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Le Corrupteur - Creuser le vide
Le Corrupteur - Creuser le vide
Le Corrupteur - Creuser le vide
Livre électronique208 pages2 heures

Le Corrupteur - Creuser le vide

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À propos de ce livre électronique

Les victimes du Corrupteur se font empoisonner à leur insu.
Elles reçoivent un défi sordide, qui doit être accompli en 24 heures.
Les victorieux se méritent l’antidote. Les autres subissent une mort atroce.
Théo Gagnon aime sa femme, Gabrielle, de tout son être. Sa vie est consacrée à son couple et à leur projet de mettre au monde un enfant. Il désire plus que tout laisser une trace de son passage sur terre pour éviter de mourir dans l’oubli. Après des années d’essais infructueux, deux petites lignes apparaissent enfin sur le test de grossesse, véritable affront à la faucheuse. Mais voilà qu’un défi du Corrupteur radie la bonne nouvelle. Pour qu’on lui remette l’antidote, il devra renier le sens même de son existence.
LangueFrançais
Date de sortie14 juin 2024
ISBN9782898192098
Le Corrupteur - Creuser le vide

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    Aperçu du livre

    Le Corrupteur - Creuser le vide - Withney St-Onge

    Théo

    30 septembre, 6 : 54

    Je donnerais tout pour pouvoir prédire l’avenir deux minutes à l’avance. Juste deux petites minutes. Ça me permettrait d’échapper à la Faucheuse, mais aussi aux désagréments du quotidien, comme se péter le gros orteil. Je pourrais éviter les montagnes russes émotionnelles que je vis en ce moment.

    La ligne de contrôle apparaît sur le test que je tiens, éclairée par le soleil naissant à la fenêtre de la salle de bain. Si c’est encore négatif…

    Ma gorge se serre.

    Non. Je ne veux pas penser à cette éventualité. Il FAUT que ça fonctionne cette fois. On va devenir fous sinon. Tout en haut du manège, la peur de tomber m’empoigne.

    Plusieurs coups rapides à la porte, Gabrielle couine :

    — Soit j’ai une gastro, soit c’est ça, Thé. J’ai besoin que ça marche. Ça se peut pas… Merde ! Est-ce que tu vois une ligne ?

    — On doit être patients, ma belle. Ça ne fait même pas 45 secondes.

    Le léger trémolo dans ma voix se détecte. Je dois me calmer. De ma main libre, je regroupe mes cheveux blonds ensemble en les passant derrière mon cou pour les abandonner sur mon épaule. Je me masse la nuque. C’est si rare que c’est moi qui me retrouve à gérer la situation dans ce couple. Je ne veux pas la décevoir. Mes tripes se contractent.

    Un grognement d’insatisfaction s’élève du couloir. Le léger craquement du bois m’indique qu’elle s’appuie sur la porte. Je trouve adorable qu’elle m’ait demandé de regarder pour elle. Pour nous. Son anxiété doit grimper : elle n’a pas le contrôle des événements. Ma main et mon front se posent sur le battant qui nous sépare.

    — Gab, t’es sûre que tu ne veux pas me rejoindre ? On pourrait patienter ensemble, collés, non ?

    Elle tourne la poignée. Je me recule. La porte s’ouvre. La lumière s’échappant de la salle de bain caresse ses cheveux tout aussi dorés que les miens. Elle porte une de mes chemises qui lui sert de robe de chambre et elle essuie ses yeux bouffis avec une des manches. Qu’elle est belle, ma Gabrielle, en dedans comme en dehors, qu’elle soit à l’envers ou à l’endroit ! Toujours sublime. Je la ramène vers moi et lui embrasse la tête. Son corps semble minuscule au creux de mes bras. Son visage s’appuie sur mes pectoraux. C’est rare qu’elle laisse transparaître sa vulnérabilité.

    L’odeur de son shampoing me traverse. Ses seins généreux, collés contre mon torse, provoquent une érection. J’essaie de reculer subtilement mon bassin pour ne pas gâcher le moment. Même après 20 ans de vie de couple, elle me fait encore autant d’effet. Elle agrippe ma chemise dans mon dos. Elle y tient autant que moi, à ce projet.

    Fonder une famille. Aimer sans condition. Voir un petit humain se développer. Être témoin de toutes ses premières fois : premier pas, premier sourire, premier trophée. Le sommet des montagnes russes se dessine. Le paysage me coupe le souffle.

    Tous mes soucis se retrouvent au sol, insignifiants… mais le manège redescend à une vitesse folle. Ma gorge se resserre.

    Si la deuxième ligne n’apparaît pas sur le test, on devra recourir à de nouvelles options.

    Encore des faux espoirs, des pleurs, de la peur.

    Je déglutis. Je remonte légèrement la pente en visualisant le visage de notre enfant.

    Comme nous deux, je gage que ce sera un petit blond aux yeux bleus.

    Puis l’image de l’autre gars me frappe et les roues du manège quittent les rails un instant.

    L’autre gars. Celui avec qui elle a couché, il y a trois semaines. Celui avec qui elle a utilisé son joker de fidélité annuel.

    Et si le petit était plutôt un rouquin, comme lui ?

    Non. Non. Non.

    Le manège roule à 100 km/h et il menace de dérailler. Hurlements de détresse entre mes oreilles.

    Pause.

    Gabrielle s’est protégée, comme convenu. Elle n’ovulait pas à ces dates. Alors pourquoi cette pensée m’obsède-t-elle ?

    Je la revois se faire chevaucher par l’autre. Est-ce qu’elle a crié son nom ? Je n’en reviens pas que j’accepte ça ! Que je fais semblant que tout me convient… pour qu’elle vive le bonheur. Pour éviter qu’elle me laisse ou qu’elle réalise que je ne suis rien d’autre qu’un gars ordinaire. Mes poings se contractent, me rappelant alors que le test s’y trouve.

    Gabrielle, dans mes bras, me presse davantage contre elle. Mon menton sur ses cheveux, je regarde le résultat.

    Deux barres.

    Toutes ces idées de scénario catastrophe s’écartent. Une marée de sang afflue à mon cerveau. Le manège décolle, il lui pousse des ailes. Mon cœur accélère. Wow ! Je vais être père ! Enfin. Après toutes ces tentatives. Toutes ces années d’essai, de perte, de frustration.

    Les larmes montent. Je me recule et prends Gabrielle par les épaules. Quand mes yeux croisent les siens, elle comprend. Et elle éclate en sanglots. Je l’imite.

    Une fois calmés, on s’embrasse langoureusement. Lorsque nos lèvres se séparent, j’essuie les joues de Gabrielle, lui pince le menton et pose un baiser sur son front. Elle me mordille l’épaule et on échange un regard complice. Ces gestes, si simples, signifient que tout va bien aller.

    Gabrielle se jette presque sur le téléphone pour appeler sa mère. Je la vois monter les marches, cellulaire en main, pour atteindre son espace de travail. Elle doit rapailler ses documents avant de partir. Au milieu de l’escalier, sa mère répond et la conversation commence, cordiale. Ça semble si facile pour elles…

    Pour ma propre mère, je préfère m’abstenir. Elle doit déjà être occupée. Quand elle est concentrée, vaut mieux éviter de la déranger, surtout si elle travaille. Je l’aviserai plus tard.

    C’est un grand affront à la mort, cette nouvelle. Un jour, Gabrielle et moi mourrons – ma gorge se contracte à cette pensée –, mais un morceau de nous vivra à travers notre enfant. Un point de plus pour la vie dans le match ultime contre la fin.

    C’est encore 32 à 47 en faveur de la Faucheuse.

    Théo

    30 septembre, 14 : 45

    Une cloche sonne, marquant la fin de la dernière récréation de la journée.

    Timmy relève sa tête rasée de son pupitre. Il a demandé à se reposer plutôt qu’à aller jouer dehors. J’ai accepté sans hésiter. C’est un grand sportif et il se jette pratiquement par la fenêtre lors des pauses. Jamais il ne m’a adressé une telle requête. Il se tient le ventre, mais insiste pour dire qu’il n’a pas mal. J’approche et pose une fesse sur un bureau en diagonale.

    — Comment tu te sens ? Veux-tu qu’on appelle tes parents ?

    Il secoue la tête.

    — C’est la dernière période. Je vais être correct.

    — Est-ce que tu as faim ?

    Les yeux de Timmy s’illuminent. Je m’apprête à me relever pour aller chercher une barre tendre, mais il m’interpelle :

    — J’ai du chocolat. Est-ce que vous en voulez ?

    La question invite un sourire à mon visage :

    — Non, merci. Mais toi, ça va sûrement te donner de l’énergie !

    Il me tend un carré. Ses émotions sont difficiles à cerner.

    — Prenez-en un, s’il vous plaît, monsieur. Des fois, je me sens tout seul.

    Une flèche transperce mon cœur, déchire l’aorte. Je déteste voir mes petits marmots aussi tristes. Timmy est pourtant un gars plutôt populaire. Se sent-il isolé, comme moi, malgré la présence de ses amis et de sa famille ?

    Il se lève et dépose dans ma main ledit chocolat. Des élèves commencent à entrer au compte-goutte dans la classe. Frottements de pattes de chaises et claquements de cahiers sur les bureaux. Rires enfantins, naïfs. Timmy me regarde, me supplie de ses yeux émeraude de manger son cadeau. Je place sans hésitation l’offrande sur ma langue et hoche la tête vers lui pour le remercier. Le sourire que me lance Timmy semble superficiel, exempt de bonheur. Celui d’un clown triste. Il m’inquiète.

    Je déglutis.

    Mauvais pressentiment.

    La deuxième cloche sonne. Je dois me ressaisir. Le carré fond dans ma bouche. Même si un tumulte subsiste, ma voix se fraie un chemin dans le chaos :

    — Aujourd’hui, pour cette période de français, on va faire quelque chose de spécial.

    Déjà, les échanges s’apaisent et les regards se rivent vers l’avant. Quand une seule phrase suffit, je dois avouer, une fierté se propage en moi. Je poursuis, sourire aux lèvres :

    — Vous devez prendre une feuille, que vous allez tourner à l’horizontale, comme ça, et tracer deux traits pour la diviser en trois. Utilisez votre règle.

    Les jeunes sont intrigués. Plus aucun son ne subsiste dans la classe. Je sens que je détiens leur pleine attention.

    — Vous allez créer une bande dessinée en trois cases. Il faut qu’il y ait au moins une phrase par case. Vous pouvez me raconter n’importe quelle histoire. La seule consigne : pas de fautes ! Prenez Bescherelle et dictionnaire, au besoin.

    Les yeux brillent devant tant de liberté. Isabelle, rouquine anxieuse au minuscule nez, lève la main et s’exprime de sa voix cristalline :

    — Mais si on a pas d’idée, qu’est-ce qu’on fait ?

    — Vous pouvez me raconter quelque chose de votre journée, peut-être. Mais vous n’êtes pas obligés de vous limiter à ça. Vous pouvez imaginer un superpouvoir, par exemple. C’est le temps de créer ce que vous voulez.

    — Et si on a pas envie de dessiner ? demande Kevin.

    Ah ! Kevin… Les petits marmots rient.

    — C’est la consigne. Mais vous commencez à me connaître : je ne vous forcerai jamais à faire quoi que ce soit. Tant qu’à être assis à attendre, autant s’amuser un peu, non ? Je crois que de dessiner une BD, c’est cool quand même. Qu’est-ce que tu en dis ?

    Plusieurs petits hochent la tête. Kevin, une dent ébréchée, relève la pommette droite. Je suis convaincu qu’il apprécie l’exercice, mais qu’il veut tester les limites. Classique Kevin.

    Il ajoute :

    — Est-ce que je peux parler du Corrupteur ? Moi, je le trouve trop cool.

    Des murmures se répandent dans la classe. Même s’ils ont moins de 10 ans et que leurs parents ont sûrement essayé de protéger leur innocence, tous connaissent ce malade qui terrorise la ville de Québec depuis plusieurs mois en lançant des défis macabres à d’honnêtes citoyens. Il les tue quand ils échouent. Et ils échouent souvent. Le Corrupteur, c’est le quart-arrière de la mort. Certains professeurs auraient répondu à Kevin de se taire ou lui auraient interdit d’aborder ce sujet. Pour moi, mon boulot, ce n’est pas juste d’enseigner les règles de français, c’est aussi de parler de l’éthique et de la morale :

    — Pourquoi tu le trouves cool ? Menacer des gens tout en gardant l’anonymat, c’est un peu lâche, tu ne penses pas ?

    Je remarque que le visage de Timmy rougit et il repose la tête sur son bureau. J’hésite à l’envoyer à l’infirmerie. Plusieurs élèves opinent du chef. Kevin réplique :

    — Il a clairement plein de cash pour être capable de faire ce qu’il fait. Moi aussi, je veux être riche comme lui.

    Les moyens déployés par le Corrupteur semblent en effet sans limites. De l’argent ou du pouvoir, il en a à revendre.

    Isabelle lève la main et je choisis de lui céder la parole plutôt que d’intervenir directement :

    — Moi, je le trouve horrible. L’ami d’un ami de mon père est mort à cause de lui.

    Chaque fois qu’on prononce le mot « mort », mon corps recule et je sens une chaleur monter. Mourir.

    Les confessions pullulent. Érika mentionne connaître un adulte ayant reçu un défi. La gardienne de Paul a déménagé par peur d’être choisie par ce malade.

    Je regarde les enfants et je me dis qu’il leur reste encore beaucoup d’années à vivre. De mon côté, plus du tiers de ma vie s’est envolé, déjà. Je m’approche chaque jour de mon cercueil.

    L’oncle du jeune Philippe est poursuivi en justice, car on l’accuse d’avoir aidé le Corrupteur.

    Tous se vident le cœur. Je me mords les lèvres, constatant que j’ai ouvert une boîte de Pandore.

    Jake

    Je tire sur le collet de la chemise qui m’étrangle. Me mords les joues pour essayer d’humidifier ma bouche. Je suis une bête de cirque. Il y a tout un public pour me regarder me planter entre deux sauts périlleux : la madame des ressources humaines, le directeur de la compagnie, qui pue le privilège, et la secrétaire, une jeune au look un peu gothique. La fille du boss, peut-être ?

    Tous m’étudient. Tentent de déceler un faux mouvement, qui permettrait de mettre ma candidature aux poubelles. Une goutte d’eau dans la mer de CV qu’ils ont reçus. Il faut trier. Éliminer les indésirables. Les imposteurs, comme moi. Pourquoi je suis là, déjà ? S’il y a bien une chose que je sais dans la vie, c’est que je l’aurai pas, la job. Trop beau. Trop drette. Quand ça pue la licorne, c’est que ça arrivera pas. Du 8 à 4, pas de soirs, pas de fins de semaine, 32 $ de l’heure. C’est physique, faque pas de cassage de casque. Ça me garderait en forme. Tous les ingrédients pour vivre une vie honnête. Qu’est-ce que je disais ? Licorne.

    Tout le monde de la région veut travailler ici. Ça paye. Et avec ce qui s’en vient, j’en ai vraiment besoin. Il faut pas que je foire ça, même si c’est perdu d’avance. Les yeux d’écureuil de la fille aux ressources humaines m’agressent déjà. C’est comme si elle essayait de voir sous mes vêtements. Elle passe sa langue sur ses longues dents. Ark ! Le déguisement complet du parfait petit rongeur. Je me souviens plus de son nom, ça commence bien. D’ailleurs, j’ai un blanc : celui du directeur m’échappe aussi.

    — Alors, monsieur… Perreault, affirme madame Scrat en tenant bien ses lunettes pour étudier une pile de papiers devant elle.

    Est-ce qu’elle a peur qu’elles s’envolent,

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