s’était réfugié à son bureau le restant de la nuit. Il lui avait inventé qu’il avait du travail. Faux ! Les affaires de Roger allaient mal ! Cela, Roger n’en avait pas touché un mot.

    Au petit matin, Clara l’attendait, assise dans le fauteuil, une tasse de café entre les mains.

    — Tu en veux ? lui avait-elle simplement proposé.

    Roger l’avait regardée et s’était mordu la joue. Il avait toujours ce regard sombre, signe qu’il était toujours en colère contre elle. Il avait des cernes énormes sous les yeux.

    Comme il ne lui répondait pas, Clara s’était dirigée vers lui. Il n’avait pas bronché.

    — C’est toi qui as raison, avait-elle dit.

    Il avait gardé le silence et Clara avait poursuivi :

    — On s’en va, Roger.

    Il avait plissé le front, et elle avait continué :

    — On retourne à New York ou n’importe où, mais loin d’ici.

    Elle avait posé une tendre caresse sur sa joue et Roger avait fermé les yeux. Un instant.

    — Donne-moi, une chance. Une dernière.

    Quand l’avocat avait posé ses yeux dans les siens, Clara avait vu toute l’hésitation dans son regard. Merde ! J’ai tout foutu en l’air, avait-elle pensé.

    Il s’était dirigé vers leur chambre à coucher et n’avait émis aucune réponse, ce qui avait frustré Clara jusqu’à l’heure du déjeuner. Roger était sorti de la chambre, s’était servi une tasse de café et l’avait regardée un long moment.

    — D’accord, avait-il dit enfin.

    Elle avait relevé la tête, puis Roger avait ajouté :

    — On part aux États-Unis. Mais c’est moi qui fixerai les règles, Clara.

    Alors, le jour du grand départ arrivé, elle attrapa le couffin sur le divan, Roger descendit les bagages, et sans regarder derrière elle, Clara quitta l’appartement.

    Chapitre 3

    Pandémonium

    L’amphithéâtre reluisait sous le soleil ardent de ce nouveau jour. Le silence était dense, égal à ce matin où Annabelle-Rose et la muette étaient venues à la rencontre de la femelle Blanche. Celle-ci gardait le trésor de Lucifer, caché dans une pièce secrète de l’arène.

    Annabelle-Rose ne s’expliquait toujours pas pourquoi elle avait sombré dans un sommeil si profond au même instant que le compagnon de la femelle Blanche, qui luttait pour sauver sa vie au milieu de l’arène. Le gladiateur — qui n’était autre que le joueur de flûte — lui avait joué un morceau, et Annabelle, comme le dragon, avait lutté pour ne pas s’endormir. Mais aucun des deux n’y avait résisté.

    À son réveil, la jeune femme avait appris, par la muette, que l’homme à la flûte en avait profité pour planter l’épée entre les deux yeux du reptile.

    La flûte ! C’était la flûte qui l’avait endormie. Mais alors, pourquoi Anna n’avait-elle pas sombré dans le sommeil hier soir, en écoutant l’histoire de cet homme ?

    Elle regarda les empreintes de ses pas se marquer sur le sable blanc de l’amphithéâtre, puis, elle releva la tête vers le ciel et plissa les yeux. Elle écouta le vent qui venait lui gifler le visage, se tourna vers les gradins pour apercevoir la vue que le dragon mâle avait eue au cours de ses dernières heures. Une vue magnifique ! pensa-t-elle. Puis, Annabelle-Rose fit face au bâtiment d’où était sorti le dragon, et se dirigea vers l’intérieur, Brindille — la muette — sur les talons.

    Elle fit deux fois l’aller-retour pour retrouver le mur qui abritait l’enclos de la femme Blanche. Elle ne s’y était rendue qu’une seule fois, et Anna avait du mal à le repérer.

    Comme cette fois-là, la jeune femme poussa le mur de toutes ses forces et bascula de l’autre côté, Brindille derrière elle.

    Elles arrivèrent dans la salle ornée de bijoux.

    La Chasseresse serra son épée un peu plus dans sa main et prépara le bouclier en acier, qu’elle n’avait pas oublié d’emporter avec elle.

    Elle n’entendait plus la voix de la femelle Blanche pour la guider jusqu’à elle. Comme la première fois ! Et se demanda si son époux n’avait pas profité de ces quelques jours pour mettre fin à la vie du reptile.

    Après quelques pas, elle la vit, couchée sur son tas d’or, les ailes repliées et la tête avachie, les yeux fermés et le ventre luisant de poudre dorée.

    Annabelle-Rose pencha la tête sur le côté droit et la muette l’imita. Elles l’observèrent quelques secondes. La pièce n’était pas éclairée, mais le scintillement du trésor éclairait à lui seul l’habitation du dragon.

    La femelle Blanche ouvrit un œil. Un œil énorme et jaune. Annabelle-Rose sursauta et en lâcha son épée, qui resta plantée dans le sable sous ses pieds.

    Les deux créatures s’observèrent un long moment.

    Je pensais que tu m’avais oubliée, Chasseresse. J’en venais même à regretter de t’avoir laissé la vie sauve.

    Annabelle-Rose plissa les yeux et la fixa. Elle ne portait pas sa tenue de combat, ainsi, sa robe de soie bleue pouvait s’enflammer au moindre faux pas.

    — J’ai eu d’autres choses à faire, dit-elle simplement.

    L’animal ne répondit rien, se contentant de mettre une patte hors de son tas d’or, ce qui eut pour effet de faire trembler le sol. Puis, au bout d’un long silence, la dragonne finit par demander : Les as-tu amenés ?

    — Non.

    La Chasseresse entendit le cœur de la femelle Blanche battre plus vite, et le sang chaud de celle-ci prendre feu. Elle était prête à la brûler d’une minute à l’autre.

    Lors de leur première et dernière entrevue, la jeune femme lui avait promis de lui présenter les bébés dragons qui n’étaient autres — elle en était certaine — que ceux de la femelle Blanche.

    — J’ai un service à te demander.

    Elle entendit le rire du reptile.

    Un service ?

    La femelle Blanche se mit à rire de plus belle. Mais la Chasseresse ne se laissa pas déstabiliser pour autant :

    — Je dois tuer Alendras.

    Le rire cessa et le silence tomba, aussi lourd qu’à leur arrivée.

    La muette avait émis un faible cri, qu’Annabelle-Rose n’avait pas entendu, tellement la femelle Blanche riait.

    — Alors ?

    Impossible !

    — Il le faut pourtant. Et tu vas m’y aider.

    De nouveau le silence s’abattu. Si Brindille avait eu l’usage de sa langue, elle se serait écriée, prise d’horreur et d’effroi par les pensées de sa maîtresse. Elle se précipita vers celle-ci et lui agrippa les bras, si fort, qu’Annabelle-Rose la repoussa brutalement, l’incitant ainsi à se taire. Puis, elle pensa que ce qu’elle venait de lui dire était ridicule, puisqu’elle avait les lèvres cousues. Encore un acte affreux d’Alendras. « Brindille avait la langue bien pendue », lui avait-il répondu, lorsque la princesse lui avait demandé pourquoi avoir infligé ce châtiment à cette gamine de seize ans à peine.

    — Je suis enceinte, dit-elle platement à la dragonne, comme si elle parlait à une copine. Je dois protéger mon petit, comme tu dois protéger les tiens.

    Elle n’obtint toujours aucune réponse. La femelle Blanche l’observait de ses grands yeux jaunes, et pour la première fois depuis leur rencontre, Annabelle sentit que sa vie était en danger.

    Tu fais partie d’eux, maintenant.

    Elle ne voyait pas du tout où l’animal voulait en venir.

    Tes yeux ont leur couleur. Rouge sang. Tu n’es plus une Céleste. Dieu va vouloir t’éliminer. Comme il veut éliminer Pandémonium. Ton mari est le mieux placé pour protéger ton petit.

    — Pas si c’est une fille. Il me la dit hier : « Elle ne vivra pas plus de quelques minutes. » Et toi, Dragonne, tu vas m’y aider !

    Tu auras un garçon.

    — Comment peux-tu le savoir ?

    Je le sais ! Mais ils te l’enlèveront.

    De qui parlait-elle ? La femelle Blanche glissa de son tas d’or volontairement, et le raffut fut terrible. Le sol sous leurs pieds trembla de plus belle. La Chasseresse agrippa l’épée devant elle et se carra sur ses pieds. Brindille, derrière elle — dont Annabelle-Rose semblait avoir oublié jusqu’à l’existence — recula vers le mur pour prendre appui.

    Le reptile se positionna devant la Chasseresse, et elles se fixèrent droit dans les yeux. Le nez de la dragonne était à quelques centimètres du visage de la jeune femme, mais Annabelle ne broncha pas. Elle entendait la respiration de l’animal et sentait son

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