Révolte: La Sainteté – Boys of Lowell High, #2

Par Siobhan Davis

Tout a changé la nuit où il m'a trahie, et maintenant, le jeu est passé à un autre niveau.

 

Galen m'a rendu service en me rappelant que la seule personne sur laquelle je peux compter, c'est moi-même, et je suis plus déterminée que jamais à venger la mort de mon père et à éviter le destin que Sinner a tracé pour moi.

 

Saint a l'habitude de mener la barque, or il y a de nouvelles règles, mes règles, et s'il me veut dans sa vie et dans son lit, il s'y pliera. Ils le feront tous, parce que je ne peux pas m'en sortir seule, et qu'ils me sont redevables.

 

Sinner pense qu'il a le contrôle, mais me forcer à m'initier, c'est entrer dans mon jeu. La guerre est arrivée à Lowell alors que des gangs rivaux se battent contre la Sainteté pour le pouvoir ultime, et je m'amuse à me rebeller de l'intérieur, en plaçant plus d'obstacles sur le chemin de Sinner pendant que j'exerce ma vengeance.

 

Toutefois, je ne suis plus une jeune fille innocente de treize ans : j'ai du sang sur les mains et des ennemis mortels à mes trousses.

 

Je joue un jeu dangereux, surtout en ce qui concerne mon cœur, cependant il n'y a pas de retour en arrière possible. Je ne suis pas venue jusqu'ici pour repartir les mains vides, et plus nous découvrons de secrets, plus nous prenons conscience d'où s'étendent la trahison et la corruption, et il n'y a plus de choix.

 

La Sainteté doit être démantelée, et nous sommes les seuls à pouvoir le faire.

• Langue: Français
• Éditeur: Grey Eagle Publications
• Date de sortie: 30 mai 2024
• ISBN: 9781643667942

Aperçu du livre

1 HARLOW

La sueur perle dans mon dos et mes mèches de cheveux sont plaquées sur mon front alors que je roule dans le coffre de la BMW de Darrow, qui m’emmène je ne sais où. La peau de mes poignets est en lambeaux et en sang parce que mon connard d’ex a trop serré les liens en plastique, probablement à dessein. Il semblait déterminé à me faire souffrir.

J’ignore depuis combien de temps nous roulons, mais j’ai l’impression que la voiture ralentit enfin après une éternité. Nous prenons un virage à la corde sur un terrain cahoteux, et ma tête heurte le côté du coffre alors que Darrow passe beaucoup trop vite sur un nid-de-poule. Je suis ballottée comme une poupée de chiffon, et je pousse un sifflement de douleur en sentant le choc contre mon front. Je maudis mon foutu ex à travers le tissu toujours enfoncé dans ma bouche.

Le coffre s’ouvre et une brise glaciale s’engouffre dans l’espace étouffant. J’apprécie la fraîcheur sur ma peau surchauffée. Je jette un coup d’œil à Darrow, qui me soulève brutalement par les bras.

— Tu as une sale tête, déclare-t-il avec un rictus.

Sans déconner, Sherlock.

Si je pouvais parler, je lui dirais qu’il n’a pas l’air très en forme non plus. Il arbore plusieurs entailles et ecchymoses sur le visage, une traînée de sang est étalée sur sa joue, son T-shirt est déchiré, et de la boue se mélange aux éclaboussures de sang sur son pantalon et ses bottes sales, conséquence de la bataille épique entre gangs qui s’est déroulée plus tôt dans la soirée.

Darrow me dépose sur le sol et referme le coffre. Après être restées pliées de manière inconfortable, mes jambes sont raides, et je manque de tomber à la renverse quand mes pieds touchent le gravier. Néanmoins, je retrouve mon équilibre rapidement et me redresse tout en scrutant mon environnement.

Mon ex enfonce ses ongles dans mon bras tout en me traînant le long d’un chemin jonché de débris vers un immeuble abandonné, haut de deux étages. Nous sommes entourés par des champs clairsemés d’un côté et une forêt dense de l’autre. Il fait nuit noire, et la seule lumière provient d’un grand bâtiment au loin.

Galen lui a demandé de m’emmener dans un endroit isolé pour me tuer, et Darrow semble décidé à obéir. Il pourrait m’éliminer sur-le-champ sans que personne entende la balle résonner dans l’air silencieux ou voie mon corps sans vie tomber au sol. Il pourrait me traîner dans la forêt et m’enterrer sans plus de précautions, car il n’y aurait personne pour assister au crime.

Lorsque nous atteignons le bâtiment, Darrow me pousse dans les escaliers, son arme dans mon dos, m’incitant à grimper. Je monte prudemment les marches rouillées jusqu’à ce que j’atteigne le premier étage.

Il m’ordonne de tourner à droite, et j’enjambe des débris de verre, des canettes de bière écrasées, des mégots de cigarettes sales et des traces de consommation de drogue en m’interrogeant sur les autres activités criminelles qui ont lieu ici.

Alors que je me retrouve au bout d’une impasse, Darrow pointe le canon de l’arme sur ma tempe tout en sortant un trousseau de clés de la poche arrière de son jean.

— Bouge un cheveu, et j’appuie sur la gâchette.

Je n’ai pas peur, et je me demande ce que cela traduit de ma personne. Ce n’est pas que je pense Dar incapable d’aller jusqu’au bout. C’est un connard dangereux, et il pense que je l’ai trahi, alors il ne faudrait pas grand-chose pour le pousser à l’action. Mais il oublie que je le connais ; il est égoïste jusqu’au bout des ongles. Quand il réalisera ce qu’il a fait, et à quel point cela pourrait mal se terminer pour lui, il suivra mes règles.

Je suis certaine de pouvoir le convaincre, à condition que je ne l’énerve pas d’ici là.

Il déverrouille la porte du dernier appartement, me pousse à l’intérieur et appuie sur l’interrupteur situé sur le mur. La porte se referme derrière nous, et j’arpente le couloir étroit, Darrow dans mon sillage.

— Là-dedans, ordonne-t-il en me poussant vers l’avant.

Je passe une porte ouverte et pénètre dans une petite pièce carrée avant d’allumer la lumière.

L’endroit est étonnamment propre, bien que peu meublé. Il y a une minuscule kitchenette sur la droite, avec une table et deux chaises. À gauche, un canapé en mauvais état devant une table basse en bois usée et une bibliothèque vide.

Il me pousse sur le canapé, et je m’effondre sur le tissu bleu marine abîmé. Je plisse le nez de dégoût alors que je suis assaillie par une myriade d’odeurs putrides. Je me redresse maladroitement à l’aide de mes coudes, ignorant la douleur qui accompagne le frottement de mes poignets.

Dar se dirige vers la cuisine et revient avec deux bouteilles d’eau. Il les pose sur la table avant de ranger son arme dans sa ceinture, à l’arrière de son jean. Il retire le chiffon que Galen m’a mis dans la bouche, et j’inspire avec avidité. Dans un geste de tendresse inattendu, Darrow repousse des mèches de cheveux emmêlés sur mon front et les coince derrière mes oreilles.

— Tiens.

Il tend une bouteille d’eau vers mes lèvres sèches, et j’incline la tête en arrière afin de faire couler le liquide dans ma gorge assoiffée.

— Merci, dis-je une fois que j’ai assez bu.

Il rebouche la bouteille puis fait courir ses doigts le long de ma mâchoire, et un frisson désagréable me traverse.

Il fut un temps où son contact était le bienvenu, mais à présent, tout en lui me dégoûte.

— On n’aurait jamais dû en arriver là, Lo.

Il secoue la tête tandis que ses doigts continuent de balayer ma peau.

— Tu n’aurais pas dû mettre les pieds dans cette pièce. En changeant de camp, tu as signé ton arrêt de mort.

— Qu’est-ce que je fais là ? m’enquiers-je en zieutant autour de moi.

J’ignore sa tentative de me remémorer les événements passés.

— Je croyais que tu étais censé me tuer.

Il s’esclaffe.

— Tu as envie de mourir, bébé ?

— J’ai envie que la vérité éclate.

— Quelle vérité ?

Il tire une chaise de la cuisine et la place devant moi avant de s’asseoir dessus à califourchon.

— Tu n’as pas tous les éléments, dis-je.

— Sinon, pourquoi penses-tu que je ne t’ai pas encore mis une balle dans le crâne ? réplique-t-il en arquant un sourcil.

— Quel accord as-tu conclu avec Galen ?

Il secoue la tête, et un rictus étire ses lèvres alors qu’il saisit mon menton, le serrant douloureusement.

— Ce n’est pas toi qui mènes la danse, Lo. C’est moi qui pose les questions.

— Je t’écoute.

Il caresse ma lèvre inférieure avec son pouce.

— Pourquoi Galen Lennox veut-il ta mort ?

Je hausse les épaules.

— Pour de nombreuses raisons. Il me cherche des noises depuis le premier jour, et je suis convaincue qu’il y a quelque chose dans son passé qui motive son comportement. Mais c’est sûrement parce qu’il pense que je les ai trahis en balançant l’adresse de l’entrepôt.

— La fausse adresse, me corrige Darrow, les narines dilatées.

— J’ignorais qu’elle était fausse quand je t’ai envoyé un message, et on sait tous les deux que ce n’est pas moi qui ai divulgué l’information en premier.

Je scrute son visage, observant sa réaction avec attention. Sa mâchoire se crispe, et il ne réfute pas mes dires, ce qui me suffit pour confirmer ce que j’ai besoin de savoir.

Les Flèches ont une taupe dans les rangs de la Sainteté.

Intéressant.

— Tu savais que c’était une embuscade ? me demande Dar, retirant ses mains de mon visage.

— Je ne l’ai appris que tard hier soir.

— Il était encore temps de nous prévenir, siffle-t-il.

Je garde mon sang-froid en lâchant un premier indice.

— Et pourquoi j’irais à l’encontre des miens pour faire ça ? Étant donné que tu n’as pas honoré notre accord.

— Qu’est-ce que tu racontes ? cingle-t-il. J’ai retardé Johnny jusqu’à ce que tu craches le morceau.

Darrow se lève et commence à faire les cent pas.

— As-tu la moindre idée de la merde dans laquelle tu m’as mis ?

Il sort son arme, se dirige vers moi et la pointe sur mon front.

— Je devrais te tuer tout de suite.

— Si tu fais ça, tu signes ton propre arrêt de mort.

Il rit aux éclats.

— Je n’ai pas peur de Saint. Il est incapable de contrôler sa propre équipe.

— Tu dis ça avec beaucoup d’assurance, mais comment peux-tu être certain que Galen n’a pas agi selon les instructions de Saint ? Que cette mascarade ne fait pas partie d’un plus grand projet ?

Mon cœur se serre à l’idée que tout cela puisse être un mensonge.

Que l’inquiétude de Saint ne soit qu’un numéro.

Que Galen ne l’ait pas jouée solo, mais qu’il ait simplement suivi ses ordres.

Les sentiments ont obscurci mon jugement, et je ne sais plus que croire.

Darrow hausse les épaules.

— Je me moque que ce soit le cas ou non. Il ne me fait pas peur. Aux yeux de notre président, j’ai bien merdé ce soir. On a perdu des gens bien dans cet entrepôt, et leur sang est sur mes mains. Tu as aidé à nous piéger. En te tuant, je pourrais réparer un peu le mal que j’ai fait.

— C’est ce que tu crois. Allez, Dar. Tu es bien plus intelligent que ça. Si tu me tues, c’est toute la Sainteté qui te tombera dessus. Ce qui s’est passé tout à l’heure ne sera rien à côté. Je doute qu’Archer Quinn te remercie de les avoir enfoncés un peu plus.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Tu n’es pas si importante pour eux.

— Je suis membre de la Sainteté, Dar. Sinner vient d’approuver mon initiation. C’est là que les gars étaient censés m’emmener. Galen n’aurait pas fait ce coup s’il avait su.

Darrow éclate de rire.

— Tu penses que je vais croire à ces conneries ?

— C’est la vérité. Je porte leur marque. Remonte mon sweat à l’arrière, et tu verras.

— J’ai déjà vu ton dos, ma belle, et il n’y a pas de marque.

Je lutte contre l’envie de lever les yeux au ciel.

— Réfléchis, Dar. J’ai gardé ma jupe à chaque fois que tu m’as baisée par-derrière. Tu ne t’es jamais demandé pourquoi ?

— C’était fait exprès ?

Sa voix trahit sa surprise.

J’acquiesce.

— J’ai fait beaucoup d’efforts pour dissimuler la marque, tout comme mon père. C’est lui qui a décidé de mon tatouage d’ange vengeur.

Je pivote pour lui tourner le dos.

— Regarde. En bas à droite, juste au-dessus de mes fesses.

Il se lève et enfonce la paume de sa main dans mon dos afin de me pousser sur le canapé miteux. Je retiens mon souffle pour éviter de respirer les odeurs nauséabondes. Il remonte mon sweat à capuche jusqu’à ma taille et baisse un peu mon legging, dévoilant mon dos nu. Il se penche tout près de moi, son souffle chaud effleurant ma peau tel un nuage de brouillard. Ses doigts glissent à l’endroit exact où Sinner m’a marquée quand j’avais treize ans.

— Putain de merde.

Je tourne la tête sur le côté.

— Tu me crois, maintenant ?

Il empoigne mon sweat et me redresse.

— Si tu t’attends à ce que ça marche en ta faveur, tu te trompes lourdement.

Il enroule son doigt autour de la détente et enfonce le canon de l’arme dans ma poitrine.

— Ça ne me donne qu’une raison de plus de te tuer.

— Sinner m’a marquée quand il m’a enlevée à mes treize ans. Il avait des projets pour moi depuis tout ce temps. Que penses-tu qu’il te fera si tu m’élimines ? Je ne suis pas seulement la première femme membre de la Sainteté. Je serai bientôt sa belle-fille. Si tu me tues, ce sera plus qu’une guerre entre les Flèches et les Saints. Sinner s’en prendra à toi personnellement. Il ne s’arrêtera pas tant que tu ne seras pas mort.

Je fixe son visage couvert de sang et continue :

— Je ne sais pas ce que tu en penses, mais un scénario où on est tous les deux morts me semble être un scénario de merde. Surtout quand il y a de bien meilleurs plans qu’on pourrait mettre en œuvre.

— Comme quoi ?

J’écarquille les yeux et parle délibérément d’une voix enjouée, car je dois le convaincre d’accepter cette proposition si je veux sortir d’ici vivante. Si les Flèches ont déjà une taupe, ma suggestion a moins de poids, donc je suis obligée de convaincre mon ex que c’est une offre solide qu’il pourra présenter à son président afin de revenir dans les bonnes grâces d’Archer.

— Je pourrais devenir une espionne pour les Flèches. Sinner m’envoie dans leur centre d’entraînement, et il me confiera des tâches d’initiation. Ils me prépareront à entrer dans la section senior avec les gars après avoir obtenu notre diplôme, l’année prochaine. Je serai au courant de tous leurs rouages et de tous leurs secrets. Ces informations n’ont-elles pas plus de valeur pour les Flèches que ma mort ? Et j’ai d’autres dossiers comme celui que je t’ai donné. Vous pourrez faire sortir de prison un plus grand nombre de vos hommes en montrant que des preuves ont été fabriquées et que des témoins ont été contraints de s’exprimer.

Je lui avais donné un dossier que papa possédait sur l’un des membres des Flèches, un certain Alfred, afin que Darrow soit satisfait et qu’il me laisse tranquille. Le dossier contenait la preuve qu’il avait été piégé, et Alfred était maintenant un homme libre.

Il maintient l’arme contre ma poitrine, mais je perçois l’indécision dans son regard. Il hésite.

— Pourquoi ? Si tu es membre, pourquoi risquer de les trahir ? Si Galen est capable de te faire ça aujourd’hui, imagine ce que l’organisation ferait si elle découvrait que tu les espionnes pour nous ?

— C’est à moi de m’en préoccuper. Quant à la raison…

Je marque une pause, ravalant la boule dans ma gorge. Ma poitrine se soulève tandis que la douleur habituelle s’abat sur ma cage thoracique.

— Ils m’ont kidnappée et torturée alors que je n’étais qu’une enfant, et ils ont assassiné mon père, dis-je en serrant les dents.

Dar affiche une expression choquée. Il n’était pas au courant.

— Je veux qu’ils paient. Tous autant qu’ils sont, mais surtout cet enfoiré de Sinner.

Il baisse son arme, la range dans son jean, et je pousse un soupir de soulagement, sachant que j’ai gagné. Dieu merci. Ce fut un peu délicat.

— Je n’ai pas changé de camp, Dar, ajouté-je. J’ai toujours fait partie de ma propre équipe, et ça n’a pas évolué. On a un ennemi commun. On veut tous les deux que la Sainteté soit démantelée. Je peux vous aider. On peut s’entraider.

Je lui tends mes poignets liés.

— Et de cette façon, tu peux sauver la face devant Archer et remettre ton avenir sur les rails. C’est gagnant-gagnant pour nous deux.

— Ne me le fais pas regretter, dit-il.

Il se penche et retire le couteau attaché à son mollet avant de couper mes liens.

— Ça vaut pour toi aussi, continué-je en frottant doucement la peau de mes poignets.

Il s’assied à côté de moi sur le canapé et fait tourner le couteau entre ses doigts.

— Comment est-ce qu’on élabore ça ?

Je me penche, comme si j’allais l’embrasser, et ses yeux se posent sur ma bouche. Je lui arrache le couteau des mains et l’enfonce dans sa cuisse avant qu’il n’ait eu le temps d’enregistrer le mouvement. J’appuie sur sa cuisse, tourne le couteau avec force, et éprouve un immense plaisir à lui infliger de la douleur.

Ce bâtard le mérite, putain.

Un rugissement abominable traverse l’air tandis que le sang s’écoule de sa blessure et que son visage pâlit. Je ne perds pas de temps et tends la main derrière lui pour attraper son arme avant qu’il ne me tire dessus. J’enclenche le cran de sûreté et le range dans la poche de mon sweat.

— Ne t’inquiète pas, je n’ai pas touché les artères, le rassuré-je en fouillant dans la poche de son jean pour en sortir ses clés et son portefeuille.

— Espèce de salope ! hurle-t-il, ses doigts s’enroulant autour du manche du couteau.

— À ta place, je ne l’enlèverais pas, à moins que tu ne veuilles te vider de ton sang immédiatement, conseillé-je en me levant. Tu devrais aller à l’hôpital.

Je souris en me penchant au-dessus de lui. J’attrape fermement son menton, relève son visage et le regarde dans les yeux.

— C’est un avertissement. Trahis-moi encore, et la prochaine fois, je le planterai dans ton cœur.

Son expression est un mélange de haine et de respect alors qu’il me lance un regard noir.

— Allons, allons, ne la joue pas comme ça, dis-je.

Je lui décoiffe les cheveux, me redresse et lui lance un sourire moqueur.

— Galen comprendra comment je me suis échappée quand il viendra te voir.

Il passera pour une vraie mauviette, aussi, mais je ne partage pas cette pensée.

Je me dirige vers la porte d’un pas nonchalant et fredonne doucement.

— On a un accord, Lo, beugle-t-il. Et si tu me dupes à nouveau, je te trancherai la gorge sans prendre la peine de te poser de questions !

Je fais volte-face, les yeux plissés.

— Je suis contente qu’on soit sur la même longueur d’onde, répliqué-je, ses clés se balançant au bout de mes doigts. Je t’appellerai… Essaie de ne pas mourir entre-temps.

Mes lèvres tressaillent.

Il hurle des obscénités dans mon dos alors que je sors de l’appartement. Je vole sa voiture et m’enfuis à toute vitesse.

2 SAINT

Nous sommes chez Lo, en train de prendre des vêtements et des affaires pour les emporter avec nous à la planque de Grenlow, quand mon portable sonne. Un message de Galen.

Changement de programme. Retrouve-moi à la grange.

— C’est quoi, ce bordel ?

Je m’arrête dans mon élan et l’appelle, mais cet enfoiré ne répond pas.

— Qu’est-ce qu’il y a ? me demande Caz en entrant dans la chambre.

Il se fige en voyant mon expression.

— Galen veut qu’on se retrouve à la grange.

— Pourquoi ? s’enquiert Théo en apparaissant derrière Caz.

— Je ne sais pas, mais je vais lui botter le cul. J’ai été clair.

Galen n’a pas le droit de contester mes décisions. Surtout pas celle-là. Pas quand il s’agit de la sécurité de Lo. Je mets le reste des affaires de cette dernière dans le sac, attrape le mien et me dirige à grandes enjambées vers la porte.

— C’est toi qui conduis, dis-je à Caz lorsque nous sortons, en lui tendant les clés de ma Land Rover. Pendant ce temps, je continue à essayer de contacter ce connard.

Caz démarre, pied au plancher, et nous partons, Théo derrière nous dans son SUV.

J’appelle Galen à plusieurs reprises, mais il ne décroche pas. Je m’apprête à essayer le numéro de Lo quand je me souviens que j’ai réduit son portable en miettes. Je ne pouvais pas risquer que mon père le trace si elle ne se présentait pas au centre d’entraînement.

— Il se passe quoi, à ton avis ? m’interroge Caz, quittant la route des yeux pendant une fraction de seconde pour me regarder.

Je passe une main dans mes cheveux blonds coupés court.

— J’en ai aucune idée. C’est de Galen qu’on parle. Son insouciance est légendaire.

— Ou peut-être que Sinner l’a fait suivre et qu’il prend les précautions nécessaires.

Ce n’est pas une surprise que Caz défende Galen ; il est d’une loyauté à toute épreuve.

— J’ai un mauvais pressentiment, avoué-je en espérant que mon intuition se trompe.

Cependant, c’est rarement le cas.

— Comment comptes-tu la tenir éloignée de Sinner ? continue de me questionner Caz en prenant la sortie de l’autoroute qui mène à Prestwick.

Je soupire et pose mes pieds sur le tableau de bord.

— Je n’en sais rien. Je ne sais pas trop où j’en suis. Je sais juste qu’elle ne peut pas subir l’initiation. Ce n’est pas ce que je veux pour elle.

— C’est la merde, mec. Qu’est-ce que Sinner prépare ?

— Je l’ignore, mais j’ai bien l’intention de le découvrir.

Nous ne parlons plus jusqu’à ce que nous atteignions l’entrée cachée à l’autre bout de la forêt de Prestwick. Caz stoppe mon Land Rover, en sort et ouvre le portail. Je me glisse sur le siège conducteur et fais avancer la voiture. Une fois que Théo est entré, Caz ferme et verrouille le portail avant de sauter sur le siège passager.

Je nous conduis le long de l’étroit sentier de terre pendant quelques kilomètres, jusqu’à ce que nous apercevions notre planque.

Théo l’a trouvée il y a quelques années, et c’était exactement ce que nous recherchions. Un endroit proche de la ville, à l’abri, où nous pouvons disparaître quand nous avons besoin de nous ressourcer. Théo s’est occupé de toute la paperasse et l’a achetée sous un pseudonyme, afin qu’on ne puisse pas remonter jusqu’à nous. Nous l’avons obtenue pour une bouchée de pain, ce qui signifie qu’il nous restait de l’argent pour faire quelques travaux, car nous avions simplement acheté quatre murs. Heureusement, la structure et le toit étaient stables ; par contre, nous avons dû remplacer toutes les fenêtres, et l’intérieur n’était qu’un immense espace ouvert qui nécessitait des aménagements. Depuis, nous avons créé des chambres et des salles de bain dans le grenier, installé une cuisine de base, amélioré le chauffage rudimentaire et aménagé un espace de vie et une salle de jeux, avec une table de billard.

Ce n’est pas le grand luxe, loin de là, mais c’est notre maison.

Et Sinner n’est pas au courant.

Je suis certain qu’il s’est rendu compte que nous avons une planque, ou peut-être qu’il pense que nous dormons chez des copines, mais il ne pose pas de questions, et nous ne cherchons pas à lui en parler.

Je me gare devant la grande structure en bois, à côté de la Mitsubishi Eclipse de Caz – la voiture que conduisait Galen –, et coupe le moteur. Même si je suis bouleversé par ce rebondissement inattendu, un sentiment de calme m’envahit, comme toujours lorsque je suis ici.

De grands arbres nous entourent de tous côtés, nous cachant aux regards indiscrets. Nous sommes à l’extrémité de la forêt de Prestwick, à des kilomètres des zones normalement fréquentées par les fêtards et loin de la section que Sinner utilise pour enterrer ses ennemis ou mener des tâches d’initiation.

Cependant, nous savons qu’il vaut mieux ne pas prendre de risques, alors nous avons utilisé le reste de notre argent pour installer sur le terrain quelques caméras et un système d’alarme sans fil. Théo l’a configuré pour qu’il s’active à distance, et si quelqu’un tombe sur notre maison, l’alarme déclenchera un avertissement qui sera envoyé à tous nos téléphones.

Je sors en même temps que Caz et Théo, et nous nous dirigeons ensemble vers la porte, nerveux et à l’affût. Il fait un froid de canard ce soir, et j’ai les couilles gelées. J’ouvre la porte et aperçois en entrant Galen, près de la fenêtre à l’autre bout de la grange, fixant l’obscurité. Son échine se raidit lorsqu’il nous entend approcher, mais il ne se retourne pas.

Caz ferme la porte, les sourcils froncés.

Je balaie la pièce du regard, sans la voir. Théo suit le rythme à mes côtés tandis que j’avance vers Galen. Nos regards sont aussi inquiets l’un que l’autre.

Galen pivote lentement, lève le menton et écarte un peu les jambes. Il se tient droit et me regarde avec assurance quand je m’approche de lui. Sa mâchoire se crispe lorsque nous nous retrouvons face à face.

— Où est-elle ?

Ma voix trahit ma peur grandissante.

— Pas là, répond-il sèchement.

— Qu’est-ce que tu as fait, putain ? s’interpose Théo, me poussant sur le côté afin de bousculer Galen au niveau des épaules.

— Quelque chose que vous, les trois mauviettes, étiez trop faibles pour faire.

Ses lèvres s’étirent en un rictus sournois, et je serre les poings.

Théo bouscule Galen une nouvelle fois. Je le tire en arrière et me poste face au visage de mon cousin.

— Où est Lo ?

— Avec Knight. Il lui a sûrement mis une balle dans le crâne à l’heure qu’il est.

Je lui enfonce mon poing dans le ventre et il trébuche en arrière. Il relève la tête en souriant.

— Quand tu sortiras ta tête de ton cul, tu verras que j’ai fait ce qu’il fallait. Elle nous a trahis. Elle s’est jouée de nous. Et elle vous avait tous sous sa coupe. Ça ne se serait pas bien terminé.

Cette fois, je lui envoie mon poing en pleine figure, et du sang s’écoule de son nez.

— Tu es un putain d’abruti.

Son rire est amer.

— C’est des conneries.

Il crache du sang sur le sol en béton.

— Tu as perdu la main. Elle t’a rendu faible. J’ai éliminé le problème. Tu peux me remercier quand tu veux.

Son arrogance le tuera un jour, et s’il ne ferme pas sa putain de bouche, ce jour pourrait bien être aujourd’hui.

Caz me dépasse et frappe Galen d’un de ses coups de poing caractéristiques. Galen tombe en arrière, s’écrasant sur le sol.

— Vous vous emballez ! s’écrie-t-il, perdant son sourire en coin.

La colère éclate sur son visage.

— Et vous avez oublié la fraternité ! Vous avez oublié l’essentiel !

Je le frappe à nouveau au ventre.

— Elle est l’une des nôtres, espèce d’enfoiré imprudent.

J’enfonce mon poing dans ses côtes, et un craquement résonne dans l’espace caverneux.

Le fait qu’il ne riposte pas est révélateur. Il s’y attendait. Il accueille les coups comme un homme, mais il est persuadé qu’il sera blanchi une fois que nous nous serons calmés.

— Elle a une belle paire de fesses ! beugle-t-il. Ça ne fait pas d’elle l’une des nôtres.

Cette fois, c’est Théo qui abat son poing sur sa mâchoire. Galen crache encore plus de sang.

— Sinner l’a marquée quand elle avait treize ans, expliqué-je en cognant son autre flanc. Et il nous a ordonné de l’emmener au centre d’entraînement pour commencer l’initiation.

Je lui envoie mon poing dans la figure, Caz fait les cent pas en tirant frénétiquement sur ses cheveux, et Théo sort sa tablette.

— Quoi ? grince Galen, les sourcils froncés de confusion.

— C’est arrivé après l’embuscade, quand tu étais introuvable.

— Parce que tu étais occupé à élaborer des plans pour livrer Lo à l’ennemi, intervient Caz en attrapant Galen par le col avant de le frapper à nouveau.

— Je l’ignorais ! crie Galen entre deux coups. Et je répondais au message de Théo. Je récupérais le corps.

Je jette un coup d’œil à Théo, dont l’expression indique que ce n’est pas important et qu’il m’expliquera plus tard.

Caz cogne Galen à nouveau, et la tête de celui-ci vole en arrière tandis que le sang coule à flots.

Je tire Caz vers moi.

— Je veux qu’il reste conscient.

Pour l’instant.

Je darde un regard noir sur un Galen ensanglanté.

— Où est Knight ? Où l’a-t-il emmenée ?

— Je ne sais pas.

Il secoue la tête, et Caz lève à nouveau le poing. La panique se lit dans les yeux de mon cousin.

— Je le jure ! J’ignore où il avait l’intention de la conduire.

Il me supplie du regard de le croire, mais ce n’est pas près d’arriver.

— Où l’échange a-t-il eu lieu ? demandé-je.

— À la station-service de Prestwick, avoue-t-il. Celle qui se trouve à la périphérie de la ville.

— Merde ! s’exclame Théo sans lever les yeux, ses doigts volant sur le clavier. Il n’y a pas de caméras en état de marche là-bas.

— Essaie celles de la zone. Vérifie dans toutes les directions, indiqué-je, lançant à Galen un regard venimeux. Quelle voiture conduisait Knight ?

— Une BMW série 6 argentée.

— Je suis dessus, dit Théo.

J’empoigne le T-shirt de Galen et le plaque contre le mur.

— S’il lui est arrivé quoi que ce soit, je te tuerai.

— Elle nous a quand même trahis, proteste-t-il, d’une voix qui manque d’impact.

Je lui donne un coup de pied dans la jambe, et son genou se dérobe. Il tombe sur le sol avec une grimace.

— Ce n’est pas elle qui a révélé aux Flèches l’adresse du faux entrepôt. Lo n’a cédé que jeudi, après avoir entendu une conversation entre Sinner et moi, mais elle l’a regretté presque immédiatement. Elle est venue me voir vendredi après l’école et a tout avoué.

— T’as merdé, connard.

Caz donne un coup de pied dans les côtes de Galen, qui pousse un cri. Je suis sûr qu’au moins deux d’entre elles sont cassées, et il souffre visiblement.

— Et j’aiderai Saint à te tuer si