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Meurtres sur la Banquise: Maratse, #2
Meurtres sur la Banquise: Maratse, #2
Meurtres sur la Banquise: Maratse, #2
Livre électronique266 pages3 heures

Meurtres sur la Banquise: Maratse, #2

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À propos de ce livre électronique

David Maratse s'établit dans le village arctique isolé d'Inussuk pour profiter de sa retraite anticipée, au moment où un yacht d'expédition est découvert au bord de la banquise. Des taches de sang ont gelé sur les ponts. Trois des membres de l'équipage gisent inconscients dans la cabine, les autres sont morts ou ont disparu.

 

Frustré par une enquête qui piétine, le propriétaire du yacht engage Maratse pour accélérer la procédure et récupérer un journal perdu qui aurait été écrit par le défunt chercheur polaire Alfred Wegener.

 

L'enquête conduit Maratse des pics gelés groenlandais, ravagés par le vent à la capitale allemande, Berlin. Mais alors qu'il est sur le point de trouver le journal, il se rend compte que l'identité du meurtrier camoufle un enjeu bien plus important. Sa propre vie et celle de ceux qu'il aime et dont il se soucie s'engluent dans une machination d'envergure internationale.

 

Meurtres sur la Banquise est le deuxième livre de la série Crimes au Groenland. Si vous aimez la série Islande Noire de Ragnar Jónasson et les polarsd'Yrsa Sigurdardottir avec ses héros Freyja et Huldar, vous apprécierez les thrillers de Christoffer Petersen qui se déroulent dans le paysage arctique le plus captivant au monde.

 

Plongez-vous dès aujourd'hui dans la lecture de Meurtres sur la Banquise, le deuxième volet dela série Crimes au Groenland !

LangueFrançais
Date de sortie2 nov. 2023
ISBN9798223671466
Meurtres sur la Banquise: Maratse, #2
Auteur

Christoffer Petersen

Christoffer Petersen lives in southern Denmark. He grew up on Jack London stories and devoured any book to do with the Arctic and dog sledging. In 2006 he encouraged his Danish wife to move to Greenland and spent seven years learning about the one of the most exciting countries and cultures in the world. While in Greenland, Chris started writing crime stories and thrillers set in Greenland and the Arctic. He graduated from Falmouth University with a Master of Arts in Professional Writing in 2015, shortly after moving back to Denmark. Chris makes a living writing about Greenland.

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    Aperçu du livre

    Meurtres sur la Banquise - Christoffer Petersen

    Christoffer Petersen

    Meurtres sur la Banquise

    ~ 2e volet de la série Crimes au Groenland ~

    (traduit de l’anglais par Françoise Chardonnier)

    Titre original :

    Blood Floe

    pour le Clan Harfeld,

    à eux tous, sans exception !

    Note au lecteur

    Meurtres sur la Banquise est la deuxième histoire de la série Crimes au Groenland qui met en scène le personnage principal, le lieutenant David Maratse. Même s’il est inutile de le préciser, les lecteurs apprécieront davantage Meurtres sur la Banquise après avoir lu le premier livre de la série : Sept Tombes, Un Hiver.

    Maratse et d’autres personnages comme Petra Jensen et Gaba Alatak font également leur apparition dans des nouvelles ayant le Groenland comme toile de fond. Il n’est pas nécessaire de lire ces histoires avant de se plonger dans Meurtres sur la Banquise. Mais chacune d’elles contient des informations qui situent la personnalité du lieutenant David Maratse.

    Si vous souhaitez en savoir plus sur Maratse, lisez The Greenland Trilogy (non encore traduit en français), trois thrillers qui se déroulent au Groenland, à commencer par The Ice Star, où Maratse fait sa première apparition.

    Les habitants du Groenland parlent le groenlandais, dont quatre dialectes au moins, ainsi que le danois et l’anglais. Dans de nombreux aspects de la vie quotidienne, le groenlandais de l’ouest et le danois sont les langues de travail. Meurtres sur la Banquise est écrit en anglais et truffé de mots groenlandais et danois utilisés de manière opportune, comme :

    Groenlandais de l’est / Groenlandais de l’ouest / Français

    iiji / aap / oui

    eeqqi / naamik / non

    qujanaq/qujanaraali / qujanaq / merci

    À l’exemple de la langue, la chasse de subsistance est un facteur identitaire du Groenland. Celle-ci est exercée dans le but de se nourrir et de gagner sa vie avec des bijoux en os et des articles en peau et en fourrure, en particulier pour les familles du Grand Nord.

    La chasse est un aspect crucial de la vie au Groenland, dont celle aux baleines qui est l’un des thèmes explorés dans Meurtres sur la Banquise. Et nous, moi y compris, n’apprécierons jamais véritablement la place centrale occupée par la chasse dans le mode de vie des Groenlandais. Des aspects de cette vie sont évoqués dans cette histoire pour donner de la profondeur à la culture fascinante du Groenland et au pays lui-même.

    Chris

    Mai 2018

    Danemark

    Glossaire de mots groenlandais de l’ouest

    aap – oui

    ana – grand-mère

    anaana – mère

    angakkoq – chaman

    ata – grand-père

    ataata – père

    eeqqi – non (est du Groenland)

    iiji – oui (est du Groenland)

    imaqa – peut-être

    kaffemik – célébration, fête

    kamikker/kamiks – bottes en peau de phoque

    mattak – peau et graisse de baleine

    naamik – non

    qajaq – kayak

    qujanaq – merci

    tuttu – renne

    ukaleq – lièvre arctique

    Du soleil de minuit,

    De la nuit hivernale,

    Noire comme la tombe,

    Pas un mot …

    Nous connaissions à peine

    Ceux qui se sont perdus

    Traduction par l’auteur de

    NORDPOLEN

    de

    LUDVIG MYLIUS-ERICHSEN (1872-1907)

    Fra Midnatssolen,

    fra Vinternatten,

    den gravkammer-sorte,

    intet Bud...

    Vi kender jo knapt

    dem, der blev borte

    Meurtres sur la Banquise

    1

    Malgré son caractère insondable pendant le long hiver polaire, l’obscurité est toujours ponctuée de lumière : la lune aux reflets argentés sur la surface de la banquise, les écharpes vertes et blanches dansantes des aurores boréales dans le ciel nocturne noir, les étoiles scrutant, comme autant de piqûres d’épingles de lumière primordiale, les minuscules villages et communautés accrochés telles des berniques sur la côte ouest hostile du Groenland. Les maisons ajoutent une lumière chaude, artificielle, avec des carrés jaunes projetés sur la neige par des fenêtres aux vitres épaisses, les petites lumières rouges de l’antenne radio scintillent au-dessus du cimetière au pied de la montagne qui surplombe le village d’Inussuk et l’extrémité d’une cigarette rougeoie à quelques centimètres des lèvres de l’homme dont le faisceau de la lampe frontale balaie la plage de sable noir enneigée, à la recherche du chien espiègle qui échappe au harnais.

    Le lieutenant de police retraité David Maratse connaissait le côté obscur du Groenland. Pendant ses années de service, il avait vu plus d’actes maléfiques que l’hiver le plus sombre ne pouvait en cacher. La cigarette calée dans l’espace entre ses dents, il lissa de ses mains nues les sangles du harnais, plaquant son pouce sur le nœud de fil huilé qu’il avait attaché à l’extrémité d’une ligne de couture rigide. Le matelassage des sangles d’épaule, aussi épais que son petit doigt, avait été le plus difficile à coudre, la taille et les dimensions lui avait donné du fil à retordre, alors que la banquise s’était épaissie et que le chien s’était tortillé et contorsionné entre ses genoux, mordant le mètre à ruban chaque fois que le bout se balançait trop près de sa gueule. D’autres chasseurs qu’il connaissait auraient peut-être renoncé à ce chien en le jugeant indomptable, se seraient montrés moins patients, plus pressants, mais Maratse avait le temps et il devait en réalité une fière chandelle à cet animal : plus il le pourchassait, moins il sentait la douleur dans ses jambes et moins il pensait à l’origine de son supplice. Il fourra le harnais dans la poche cargo de sa combinaison isotherme et s’assit sur la peau de renne qu’une corde en peau de phoque attachait en zigzag aux sièges cabossés de la luge en bois. La peau aux poils creux était raide de froid et il sentait les stries lui entrer dans les fesses.

    Il éteignit sa lampe frontale et termina sa cigarette dans le noir. Le cabot finirait par revenir, se dit-il, comme toujours quand il ne lui prêtait pas attention. Il entendit le léger crissement de la neige sous les pattes du chien qui pataugeait vers lui. Il sentit la douce humidité de sa langue sur le dos de sa main et le froid de sa truffe s’enfouir dans la chaleur de son cou. Il fourragea dans la fourrure perlée de glace, caressa la poitrine et les solides épaules jusqu’au collier autour de son cou

    - Salut, Tinka, dit-il

    Le chien trépigna sur la neige au moment où Maratse se leva, le fit tourner d’une main ferme et le cala entre ses genoux. Il tira le harnais de sa poche, le lissa et glissa le collier par-dessus la tête du chien. Il lui fit plier les pattes qu’il passa l’une après l’autre dans les ouvertures triangulaires du harnais. Il saisit, juste au-dessus de la queue du chien, la boucle raide de la corde attachée à l’extrémité du harnais et laissa l’animal se dégager d’entre ses jambes en se tortillant. Il le tira sur la plage enneigée jusqu’au pied de la glace, puis sur celle-ci, vers l’endroit où l’attelage était ancré. Il le positionna dans les traces et accrocha un petit mousqueton dans la boucle de la corde. L’animal geignit lorsqu’il tourna les talons et reprit la direction de la plage pour aller chercher le traîneau

    - Suffit, Tinka 

    Il prit son temps, accrocha le sac aux montants arrière du traîneau, telle une immense enveloppe. Il souleva le rabat en toile, s’assura une dernière fois qu’il avait tout ce qu’il fallait pour le voyage. L’attirail plus volumineux, la tente, le réchaud métallique pliable, le carburant, la nourriture et les vêtements étaient attachés à l’avant du long et large traîneau, lui laissant juste assez de place pour s’asseoir de guingois entre la cargaison et les montants. Le fusil qu’il avait acheté au fossoyeur Edvard était rangé dans un sac en toile fixé au traîneau, à la manière d’une carabine suspendue à la selle du cheval d’un cow-boy. Il agrippa les montants et se mit à pousser le traîneau en direction de la glace

    - Laisse-moi t’aider

    Maratse grogna un bonjour à son voisin Karl qui arrivait en faisant crisser la neige sous ses pieds et s’empara d’un des montants. Ils poussèrent ensemble le traîneau en le soulevant sur le pied de glace

    - Comment va la chienne 

    - M’en parle pas, répondit Maratse

    - C’est elle qui a embrouillé les lignes 

    - À ton avis 

    Karl éclata de rire. « Tu ne vas pas t’ennuyer pendant cette virée. 

    - Tu pourrais venir avec moi

    - Peut-être, répondit Karl, lorsqu’ils tournèrent le traîneau à moins d’un mètre de l’attelage ancré sur la glace. Il éloigna les chiens des patins du traîneau en frappant dans ses mains, tandis que Maratse accrochait un gros mousqueton dans les boucles en V d’une corde épaisse entre les pointes courbées à l’avant du traîneau

    - Qu’est-ce qui t’en empêche ? demanda Maratse en se dirigeant vers le nœud de lignes tenu par une chaîne prise dans la glace

    - Buuti prépare le repas de jeudi. Je dois l’aider

    - Hum

    - N’oublie pas que tu es invité. Karl envoya un coup de pied dans le barda attaché sur le traîneau de Maratse

    - Je n’oublierai pas

    - Bon. Karl alluma une cigarette et en offrit une à Maratse. « Le trajet est long jusqu’à Svartenhuk, même avec neuf chiens. 

    - Je sais. Maratse empoigna le paquet de lignes de trait. « Je n’irai peut-être pas jusque-là. Une nuit ou deux. Une courte virée au bord de la glace. » Il raidit son dos. « T’es inquiet ? 

    - Naamik, sauf que tu n’es plus policier, répondit Karl

    - Je sais

    Karl rejeta un nuage de fumée et ajouta : « Tu n’es pas forcé de courir au-devant des ennuis. 

    - Je ne cours au-devant de rien. Maratse souleva les lignes pour les libérer de la glace

    - Mon œil 

    Maratse grogna et tira les lignes vers le traîneau. Karl se dirigea vers l’arrière et agrippa les montants. La glace était molle sous ses pieds et il cala le bout de ses bottes contre une arête, bougea son pied pour se stabiliser, pendant que Maratse attachait les chiens au traîneau

    - Ah ! Maratse donna de la voix et les chiens se tinrent tranquilles l’espace d’un instant, à l’exception de Tinka. Il fit un pas dans la neige, lança un autre Ah, plus fort cette fois, et Tinka baissa la tête. Maratse garda l’œil sur ses chiens en se dirigeant vers les montants. Il adressa un signe de tête à Karl. « Dis à Buuti que je ne chercherai pas d’ennuis. 

    - C’est moi qui dis ça. Elle croit que tu es un chasseur. Mais je sais que tu es toujours dans la police. Du reste, ce sont plutôt les ennuis qui viennent à ta rencontre.

    - Ça ira. Maratse termina sa cigarette, s’accrocha aux montants et hocha la tête, alors que Karl reculait d’un pas

    - À jeudi, lança Karl avec une tape dans le dos de Maratse

    Le chien de tête était l’un des anciens leaders d’Edvard, une femelle répondant au nom de Spirit. Maratse espérait qu’elle l’aiderait à former Tinka. Spirit leva la tête, se dirigea à pas feutrés vers l’extrémité de la ligne qu’elle tira fermement. Maratse jeta un rapide coup d’œil au reste de l’attelage et donna l’ordre de tirer

    L’attelage tira sur les lignes et se mit à courir en éventail devant le traîneau. Seule Tinka se tenait en dehors de la formation, jusqu’à ce que l’élan de l’attelage la fasse rentrer dans le rang à l’extérieur, à gauche du traîneau. Maratse suivait en courant ; il accéléra et se déporta sur la gauche avant de bondir entre les montants et la cargaison. Il cala son dos contre le sac, trouva une position confortable pour ses jambes et tira le fouet de l’endroit où il l’avait fourré, sous la corde qui maintenait la tente au traîneau. Il déroula le fouet en peau de phoque aussi mince qu’un crayon, puis le laissa filer entre ses doigts sur une longueur de cinq mètres et traîner sur la glace derrière lui. Il tint la longue poignée en bois d’une main souple, fit claquer l’extrémité du fouet sur la glace à gauche des chiens, sourit pendant que Spirit tirait l’attelage vers la droite. Il ajusta le cap d’un autre claquement du fouet à droite, puis brida la poignée sous la corde tendue sur la peau de renne. Il allongea ses jambes en biais de façon à ce que les talons de ses bottes dépassent du siège. Il posa ses mains sur ses genoux, émit de doux claquements chaque fois qu’il sentait que l’attelage se mettait à lambiner ou que les chiens tournaient la tête à l’odeur d’un trou de pêche et d’entrailles gelées disséminées sur la surface de la glace

    La pénombre du milieu de matinée se mua en un gris triste. Maratse baissa la tête, chercha les cigarettes dans sa poche de poitrine qu’il aplatit contre la bande velcro et sourit à une pensée soudaine.

    - Piitalaat dirait que je fume trop.

    Il scruta l’épaisse couche de glace, une anomalie à en croire les climatologues, et tourna la tête pour sonder les ombres des icebergs figés sur place. L’un d’eux en particulier, un mastodonte à trois tours noueuses et tordues, aurait été à sa place dans l’un de ses livres de science-fiction préférés. Il sourit à l’idée d’installer son campement, d’allumer le réchaud et de lire à la lueur de la lampe, avec les chiens couchés en boule sur la glace à côté du traîneau. La retraite, se dit-il, offrait tout un tas d’opportunités et malgré la douleur dans ses jambes, il était encore jeune, à moins de quarante ans

    Le traîneau cahota sur une fissure dans la glace. Maratse repéra un étroit chenal, d’un mètre de large peut-être. Il tapa dans ses mains, émit quelques sifflets et cris d’encouragement. L’attelage prit de la vitesse, tira le traîneau et Tinka sur la glace ferme de l’autre côté de la brèche, tandis que Spirit prenait la tête. Maratse se pencha en arrière, fier de son attelage, satisfait de son environnement et ne faisant plus qu’un avec lui. Ils dépassèrent l’iceberg à trois tours et les ombres s’estompèrent, à mesure que la péninsule à la crête élevée s’aplatissait en une longue langue mince de granit enneigé qui se déroulait dans la mer gelée. Maratse vit la fumée d’air de condensation au large, dans le lointain, sur le bord fragile de la mer. Il vit autre chose aussi. Une ligne étroite courbée vers le haut, qui ressemblait à un mât. Il se pencha en avant lorsque les chiens, aussi curieux que lui, firent tressauter le traîneau. Sans les réprimander ni les encourager, il les laissa courir à mesure que sa propre curiosité grandissait et que la forme d’une coque large ancrée dans la glace se précisait à chaque mètre parcouru

    Une odeur, ou plutôt une puanteur, avait chatouillé le nez des chiens que Spirit forçait à avancer. Si Maratse n’avait pas été aussi occupé à observer la forme à l’horizon, il aurait pu remarquer que Tinka avait trouvé le moyen de courir à côté du chien de tête, en butant contre le flanc de Spirit. Il changea de position, s’agenouilla, puis se leva sur le traîneau, en tenant le montant d’une main ferme, et se pencha en avant

    Une tache sombre s’étalait sur la glace devant le bateau, une bande trop étroite pour pouvoir en définir la nature à cette distance, mais à la fois familière. Maratse donna des ordres longs et lents pour faire ralentir l’équipage et l’immobiliser enfin

    Il libéra la poignée du fouet et calcula le temps qu’il lui faudrait pour faire son premier pas sur la glace, ignora la douleur dans ses jambes lorsqu’il courut à la tête de l’attelage et fit ralentir celui-ci d’un claquement de fouet, en traçant des huit dans l’air glacial devant les chiens qui s’arrêtèrent. Des glaçons pendaient à leurs museaux. Maratse saisit Spirit, passa sa main entre ses yeux et dans la fourrure froide de sa mâchoire. Il repéra un piolet planté dans la glace et y arrima l’attelage avant de détacher le traîneau et d’observer le bateau qui se trouvait devant lui

    C’était un yacht d’expédition à la coque en aluminium renforcée pour la glace, un bateau que Maratse avait déjà vu sur la côte est, dans un passé lointain. Il reconnut la large coque, le généreux poste de pilotage en verre sur le pont et le nom sur le flanc : Ophelia

    Le yacht était ancré sur la glace par deux lignes attachées à un piolet. La proue était enfoncée dans la glace, scellée sur plusieurs mètres de chaque côté de la coque. Les voiles étaient ferlées et rangées, les haubans couverts de glace givrée et les ponts alourdis par des couches de glace ancienne et de neige récente. Il se trouvait là depuis plusieurs jours, une semaine peut-être

    Maratse détourna les yeux du yacht pour examiner la tache sur la glace. Deux bandes sombres de sang s’échappaient de la coque. La trace s’arrêtait à un mètre de son traîneau. De deux choses l’une : soit de la neige fraîche recouvrait le sang, soit la blessure avait été pansée. Il laissa son regard errer sur les pics semi-circulaires de Svartenhuk, puis sur le yacht. Le sang était plus frais que la glace sur le pont. Il avança d’un pas, se surprit à se rappeler les dernières paroles de Karl. Il chassa cette pensée et parcourut les derniers mètres jusqu’à la coque. Il trouva une échelle à tribord, cria quelque chose en anglais et monta à bord

    De la neige était tombée pendant la nuit. Une fois arrivé sur le pont, Maratse se pencha pour essuyer un hublot en contrebas qui avait la forme d’une larme longue et mince. Une faible lumière éclairait l’intérieur du yacht. Il colla son nez sur le plexiglas, cligna des yeux, puis reprit son souffle en remarquant un corps, celui d’un homme, étendu par terre avec un couteau à large manche dans l’estomac.

    2

    L’air dans la cabine était lourd de sang et d’excréments, dernier acte physique de l’homme qui se meurt. Maratse détourna son regard des marches qui menaient du pont à la cabine. Il attendit une seconde, puis descendit dans la cabine, une main posée à plat sur la cloison. Il scruta l’intérieur faiblement éclairé. Deux autres membres de l’équipage, un homme et une femme sveltes, étaient affalés à la table et l’extrémité des longs cheveux blonds de la femme balayait le crâne chauve de l’homme. Une autre femme, effondrée par terre, avait dû déraper dans le sang. Elle avait du sang sur le front, collé dans ses cheveux noirs courts. Ses bras formaient des angles inconfortables, comme si sa chute l’avait surprise. Il s’avança dans la cabine, posa sa main sur le dessus du meuble qui faisait saillie dans la pièce, la retira immédiatement et regarda le sang collé à ses doigts et

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