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Capturées par les corsaires: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle tome II
Capturées par les corsaires: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle tome II
Capturées par les corsaires: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle tome II
Livre électronique263 pages4 heures

Capturées par les corsaires: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle tome II

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À propos de ce livre électronique

1664. Une jeune aristocrate française, Blanche, la fille du Comte de Jonvelle, prend la mer en direction de Naples. Trop tard, elle se rend compte qu'elle a été dupée, qu'elle est tombée entre les mains de courtisanes qui tentent de la soumettre en éveillant sa sensualité. Alors que tout semble perdu, elle reçoit l'aide inespérée de Laura. Mais que peut-elle devenir seule sur un canot, à demi-nue? Elle sera la proie de tous les pirates. C'est un corsaire génois qui la découvre et la sauve. Il en tombe amoureux tandis que son amante, la princesse Nour ainsi que l'équipage voudraient la vendre comme esclave. Manon, cependant, est partie à sa recherche. Arrivée à Naples, elle affrontera de grands dangers.
LangueFrançais
Date de sortie9 mars 2024
ISBN9782322567447
Capturées par les corsaires: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle tome II
Auteur

Hermione de Méricourt

Je suis née dans un petit village de Normandie. Très tôt, je découvris mon attirance pour les femmes ainsi que la réprobation qu'inspirait mes goûts et l'exclusion qu'ils entraînaient. Dans ces années-là, il est était difficile de trouver dans les films et même dans les livres, des personnages auxquels je pourrais m'identifier. Adolescente, c'est Angélique qui stimula mon imagination, m'inspira un désir profond et de longues rêveries. Blanche est sans doute née de ces fantasmes. Je me dirigeai naturellement vers des études d'histoire qui correspondaient à mes goûts et à mes désirs. J'écris pour mon plaisir et j'essaye par là de donner une forme à mes rêves et d'en susciter de nouveaux.

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    Aperçu du livre

    Capturées par les corsaires - Hermione de Méricourt

    Du même auteur

    Blanche et les courtisanes

    « Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays. L’auteur ou l’éditeur est seul propriétaire des droits et responsable du contenu de ce livre. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. »

    Hermione de Méricourt

    Hermione de Méricourt

    Je suis née, il y a quelques années (on ne demande pas l’âge d’une dame) dans un petit village de Normandie. Très vite, je me suis rendue compte que les garçons m’intéressaient beaucoup moins que les jeunes femmes aux formes sensuelles. Je pris bientôt conscience, à mes dépens de la réprobation qu’attirait ce genre de préférence. Isolée, je me réfugiais dans les romans et les films d’aventure. À l’époque, il n’était pas facile de trouver là des héroïnes que j’avais envie d’aimer ou auxquelles j’aurais voulu m’identifier. Au sortir de l’enfance, je découvris avec ravissement la série des Angélique. J’éprouvais pour cette femme si courageuse un désir profond et je m’imaginais à sa place dans les situations les plus troublantes. Blanche est sans doute la fille tardive de mes rêveries de cette époque. Un peu plus tard, les livres d’Emmanuelle Arsan éveillèrent tout à fait ma sensualité naissante. Angélique et Emmanuelle m’accompagnèrent tout au long de mon parcours universitaire en histoire et de mes années de formation personnelle; Aujourd’hui, j’écris pour mon plaisir et pour leur rendre hommage.

    À Théroigne

    Table des matières

    Livre I Chapitre 1: Les rêves d'une enfant de Gênes

    Chapitre 2: Débuts en mer

    Chapitre 3: Une chambre, à Barcelone

    Chapitre 4: Mutineries

    Chapitre 5: La Princesse captive

    Chapitre 6: L'enfance de Nour

    Chapitre 7: Une nouvelle concubine

    Chapitre 8 Un amour interdit

    Chapitre 9: La chute du Sultan

    Chapitre 10: Une allégeance dangereuse

    Chapitre 11: La naufragée

    Chapitre 12: Ma protégée

    Chapitre 13: Un désir irrépressible

    Livre II Chapitre 1: Rescapée

    Chapitre 2: L'amante du capitaine

    Chapitre 3: Retour à Jonvelle

    Chapitre 4: Un intendant cruel

    Chapitre 5: La fuite de Manon

    Chapitre 6: Blanche reste introuvable

    Chapitre 7: La Comtesse Blanche Scaglia

    Chapitre 8: Dans la clairière

    Chapitre 9: Chiara la diavola

    Chapitre 10: Chiara et Giulietta

    Chapitre 11: Les aventures de Chiara

    Chapitre 12: Manon et Chiara

    Chapitre 13: La dernière trahison

    Livre III chapitre 1: La Princesse trompée

    Chapitre 2: Les noces de Fahd

    Chapitre 3: Les espoirs de Blanche

    Chapitre 4: Embuscade en mer

    Chapitre 5: Le Dey

    Chapitre 6: L'heure de la vengeance

    Chapitre 7: La Chienne

    Chapitre 8: Esclave

    Chapitre 9: La cabine de Nour

    Chapitre 10: L'olisbos de verre

    Chapitre 11: Mise en vente

    Préface

    La famille de Jonvelle, trahie par un des siens, s’est disloquée. Blanche a pris la route vers l’Italie et Naples. Hélas, de mauvaises rencontres l’ont détournée de son chemin. Nous la retrouvons naufragée, presque nue sur son canot à la merci des corsaires et des marchand d’esclaves. Pourra-t-elle échapper à ce sort funeste?

    Avant-propos

    Au 17ème siècle, les corsaires barbaresques affiliés aux regences d’Alger, de Tunis et de Tripoli faisaient planer sur ce qui naviguait la menace de l’esclavage et de la destruction.

    Livre I Chapitre 1: Les rêves d'une enfant de Gênes

    Je suis née et j’ai grandi à Gênes. Mon père était forgeron, lorsque ma mère mourut, il ne la remplaça pas. Nous habitions une maison étroite de trois étages, située dans une petite rue qui serpentait en gravissant la colline. Mes frères, dès qu'ils atteignaient l'âge d'entrer en apprentissage travaillaient avec lui ; plus tard, quand mon père serait vieux, ce seraient eux qui reprendraient le métier et son échoppe ; ils feraient ainsi vivre la tradition familiale. J'étais la seule fille de la famille et pour moi, il n'était pas question d'apprendre à travailler le métal. À Gênes, aucune femme ne pouvait travailler dans les forges ou même y entrer. Cela portait malheur. Alors, en attendant que j’atteigne l’âge de me rendre utile dans la cuisine ; on me laissait courir les rues et faire ce que je voulais. Gênes était une ville immense qui grouillait d’une vie cosmopolite. J'étais attirée par la vaste mer. Je passais une grande partie de mon temps près du port à regarder les navires arriver et partir. La plupart du temps, seules quelques galères étaient amarrées ; mais les rameurs de ces galères étaient, pour la plupart des criminels et des voleurs condamnés. Alors, pour des raisons de sécurité, je ne pouvais pas m'en approcher ; les autorités avaient fermé cette partie du port. Les galériens ne devaient pas avoir de contacts avec la population. De toutes manières, j’aimais mieux la forme plus légère des caravelles et des caraques. Depuis toujours, je rêvais d’embarquer sur l’un de ces navires. J’écoutais les marins parler de leurs fortunes de mer. C'étaient des aventures palpitantes ; la beauté des paysages, la découverte d'autres mondes, d'autres cultures, l'espoir de nouvelles conquêtes ; tout cela me ravissait et m'attirait. Certains ralliaient Malte, puis entreprenaient un voyage plein de dangers vers l’Orient. D’autres voguaient jusqu’en Espagne et commerçaient avec les ports de Valence ou de Barcelone. Certains passaient même les Colonnes d’Hercule pour ensuite traverser l’Océan jusqu’au nouveau monde. Je passais mes journées à regarder l’océan pour imaginer ce qu’il y avait derrière et que je souhaitais découvrir. Mais, je ne parlais à personne de mes rêves. Enfant, rêver me suffisait et aller admirer le port et la mer plusieurs heures par jour comblait mon existence.

    Depuis longtemps, je n’avais plus de mère. Elle était morte en donnant naissance à mon quatrième frère ; je n'avais que sept ans. Une de mes tantes, Gloria, la plus jeune sœur de ma mère l’avait alors remplacée à la maison ; c'était une jeune fille brune, rieuse et pleine de vie. En effet, ma zia n’avait que six ans de plus que moi ; elle était vis-à-vis de moi comme une sœur, en plus affectueuse. Elle s’occupait de la maison, préparait les repas, raccommodait nos habits. Elle était aussi censée m'initier aux tâches domestiques. Mon père m'avait commandé de l'aider et à ma zia, de me corriger si je me montrais désobéissante ; mais je m'échappais et je vagabondais sur le Port. Gloria qui m'adorait, ne savait pas me réprimander et se montrait beaucoup trop indulgente. Elle me grondait un peu quand je rentrais vraiment trop tard, mais elle cachait toujours ces escapades à mon père. De mes aventures, je lui rapportais souvent de menus présents : un fruit que j’avais dérobé, une pièce que l’on m’avait donnée en échange d’un petit service ou alors une des sucreries que j’avais pu acheter avec. Quand je rentrais, nous rejouions à chaque fois la même scène avec beaucoup de passion. Tout d'abord, elle se plaignait amèrement de mon absence, de mon abandon et du travail inouï qu'elle avait dû accomplir sans moi ; alors je baissais la tête, les larmes aux yeux. Puis d’un air contrit, j’avouais avoir oublié ses recommandations et avoir oublié le temps qui passait. Je lui demandais pardon de tout mon cœur. Devant ma mine déconfite, ma zia ne pouvait pas tenir son sérieux, ne parvenait pas à s’empêcher de sourire. Alors, elle me soulevait de terre et aussi, m'embrassait sur les joues en gage de réconciliation. Ensuite, je lui apportais ce que j’avais chassé pour elle. Je ne sais pourquoi mes cadeaux l’émouvaient terriblement. Dernière fille d'une famille nombreuse ; Gloria avait poussé sans beaucoup d'attentions, ni de soins. Elle n'était guère habituée à obtenir des marques d'affection ou des présents. Ma zia me serrait alors dans ses bras et me couvrait de baisers. C’était le moment que je préférais. Jour après jour, nous revivions ces retrouvailles avec plus ou moins de cris, de bouderies, de rires. Le jeu, finalement, nous plaisait autant à l'une qu'à l'autre et c'était devenu entre nous, comme un petit rituel.

    Ensuite, après le dîner, après avoir servi les garçons et mon père, après avoir lavé leur vaisselle, nous nous asseyions sur un petit rebord en pierre et, la tête contre sa poitrine, je lui racontais mes histoires de marins et de pays inconnus. Ma zia m'écoutait, les yeux écarquillés par l'intérêt et la passion. Elle me demandait les détails, me demandait parfois de contrefaire ceux que j'avais rencontrés. Elle riait beaucoup à mes imitations. De temps en temps, elle me murmurait que j’étais étrange que Dieu s'était trompé avec moi, qu'il avait placé l’esprit d’un garçon téméraire dans le corps d’une fille gracile. Mais je savais que, dans la fratrie, j'étais de loin sa préférée. Elle voyait en moi le portrait de ma mère, sa sœur adorée, trop tôt disparue. Ainsi, dès qu’elle avait une minute libre,elle voulait la passer avec moi ; elle me racontait sa petite enfance, les câlins et l’infinie douceur du temps qu’elle passait avec ma mère. La nuit, comme j’étais la seule autre fille de la maisonnée, nous devions partager le même lit. Durant toute mon enfance, j'ai eu des nuits paisibles. J’adorais me blottir contre elle et entendre le doux bruit de sa respiration.

    Sur le port, je commençais à reconnaître et à imiter les différentes sonorités des langues que j’avais appris à différencier : le français, le catalan, le castillan, le turc, le grec, l’arabe. J'avais le don de l'imitation et je parvenais à reproduire les mots les plus étranges. Pour ma part, je tentais de comprendre et d'apprendre quelques phrases dans chacune de ces langues. Les marins repérèrent vite la fillette insolite qui semblait si douée pour répéter ce qu’ils disaient. Ils en étaient flattés et chaque fois qu'ils accostaient à Gênes, ils faisaient en sorte de m’en apprendre davantage. Après quelques aller-retours, je pouvais soutenir avec la plupart d'entre eux une conversation simple. Honorés d’entendre une petite gamine de Gênes leur parler dans leur langue, ils me donnaient des récompenses, souvent ces pièces de monnaie que je portais fièrement à ma zia. Ils me chargeaient parfois de quelques courses parce que j’étais la seule qui comprenait ce qu’ils voulaient. Plus tard, je m'étais rendue compte qu’il y avait une langue que tous parlaient pour communiquer entre eux et qu’il fallait absolument que j’apprenne. On l’appelait « lingua franca » ; elle était comprise sur toutes les rives de la Méditerranée. Tout bon matelot d'ici avait à cœur de la connaître. Alors, je m’y appliquai particulièrement. Il ne me fallut que quelques semaines pour parvenir à la maîtriser. Au bout de quelques mois, je la savais aussi bien que n’importe quel marin.

    Mes rêves me hantaient. Je passais toujours davantage de temps à rôder auprès du port. Mon père avait promis à ma mère, sur son lit de mort, de faire de son mieux pour bien nous éduquer, et surtout de ne pas me délaisser. Alors, il avait supplié ses beaux-parents de laisser Gloria, leur benjamine le rejoindre. Elle avait dix ans de moins que ma mère, dont elle était la sœur préférée. Gloria était la seule qui pourrait pallier pour nous le vide laissé par la mort de maman. Mais tous les dimanches, ma zia retournait dans sa maison paternelle, alors mon père, homme consciencieux prenait le temps de s’occuper de moi, de me demander ce que j’avais fait ou appris. Grâce à la complicité de la zia qui préparait toujours des repas à l'avance ; je pus exagérer un peu mes progrès en cuisine. Un jour, je lui racontai que j’avais appris à parler plusieurs langues. Interloqué, il vérifia mes compétences et me demanda comment et pourquoi je l’avais fait ; il voulut me sonder pour savoir ce que j'avais en tête. Il était bien trop rusé et attentionné pour que je lui résiste. J'avouais alors mes rêves, tout en craignant sa réaction. Je lui racontai que je voulais devenir marin, découvrir le monde et peut-être en conquérir certaines parties. Il ne me gronda pas. Ce fut pire, il éclata de rire. J’entends encore aujourd’hui ce rire franc et sans retenue. Il ne détestait pas mon côté intrépide et aventureux. Il n’aimait guère les manières soumises que l’on avait ici coutume de donner aux filles. Mais mon projet était selon lui fou, irréalisable. Les métiers de la mer étaient interdits aux femmes. Jamais aucun équipage n’accepterait une fille comme matelot ou bien même comme mousse. Elles avaient, me dit-il, la réputation de porter malheur sur un navire comme dans une forge. Comme je pleurais beaucoup, vexée de son rire et déçue de ce qu’il m’avait appris ; il m’emmena choisir une des sucreries dont je raffolais. Mais au fond de moi, j'avais compris ce qu’il voulait me dire et je m'étais résignée. Il n’était pas raisonnable de poursuivre un rêve que tous voudraient empêcher de se réaliser. Cela me rendrait triste et insatisfaite.

    Chapitre 2: Débuts en mer

    Avec le désir ardent d'être heureuse, je pris conscience de la nécessité d'être raisonnable, je fis alors le choix de renoncer à mes rêves et de mettre fin à mes escapades, en guise de preuve de ma volonté d'avancer. Je devais grandir et aider davantage ma zia ; c'était ainsi que je deviendrais une bonne épouse. Elle constata le changement qui s'était opéré. D'un côté, elle n'était pas mécontente de me voir plus souvent à ses côtés. Cependant, lorsque parfois, elle me retrouvait les yeux dans le vague, assise sur le rebord de la fenêtre ; une vague de tristesse et de compassion l'envahissait. Elle feignait alors de manquer de fruits, de sucreries ; c'était l'occasion de m’ordonner ainsi d’aller me promener au port, et si je pouvais, de lui rapporter un de ces menus présents qu’elle affectionnait tant. Je descendais vers le port, décidée à résister à mes rêves. Je n'y allais que parce que cela faisait plaisir à Gloria. Je discutais un peu avec les marins, en restant bien sur mes gardes, de peur de me laisser emporter par mes rêves. Un jour, cependant, sur le quai, je rencontrai un vieil homme assis sur un banc. Ses cheveux étaient blancs, sa peau ridée comme un parchemin ;il regardait la mer de son regard vitreux, avec nostalgie. Je devinais que cet homme-là avait parcouru les mers, mais je voulais m'en assurer. Je le lui demandai donc. Il me répondit avec hauteur, qu’il n'était pas un ancien matelot, mais bien un ancien quartier-maître. Il semblait amer de ne plus pouvoir naviguer. Il me raconta tout ce qu'il avait été, le respect qu'on lui devait autrefois, les yeux qui se baissaient en croisant son regard. Sur un navire ; il savait diriger presque toutes les manœuvres, à lui seul, il pouvait mener une caravelle de l'autre côté de l'horizon. Il me raconta son métier et sa vie. La carrière d'un marin était longue et semée d'embûches ; tous les marins devaient commencer par un apprentissage, comme dans tous les autres métiers. Tous débutaient en servant l'équipage, en tant que novices, ils occupaient la position de mousse. Le mousse assumait, sur le navire, toutes les corvées ; il devait faire sans poser de question tout ce qu’on lui demandait ; tout comme les apprentis de papa le faisaient à la forge. Un jour, s’il avait bien servi, il devenait matelot. Sinon, on le débarquait et il devait prier pour qu'un autre navire l'embauche et puis le ramène chez lui. Parmi les matelots, seuls les meilleurs devenaient quartiers-maîtres. C’est ce que j’étais devenu me dit le vieillard avec fierté. C’est ce que tu deviendras toi aussi si tu es aussi intelligent que tu es as l’air, mon garçon, ajouta-t-il. Il continua avec une voix où l'on pouvait entendre tout son ressentiment. Malheureusement, un jour, on avait décidé qu’il était devenu trop vieux, pour assumer les fonctions de quartier-maître. Alors, on avait organisé une belle fête, on lui avait donné un petit pécule et puis on l'avait débarqué du navire. J’étais assez bouleversée par ses paroles. Ce qu’il m’avait raconté ne sortait pas de l'ordinaire, tout autre marin de Gênes aurait pu me raconter quelque chose de similaire. Mais il y avait eu cet instant magique où il m’avait appelée « mon garçon » et cela avait fait germer une idée en moi qui m'obnubilait tout en me faisant peur. Un vieux marin presque aveugle, en entendant le son de ma voix m’avait appelée « mon garçon ». Dans ma tête bouleversée naissaient des idées folles.

    Ma zia n'arrêtait pas de me dire que Dieu s'était trompé en me faisant le corps d'une fille, que l'âme d'un garçon aventureux était cachée là, à l'intérieur de mon corps si frêle. Déjà, l'exercice et mes vagabondages m'avaient rendue souple et forte. Grâce au vieux quartier-maître ; je savais maintenant que ma voix ne me trahirait pas. Seule mon apparence, les vêtements féminins que je portais pouvaient révéler ma vraie nature aux autres. De retour à la maison, je dus, comme chaque jour aller décrocher les vêtements que j’avais étendus la veille, entre les deux arbres de notre jardin. Je les apportai dans le salon pour les y plier. En face du grand miroir, je regardais les vêtements de mes frères ; au bout d'un moment, je ne résistai pas à l'envie qui me troublait. Je les essayai. Je passai un pantalon d'Alberto, le plus jeune de mes frères, puis une de ses chemises et, enfin, une veste. Je m’arrangeai d’une manière que je trouvais très masculine et je me regardais dans la glace. Je sursautai en y découvrant zia, dont le regard fixe était posé sur moi. Je m’attendais à ce qu’elle me gronde et récrimine ; mais elle resta interdite, immobile. Elle s’approcha de moi, me caressa le visage en me disant d'une voix douce combien j’étais beau. Elle était aussi folle que moi. Le soir, nous nous sommes endormies blotties l’une contre l’autre avec plus de tendresse et d’ardeur. Peu à peu, je pris l’habitude de porter ces vêtements et j'osai aller sur le port, ainsi parée. J’étais encore trop jeune pour devenir mousse, mais je renonçais à mon prénom, Isabella, pour me faire appeler Luca. Comme le soir, je racontais tout à ma zia ; elle prit l’habitude quand nous étions seules de m’appeler, elle aussi, Luca.

    Mais je grandissais et mon corps semblait vouloir timidement prendre mes formes féminines. Elles commençaient doucement à se dessiner, nécessitant le choix de vêtements astucieux pour les camoufler. Ce fut Zia qui eut l’idée de serrer ma poitrine avec une bande de tissus ; comme elle n’était pas encore très développée cela la fit complètement disparaître. Je regardais ma tante ; j'avais vraiment de la chance, si j’avais eu la même poitrine que Gloria mon déguisement n’aurait jamais pu convaincre. Aujourd’hui encore, je considère mon apparence physique, que certains trouvent ingrate, comme une bénédiction ; elle m'a permis de vivre mes rêves, sans être découverte. Avec l’aide de ma zia, je ressemblais, maintenant, à un petit jeune homme frêle, mais plein d'énergie. Quand je rentrais, elle m’appelait pour jouer son petit mari. Je me comportais comme tel ce qui nous amusait beaucoup. Ne te moque pas, ce jeu était innocent, aucun baiser ne fut trop inconvenant, parfois nos lèvres se rencontraient, mais nous en restions là ; au fil du temps, cependant, nous devenions toujours plus tendres. Je me suis toujours demandé ce qu'il serait advenu de nous si je n'avais pas quitté Naples. Je crois que nous nous aimions. Mais, je lui racontais tout et elle savait que je voulais partir. Gloria ne voulait que mon bonheur, et souhaitait s'effacer pour que je l'obtienne. Son amour pour moi était donc sans espoir et elle le changeait en affection et en soins, se dévouant plus que jamais à mon bien-être.

    Si bien accompagnée, je parvins à l’âge de douze ans. À Gênes, on recrutait, à cet âge-là les nouveaux apprentis. Toutefois, les jeunes filles bénéficiaient d'un répit, elles devaient attendre un peu plus pour atteindre quinze ans, l'âge où elles pouvaient être fiancées. Mais moi, à cet âge, je ne voulais qu'une chose, plus que tout, j'espérais devenir mousse, m’engager pour de bon sur un navire, et enfin vivre mes rêves. Me promenant sur le port, j’appris par hasard qu’un navire qui devait appareiller pour l’orient, recherchait de nouveaux apprentis. Je me présentais, sans peur, au capitaine. Il me toisa. Sa main aurait pu enserrer complètement une de mes cuisses. Il hésitait à m'embaucher parce que ma maigreur l’inquiétait. Il voulut vérifier que j'étais vigoureux. Il me demanda de tirer sur un bout. Je passai le test avec toute la détermination dont j'étais capable. Reprenant mon souffle, j'attendais le cœur battant, la réponse qu’il allait me donner. À la fin, malgré ses réticences, il accepta de m’engager. Il avait lu dans mon regard la volonté farouche et la passion qui m’animait. Il me signifia que je devrais devenir plus

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