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Blanche et les courtisanes: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle
Blanche et les courtisanes: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle
Blanche et les courtisanes: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle
Livre électronique260 pages3 heures

Blanche et les courtisanes: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle

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À propos de ce livre électronique

Blanche quitte son couvent, à la mort de son jeune frère Philippe. De retour à Jonvelle, elle y retrouve Manon, son amie d'enfance. Manon éprouve pour elle, sans lui dire un violent désir. Mais, les parents de Blanche sont arrêtés sur ordre de Louis XIV. Blanche et Manon doivent alors entreprendre un long voyage vers Naples. Malheureusement, elles rencontrent Madame Serra et ses courtisanes. Fascinée par la beauté de Blanche, elle veut profiter de sa vulnérabilité. La jeune aristocrate parviendra-t-elle à échapper à ce destin de courtisane?
LangueFrançais
Date de sortie14 sept. 2023
ISBN9782322510115
Blanche et les courtisanes: Les aventures saphiques de Blanche de Jonvelle
Auteur

Hermione de Méricourt

Je suis née dans un petit village de Normandie. Très tôt, je découvris mon attirance pour les femmes ainsi que la réprobation qu'inspirait mes goûts et l'exclusion qu'ils entraînaient. Dans ces années-là, il est était difficile de trouver dans les films et même dans les livres, des personnages auxquels je pourrais m'identifier. Adolescente, c'est Angélique qui stimula mon imagination, m'inspira un désir profond et de longues rêveries. Blanche est sans doute née de ces fantasmes. Je me dirigeai naturellement vers des études d'histoire qui correspondaient à mes goûts et à mes désirs. J'écris pour mon plaisir et j'essaye par là de donner une forme à mes rêves et d'en susciter de nouveaux.

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    Aperçu du livre

    Blanche et les courtisanes - Hermione de Méricourt

    Chapitre 1: L'arrivée au château

    1665 Quelque part en Méditerranée.

    Blanche se blottit dans les bras d’Isabella qui l’embrasse sur le front. « Je vais te raconter mon histoire. Elle commence par mon retour au château de Jonvelle, l’ancienne demeure de mes ancêtres. Nous roulions depuis plusieurs heures, depuis que nous avions quitté le couvent de Fleurie. Les cahots de la route me réveillèrent soudain. Quelques heures plus tôt, j’avais pris congé de mes amies, des sœurs qui faisaient notre éducation, et puis, je m’étais inclinée, devant notre mère supérieure, en une révérence, pour la remercier de ses bons soins. Elle avait posé sa main sur ma tête, au-dessus de mes cheveux noirs qui descendaient en rouleaux sur mes épaules. Avec cérémonie, elle avait retiré la petite coiffe qui distinguait les pensionnaires du couvent, ensuite elle m’avait bénie avec affection. Contrairement à certaines, je ne fus pas été malheureuse au couvent. Les sœurs et mes condisciples m’y avaient toujours témoigné de l’affection. Mais, ce jour-là pour moi il était temps de partir, je devais quitter toutes celles qui m’avaient accueillie à Fleurie avec tant de gentillesse et de patience au début. Ma famille me demandait. Je devais, dans les plus brefs délais, regagner Jonvelle, la demeure de mon enfance. Tout y était en deuil, mon pauvre père et ma pauvre mère venaient d’être frappés par le destin. Philippe, mon petit frère que je n’avais pas vu grandir parce qu’il n’avait que trois ans lorsque je dus quitter le château ; Philippe que j’adorais et qui m’aimait tendrement venait de mourir. Alors depuis la veille, lorsque notre mère supérieure m’avait prise par la main avec compassion, et m’avait appris la nouvelle tragique ; je n’avais cessé de pleurer. J’avais les yeux cernés et épuisés de larmes. J’allais pleurer encore, mais désormais dans les bras de mes chers parents inconsolables eux-aussi.

    Et puis, pour toute ma famille, cette mort était une catastrophe. Mon père allait devoir accepter que son frère Henri devienne son héritier. Moi, Blanche de Jonvelle, je ne pouvais pas devenir Comtesse, je ne pourrais pas lui succéder parce que je n’étais qu’une fille. On allait me marier. J’appartiendrais à ma belle famille Il fallait protéger le nom, la fortune et la propriété des Jonvelle. Quel malheur de perdre son seul fils ! Je remuais ces pensées sinistres alors que nous nous approchions du château. Le paysage devenait familier, je reconnaissais maintenant les fermes et les visages de certains parmi ceux qui me saluaient. J’inclinais la tête pour leur répondre en essayant de dessiner une sorte de sourire. Si j’étais vaniteuse, je te dirais que la plupart me regardaient avec étonnement et admiration, malgré ma tête affreuse. Je ne pouvais complètement ignorer leur contemplation muette.

    J’essaye de le dire avec humilité, car je n’ai aucun mérite mais depuis que j’ai treize ans, il a bien fallu que je m’habitue à être regardée, même à l’intérieur d’un couvent. Quand je me confessais, j’avouais que parfois je trouvais plaisant ces regards. Il arrivait certains soirs d’été, lorsque la chaleur nous obligeait à déambuler en chemise que j’étais saisie par des yeux qui devinaient mes formes à travers le tissus léger. À cette époque, je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait vouloir dire mais me sentir explorée ainsi me faisait frissonner et me donnait la chair de poule. Il faut que je confesse encore que la réputation que me donnaient tous ces regards, si souvent posés sur moi, me rendait fière. J’ai souvent dû avouer ma vanité devant le prêtre. Je savais que c’était mal d’attirer sur moi des désirs auxquels je ne comptais, en aucun cas, répondre ; mais, je ne pouvais m’empêcher de le faire. On disait coquette et c’était vrai.

    Avant d’arriver au château, j’ai sorti un petit miroir. Je ne voulais pas effrayer mes parents par un aspect trop affreux. Ils portaient déjà leur propre peine et n’avaient pas en surplus à supporter la mienne. J’ai inspecté mes traits fins ; le rose de ma bouche ourlée et pulpeuse, le bleu outremer de mes yeux rougis par les larmes, la courbe élégante et la finesse de mes sourcils, mon nez droit, ma peau si blanche mais qui rosissait avec tant de facilité, sans marque ni défaut à peine ornée de quelques taches de rousseur. J’ai toujours été consciente de plaire. Depuis quelque temps, je devine parfois un trouble dans les yeux de celles qui me contemplent. Être contemplée me trouble aussi parfois, à mon tour j’apprécie cette douce sensation même si je ne peux m’empêcher d’en rougir. Une activité physique régulière, sans trop me muscler a donné à mon corps de la vigueur et de la force. Ma gorge est ferme, si j’en crois les regards elle un de mes attraits principaux. Mes seins pressent doucement contre le tissus de ma robe. On me disait bien formée et très féminine, contrairement à certaines amies, comme cette pauvre Amélie qui à dix-sept ans passés était encore aussi plate qu’un garçon. Toutefois, je n’avais pas non plus cette gorge disproportionnée dont était affublée Henriette et qui lui donnait, quoiqu’elle fasse un air effronté voire indécent. Pour elles, ces « avantages » avaient l’inconvénient de lui attirer punitions et réprimandes. Trop souvent, j’ai dû la consoler à cause de la sévérité des sœurs qui l’avaient prise en grippe. Nous sommes entrés dans l’allée du château.

    Alors toutes ces pensées s’évanouirent. Je revis mes parents pour la première fois après des années de séparation. Ils me semblèrent fatigués, fragiles et éplorés. En les apercevant, je fus envahie par une émotion indescriptible. La joie d’être de retour se mêlait à la tristesse de la circonstance. Je me suis blottie contre eux et nous avons pleuré encore, de chagrin et aussi du réconfort que nous donnait notre réunion. Au moins, cette tragédie me donnait l’occasion de leur montrer ma piété filiale, de passer du temps avec eux, de m’occuper d’eux, de faire mon possible pour les soutenir et les consoler.

    Le château de Jonvelle est une ancienne bâtisse imposante et importante. Notre noblesse était antique, elle remontait presque au temps du roi Saint Louis. La famille Jonvelle avait su tout traverser : la peste noire, la guerre de cent ans et Crécy et Azincourt, et puis nous avions encore survécu sans trop de dommages aux troubles religieux du siècle passé. Nous appartenions à cette vieille noblesse d’épée que le jeune Roi Louis le Quatorzième jalousait parce qu’elle ne dépendait pas de lui et qu’il ne la contrôlait pas complètement. Il nous détestait parce que nous n’avions pas voulu nous humilier ou devenir courtisans. La tour de notre château, le donjon symbolisait cette résistance opiniâtre. Nous avions réussi à la conserver malgré Richelieu, malgré Mazarin et malgré encore ce jeune monarque qui lui aussi souhaitait l’abattre et nous abattre. Nos murs épais, nos tours, nos créneaux pouvaient encore protéger nos gens contre toute folie tyrannique. Certains le trouvaient gothique, ce vieux château de Jonvelle ; moi j’en étais fière. Il témoignait de temps héroïques et de toute cette grandeur que nous avions fait l’effort de conserver. Il avait survécu avec ses murs de pierre couverts de lierre, entouré de son grand parc. Il trônait au milieu de chênes tricentenaires sous lesquels nos aïeux rendaient la justice. La nature se pliait à nos caprices. Toutes les pelouses étaient taillées, bien vertes et elles dessinaient des formes géométriques jusqu’à l’étang et son eau toujours pure. J’entrais dans la grande cour. Le gravier faisait crisser les roues de la voiture. J’étais saluée par les deux grands lions de marbres, emblèmes de notre famille depuis les croisades.

    En descendant du carrosse, la première personne que je vis fut ma si chère Manon qui semblait m’attendre avec impatience. Elle s’était, comme moi, transformée en jeune femme. Manon était devenue belle et forte. Je lui avais toujours envié la blondeur de ses cheveux. Elle aurait voulu être aussi brune que moi. Elle n’osait pas encore me sauter dans les bras. Je lui fit signe et enfin, je pus la serrer fort contre mon cœur. Je lui murmurai une invitation à passer me voir dans ma chambre dès que possible. Nous irions marcher toutes les deux dans le parc jusqu’au petit lac. Ensuite, je montai les quelques marches du porche. Deux domestiques en livrées avaient poussé la lourde porte en bois. Ils essayaient bien de garder un air distant et formel ; mais leurs sourires radieux trahissaient leur émotion. Si l’étiquette ne me l’avait pas interdit ; je me serais probablement jetée à leur cou. Ils me connaissaient depuis l’enfance. Je crois même que l’un d’entre eux, le plus âgé, Fernand avait une petite larme dans l’œil. Mais il fallait bien que je prouve que ce n’était pas en vain qu’on m’avait envoyée au couvent. Alors, cette fois, j’ai tenu mon rôle de demoiselle, gardé mes distances et répondu à leurs sourires émus par un simple hochement de tête.

    L’intérieur du château fascinait tout comme l’extérieur par sa majesté imposante ; mais contrairement à l’extérieur, il était chaleureux et accueillant. Mes parents l’avaient beaucoup transformé. La vieille bâtisse glaciale était devenue une habitation commode et douce pour notre famille. Dans l’entrée immense, on avait installé un carrelage en damier noir et blanc. On avait habillé les murs de pierre de grandes tapisseries. Mes parents avaient, sur ce point, cédé à la mode en les commandant à la manufacture royale. Au centre descendait un lustre majestueux capable de refléter le jour, la lumière solaire et la nuit, de briller de son propre incendie ; après, il faut le reconnaître de longues opérations pour allumer chacune de ses cent dix bougies. Au fond, le grand escalier en marbre menait à l’étage supérieur. Enfin, de chaque côté, on apercevait depuis l’entrée les deux salons principaux : le rouge et le bleu. Le salon rouge était inspiré de l’orient. Les fauteuils étaient sculptés en bois de palissandre. Ils avaient sa couleur pourpre. Le salon était orné de porcelaines importées de Chine. Le rouge était aussi la couleur dominante du grand tapis et des tapisseries disposées sur ses murs.

    En face, il y a le salon bleu. Ses meubles ont été assemblés dans l’ébène le plus précieux. Des miroirs somptueux se faisaient face et se reflétaient à l’infini. Derrière, le salon rouge, on entrevoyait l’immense salle à manger où se trouvait une table en chêne massif capable d’accueillir une trentaine de convives. Derrière le salon bleu, on découvrait ma pièce préférée : la bibliothèque. Ce véritable trésor avait été accumulé peu à peu. On y trouvait d’antiques manuscrits enluminés, des incunables mais aussi des livres modernes ; parmi eux, il y avait les écrits de Monsieur Corneille et pardessus tout Le Cid qui faisait tant battre mon cœur.

    Mes parents m’attendaient dans l’entrée. Je regardais Papa. Derrière son apparente froideur qui n’était que de la dignité ; derrière ses mots toujours brefs parfois un peu brusques et maladroits ; je devinais son bonheur de me retrouver ainsi que l’océan de tristesse dans lequel il était piégé depuis la mort de Philippe. Ce jour-là, il m’embrassa contre lui comme il ne l’avait jamais fait auparavant. C’était un père très aimant, mais en général peu démonstratif, sans doute parce que c’était l’usage et qu’il avait été éduqué ainsi. Épuisé de chagrin, il contrôlait moins bien les mouvements de son cœur. Je crois même avoir entrevu ce jour-là un peu d’humidité orner ses yeux, contrastant avec son visage plein d’autorité et de force. Le malheur l’avait écrasé mais il était resté ferme. Ses lèvres fines étaient prêtes à lancer des ordres sans réplique. Le Comte de Jonvelle était un homme fier, orgueilleux, conscient de ce qu’il devait à ses ancêtres. Je l’avais toujours tant admiré. Il n’était pas impitoyable ; chaque habitant du château et de ses possessions aurait gaiement donné sa vie pour lui. Seul un homme bienveillant et généreux peut s’attacher de telles fidélités. Ma mère qui se tenait à ses côtés, m’embrassa à son tour. C’était une personne solaire, même si désormais son éclat serait obscurci par le drame qu’elle venait de vivre, même si ses yeux pervenche étaient pour longtemps encore inondés par les larmes qu’elle avait versées et devait verser encore. Son visage, son maintien, tout en elle émerveillait et charmait. La beauté de ma mère était angélique ; j’avais toujours maudit le sort qui m’avais privée de l’or de ses cheveux. Certains prenaient à tort cette blondeur et cette douceur pour de la fragilité ; alors que personne n’aurait osé la défier, encore moins en présence du Comte, mon père qui ne tolérait pas qu’on lui manque de respect. Il l’aimait comme lui seul savait aimer, passionnément.

    Chapitre 2: Le bain

    Je montais dans ma chambre, après avoir accepté une collation. La chambre était aussi confortable bien qu’un peu moins spacieuse que dans mes souvenirs. Peu avant ma naissance, on avait fait poser un parquet en bois sur le sol. Il était régulièrement et soigneusement ciré par nos domestiques et protégeait bien l’endroit du froid hivernal. Elle contenait peu de meubles, mais ils étaient choisis avec goût : une jolie armoire, un grand miroir, un bureau de chêne recouvert de velours bleu sur lequel il y avait un petit écritoire et une plume d’oie. Au fond de ma chambre, on avait disposé une commode sur laquelle une bassine de cuivre permettait que je me rafraîchisse. Enfin deux fauteuils de cuir bien rembourrés et un petit lit à baldaquin complétaient mon mobilier. La pièce était lumineuse, bien éclairée par une fenêtre protégée par de lourds rideaux bleus. Le matin, la lumière du soleil levant inondait ma chambre et venait la réchauffer. Pour le soir, on allumait un feu dans une petite cheminée. Le sol était couvert par un tapis importé d’orient dont, petite, je scrutais pendant des heures les représentations, tellement elles me fascinaient. Je les regardais autrefois et les imaginait prendre vie et danser sur le sol de ma chambre. On avait aussi tapissé les murs de couleurs claires dont les motifs élégants s’entrecroisaient.

    Je me regardai dans le grand miroir. J’étais libre de le faire sans craindre aucune reproche. Au couvent, j’avais souvent peur d’être surprise dans ce plaisir coupable. Ici, je jouais, je prenais des poses, je dégrafais mon col. Après plusieurs poses, j’ai eu une idée un peu folle. J’ai plus amplement ouvert ma robe et déboutonné ma chemise. Je pouvais presque deviner les pointes érigées de mes seins. Quelle impudence ! Cela me fit frissonner. Très vite, je me rhabillai honteuse, c’était mal. Une fois encore, je m’étais montrée arrogante. Je me jetai sur mon lit. Étendue là, je me suis laissée aller et bientôt je somnolais. Au bout de quelques minutes, j’entendis quelques coups timides frappés à ma porte. Ma chère Manon, mon amie de toujours était là. Nous restâmes embrassées pleurant l’une contre l’autre la mort de notre petit Philippe. Ensuite, nous essuyâmes nos larmes. Manon avait mon âge, nous avions grandi ensemble et tout partagé depuis l’enfance. Quatre années de séparation n’avaient rien changé pour moi. Ma Manon remplaçait la sœur dont le destin m’avait privée. Elle m’avait apporté quelques vêtements plus rustiques pour notre promenade dans le parc ; mais j’avais une nouvelle chemise très jolie et brodée que je voulais porter. Je lui demandai de se tourner, ce qu’elle fit en riant, et en faisant mine de se retourner brusquement pour me surprendre. Je me dépêchais de passer mes habits : jupe, chemise et une petite gourgandine. Je prenais toujours un grand soin de mes vêtements. Manon était moins préoccupée de son apparence ; elle était vigoureuse et en bonne santé, cela lui suffisait. Dans nos jeux de l’enfance, elle tenait toujours le rôle de mon mari ou bien du chevalier voué à ma protection et à mon service. Moi, j’étais la dame de ses pensées, elle me regardait avec adoration et me traitait avec courtoisie. Pleine d’entrain et d’énergie, elle aimait à se coiffer d’une simple queue de cheval. Elle avait des épaules plus large que les miennes, sa poitrine plus opulente que la mienne emplissait la chemise simple qu’elle portait. Ses yeux étaient verts et pétillants, son regard vif dévoilait toute son intelligence, sa sensibilité et l’attention qu’elle me réservait. Elle riait à tout propos. Manon était courageuse jusqu’à l’intrépidité. Sous son influence, je m’étais laissée convaincre, malgré mes premières réticences d’apprendre à grimper aux arbres, à en sauter sans peur et sans dommages et même à nager.

    Tout cela ne s’était pas fait sans quelques égratignures et quelques pleurs ; mais mon père aimait Manon et appréciait cette influence. Il pensait que la force et l’exercice n’étaient jamais inutiles même pour une jeune fille. Alors nos jeux purent continuer car personne n’aurait osé le contredire. Ensemble, nous avons appris à monter. Au bout de quelques années, nous étions toutes les deux devenues des cavalières émérites. Nos courses passionnaient les habitants du château. Je perdais souvent parce que, pour ne pas m’abîmer, il fallait que je monte en amazone alors que Manon faisait ce qu’elle voulait. Je dois dire, à ma grande fierté que je l’ai quelquefois battue. À l’épée, en revanche, on avait disposé les choses pour que toujours je l’emporte. Voyant notre intérêt pour cette arme, mon père n’aurait pas supporté que je risque d’être défaite par la fille de son intendant. Donc, il fit venir, pour moi seule, un maître d’armes. Le procédé n’était pas vraiment équitable, mais il fallait l’accepter, il était le Comte. Comme j’étais assez déliée, à douze ans je pouvais me battre très correctement, et selon Papa, me défendre en cas de problème. Hélas, un jour ces jeux avait cessé. Comme toutes les jeunes filles, il avait fallu quitter mes parents et le château de Jonvelle, théâtre adoré de mes jeux, ma place dans le monde était à ce prix. Quand je repense aux larmes versées par Manon ce jour-là, et puis aux miennes ; j’ai encore un serrement de cœur. J’avais le sentiment de la trahir, de l’abandonner. Après quatre années au couvent, je m’étais sans doute affaiblie, j’avais certainement beaucoup oublié. Placée au couvent pour acquérir les « qualités féminines », j’avais dû abandonner l’escrime et l’équitation. Mon programme était de devenir jolie, gentille et douce. J’ai fait de mon mieux.

    Nous sommes sorties bras dessus, bras dessous en bavardant comme si nous ne nous étions jamais quittées. Ensuite, nous avons couru et c’est hors-d’haleine que nous nous sommes arrêtées juste devant le petit lac qui était au fond du parc. Sans l’ombre d’un doute, Manon se déshabilla et se jeta à l’eau comme autrefois. Puis, elle me fit signe de venir la rejoindre. J’hésitais un peu parce que je n’avais pas nagé depuis très longtemps et surtout, je me demandais si devenue femme, c’était acceptable de se laisser ainsi aller. Finalement, défiée par Manon, je délaçai ma gourgandine, retirai ma jupe et j’osai rejoindre Manon. J’avais été sotte d’hésiter l’eau était délicieuse et je savais encore nager. Il fallut enfin sortir de l’eau pour se sécher. C’était gênant, nos chemises collées à notre peau par l’humidité ne cachaient plus rien de nos formes. Je rougis parce que la mienne qui n’était pas conçue pour le bain, était devenue très transparente. J’étais exposée aux regards de Manon qui ne pouvait se détacher des pointes de mes seins, érigées par l’eau fraîche. Nous étions toutes les deux embarrassées. Ma pauvre Manon, troublée par cette vision ne parvenait pas à cacher son émoi. Elle rougissait plus que moi encore. Elle saisit mes mains de ses mains tremblantes, m’approcha tout contre elle comme si elle voulait m’embrasser. Tout mon corps désirait ce contact, mais il ne fallait pas. Après une seconde de sidération, je me libérai d’elle avec un rire un peu forcé dans lequel elle pouvait deviner tout mon désarroi. Dans un mouvement pudique, je recouvris mes parties. Je lui dis ensuite qu’elle était bien folle. Ensuite, un peu troublées encore ; nous nous sommes laissées sécher en silence. Heureusement, sur le chemin du retour au château, nous avions pu reprendre nos bavardages et oublier cet incident. Dans mon malheur, il y avait une consolation. J’avais retrouvé Manon.

    Chapitre 3: Blanche a changé

    Manon

    Enfin, un matin sinistre on annonça la mort du petit Philippe

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