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La tentation de la sorcière: Amour et Magie, #5
La tentation de la sorcière: Amour et Magie, #5
La tentation de la sorcière: Amour et Magie, #5
Livre électronique678 pages8 heuresAmour et Magie

La tentation de la sorcière: Amour et Magie, #5

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À propos de ce livre électronique

Avertissement : Ce livre contient un héros démoniaque au charme torride, des dialogues à l'humour délicieusement sarcastique, une bonne dose de propos crus, des scènes sensuelles incontournables, et une sorcière bien élevée qui apprend à lâcher prise. 

 

Une nuit. C'est tout ce qu'il leur faut pour pouvoir tourner la page. 

 

C'est du moins l'avis du démon Tallak lorsqu'il propose une nuit de sexe débridé à la sorcière Hazel Murray. Tallak envisage l'avenir de manière simple : après avoir passé plus de vingt ans dans un donjon au royaume des fées, il veut juste profiter de sa liberté et construire une relation saine avec Basil, le fils qu'il croyait mort. Convoiter la sorcière qui a élevé Basil ? Mauvaise idée. Tout le contraire de simple. 

 

En tant qu'Aînée et chef de famille, Hazel a déjà suffisamment à faire pour tenter d'éviter l'éclatement de la communauté sorcière après la fin de la guerre. Le désir qu'elle éprouve pour le père biologique de son fils adoptif est bien la dernière chose dont elle a besoin. D'autant plus que ce père est un démon récemment échappé de prison avec un sens moral discutable. Une sorcière et mère responsable se tiendrait à l'écart. Mais Hazel fait preuve de droiture depuis si longtemps qu'il est peut-être temps de se laisser un peu aller.

LangueFrançais
ÉditeurNadine Mutas
Date de sortie31 juil. 2023
ISBN9798223233404
La tentation de la sorcière: Amour et Magie, #5

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    Aperçu du livre

    La tentation de la sorcière - Nadine Mutas

    CHAPITRE 1

    Un de ces jours, je vais soit l’embrasser, soit le tuer.

    Assise dans la cuisine de sa demeure familiale, Hazel Murray grimaça et ferma les yeux pour occulter la vision de l’homme qui suscitait chez elle des élans contradictoires – et qui se dirigeait à l’instant même d’un pas nonchalant vers le réfrigérateur. Elle s’était toujours targuée d’être une femme équilibrée. Elle avait survécu à un mari émotionnellement abusif et combattu des démons bien réels sans perdre son sang-froid. La personne la plus raisonnable dans la famille, c’était elle.

    Alors, comment expliquer son incapacité soudaine à se maîtriser chaque fois que Tallak faisait irruption dans une pièce, imprégnant l’air de son attitude désinvolte et paraissant bien trop attirant pour un démon avec sa peau hâlée, ses cheveux blonds aussi brillants que de l’or poli, ses yeux ambrés reflétant une vive intelligence, et son corps svelte vibrant de charisme ?

    Clap.

    Hazel sursauta à ce bruit et cligna des yeux devant sa consœur sorcière installée en face d’elle à la table du coin petit-déjeuner.

    — La terre appelle Hazel, dit Merle en baissant la main après un claquement de doigts au visage de son amie.

    Merle la regardait avec curiosité de ses yeux bleu ciel, ses cheveux roux attachés en queue-de-cheval.

    — Pardon, quoi ?

    Hazel détourna de nouveau les yeux vers le démon qui à son grand dam accaparait toute son attention alors qu’il sortait à présent de la cuisine, avec deux bouteilles de bière à la main. Il se rendait dans le salon adjacent où il rattrapait le temps perdu en jouant à des jeux vidéo avec Basil, son fils adulte – un fils qu’Hazel avait élevé comme le sien pendant que Tallak croupissait dans un donjon du royaume des fées. Une fois Tallak hors de vue, Hazel accorda de nouveau son attention à Merle.

    — Tu as entendu ce que je disais ?

    — Bien sûr, mentit Hazel.

    — Alors, tu es d’accord ?

    Hazel se mordit la lèvre.

    — Eh bien…

    Merle croisa les bras sur son ventre arrondi en haussant les sourcils. À huit mois de grossesse, la jeune sorcière arborait des courbes généreuses et un teint radieux, rappelant agréablement à Hazel sa propre grossesse.

    — Eh bien, quoi ?

    — OK, je n’écoutais pas, avoua Hazel en soupirant et en se frottant le menton. C’est juste que j’ai l’esprit encombré par un tas de trucs.

    — Hmm… par quelqu’un, surtout.

    Hazel s’éclaircit la gorge et choisit d’ignorer cette remarque.

    — Bref, qu’est-ce que tu disais ?

    Après une grande inspiration, Merle se répéta :

    — Simplement que je suis toujours opposée à l’idée de laisser les ex-Draconiennes siéger au conseil des Aînées, avec leurs pleins droits de vote.

    L’atmosphère était électrique autour de la plus jeune des deux sorcières, qui avait le même âge que les filles d’Hazel, Lily et Rose. Néanmoins, depuis que Merle avait endossé son rôle de chef de famille et revendiqué sa place parmi les Aînées de la communauté sorcière, Hazel la voyait davantage comme une amie sur un pied d’égalité que comme une fille de cœur. Au cours de l’année précédente, elles avaient traversé tant d’épreuves ensemble – deux Aînées combattant côte à côte en tant que consœurs, chacune portant la responsabilité de la magie de sa famille sur ses épaules – qu’Hazel conférait à présent avec Merle comme elle le faisait habituellement avec les sorcières de sa propre génération.

    — Je comprends ta frustration, dit-elle à la jeune sorcière à la tête de la famille MacKenna, mais il était temps pour nous d’avancer, et le conseil a validé cette décision.

    Même si le vote en faveur de la réintégration des ex-Draconiennes avait seulement obtenu la majorité de justesse. Merle n’était pas la seule à vouloir que la punition soit plus sévère, plus longue.

    — On ne pouvait pas indéfiniment les assigner à résidence et leur imposer des restrictions sur l’utilisation de la magie.

    — Oh, je ne sais pas trop, rétorqua Merle en regardant ses ongles. Ça ne m’aurait pas posé de problème, perso.

    — Ce n’était pas la voie à emprunter si on veut avoir une chance d’avancer et de réunifier la communauté sorcière, dit Hazel en lançant un regard sévère à Merle. Et je veux parler d’une véritable unité. Avec ce que Maeve t’a dit à propos de la menace qui pèse sur nous tous, on ne peut pas se permettre de rester divisées. Tu le sais bien, Merle.

    — Je ne suis pas obligée d’aimer l’idée, grommela-t-elle.

    — Ça ne me réjouit pas non plus, crois-moi, dit Hazel en soupirant. L’obligation de devoir siéger au conseil avec des sorcières qui ont voté en faveur de la chasse au démon organisée contre Lily il n’y a pas si longtemps me donne envie de jeter à chacune d’entre elles un sort qui leur filera une diarrhée incurable…

    Merle recracha la gorgée d’eau qu’elle venait juste de prendre et pouffa de rire.

    —… mais on ne peut pas exclure de façon permanente la moitié de la communauté sorcière de notre corps dirigeant et s’attendre ensuite à ce que les sorcières restantes s’alignent sur nos décisions et resserrent les rangs autour de nous quand le temps sera venu de faire face au réveil de je ne sais quelles autres bêtes anciennes. Sans parler des autres dieux…

    Merle grimaça et changea de position sur sa chaise.

    — Il faut rallier les ex-Draconiennes à la cause commune, poursuivit Hazel, et pour y parvenir, on doit être capable de laisser le passé où il est. Si on continue à entretenir les vieilles rancœurs entre nous, on ne sera pas capables d’affronter une quelconque menace extérieure. La prochaine fois qu’un dieu décidera de se pointer ici avec un autre monstre, on ne pourra pas aider Arawn à l’affronter… parce qu’on se sera déjà toutes entretuées à force de régler nos comptes.

    Merle détourna les yeux en serrant les dents.

    — Ça me fait mal de l’avouer, mais ce que tu dis est parfaitement sensé.

    Hazel lui sourit d’un air las.

    — Il est plus facile de s’accrocher à son désir de vengeance que de trouver un moyen diplomatique de réaliser quelques avancées politiques, si minimes soient-elles.

    Elle-même aurait pourtant volontiers infligé aux ex-Draconiennes un châtiment à la hauteur de la sévérité de leurs crimes envers le reste de la communauté sorcière. Son propre désir de vengeance la rongeait encore et le simple fait d’y penser la mettait dans tous ses états. Et pourtant, la rage et la soif de vengeance étaient rarement de bons conseillers quand il s’agissait de diriger une communauté, et encore moins lorsque la survie à long terme de cette communauté dépendait de la capacité de ses membres à se battre ensemble – et non les uns contre les autres.

    — C’est vrai, acquiesça Merle d’un air crispé, mais ça paraît tellement injuste de donner l’amnistie aux ex-Draconiennes et d’aller de l’avant alors qu’on a perdu tant de sorcières méritantes à cause de leur fanatisme.

    Hazel ressentit un pincement au cœur en songeant à Hanna Roth, l’une des sorcières avec qui elle avait été amie durant des années avant qu’elle se fasse tuer au cours de la bataille finale entre les Draconiennes et les Aequitas. Hanna faisait partie de la poignée de victimes qui avaient perdu la vie durant le conflit alimenté par Juneau Laroche et ses partisanes. L’une des lumières qui s’étaient éteintes à jamais.

    — Et les Draconiennes ont dû enterrer quelques-unes des leurs aussi, rappela-t-elle à Merle en ravalant sa peine. Les deux camps ont subi des pertes, et bien que les Draconiennes soient à l’origine de cette guerre, si on continue à se reprocher mutuellement nos crimes en cherchant sans arrêt à nous venger, on va finir par se balancer de nouveau des sorts à la figure avant que…

    La porte menant au salon adjacent s’ouvrit, encore, et Tallak pénétra dans la cuisine d’un pas tranquille. Le cœur d’Hazel se mit à battre plus vite – à sa grande consternation – alors que ses yeux étaient rivés sur le jean usé du démon, qui moulait ses hanches et son fessier à la perfection. Ledit fessier avait tenu un rôle prééminent dans ses fantasmes au cours des derniers mois, sans parler du fait que ses mains se souvenaient encore de la sensation de ses muscles se contractant sous elles.

    Les joues de la sorcière s’échauffèrent alors que cet unique moment volé à Féerie, indécent et parfaitement inavouable, lui revenait en mémoire. Personne n’était au courant. Ni Merle, ni Lily, pas même ceux avec qui Tallak et elle étaient rentrés de Féerie après avoir retrouvé Basil et Rose. S’il y a bien une chose sur laquelle ils étaient volontiers tombés d’accord, c’était la maxime ce qui se passe à Féerie reste à Féerie.

    Allez dire ça à ma libido débridée… Le corps d’Hazel devenait hypersensible du simple fait de se trouver dans la même pièce que lui et ses parties intimes étaient comme électrisées, avides d’un autre avant-goût de lui.

    Ridicule. Quelle idée de se comporter comme une accro aux drogues dures luttant désespérément contre l’envie de se faire un fix. Vraiment indigne de moi. La sorcière adulte qu’elle était se devait de maîtriser une magie puissante, et non ses hormones comme une adolescente. Ce désir qu’elle éprouvait pour le père biologique de son fils était simplement annonciateur de problèmes, surtout compte tenu de l’identité – et des agissements – dudit père.

    Hors de question qu’elle se laisse piéger par le magnétisme bestial d’un démon qui avait massacré une salle entière de fées sous le coup d’une rage incontrôlée.

    À cet instant, Tallak jeta un œil en direction d’Hazel et leurs regards brûlants se croisèrent. L’expression du démon s’assombrit et il afficha un rictus de dégoût qui n’aurait pas été pire s’il avait posé les yeux sur une mare de vomi. Le désir inopportun qui avait assailli Hazel s’évanouit aussitôt, noyé sous une vague de rancœur.

    Je préfère ça. Un bon rappel de la raison pour laquelle elle devait à tout prix remettre ses hormones dans le droit chemin et ne pas céder à l’attirance qu’elle ressentait pour lui. Cet homme était le plus insolent et le plus méprisant de sa connaissance depuis la fin de son mariage raté, et elle s’était juré de ne plus jamais ouvrir son cœur à quiconque la traiterait avec moins de respect que ce qu’elle méritait.

    Sa carapace blindée de nouveau en place, son désir malsain pour un démon qui n’était pas fait pour elle fourré dans une boîte cadenassée enfouie au plus profond d’elle, Hazel releva fièrement le menton alors que Tallak ouvrait un placard pour en sortir un paquet de chips tortillas.

    — Ça ne te dérange pas de piller ma cuisine ? Veux-tu un peu de sauce salsa pour accompagner ton manque de manières ?

    Tallak s’immobilisa – et le cœur d’Hazel fit un bond désagréable dans sa poitrine au même moment –, se gratta le front comme s’il réfléchissait à la question, et répondit :

    — Ça ira, merci, on a encore de la sauce cheddar. Mais dis-moi… si tu avais adopté un autre fils, est-ce que tu l’aurais appelé Origan, ou Thym ?

    Hazel le gratifia d’un regard acéré et une décharge de sa magie grésilla dans l’air.

    — Sauge, rétorqua-t-elle d’un ton posé.

    Tallak sourit de toutes ses dents et sortit de la cuisine sans se presser, marmonnant quelque chose dans sa barbe ressemblant de manière suspecte à quelle idée de donner le nom d’une plante aromatique à son gosse.

    Aussitôt la porte refermée derrière lui, Merle se racla bruyamment la gorge. Hazel s’exhorta mentalement à reprendre ses esprits et reporta son attention sur sa consœur sorcière.

    — Vous comptez attendre encore longtemps avant de régler les choses entre vous ?

    — Il n’y a rien à régler, répondit Hazel en haussant les épaules. Il déteste le fait que j’ai appelé son fils Basil, et ça m’est égal.

    — Je voulais parler de cette tension entre toi et lui, dit Merle en levant les yeux au ciel. Elle est tellement dense que je pourrais la trancher. Vous allez l’évacuer en couchant ensemble comme des bêtes pour qu’on puisse enfin respirer librement en votre présence, ou vous allez continuer à faire comme s’il n’y avait rien entre vous ?

    — J’ai beaucoup de responsabilités, mais veiller à la qualité de l’air environnant n’en fait pas partie, rétorqua Hazel en tirant sur un fil lâche de son cardigan.

    — Pff, souffla Merle en se frottant le front d’une main.

    Hazel opta pour un changement de sujet.

    — La bonne nouvelle, c’est qu’avec la réintégration des ex-Draconiennes, on n’aura plus de problèmes d’effectifs pour patrouiller dans la région.

    Avec la moitié des sorcières de la communauté effectivement exclues du service actif durant leur période d’assignation à résidence, la charge de travail avait doublé pour les Aequitas, qui avaient dû assurer la relève. La plus grande partie de l’aire métropolitaine de Portland était toujours sous la juridiction des sorcières – alors que le reste faisait intégralement partie du territoire du seigneur des démons – et une vigilance constante ainsi que des patrouilles régulières étaient nécessaires pour s’assurer que les démons de la région ne prennent pas le dessus sur la population humaine.

    Merle lança un regard pensif à Hazel, qui poursuivit :

    — Tu ne l’as pas vraiment ressenti parce que Rhun ne te laisse pas faire d’heures sup depuis que tu es enceinte, mais pour certaines d’entre nous, ça n’a pas été facile.

    Hazel avait elle-même assuré des rondes pratiquement toutes les nuits, et il n’avait pas toujours été question d’une paisible balade dans la fraîcheur de l’air automnal. La diminution des effectifs de la communauté sorcière avait provoqué une recrudescence des démons tentant d’élargir leurs territoires de chasse par la force.

    — Je suis désolée, dit Merle, j’aurais aimé pouvoir aider dav…

    Hazel la fit taire d’un geste de la main accompagné d’un petit sourire.

    — Ce n’est pas ta faute, et une sorcière supplémentaire à patrouiller n’aurait pas fait une grande différence. On avait besoin de douzaines de plus. C’est pour ça qu’il fallait mettre un terme aux assignations à rés…

    Des rires leur parvinrent depuis le salon. Ces bruits – deux voix masculines, l’une d’elles perçue par Hazel comme une caresse sur sa peau la faisant délicieusement frissonner, à son grand dam – étaient accompagnés des sons étouffés provenant du jeu vidéo dans lequel Tallak et Basil étaient plongés. Basil poussait des cris puis riait de plus belle, et le cœur d’Hazel se réchauffa à l’idée qu’il était heureux.

    Ce jeune homme, qu’elle avait élevé et aimé comme s’il s’agissait de son propre enfant dès lors qu’il avait été placé dans ses bras quand il était bébé, avait maintenant pour la première fois un véritable père qui l’aimait de manière inconditionnelle, qui était vraiment là pour lui. Rien à voir avec Robert, son défunt mari, qui parce qu’il avait toujours soupçonné que Basil n’était pas de lui – sans jamais avoir de confirmation, même s’il avait raison – avait traité le garçon comme un fardeau non désiré.

    Malgré son aversion pour Tallak, Hazel ne pouvait pas s’empêcher d’être contente qu’il ait retrouvé Basil, et une partie de son cœur fondait – de façon plutôt irritante – devant la manière dont le démon chérissait son fils. Il passait du temps avec lui, l’écoutait, discutait, riait avec lui, créant le genre de liens père-fils que Basil avait toujours espéré. Tallak avait massacré une cour entière de fées pour Basil, et elle ne doutait pas un instant qu’il serait capable d’éradiquer tout Féerie et au-delà pour assurer la sécurité de son fils.

    Une mère ne pouvait qu’admirer une personne manifestant ce genre de dévouement brutal pour sa progéniture.

    Cette admiration demeurerait néanmoins secrète et distante. Hors de question qu’elle montre à Tallak à quel point l’amour qu’il témoignait à Basil était important pour elle, sans quoi cet insupportable démon aurait encore plus de munitions contre elle. Il était déjà assez hargneux et possessif comme ça, acceptant à peine le fait qu’elle soit la mère adoptive de Basil, même si c’était complètement irrationnel.

    Et par-dessus tout, elle ne pouvait pas lui montrer l’étendue de l’effet qu’il avait sur elle. Cette faiblesse indéniable lui donnerait bien trop d’emprise sur elle. La dernière fois qu’elle avait donné ce genre de latitude à un homme, elle s’était retrouvée prise au piège d’un mariage qui avait meurtri son âme.

    Elle allait devoir se contenter de revisiter ce moment volé dans les bois de Féerie durant les heures où elle serait seule dans son lit, incapable de trouver le sommeil, et tout fantasme à propos d’une nouvelle fois avec Tallak demeurerait son plaisir coupable inavoué.

    CHAPITRE 2

    Tallak était en proie à une montée d’adrénaline tandis qu’il poursuivait le démon dans la douce et paisible nuit d’automne. Il descendait une rue résidentielle silencieuse bordée de maisons individuelles, toutes plongées dans le noir à cette heure. Son cœur tonitruait dans sa poitrine sous l’excitation de la traque, et il sourit. C’était exactement ce dont il avait besoin – une mise à mort exaltante, une distraction pour ne plus penser à cette sorcière qui n’était pas faite pour lui, et qu’il ne devrait même pas convoiter.

    Il chassa l’image d’une chevelure noire encadrant un visage parfait au teint de porcelaine et d’yeux marron empreints de chaleur lorsqu’elle regardait ses enfants, mais généralement glacials quand elle les posait sur lui. À l’exception de ces rares moments où leurs profondeurs s’embrasaient quand elle croisait son regard… et se souvenait de la façon dont elle avait joui sous ses caresses, dans l’intimité obscure d’une forêt enchantée du royaume des fées.

    Oh, Hazel pouvait bien se montrer aussi froide qu’elle le voulait avec lui, il n’était pas dupe. Il avait déjà vu son feu intérieur et savait à quoi elle ressemblait dans les affres de la passion.

    Concentre-toi.

    Ce souvenir ressemblait à présent davantage à un fantasme lointain et ce n’était pas le moment d’espérer qu’une telle chose se reproduirait. Il avait un démon à attraper.

    La saleté en question venait juste de sauter par-dessus la clôture basse d’une maison – vacante, à en juger par l’avis d’expulsion placardé sur la porte – avant de contourner cette dernière pour rejoindre le jardin situé à l’arrière. Tallak le suivit, gagnant du terrain sur lui. Après s’être faufilé derrière la maison, il bondit sur le pervers alors qu’il passait en courant devant la porte de derrière. Peu solide, cette dernière se retrouva enfoncée sous la force de l’impact et ils terminèrent leur course à l’intérieur de la maison.

    Ils roulèrent plusieurs fois sur eux-mêmes, des bouts de verre et autres débris éraflant les mains et le visage de Tallak, et il crut vaguement discerner une source de lumière quelque part dans la pièce. Il ne pouvait cependant pas s’attarder là-dessus pour le moment, car le démon se battait comme un chat sauvage, le forçant à se concentrer sur la façon dont il allait exterminer cette ordure.

    Un démon sorja – une espèce qui aspirait le liquide cérébral des humains pas assez méfiants, et ce gars-là en particulier était spécialisé dans les enfants.

    Cela rentrait parfaitement dans le cadre des meurtres que Tallak était autorisé à commettre selon les strictes directives d’Hazel. En temps normal, il n’était pas regardant quand il s’agissait de se nourrir, mais s’il se permettait encore de tuer de façon arbitraire, il pourrait bien perdre Basil. Non seulement parce qu’Hazel lui interdirait à jamais de venir lui rendre visite – sans parler du fait qu’elle le jetterait dans le cachot des Murray sans ciller, comme elle l’avait clairement énoncé –, mais aussi parce que Basil perdrait tout respect pour lui.

    Tallak refusait qu’une telle chose se produise et préférait encore retourner moisir dans un donjon.

    Il se contentait donc de tuer les individus figurant sur la liste des démons les plus recherchés par les sorcières. Le côté positif, c’était que ces dernières le payaient pour ses services.

    Toujours aux prises avec le sorja, Tallak lui donna un coup de boule puis lui enfonça deux doigts dans l’œil droit, ce qui lui permit de le neutraliser pendant suffisamment longtemps pour lui asséner le coup de grâce en lui brisant le cou d’un coup sec. Au même moment, il projeta ses pouvoirs pour s’emparer de la magie intrinsèque et de la mémoire du démon pour les intégrer à sa propre essence.

    Tallak prit une grande inspiration, savourant l’afflux de pouvoirs dans son organisme. Il n’avait pas besoin de faire cela souvent, mais une mise à mort – et l’absorption de la magie d’une créature de l’autre monde –, était de temps en temps nécessaire pour qu’il puisse demeurer opérationnel. Ces vingt-six années de privation dans le donjon de la cour royale des fées lui avaient permis de tester les limites de sa physiologie démoniaque, et il avait bien failli échouer à tuer le garde durant ce précieux moment de chance qui lui avait permis de s’échapper. Ce meurtre lui avait cependant fourni assez d’énergie et de puissance pour aller ensuite massacrer toutes ces pourritures.

    Libre, songea-t-il. Je suis libre maintenant. Il chassa de son esprit le souvenir des murs en pierre crasseux et du sol recouvert de ses propres excréments, puis cligna des yeux lorsqu’il perçut un mouvement dans son champ de vision périphérique.

    Tallak ne s’était battu avec le sorja que durant quelques secondes finalement, mais ils avaient apparemment dérangé une personne cachée dans la maison. Il jeta un œil à l’étalage macabre qu’il n’avait pas remarqué auparavant – le sang, les viscères, le corps mutilé gisant en croix au milieu de la pièce – avant de braquer les yeux sur la silhouette qui s’échappait par la porte de derrière demeurée ouverte.

    La femme courait comme si une armée de démons était à ses trousses. Tallak voulut la suivre, mais cet élan instinctif fut aussitôt noyé sous les souvenirs qui continuaient à déferler dans son esprit. La vie entière du sorja – ses émotions, ses pensées, et ses secrets les plus sombres – s’était immiscée en lui en même temps que les pouvoirs qu’il avait absorbés, un effet secondaire délétère qu’il ne pouvait absolument pas contrôler. Et à présent, les souvenirs les plus révoltants du démon qu’il venait d’exterminer court-circuitaient son cerveau, le paralysant assez longtemps pour que la fuyarde disparaisse de son champ de vision. Soudain, une envie irrésistible d’aspirer le liquide cérébral du cadavre de l’humain le fit chanceler.

    Argh ! ces sorjas sont vraiment dégueulasses.

    L’un des aspects les plus perturbants dans le fait d’absorber la mémoire d’une victime, c’était la superposition temporaire des deux esprits qui en résultait. Durant ce laps de temps, il lui était difficile de différencier ses propres souvenirs, pensées et émotions de ceux de la personne qu’il avait tuée.

    Tallak faisait de gros efforts pour ne pas céder à l’envie instinctive de prendre l’apparence du sorja et de fourrer la langue spécialement adaptée de ce démon dans l’oreille de l’humain pour extraire…

    — Je ne suis pas une saloperie de démon zombi !

    Il secoua la tête, serra les dents, et prit une grande inspiration pour contrer les pulsions d’origine étrangère qui manipulaient son organisme. Fort heureusement, son cœur battait encore vite et son taux d’adrénaline demeurait assez élevé pour lui permettre d’affronter le douloureux tsunami qui ne manquerait pas de ravager son système nerveux sous peu. Un autre effet secondaire vraiment génial de l’absorption de pouvoirs et de souvenirs. Tant qu’il restait actif, les conséquences étaient retardées jusqu’à ce qu’il se calme, ce qui était une bonne chose puisque cela lui permettait généralement de quitter la scène du crime et de se retirer dans un endroit sûr avant de succomber à la douleur souvent paralysante.

    Compte tenu de la charpie sanglante qu’il avait sous les yeux, il avait plutôt intérêt à décamper d’ici au plus vite avant de se retrouver cloué sur place, sans quoi on le retrouverait roulé en boule à côté de ce qui ressemblait fortement à un sacrifice satanique.

    À mi-chemin de la porte, Tallak s’arrêta. Allez. Hausse les épaules et va-t’en, comme d’hab. Il jeta un œil à la scène macabre, puis en direction de l’endroit où la femme avait disparu dans la nuit. Il devrait partir. Secouer la tête et tourner le dos, laisser les autorités humaines s’occuper de ce merdier. Même si ce qui s’était passé impliquait un…

    Non. Ce ne sont pas mes oignons.

    Il se remit en mouvement. L’air nocturne rafraîchissait sa peau moite à travers la porte ouverte. Serrant la mâchoire, il s’arrêta de nouveau puis ferma les yeux.

    — Nom d’un chien !

    Tallak sortit son téléphone de sa poche et composa le numéro de Basil. Il allait passer ce coup de fil et après, terminé – Basil ferait passer l’information aux sorcières, qui se débrouilleraient avec tout ce bazar. Pour lui, c’était du pareil au même, mais sûrement pas pour son fils.

    Au cours des derniers mois, Tallak avait été admis au sein du cercle privé de la famille et des amis d’Hazel, même si c’était à contrecœur pour la plupart des concernés, hormis Basil. Mais il n’était pas de leur côté au sens strict. Alors, oui, il avait aidé Merle et Hazel à libérer Rhun des griffes de cette vieille sorcière cinglée quelques mois auparavant, eh oui, il avait tué Lydia Novak et Estelle Laroche afin d’aider les Aequitas à l’emporter contre les Draconiennes, mais c’était parce que Basil lui avait demandé de le faire – disant s’il te plaît et papa en le regardant avec des yeux qu’aucun père ne pouvait ignorer. Qu’était-il censé faire à présent ? Décevoir son fils à la première occasion ?

    Il avait cependant évité de se retrouver encore mêlé aux affaires des sorcières, se contentant de faire un peu d’intérim démoniaque pour elles. Il ne faisait absolument pas partie de leur équipe et se fichait pas mal de leurs intentions. Il voulait juste vivre sa vie, rattraper le temps perdu avec son fils, et surtout, ne pas fourrer son nez dans les affaires des autres.

    L’appel bascula sur la messagerie vocale et Tallak garda les yeux rivés sur l’écran pendant une seconde, avant de hausser les épaules. OK, très bien. Il avait essayé.

    Il voulait rempocher son téléphone et se tirer d’ici. Vraiment. Ce serait la seule chose intelligente à faire, écouter cette petite voix qui lui disait de s’occuper de ses oignons. Alors pourquoi ses pieds refusaient-ils de bouger ?

    Bon, il n’avait pas réussi à joindre Basil, mais ce n’était pas une raison pour laisser tout ce merdier derrière lui. Même si cette idée le démangeait. Il n’aurait jamais fini d’en entendre parler s’il faisait comme s’il ne s’était rien passé et que Basil l’apprenait plus tard.

    Tallak fit défiler sa liste de contacts, cherchant désespérément une alternative au choix évident qui lui trottait dans la tête.

    Lily ? Hmm. Elle pourrait faire l’affaire, mais il ne la connaissait vraiment pas assez pour lui parler d’un bordel pareil, et le démon qui lui servait de compagnon pourrait bien lui casser le nez pour avoir appelé à cette heure tardive.

    Il continua à faire défiler la liste. Merle ? Non. Il tressaillit. En tant qu’Aînée, elle était à même de gérer ce bazar, mais moins il avait affaire à cette rousse effrayante, mieux c’était. Elle avait beau être l’une des meilleures amies de son fils, il y avait quelque chose chez elle qui donnait envie à Tallak de s’éclipser de la pièce quand elle se pointait, puis de courir se planquer. Si les rumeurs ne mentaient pas, Merle pouvait envoyer bouler le seigneur des démons sans se faire étrangler jusqu’à ce que mort s’ensuive – et c’était avant qu’Arawn devienne son beau-frère, alors oui, cette femme avait un tempérament du genre flippant.

    Rose ? Non plus. Il écarta immédiatement cette option. Même s’il la connaissait mieux que sa sœur jumelle, Lily – Tallak était le seul en dehors de la compagne de Basil, Isa, à parler la langue des fées, et Rose avait commencé à discuter avec lui de temps en temps, son anglais n’étant pour l’instant pas assez bon pour qu’elle puisse tenir de longues conversations avec les autres –, Rose était encore en train de s’habituer à l’idée de faire partie de leur précieuse communauté sorcière. Elle n’était absolument pas en état d’entendre parler de ce qui s’était passé ici.

    Après une grande inspiration qui ne fit rien pour apaiser ses spasmes nerveux ou la sensation d’avoir l’estomac noué, il remonta la liste jusqu’au H et appuya sur le fichu nom. Elle dormait probablement. Si ce n’était pas le cas, elle ne prendrait même pas la peine de répondre aussi tard le soir. Il se mettait inutilement la press…

    — Allô ?

    La voix d’Hazel, habituellement douce et plaisante, était éraillée et ce détail frappa aussitôt Tallak. Elle semblait en manque de sommeil.

    Fais vite, crétin. En mode professionnel. Dis-lui juste ce qui s’est passé et…

    — Tu es toujours réveillée à cette heure ?

    — Si tu m’appelles simplement pour me chercher des noises, je me ferai un plaisir de te lancer un sort à travers la ligne téléphonique, répondit Hazel d’un ton soudain glacial.

    Tallak s’appuya contre le mur, sa curiosité piquée.

    — Quel genre de sort ? Tu vas me chatouiller l’oreille ?

    — Au revoir, Tall…

    — Il y a eu un meurtre ici.

    Silence. Le démon éloigna le téléphone de son oreille pour voir si elle avait raccroché. Ce n’était pas le cas.

    — Démon ? demanda-t-elle.

    — Non.

    Si c’était aussi simple, il n’aurait pas besoin de passer cet appel irritant.

    — Métamorphe ?

    — Non plus.

    — Fée ?

    — Négatif.

    Hazel poussa un soupir débordant de contrariété et d’impatience.

    — Alors, pourquoi ne pas laisser les autorités humaines s’en charger ?

    — Parce que les flics humains auront sans doute du mal à arrêter une sorcière, répondit Tallak d’une voix traînante.

    Un autre silence, avec une tension palpable dans l’air cette fois.

    — Tu en es sûr ? demanda-t-elle d’une voix cinglante comme un fouet.

    — Je m’y connais un peu en magie quand même, grogna-t-il. Ce n’est pas un canular, très chère, et je n’ai pas inventé cette histoire pour jouer avec toi.

    Tallak marqua un temps d’arrêt, semblant réfléchir.

    — Après, si c’est ton truc, on peut s’arranger.

    Il la sentit lever les yeux au ciel à l’autre bout de la ligne.

    — Où te trouves-tu ?

    — Attends.

    Le démon écarta le téléphone de son oreille pour basculer sur son GPS et voir sa position exacte, n’ayant pas retenu le nom de la rue ou le numéro de la maison tandis qu’il pourchassait le sorja. Il donna l’adresse à Hazel.

    — Bon, je serai là dans une demi-heure. Ne touche à rien.

    — Quoi ? Même pas ma propre personne ?

    L’appel prit fin.

    Il rempocha son téléphone et observa la scène du crime. D’après les traces de souffrance qui s’attardaient dans l’air, l’humain était demeuré vivant pendant la plus grande partie du massacre. Les clous dans ses paumes avaient probablement été suffisants pour lui faire perdre connaissance rapidement, mais quand même… quelle façon merdique de quitter ce monde.

    Ma foi. Tallak haussa les épaules puis s’étira le cou pour dénouer ses muscles. Une demi-heure. C’était ce qu’elle avait dit. Cela devrait lui laisser assez de temps pour accuser le coup de l’inévitable vague de douleur avant qu’elle arrive.

    Sauf que… son corps était toujours électrisé et son cœur battait encore trop vite pour que la douleur l’assaille. Le démon essaya de respirer profondément pour s’efforcer de se détendre. Mais chaque fois que son pouls ralentissait, une image d’Hazel lui traversait l’esprit et il redevenait aussitôt nerveux et excité par un cocktail d’émotions irritantes pour lesquelles il n’avait jamais signé.

    Et la douleur ne voulait pas venir.

    Nom d’un chien ! La dernière chose dont il avait besoin, c’était de s’effondrer devant cette sorcière. Il ne s’en remettrait jamais.

    Comment faire pour se détendre, comment, comment ? Il sortit de nouveau son téléphone de sa poche, ouvrit YouTube et rechercha cette vidéo que Basil lui avait montrée. Vive la technologie. Du temps où les fées l’avaient emprisonné dans leur donjon miteux, tout ceci n’était que de la science-fiction pure et dure. Il imagina sa propre réaction si quelqu’un lui avait dit à cette époque que vingt-six ans plus tard, il tenterait d’apaiser son esprit en regardant défiler sur l’écran d’un téléphone tenant dans sa main les images d’une personne en train de décorer un gâteau de façon extrêmement minutieuse.

    Et cela fonctionnait.

    L’effet était tellement probant qu’en moins d’une minute, sa respiration ralentit, ses muscles se détendirent… et la douleur percuta son cerveau comme un train de marchandises lancé à pleine vitesse. Les lumières et les bruits se brouillèrent et s’estompèrent, puis il tomba à genoux, agité de spasmes.

    Quand il reprit ses esprits, Tallak se trouvait face au visage angélique de la sorcière qui hantait ses rêves depuis maintenant sept mois. Un visage qui arborait à cet instant une expression similaire à celle d’un propriétaire de chien qui viendrait de s’apercevoir que son animal venait de vomir sur ses chaussures.

    — Je suppose que tu n’as pas amené de gâteau, murmura Tallak.

    — Tu t’es cogné la tête ?

    C’était une sacrée prouesse d’avoir réussi à poser cette question d’un ton plus agacé qu’inquiet.

    Tallak se releva et s’épousseta.

    — C’est ce qui se passe d’habitude, mais je me suis dit que j’allais faire autrement cette fois en me contentant de convulser un peu en bavant.

    Hazel jeta un œil à l’endroit où il était allongé par terre un instant auparavant, comme si elle cherchait des traces de salive, et il leva les yeux au ciel.

    La sorcière croisa les bras, ce geste étirant la toile légère de son manteau beige sur ses minces épaules.

    — OK, explique-moi ça, dit-elle en désignant du menton la scène macabre.

    Tallak se raidit et se prépara à montrer les crocs, hérissé par le reproche implicite dans le ton de la sorcière. Comme s’il était responsable de ce merdier.

    — Je n’ai rien à voir dans tout ça, si c’est ce que tu demandes, grogna-t-il.

    Hazel fit la moue, mettant en avant des lèvres qu’il ne voulait pas mordiller. Hors de question.

    — Je t’écoute alors. Qu’est-ce qui s’est passé ?

    Tallak relata sa confrontation avec le démon, prenant soin de regarder partout sauf en direction de la sorcière. S’il ne pouvait pas voir à quel point son teint était éclatant sous la douce lueur de la petite lampe posée sur le sol, il n’aurait pas besoin de lutter contre l’envie de lécher son corps. Facile, non ?

    Ses yeux se moquaient cependant de ses meilleures intentions et Tallak se surprit à les poser de nouveau sur elle en deux secondes chrono. Oui, sa peau semblait encore parfaitement digne d’être léchée.

    Lorsqu’il mentionna la sorcière qui s’était enfuie, Hazel inclina la tête et observa la scène. Elle rejoignit le corps mutilé de l’humain et s’agenouilla à côté en prenant soin d’éviter les mares de sang. Après une grande inspiration, elle ferma les yeux et tendit une main, comme pour sentir l’air au-dessus du corps.

    La sorcière serra le poing après un moment et marmonna quelque chose dans sa barbe qui ressemblait à nom d’une Bishop.

    Le démon haussa les sourcils.

    — Qui ça ?

    Hazel se redressa en secouant la tête d’un air sombre.

    — On a un problème.

    — C’était bien une sorcière, alors ? demanda Tallak en se curant les ongles.

    Elle acquiesça d’un brusque hochement de tête.

    — Et elle a tenté de le cacher.

    — Comment le sais-tu ? demanda le démon en fronçant les sourcils devant ce qu’il avait sous les yeux. Franchement, j’aurais plutôt dit le contraire.

    Hazel lui lança un regard noir, puis se concentra de nouveau sur le corps.

    — Il y a des traces de magie de dissimulation, dit-elle calmement malgré ses épaules crispées. C’est comme si elle était en train de jeter un sort pour faire croire à une mort naturelle et masquer l’utilisation de ses pouvoirs. Tu as dû l’interrompre avant qu’elle ait eu le temps de finir. Sinon, on n’aurait jamais deviné que le meurtre de cet humain avait quelque chose à voir avec la sorcellerie.

    — Est-ce que c’est réellement possible de la dissimuler comme ça ?

    Hazel plissa les yeux d’un air grave et déglutit.

    — Il existe des moyens.

    Pivotant sur elle-même, la sorcière balaya la pièce du regard pour examiner la mise en scène macabre.

    — Ça sent mauvais, marmonna-t-elle, probablement plus pour elle-même que pour Tallak.

    — Eh oui, j’imagine que le fait d’éviscérer un humain est rarement bien vu parmi vous.

    — Ce n’est pas seulement ça, rétorqua-t-elle d’une voix anxieuse.

    Hazel se massa les tempes puis secoua la tête. Une mèche de ses cheveux d’ébène se libéra de sa tresse serrée et vint effleurer sa joue. Tallak eut aussitôt envie de défaire cette tresse et de passer ses doigts à travers les mèches soyeuses, d’enfouir son nez dans son épaisse chevelure noire pour s’enivrer de sa senteur.

    — Il ne s’agit pas d’un simple meurtre.

    — C’est quoi alors ? demanda Tallak en croisant les bras pour ne pas donner suite à la pulsion irrationnelle qui l’avait assailli. Une réunion Tupperware qui aurait mal tourné ?

    Les yeux couleur chocolat de la sorcière devinrent noirs de colère.

    — Pendant un instant, j’avais oublié à quel point tu étais exaspérant.

    Tallak lui adressa un sourire accompagné d’un grognement.

    — Qu’y a-t-il de si troublant dans ce meurtre ? À part le fait qu’on se croirait dans un abattoir ?

    — Tu peux y aller, Tallak, répondit Hazel en battant l’air d’une main sans même le regarder. Va voir ailleurs si j’y suis maintenant.

    — Désolée, ma belle, rétorqua le démon avec un clappement de langue. Vois-tu, ma nuit a été gâchée parce que j’ai mis les pieds dans cette boucherie et que j’ai dû t’appeler parce qu’une de tes amies s’est apparemment défoulée avec un couteau, un marteau et des clous, et…

    Tallak regarda le corps en fronçant les sourcils avant d’ajouter :

    —… le truc qui a causé ces blessures-là. Du coup, je n’ai rien de mieux à faire que de rester ici pour te casser les pieds au plus haut point jusqu’à ce que tu daignes me faire part de ton opinion sur ce qui se trame.

    De façon inexplicable, le sourire aimable qu’il adressa à Hazel lui valut un regard noir en retour. Pff.

    — Je pensais que tu te fichais de tout en dehors de Basil, dit-elle en s’éloignant de lui, les yeux rivés sur l’humain assassiné.

    Tallak la suivit, comme le papillon attiré par la flamme qu’il était. Il essayait pourtant toujours de l’éviter, sachant très bien que cela allait se produire s’il la voyait. Immanquablement, avec une prévisibilité accablante, il était attiré par elle, incapable de se concentrer en sa présence, son corps trop conscient de sa proximité, réagissant au moindre de ses mouvements comme l’aiguille d’une boussole s’orientant vers le nord.

    Le démon serra les poings pour s’empêcher de la toucher.

    — C’est vrai, mais j’aime bien fourrer mon nez dans certaines affaires parfois. C’est le cas ici.

    — Ça ne te regarde pas.

    La sorcière avait raison. Non pas qu’il irait lui dire une chose pareille.

    — Étant donné que ça m’est tombé dessus, j’ai le droit de savoir de quoi il retourne. Tu as dit que ce n’était pas un simple meurtre, alors qu’est-ce que… ?

    Tallak s’interrompit et examina de nouveau la scène, avant d’émettre un petit sifflement.

    — C’est un rituel, pas vrai ?

    Le visage légèrement grimaçant de la sorcière confirma sa théorie.

    — Quel genre de rituel ? Qu’est-ce qu’elle essayait de faire ?

    — Rien qui te concerne, râla Hazel en lui tournant le dos.

    Il s’approcha discrètement d’elle jusqu’à pouvoir sentir la chaleur de son corps. Il savait qu’il jouait avec le feu en s’autorisant à s’approcher si près… mais il aimait la faire réagir plus qu’il ne craignait sa propre réaction. Puisqu’il ne pouvait pas l’éviter ce soir, il allait au moins se faire plaisir en faisant fondre un peu la couche de glace qui lui servait de carapace. Se penchant au-dessus d’elle de derrière son dos, il lui murmura à l’oreille :

    — Allons, tu as envie de me le dire. Je vois bien que tu as besoin de le dire à quelqu’un. C’est énorme ce qui se passe et tu dois le digérer, et tu as besoin d’en parler pour ça, pas vrai ?

    La senteur d’Hazel titillait ses sens – douce et entêtante, chaude avec une pointe de fraîcheur, comme un retour à la maison après une nuit froide. Tallak faillit perdre le contrôle. Elle prit une inspiration tremblante et lorsqu’elle déglutit, faisant ondoyer les muscles de sa gorge sous sa peau crémeuse, il dut faire appel à toute la force de sa volonté pour ne pas se pencher en avant et poser ses lèvres sur son cou.

    À cet endroit qu’il avait déjà léché – et mordillé – auparavant, au cours de cette nuit dont ils n’avaient jamais reparlé. Comme s’ils étaient tous les deux d’accord là-dessus. Comme si ce n’était jamais arrivé. Comme si chaque cellule de son corps ne réclamait pas haut et fort un autre avant-goût d’elle, comme si le souvenir de son toucher ne le gardait pas éveillé la nuit et ne venait pas embellir ses rêves de nouveaux fantasmes détaillés lorsqu’il parvenait enfin à s’endormir.

    Son ouïe aiguisée de démon percevait les battements accélérés du cœur de la sorcière, ses halètements, et son propre souffle était si court qu’il réalisa que son petit jeu lui faisait autant d’effet qu’à elle. Tallak se raidit, les muscles contractés sous les efforts qu’il faisait pour ne pas empoigner sa tresse, lui faire pencher la tête, et capturer sa bouche.

    — Dis-le-moi, souffla-t-il d’une voix rauque contre l’oreille d’Hazel.

    L’air entre eux commença à tournoyer et à s’échauffer.

    La sorcière exécuta un geste de la main, murmura un mot… La magie agrippa fermement Tallak et s’infiltra jusque dans ses os, et la partie de lui en proie à un désespoir risible se réjouit du fait qu’elle le touchait, même si c’était uniquement avec ses pouvoirs.

    — Tu es tenu au secret, dit-elle d’une voix à peine audible.

    Le visage d’Hazel était légèrement tourné vers lui, sa bouche à seulement quelques centimètres de la sienne, leurs souffles mêlés.

    — Si jamais tu répètes ce que je vais te dire…

    Elle leva une main, repliant progressivement les doigts jusqu’à presque serrer le poing, et la magie tenant Tallak sous son emprise se resserra autour de ses attributs virils au point de lui faire mal. Il poussa un grognement et s’efforça de ne pas bouger, craignant de reculer comme s’il voulait échapper à ce supplice… ou pire encore, de s’avancer et d’exiger qu’elle l’agrippe avec sa main au lieu de ses pouvoirs.

    — Compris ? demanda Hazel en haussant un sourcil.

    — Oui, répondit-il d’une voix sifflante.

    Ce mot à peine prononcé, Tallak perdit la bataille contre ses instincts les plus primitifs et se rapprocha d’elle, juste assez pour qu’elle puisse sentir son érection contre ses fesses.

    CHAPITRE 3

    Hazel sursauta, libéra le démon de son emprise d’un geste de la main, et s’écarta promptement de lui.

    La déception cuisante de Tallak était teintée d’une profonde satisfaction. Il avait réussi à la déstabiliser. Bien. L’idée qu’il lui faisait autant d’effet qu’elle lui en faisait l’aidait à soulager sa fierté blessée.

    Hazel désigna brusquement le cadavre du menton et dit d’une voix légèrement chevrotante :

    — Cette magie est impure. Interdite. Elle est si maléfique qu’il n’y a pratiquement aucune trace écrite à ce sujet. Si je

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