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Revue de Psychanalyse et Clinique Médicale - N° 53 - Hiver 2023: Modernité & scientificité - Pour une psychanalyse actualisée
Revue de Psychanalyse et Clinique Médicale - N° 53 - Hiver 2023: Modernité & scientificité - Pour une psychanalyse actualisée
Revue de Psychanalyse et Clinique Médicale - N° 53 - Hiver 2023: Modernité & scientificité - Pour une psychanalyse actualisée
Livre électronique381 pages4 heures

Revue de Psychanalyse et Clinique Médicale - N° 53 - Hiver 2023: Modernité & scientificité - Pour une psychanalyse actualisée

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À propos de ce livre électronique

"La Revue de Psychanalyse et Clinique Médicale" est une publication semestrielle assurée par le RPH-École de psychanalyse. Elle rassemble les actes des colloques et journées d’étude organisés par le RPH, ainsi que des articles aux contenus variés : articles théoriques, articulations théorico-cliniques, études de cas cliniques, articles de recherche.

Ce 53e numéro rend compte du colloque qui s’est tenu à l’hiver 2023 sur la question de la modernité et la scientificité de la psychanalyse. Si Sigmund Freud œuvrait pour que la psychanalyse s’inscrive dans le champ de la science, cela n’a, depuis, cessé d’être questionné. À l’aune de notre modernité, qu’en est-il de la scientificité de la psychanalyse mais aussi de son actualisation ?

Nombre de sujets sont abordés dans cet ouvrage, parmi lesquels l’usage du diagnostic et des techniques, ainsi que des discussions portant sur les biais de la scientificité ou sur ce qui peut faire preuve dans le champ du soin psychique.

Les cliniciens du RPH-École de psychanalyse abordent ces questions sans rompre avec l’enseignement freudo-lacanien, ni le répéter à l’identique : la clinique oblige à cette actualisation. La scientificité de la psychanalyse est ainsi considérée suivant les connaissances actuelles et les avancées théoriques auxquelles la clinique conduit ; sa modernité se voit soutenue par des propositions argumentées.








LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie14 juin 2024
ISBN9782386251764
Revue de Psychanalyse et Clinique Médicale - N° 53 - Hiver 2023: Modernité & scientificité - Pour une psychanalyse actualisée

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    Aperçu du livre

    Revue de Psychanalyse et Clinique Médicale - N° 53 - Hiver 2023 - RPH Éditions

    Ouverture

    Sara Dangréaux, psychanalyste, membre clinicienne du RPH-École de psychanalyse, 93 rue de Maubeuge, Paris Xe, 06.74.14.57.00, saradangreaux@gmail.com

    J’ai le plaisir d’ouvrir ce XLVe colloque du RPH intitulé « Modernité & scientificité : pour une psychanalyse actualisée ».

    Je ne peux pas ouvrir ce colloque sans parler de Sigmund Freud puisque c’est parce que cet homme a fondé cette science, qu’est la psychanalyse, que nous nous retrouvons un samedi pour cette belle journée de travail. Vous avez sûrement entendu que j’ai d’emblée parlé de science. C’est ainsi que l’inventeur de la psychanalyse la nommait, « jeune science psychanalytique »¹, fruit d’une démarche scientifique ouvrant vers la création d’une méthode de traitement pour les patients.

    Même si les mots de ce titre sont du langage courant, je suis tout de même allée regarder dans le dictionnaire comme point de départ pour cette journée qui nous rassemble. Modernité est le « caractère de ce qui est moderne »² et moderne vient du latin modo qui veut dire récemment. La définition de cet adjectif est : « qui est du temps de celui qui parle ou d’une époque relativement récente »³. Première question : la psychanalyse est-elle moderne ?

    Dans l’argument de ce colloque, elle est dite moderne au passé. Il est vrai qu’elle l’était à son origine en 1896. J’énonce cette date puisque c’est cette année-là que j’ai trouvé le mot écrit par Freud. Dans Nouvelles remarques sur les névropsychoses-de-défense, il écrit « la méthode psychanalytique »⁴ ; puis dans son article Sur l’étiologie de l’hystérie, lorsqu’il indique le nom de cette nouvelle méthode qu’il emploie pour le traitement des patients, et plutôt des patientes en l’occurrence, « la psychanalyse »⁵. À la question que j’ai posée, je réponds oui, la psychanalyse est moderne en 2023. La psychanalyse n’existe que par les cures qui se déroulent et ces psychanalyses ont lieu aujourd’hui, ou récemment. Pour ma part mon dernier rendez-vous psychanalytique a eu lieu hier, qu’il s’agisse de ma psychanalyse personnelle ou de celles que je conduis et, pour certains cliniciens présents, peut-être ce matin avant le début de ce colloque. La psychanalyse ne peut qu’être moderne puisque, suivant la définition, elle est « du temps de celui qui parle ». C’est pour la conduite des cures que la question peut se poser. Toujours dans l’argument, dans le paragraphe suivant, il est indiqué que Jacques Lacan a actualisé la psychanalyse. Qu’en est-il de nos jours ? La psychanalyse est-elle actualisée par les cliniciens ? C’est cela le cœur de cette journée qui se profile, l’actualisation de la psychanalyse, comme c’est indiqué dans le titre, actualisation sans laquelle il n’est d’ailleurs pas possible de parler de scientificité.

    Le mot scientificité est défini suivant le caractère de ce qui est scientifique et scientifique est ce qui relève de la science. Selon son étymologie latine, science se rapporte à connaissance et savoir. Une science ou les sciences sont définies comme « Ensemble de connaissances ayant un objet déterminé et reconnu, et une méthode propre »⁶. Deuxième question : la psychanalyse est-elle une science ?

    Dans la journée, et pas plus tard que ce matin, nous allons entendre Lucille Mihoubi sur l’Étude de la scientificité de la psychanalyse, à qui je fais confiance pour traiter cette question en détail. D’autres collègues ont par ailleurs proposé des titres laissant penser que nous aurons différents éclairages sur cette question de la scientificité de la psychanalyse. Mais puisque j’ouvre cette journée, ce que je peux esquisser c’est que Freud n’a pas seulement voulu que la psychanalyse soit scientifique, il s’est donné les moyens de son désir par son travail et la construction d’une méthode et de techniques, dont nous faisons encore usage aujourd’hui. Et, au regard de la définition de science, je reprends la citation faite dans le Manuel clinique de psychanalyse, publié aux RPH Editions : « La psychanalyse tient compte du désir inconscient et de l’objet a*, cause du désir, et en propose une lecture scientifique. Elle est une science puisqu’elle a un objet : le désir. »⁷ Il n’est pas possible de voir le désir mais nous pouvons en voir les effets et son articulation aux signifiants⁸. Je vous renvoie ici aux brèves de Fernando de Amorim qui sont sous-titrées Pour une psychanalyse scientifique et qui se trouvent sur son blog⁹. Quant à la méthode de la psychanalyse, il s’agit de l’association libre, c’est la règle fondamentale énoncée par Freud.

    La psychanalyse est le fruit de la recherche d’un homme de formation médicale mais avant tout clinicien, qui cherchait à affiner une thérapeutique auprès des patients. Aussi, la théorie psychanalytique et sa scientificité ne peuvent être dissociées de la clinique qui en fonde les connaissances. La scientificité de la psychanalyse se construit à partir de la clinique et plus spécifiquement des signifiants des psychanalysants. En 1960, Lacan écrivait : « Freud s’avançait dans une recherche qui n’est pas du même style que les autres recherches scientifiques. Son domaine est celui de la vérité du sujet. »¹⁰ La psychanalyse n’est science que du sujet, la cure de Marie ne sera pas à l’identique de celle de Paul puisque Marie n’est pas Paul et inversement. Ce que vise une psychanalyse est d’ailleurs la naissance du sujet, tel que cela est formulé dans la « Cartographie de la clinique avec le malade, le patient et le psychanalysant, à l’usage des médecins, psychistes et psychanalystes, en institution et en ville »¹¹. À la sortie d’une psychanalyse, il y a un sujet qui dit vrai pour lui-même, puisqu’il sait un bout sur ce qui l’anime et l’aliénation du début de la cure n’est plus. Mais ce sujet dira avec ses mots, avec sa lecture singulière, et il ne peut en être autrement donc cela ne pourra pas être reproductible à l’identique. Dans le champ qui est le nôtre, la question de la reproduction à l’identique, de la dynamique pulsionnelle, serait par ailleurs du registre de la pulsion de mort¹². Donc aux antipodes de la visée d’une cure, au-delà de l’incompatibilité avec la clinique. Lacan poursuit en indiquant : « L’analyse comme science est toujours une science du particulier. La réalisation d’une analyse est toujours un cas singulier, même si ces cas singuliers prêtent tout de même à quelques généralités, depuis qu’il y a plus d’un analyste. »¹³ Ainsi, à partir du cas, de psychanalyses et de leur déroulement, il y a des repérages qui émergent, à partir desquels il est possible de tirer enseignement. C’est précisément ce que Freud ou Lacan ont fait en nourrissant la scientificité de la psychanalyse. C’est aussi cette dynamique, impulsée par le désir d’Amorim et soutenu par celui des membres de l’école, qui est suivie au RPH : construire un savoir et une scientificité dans ce champ spécifique de la psychanalyse et le Manuel clinique de psychanalyse en est une matérialisation. Peut-être que cela sera évoqué lors de la journée, mais je cite tout de même le fait que dans cet ouvrage il y a notamment un chapitre intitulé « Les critères d’évaluation de la psychanalyse »¹⁴, dans lequel figure cette question de l’examen vertical et non horizontal de la psychanalyse. Deux cures ne sont pas comparables une à une mais, pour autant, elles peuvent être évaluées selon des critères scientifiques et non selon l’interprétation du clinicien.

    La question de l’interprétation est importante, puisqu’un écueil dans une démarche scientifique est celui de l’Imaginaire. La difficulté concernant la scientificité de la psychanalyse ne concerne pas la psychanalyse mais le Moi du psychanalyste. Cette science n’est pas exempte de possibles dérives, d’où la proposition, faite par Amorim et mise au travail au sein de l’école, de la cure sans fin pour le psychanalyste. Cela vise à maintenir le cap scientifique et permettre que le Moi du clinicien ne prenne pas le pas. C’est d’ailleurs la visée d’une psychanalyse, elle-même, de castrer symboliquement le Moi ; donc comme le dit le dicton : charité bien ordonnée commence par soi-même. Le Moi ne peut que gêner la scientificité puisque sa lecture est, par structure, imaginaire et pour exemple je vous conseille un reportage, accessible sur France 5, intitulé Mystifications¹⁵. En prenant appui sur quatre controverses scientifiques, celui-ci est édifiant concernant cette question du Moi et des ravages qu’il peut produire pour l’être lui-même mais aussi pour les autres.

    Freud a enseigné pendant 32 ans à la faculté de médecine de l’Université de Vienne et les Leçons d’introduction à la psychanalyse de 1915-1917 en sont la transcription pour ces années. Dans l’introduction de la première leçon, voici ce que nous pouvons lire, qui éclaire cette dimension moïque perturbatrice de la scientificité :

    « C’est pourquoi elle [la société] ne supporte pas ledit résultat de la recherche psychanalytique, elle préférerait le stigmatiser comme esthétiquement rebutant, moralement répréhensible ou comme dangereux. Mais avec de telles objections, on ne peut en rien entamer le résultat donné pour objectif d’un travail scientifique. La contradiction, pour se faire entendre, doit se traduire dans le domaine intellectuel. Or, il est dans la nature humaine qu’on soit enclin à tenir pour inexact ce qui vous déplaît et il est alors aisé de trouver des arguments là-contre. La société transforme donc le désagréable en inexact, contestant les vérités de la psychanalyse avec des arguments logiques et concrets, mais qui proviennent de sources affectives, et maintenant ces objections, qui sont autant de préjugés, contre toutes les tentatives de réfutation. »¹⁶

    Si la cure personnelle est un garde-fou pour que le Moi du clinicien n’entrave ni le déroulement de la cure, ni la scientificité de la psychanalyse, suivre les associations libres des psychanalysants en est un autre. Les colloques du RPH ont la particularité d’être articulés à la clinique et je vais, comme vous, découvrir ce qu’il en sera aujourd’hui. Et puisque les colloques sont excellents pour se mettre au travail et nourrir la scientificité d’une psychanalyse actualisée, j’espère que l’inhibition moïque sera dépassée et que la parole fusera lors des temps de discussion, qui sont là pour cela.

    Références bibliographiques

    Dictionnaires

    Rey, A. (Dir). Le Grand Robert de la langue française (tome 4), deuxième édition, Dictionnaires Le Robert, 2001.

    Rey, A. (Dir). Le Grand Robert de la langue française (tome 6), deuxième édition, Dictionnaires Le Robert, 2001.

    Ouvrages

    Amorim (de), F. (Dir). Manuel clinique de psychanalyse, RPH Éditions, Paris, 2023.

    Freud, S. (1896). « Nouvelles remarques sur les névropsychoses-de-défense », in Œuvres Complètes, Vol. III, Paris, PUF, 2005, pp. 121-46.

    Freud, S. (1896). « Sur l’étiologie de l’hystérie », in Œuvres Complètes, Vol. III, Paris, PUF, 2005, pp. 147-80.

    Freud, S. (1915-17). « Leçons d’introduction à la psychanalyse », in Œuvres Complètes, Vol. XIV, Paris, PUF, 2000.

    Freud, S. (1920). « Au-delà du principe de plaisir », in Œuvres Complètes, Vol. XV, Paris, PUF, 2006, pp. 273-338.

    Lacan, J. (1960-61). Le Séminaire, Livre I, Les écrits techniques de Freud, Paris, Éditions du Seuil, 1975.

    Liens internet

    Amorim (de), F. 2023, https://fernandodeamorim.blogspot.com/

    Queffelec, D. (réalisateur). Mystifications [documentaire]. Maison de production : Troisième Œil Productions/France Télévisions, 2023, 95 minutes, diffusé le 3 septembre 2023 à 20h15, https://www.france.tv/documentaires/science-sante/5176023-mystifications.html


    1 Freud, S. (1915-17). « Leçons d’introduction à la psychanalyse », in Œuvres Complètes, Vol. XIV, Paris, PUF, 2000, p. 3.

    2 Rey, A. (Dir). Le Grand Robert de la langue française (tome 4), deuxième édition, Dictionnaires Le Robert, 2001, p. 1548.

    3 Ibid., p. 1546.

    4 Freud, S. (1896). « Nouvelles remarques sur les névropsychoses-de-défense », in Œuvres Complètes, Vol. III, Paris, PUF, 2005, p. 131.

    5 Freud, S. (1896). « Sur l’étiologie de l’hystérie », in Œuvres Complètes, Vol. III, op. cit., p. 163.

    6 Rey, A. (Dir). Le Grand Robert de la langue française (tome 6), deuxième édition, Dictionnaires Le Robert, 2001, p. 254.

    7 Amorim (de), F. (Dir). Manuel clinique de psychanalyse, Paris, RPH Éditions, 2023, p. 57.

    8 « Le signifiant indique la voie du désir et comment construire sa vie à partir de lui ». Ibid., p. 62.

    9 Amorim (de), F. 2023, https://fernandodeamorim.blogspot.com/

    10 Lacan, J. (1960-61). Le Séminaire, Livre I, Les écrits techniques de Freud, Paris, Éditions du Seuil, 1975, p. 37.

    11 Cf. « Cartographie du RPH », p. 351

    12 Pour davantage d’informations sur le concept freudien de pulsion de mort, se référer à l’article suivant : Freud, S. (1920). « Au-delà du principe de plaisir », in Œuvres Complètes, Vol. XV, Paris, PUF, 2006, pp. 273-338.

    13 Lacan, J. Op., cit., p. 38.

    14 Amorim (de), F. (Dir). Op. cit., p. 55.

    15 Queffelec, D. (réalisateur). Mystifications [documentaire]. Maison de production : Troisième Œil Productions/France Télévisions, 2023, 95 minutes, diffusé le 3 septembre 2023 à 20h15, https://www.france.tv/documentaires/science-sante/5176023-mystifications.html

    16 Freud, S. (1915-17). Op. cit., pp. 17-8.

    La scansion psychanalytique

    Cahots sur la route océanique

    Nazyk Faugeras, psychothérapeute, membre du RPH-École de psychanalyse, 8 rue de l’Isly, Paris VIIIe, 06.15.30.40.40, faugeras.na@gmail.com

    Résumé : Comment ne pas opérer la scansion psychanalytique aujourd’hui depuis la proposition lacanienne ? Elle fait partie de l’éventail des techniques dont le psychanalyste use à discrétion afin de conduire la cure. Faire l’économie de cette technique, l’éluder du champ opératoire, pose la question du rapport du psychanalyste à la castration symbolique et a fortiori à la psychanalyse elle-même.

    Mots-clés : scansion – ponctuation – levée de séance – castration symbolique – éthique du psychanalyste.

    La psychanalyse a toujours été et est toujours actuelle. C’est l’essence même de la psychanalyse. Sa scission supposée et son renvoi à celles d’hier, d’aujourd’hui et de demain ne tendent à la diviser que pour en diluer la justesse. Sur la route de sa construction, la psychanalyse a essuyé des revers, des obstacles sur son chemin qui, au contraire de la dérouter, l’ont propulsée.

    En revanche, puisqu’il s’agit du titre de ce colloque, « pour une psychanalyse actualisée » et non actuelle, cette actualisation peut souffrir de nombreux périls, lui faisant courir le risque de perdre toute son actualité. La psychanalyse en tant qu’elle permet une « interprétation symbolique – théories – du Réel »¹⁷ n’est ni moderne ni désuète, elle est psychanalyse. Elle est actuelle à chaque instant de notre vie psychique. Elle est l’actualité de la vie psychique des êtres humains, des êtres survivants, des êtres qui vivotent, des êtres qui vivent, des êtres parlants, des êtres castrés, des êtres barrés, des sujets et des sujets barrés¹⁸.

    L’on peut lire, ici et là, psychanalyse freudienne, psychanalyse lacanienne, psychanalyse jungienne, psychanalyse active. Toute épithète tribale succédant à psychanalyse vient signer son épitaphe, et la formation de coteries analytiques. Pourquoi ? Parce que cela l’assujettit à des lectures imaginaires. Comme dans un grimoire ou un livre de recettes, cette psychanalyse imaginaire revêt l’illusion de nombreux ingrédients secrets pour obtenir un résultat confortable. Un peu de Jung, une pincée de Ferenczi et un tour de moulin freudien. Ce sont les résistances de chacun qui œuvrent à la diviser alors même que la psychanalyse enseigne l’existence et les lectures déformantes qu’entraînent ces résistances. Sigmund Freud écrit en 1933 : « La psychanalyse nous permit de comprendre le pourquoi de l’hostilité que nous témoigna le monde à cause de notre activité psychanalytique et ce fut là un de ses premiers avantages. »¹⁹

    Il nous avait également prévenus à propos des « dissidents » :

    « En s’éloignant de nous, les dissidents se débarrassent en général d’un des fardeaux sous lesquels nous ployons : ils renoncent, par exemple, à l’odieuse sexualité infantile ou bien au ridicule symbolisme. Dès lors ils ont gardé l’assiette au beurre, le monde les tient pour à peu près honnêtes, tandis que nous, les stationnaires, nous passons pour des charlatans. »²⁰

    Stationnaire ici ne veut pas dire mortifère. Il s’agissait alors de ne pas céder sur la sexualité infantile et sur le symbolisme, comme il s’agit aujourd’hui de ne pas céder sur la castration symbolique. Les techniques psychanalytiques ne manquent pas de dynamisme et de créativité face à la richesse des formations de l’inconscient et des subterfuges du Moi, dont la visée finale n’est que de tenter d’échapper à « la radicale condition de l’être »²¹, à sa finitude. Fernando de Amorim écrit en 2020 à propos de la conduite de la cure : « Quelques dispositifs dynamiques sont requis pour conduire et maintenir la cure sur la bonne voie, celle de la castration, car seule cette voie amène l’être à bon port, indépendamment de sa structure, qu’il s’agisse de la névrose, la psychose ou de la perversion. »²² Ces dispositifs dynamiques forment la clinique de l’objet a²³, cette clinique du manque permet la construction du désir.

    Freud, inventeur, père, fondateur de la psychanalyse, a mis au jour l’inconscient. Ce faisant, il a dévoilé l’intimité psychique de l’humanité, et cela lui a valu d’être hué, conspué, vilipendé. En 1896, il écrit à Wilhem Fliess : « Je suis en butte à de l’hostilité et je vis dans un isolement tel qu’on dirait que j’ai découvert les plus grandes vérités. »²⁴

    Il a effectivement dévoilé l’inconscient et ses méandres, les résultats de son travail depuis l’injonction d’Emmy von N. qui a fait naître la talking cure²⁵. Freud, psychanalyste, se tut, laissant la parole de cette patiente, puis celles des suivants, continuer de construire la méthode psychanalytique. La psychanalyse a depuis sa naissance connu une évolution, des avancées, de nouvelles techniques mais sa raison d’être fondamentale demeure la même qu’au premier jour : transformer en paroles la souffrance psychique, corporelle ou organique, s’approcher de son désir. Anna O. ne se contenta pas du silence de Freud pour sa talking cure, elle la qualifia également de chimney sweeping²⁶, non sans humour, et en anglais puisqu’elle avait perdu sa capacité à parler sa langue maternelle.

    Cet intitulé de chimney sweeping ne me laissa pas indifférente et m’offre une transition pour commencer à vous parler de la scansion. Un soir, devant la cheminée, je regarde les braises qui sont ardentes, j’y apporte une ou deux bûches et, pour faire renaître la flamme, je souffle sur les braises et ça s’embrase. Dans l’espace-temps de la séance psychanalytique, la scansion est ce souffle qui peut donner naissance à une flamme ; cet appel d’air²⁷, en visant la castration, le manque, réanime et nourrit le désir de savoir. Lorsqu’il vise la jouissance et les organisations intramoïques, il invite le Moi à faire un 180°.

    Qu’est-ce que la scansion ? Du latin scandere pour scander, scando signifie monter, grimper, escalader. En versification, il s’agit aussi de rythmer, marquer fortement la cadence, d’un air, d’un chant, d’un mouvement ou encore marquer, ponctuer fortement les mots, les syllabes sur lesquels on veut attirer l’attention ou encore souligner fortement²⁸.

    Qu’est-ce que la scansion en psychanalyse ? Lacan dans Fonction et champ de la parole et du langage en parle ainsi :

    « Aussi bien le psychanalyste sait-il mieux que personne que la question y est d’entendre à quelle partie de ce discours est confié le terme significatif, et c’est bien ainsi qu’il opère dans le meilleur cas : prenant le récit d’une histoire quotidienne pour un apologue qui à bon entendeur adresse son salut, une longue prosopopée pour une interjection directe, ou au contraire un simple lapsus pour une déclaration fort complexe, voire le soupir d’un silence pour tout le développement lyrique auquel il supplée.

    Ainsi c’est une ponctuation heureuse qui donne son sens au discours du sujet. C’est pourquoi la suspension de la séance, dont la technique actuelle fait une halte purement chronométrique et comme telle indifférente à la trame du discours, y joue le rôle d’une scansion qui a toute la valeur d’une intervention pour précipiter les moments concluants. Et ceci indique de libérer ce terme de son cadre routinier pour le soumettre à toutes fins utiles de la technique. »²⁹

    Scansion et suspension de séance ne sont ni synonymes ni équivalentes, bien qu’elles puissent être simultanées, selon certaines configurations. Il peut y avoir des suspensions de séance sans scansion ou avec scansion et des scansions sans suspension de séance ou avec suspension de séance. Pour y voir plus clair et s’astreindre à bien dire, Jean-Baptiste Legouis a proposé en 2013 que le terme de « levée de séance » soit utilisé afin de qualifier la fin d’une séance, qu’il s’agisse de scansion ou de suspension, « puisque, dans un cas comme dans l’autre le clinicien et le patient ou psychanalysant, se lèvent pour quitter la pièce où s’est déroulée la séance »³⁰.

    La scansion est opérée par le psychanalyste à partir du discours du psychanalysant. La méticulosité de cette technique s’opère en fonction du diagnostic structurel du psychanalysant : pas de scansion synchrone avec la levée de séance pour la psychose, scansion concomitante avec la suspension de séance possible pour la névrose et la perversion. La scansion ne relève pas d’une volonté ou d’une maîtrise du clinicien mais de son intimité avec le grand Autre barré. Le clinicien, qui occupe la position de supposé-psychanalyste, en se formant à l’écoute de son propre inconscient, se laisse traverser par le grand Autre barré, il est sensible et saisi par la castration symbolique dans les associations libres du psychanalysant. Cela implique de renoncer à une quelconque recherche de sens qui le pousserait à lever la séance, matérialisant alors entre autres l’illusion d’être un sujet supposé savoir, pour de vrai.

    La scansion psychanalytique ne peut s’opérer à partir d’une recherche de sens, c’est au contraire abandonner l’obsession de la compréhension. Ce désir de s’approcher du grand Autre barré raréfie de facto la libido qui nourrit les organisations intramoïques – la résistance du Surmoi et le grand Autre non barré – et ce autant pour le clinicien que pour le psychanalysant. Il éloigne également le risque d’incarner non pas le grand Autre barré pour le psychanalysant, mais un grand Autre non barré qui pourrait venir nourrir la culpabilité et accabler davantage l’être. Enfin, savoir reconnaître qui parle dans le discours du psychanalysant permet d’éviter de nourrir un « savoir faux du Moi » au lieu du « savoir de l’être barré »³¹. Ainsi, « Si le clinicien scande pour le Moi, il nourrira la relation imaginaire »³². La visée éminente de la scansion est de construire un réveil du désir en faveur de l’être et du Moi, dont la lutte enragée d’ombre et de lumière nuit autant à l’un qu’à l’autre.

    Résultat de cette opération, celle de la castration symbolique comme direction de la cure : « Le vrai savoir produit un effet transformateur dans la voie que prend la libido : l’être porte son désir dans son verbe, la pulsion dans son action, la libido dans son corps. »³³

    Considérant la subtilité d’une telle opération, c’est la cure sans fin du psychanalyste, tant qu’il occupe cette position, ainsi que les supervisions qui veillent à préserver le psychanalysant, la psychanalyse et le psychanalyste des erreurs techniques pouvant découler des gonflements imaginaires du Moi.

    « La fonction du psychanalyste, disais-je, n’est pas de parler ou d’interpréter le monde, mais, en séance, d’écouter et de veiller à la direction de la cure, selon la structure psychique. C’est cette règle qui peut rendre la psychanalyse scientifique, et non d’interpréter à tort et à travers, surtout de travers. Ce genre d’interprétation, qu’il s’agisse d’un chat mort ou vivant ou d’un monde névrotique selon le Moi névrotique de l’analyste, est du registre de l’interprétation imaginaire. »³⁴

    « Ça a duré combien de temps ? »

    Lorsque le Moi orgueilleux renonce à faire ses comptes avec le temps chronologique, l’être se saisit de cette ouverture spatio-temporelle pour se mettre au travail et laisser choir un à un les points nodaux à l’origine de la souffrance.

    « Ça me chamboule »

    Avez-vous déjà été témoin du tangage du corps lorsque le psychanalysant quitte la route océanique pour reprendre le chemin de sa vie terrestre ?

    « C’est déjà fini ?! »

    Avez-vous déjà été témoin du sursaut oculaire que produit la scansion ? Une surprise, une agitation, une langue encore étrangère. Cela, l’invitation à la castration, a parfois précipité l’abandon de la cure car la perspective du vrai suffit parfois à imaginer un vrai rugueux. Ce sont eux, les cahots sur la route océanique, les preuves validées par le psychanalysant lui-même que l’aliénation est ébranlée, que les illusions sont secouées, que le désir de cécité est bousculé et la cécité sur son désir révélée.

    La scansion, c’est ce moment où l’être a pu se dire, l’espace d’un instant, juste avant que le Moi ne s’agite pour le dédire. Le Moi qui s’acharne, pas celui qui persévère, veut sauver les meubles mais il ne peut être imperméable aux effets d’une parole vraie, celle issue du grand Autre barré.

    Une route de fond cahoteuse, c’est aussi le Réel qui parfois bouscule. Si l’être décide de tout faire pour en éviter l’éprouvé, le chemin a l’air plus confortable, moins cahoteux, mais il n’est qu’un leurre, le leurre qu’il n’y a pas de Réel. L’autre chemin, celui du choix de l’être³⁵, c’est faire avec cette route cahoteuse par moments, parce qu’il n’y a rien de plus lisse qu’une route mortifère. La castration dérange, elle laisse entrevoir la vulnérabilité de l’être, sans ses ornements moïques pour le masquer.

    La précision de la technique chirurgicale a toute son importance lorsqu’il s’agit de ponctuation et de scansion : « L’heure, c’est l’heure, avant l’heure, c’est pas l’heure ; après l’heure, c’est plus l’heure »³⁶. Quand le clinicien entend le signifiant, c’est déjà plus l’heure, la brèche pour propulser la cure vers la castration, à peine ouverte, s’est déjà refermée. La fugacité de ces ouvertures appuie la nécessité d’une vivacité clinique. Ponctuation et scansion parlent d’abord du rythme, voici comment le signifiant et l’intervention du clinicien pourraient rythmiquement se dire :

    •Le signifiant vaut une noire, soit un temps.

    –L’intervention du clinicien – ponctuation ou scansion – arrive un demi-temps après.

    –L’intervention manquée du clinicien arrive un temps après.

    L’effet de la technique, si elle a fait chou blanc³⁷ ou si elle a fait mouche³⁸, est « attestée par la suite des associations pendant la séance ou les séances à venir »³⁹. L’association libre se poursuit et la cure « est pouss[ée] vers l’avant »⁴⁰. Dans le cas où elle se révélerait inefficace, ce sera « attesté par un passage à l’acte ou un abandon »⁴¹, temporaire ou définitif. L’imprécision de l’usage de la technique ralentit la navigation. Toutefois, les résistances du psychanalysant peuvent aussi donner ce résultat.

    La psychanalyse du psychanalyste sans fin est une condition sine qua non pour la conduite des cures, car elle permet d’égrener, de séparer le bon grain

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