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Un antisémitisme ordinaire: Représentations judéophobes et pratiques policières (1880-1930)
Un antisémitisme ordinaire: Représentations judéophobes et pratiques policières (1880-1930)
Un antisémitisme ordinaire: Représentations judéophobes et pratiques policières (1880-1930)
Livre électronique461 pages6 heures

Un antisémitisme ordinaire: Représentations judéophobes et pratiques policières (1880-1930)

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À propos de ce livre électronique

À travers une enquête originale, cet ouvrage dévoile les mécaniques de criminalisation des juifs par la Police des étrangers entre 1880 et 1930. Il envisage cette criminalisation comme un racisme institutionnel engendré par la banalisation de stéréotypes judéophobes et interroge les pratiques et représentations de la Police des étrangers. 

Avant les années 1930, l'élite politique et intellectuelle belge ne revendique pas d'idées antisémites. Bien que connus pour leurs textes antisémites, Edmond Picard et Jules Destrée n'ont ni l’influence ni le succès d’un Charles Maurras, d’un Édouard Drumont ou encore d’un Adolf Stoecker. Cela signifie-t-il pour autant que l’antisémitisme est inoffensif en Belgique ?

Pour répondre à cette question, ce livre présente une enquête sur la surveillance exercée par les agents de la Police des étrangers sur les étrangers juifs de Cureghem entre 1880 et 1930. Fortement stigmatisé, le quartier de Cureghem est identifié comme juif, pauvre et étranger par les forces de l’ordre. Par conséquent, les juifs de Cureghem sont plus susceptibles d’être la cible de surveillances en fonction de la criminalisation dont ils font l’objet et qui varie selon les stéréotypes de l’époque et leur appartenance de classe, leur nationalité, leur genre, leur « race » et leur lieu d’habitation.

Illustré par différents récits de vie d’étrangers, cet ouvrage met en lumière les trois figures criminelles du juif étranger qui préoccupent la Police des étrangers : le « juif colporteur », le « judéo-boche » et le « judéo-bolchevique ». En conclusion, ce livre dévoile la présence de stéréotypes judéophobes au sein de la Police des étrangers et leur utilisation pour justifier des discriminations.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Yasmina Zian est docteure en histoire et spécialisée dans les relations entre institutions étatiques et groupes minorisés. Elle travaille sur l'antisémitisme, l’histoire coloniale et les politiques migratoires.

LangueFrançais
Date de sortie17 juil. 2023
ISBN9782800417479
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    Aperçu du livre

    Un antisémitisme ordinaire - Yasmina Zian

    Introduction

    Enquête au cœur d’un quartier immigré bruxellois

    L’enquête que nous proposons de présenter dans cet ouvrage s’est déroulée à Cureghem, quartier immigré de Bruxelles principalement habité par des étrangers juifs issus de divers pays. C’est ce groupe hétéroclite qui nous a plus précisément intéressée. Car il y a un sujet qui questionne les historiens : depuis quand peut-on réellement parler d’antisémitisme en Belgique et quelle forme prend-il ?

    Il est un fait que la Belgique était, à la fin du XIXe siècle, perçue comme une terre d’accueil grâce à ses lois libérales. Mais n’a-t-elle pas pourtant, dans ses instances de contrôle, produit un antisémitisme latent, non légitimé par le cadre national mais visible dans les discours et les pratiques quotidiennes des agents ? Cet antisémitisme diffus est-il remonté dans les structures hiérarchiques à la suite de la Première Guerre mondiale et des nouvelles vagues d’immigration qui l’ont suivie ?

    Pour répondre à ces interrogations, le sujet sera abordé sous différents angles. La question centrale étant : les juifs étrangers ont-ils subi une stigmatisation, une discrimination, voire une criminalisation particulière de la part des autorités belges, communales et nationales ? Si oui, quels en sont les indices tangibles, quels ont été les processus mis en œuvre, quels en ont été les acteurs ?

    Nous avons mené une enquête historique centrée sur le terrain, le parcours de vie des habitants du quartier organisé autour de la place du Conseil, où se situe l’hôtel communal d’Anderlecht et où vivent de nombreux étrangers. Dans une perspective microhistorique, nous avons allié analyse des archives et analyse sociologique pour dérouler un récit à la fois chronologique, politique et social.

    Dans une perspective comparative, nous avons suivi l’évolution des mécanismes de surveillance des étrangers en nous référant à trois périodes : l’avant-guerre, la guerre et les années 1920. Notre enquête, qui couvre un demi-siècle, a mis en évidence l’évolution, au fil des années, de l’obsession des administrateurs de la Police des étrangers pour la surveillance des étrangers, l’accumulation des renseignements et la façon dont ceux-ci sont récoltés à mesure que la surveillance s’élabore et se perfectionne au sein du jeune État belge.

    À partir des documents d’archives, nous avons cerné la façon dont se sont construits, selon les périodes, l’image stéréotypée du « juif de Cureghem », les représentations négatives qui l’ont accompagnée et le sort réservé à d’autres groupes ← 13 | 14 → d’étrangers. Il s’est également agi de replacer dans le contexte sociopolitique le discours et les pratiques des agents de la Police des étrangers à l’égard du « juif étranger » et de les confronter à d’autres discours tenus par les petits commerçants belges, le Consistoire israélite, la presse ou encore la Chambre des représentants.

    Construction de l’enquête

    La notion d’antisémitisme, le cas de la Belgique

    En Allemagne, l’expérience de la Première Guerre mondiale a radicalisé les mouvements antisémites. La rancœur engendrée par la défaite y a affermi et cimenté une haine devenue banale, celle des juifs. Mais qu’en est-il en Belgique ? En Belgique, pendant la période allant de 1880 à 1930, aucun mouvement ne s’est déclaré officiellement antisémite. Et l’expérience du conflit dont la Belgique est sortie victorieuse n’a pas radicalisé les quelques défenseurs de l’idéologie antisémite.

    Pourtant, des recherches de l’historien Lieven Saerens révèlent – sans pour autant le définir – la présence d’un antisémitisme latent en Belgique avant les années 1930¹. L’historien Jean-Philippe Schreiber indique quant à lui que les pratiques et mentalités des autorités belges pendant la Deuxième Guerre mondiale étaient largement imprégnées d’un habitus xénophobe² qui permettait une expression plus libre de la judéophobie lorsque les personnes identifiées comme juives étaient également étrangères. Cela étant, la définition de cet antisémitisme latent d’avant les années 1930 nécessite l’identification des formes et expressions d’hostilité à l’égard des juifs. Au fil de notre enquête, nous sommes arrivée à choisir le syntagme d’« antisémitisme ordinaire » que nous définissons de la sorte : l’antisémitisme ordinaire présent au sein d’une institution publique se caractérise par des pratiques et représentations négatives des juifs qui sont généralement cachées et larvées, mais qui se dévoilent dans certains contextes historiques ou à l’occasion de rapports de pouvoir, notamment avec les agents de l’État qui, sur le terrain, opèrent avec rigueur la surveillance des individus dont ils ont la charge, outrepassant parfois ainsi l’esprit du législateur.

    Nous utiliserons parfois le terme « judéophobie » comme synonyme d’« antisémitisme », de façon à le distinguer de l’antisémitisme tel qu’il était appréhendé à l’époque, à savoir comme une idéologie justifiant le rejet des juifs sur une base raciale. Le terme « antisémitisme », lorsque nous l’utiliserons, sera alors compris dans sa définition actuelle – celle donnée par l’Organisation des Nations unies – selon laquelle ← 14 | 15 → l’antisémitisme est une certaine perception des juifs qui peut inciter à la haine à leur égard. Par extension, les manifestations antisémites verbales ou physiques sont dirigées vers des individus juifs ou non juifs, leurs propriétés et leurs institutions et infra­structures communautaires ou religieuses³.

    Ainsi, à l’occasion de la Seconde Guerre mondiale, cet antisémitisme larvé a déclenché des réflexes profondément ancrés au sein des structures de l’État et permettant des pratiques judéophobes de manière plus efficace que toute réglementation ou discours politique. L’adjectif « ordinaire » révèle une parenté avec les phénomènes décrits dans l’ouvrage Banal Nationalism de Michael Billig⁴ et, d’une manière plus éloignée, avec la « banalité du mal » décrite par Hannah Arendt. À l’instar des travaux de Michael Billig et de ceux de Benedikt Anderson sur les Imagined Communities, cette recherche tente de mettre en lumière des pratiques discriminantes alimentées par des microprocessus d’identification qui structurent la vie quotidienne des individus⁵. En effet, pour comprendre les dynamiques d’exclusion, il ne faut pas uniquement observer les projets politiques et la rhétorique nationaliste, mais également étudier les groupes marginaux, les imaginaires, les schémas cognitifs, les dispositions sociales, les idiomes culturels, etc., quotidiennement reproduits à l’échelle individuelle afin de naturaliser l’appartenance nationale. Il nous semblait utile d’investiguer la question à travers la surveillance et le contrôle dont on fait l’objet les juifs étrangers autour de la Première Guerre, contrôle exercé par les agents de la Police des étrangers sous la tutelle de la Sûreté publique.

    Identifier et mesurer l’antisémitisme ordinaire au sein de la Police des étrangers

    Cet ouvrage interroge donc le caractère « banal » de la judéophobie en Belgique au sein de la Police des étrangers au tournant du siècle, et plus particulièrement à travers l’attitude de ses agents à l’égard des juifs étrangers de Cureghem, quartier d’immigration notoire de Bruxelles. À l’époque, la Police des étrangers a pour mission la surveillance des ressortissants étrangers sur le territoire belge et a le pouvoir de les en éloigner. Elle constitue un département de la Sûreté publique qui elle-même dépend du ministère de la Justice.

    Le terme « étranger » recouvre ici toute personne vivant en Belgique et n’ayant pas la nationalité belge. Celui de « juif étranger » caractérise tout individu identifié comme juif par la Police des étrangers et n’ayant pas la nationalité belge. En effet, ← 15 | 16 → dans le cadre d’une analyse de l’antisémitisme, la définition de Jean-Paul Sartre est utile. Selon cette dernière, est juif celui que les autres hommes tiennent pour tel⁶. Avec ce point de départ, nous pouvons considérer que dans les dynamiques de discri­minations antisémites, est « juif » tout étranger que la Police des étrangers tient pour « juif ». Par conséquent, dans cet ouvrage, l’usage du terme « juif » au singulier et en italique permet de souligner que, parfois, le vocable « juif » dans les écrits de la Police des étrangers n’est pas une réalité, mais une construction par des non-juifs de ce que serait le groupe social des « juifs ».

    Le matériau de base de notre enquête étant les dossiers individuels tenus par la Police des étrangers, il est nécessaire de vérifier la manière dont les juifs y étaient identifiés. Ainsi, l’étranger se définit-il comme juif ? Cela nous importe peu ; ce qui nous intéresse, c’est qu’il ait été identifié comme tel par la Police des étrangers. Nous reprenons donc, pour notre analyse, les catégories utilisées par les agents de la Police des étrangers eux-mêmes⁷. Quatre caractéristiques principales interviennent dans ce processus d’identification « ethnique » pour distinguer, parmi les étrangers, ceux qui sont identifiés comme juifs par la Police des étrangers. Les marqueurs visibles perçus et notifiés par l’agent tels que le prénom d’origine biblique (Rebecca, Rachel, Moïse, Isaac, Jacob, Chaïm…), le nom de famille à consonance allemande ou polonaise et parfois le lieu de naissance sont les critères qui dominent.

    Ces indications sont parfois « confirmées » par la mention « juif » inscrite dans le dossier par l’étranger lui-même, par un agent de l’administration de son pays d’origine ou par un agent belge.

    Même si elles sont parfois abusives et non fondées, ces mentions nous servent, aujourd’hui, de révélateurs de la typologie mise en œuvre par les agents. Elles sont autant d’indices qui permettent de savoir si l’agent a identifié l’étranger comme étant juif et selon quel critère.

    Il s’agit donc ici d’utiliser le référentiel emprunté à une époque pour l’analyse des discours et des pratiques des fonctionnaires de ladite période.

    À la lecture des documents, il apparaît que le nom et le prénom de l’étranger sont le critère prédominant dans le processus d’identification. Les archives et la littérature en témoignent. Le 9 mars et les 22, 23 et 24 décembre 1898, lors d’une séance de la Chambre des représentants, la gauche⁸ accuse d’antisémitisme les représentants du Parti catholique parce qu’ils refusent d’accorder la naturalisation aux personnes « soupçonnées d’être juives » : ← 16 | 17 →

    M. Lorand : Il est vraiment regrettable que, dans la Chambre élue d’un pays libre comme la Belgique, on puisse voir la majorité exclure aussi systématiquement des feuilletons de naturalisation le nom de tous les gens soupçonnés d’être juifs. Car, même parmi ceux dont les demandes ont été repoussées, il en est qui ne sont pas juifs du tout.

    […]

    Mais ils ont le malheur d’être nés en Allemagne, ou de porter un nom allemand, ou d’avoir pour prénom le nom de quelque patriarche de la Bible. Or, il suffit qu’un homme porte un nom allemand, ou l’un des noms habituellement portés par les juifs, tel Drumont ou Picard (rires), ou un prénom tel que ceux de Salomon, Abraham ou Isaac, ou un nom quelconque tiré de l’Ancien Testament, qui est cependant le premier des livres saints de la religion catholique, pour qu’il soit exclu au vote et que l’on voie se manifester cet esprit d’intolérance que je dois absolument dénoncer et flétrir⁹.

    Cette déclaration est faite le jour du vote des naturalisations, dont les résultats sont éloquents. Ont été refusées les demandes de MM. Adam Krutwig (négociant, né en Prusse), Frédéric-Napoléon Felder (industriel, né en Prusse), Salomon-Isaac Cohen (négociant, né aux Pays-Bas), Samuel-Max Collin (négociant, né à Bruxelles), Hirsch-Jacques-Lilie Marcuse (négociant, né à Berlin) et Simon Oswald (fabricant de dentelles, né en Prusse). Par contre, ont reçu un vote favorable les demandes de MM. Joseph Lagneau (directeur-gérant de la Société des forges Saint-Joseph, né en France), Hubert Haass (boulanger, né en Prusse) et Jacques-Auguste-Henri Matthis (agent comptable, né en Prusse). Cette dénonciation exprimée par le parlementaire est aussi reprise dans le Manifeste contre l’intolérance du comité Marnix, qui se donne pour mission de lutter et de dénoncer les injustices vécues par les juifs, les francs-maçons, les protestants et les libres-penseurs¹⁰.

    Qu’ils soient juifs ou non, se disent de religion juive ou non, certains étrangers sont identifiés comme tels par les députés. Il semble donc que ces prénoms soient associés, à cette époque, à la judaïté. Par ailleurs, le fait que certains étrangers « laïcisent » ou « catholicisent » leur prénom et ceux de leurs parents lorsqu’ils s’inscrivent en Belgique témoigne en partie des discriminations provoquées par la consonance de certains noms. Par exemple : Isaïe devient Charles et Rachel devient Rose, Israël devient Isidore, Léna devient Hélène, Abraham devient Adolphe, Lévi devient Léon, Moïse devient Maurice¹¹… Les changements de nom peuvent témoigner soit du rapport négatif de la société d’accueil à l’altérité, soit d’un marqueur d’acculturation, soit encore d’une incompétence des fonctionnaires à orthographier correctement les noms étrangers¹². ← 17 | 18 →

    Lorsque nous évoquerons les vagues migratoires amenant des juifs en Belgique, nous ne ferons pas usage de l’italique. Ainsi, par « juifs », nous comprenons ce que Jean-Philippe Schreiber appelle « le groupe sociologique des juifs » émergeant au XIXe siècle et défini par l’appartenance présumée au judaïsme¹³. Ce groupe n’est pas quantifiable statistiquement, contrairement aux « juifs religieux »¹⁴.

    Les pratiques, les représentations et la temporalité

    Ce travail a donc pour objectif de comprendre l’antisémitisme ordinaire à travers une approche des pratiques de la Police des étrangers à l’égard du juif étranger. « La technologie identitaire »¹⁵ de plus en plus subtile et issue de pratiques développées ou introduites pendant la Première Guerre – nous pensons par exemple à la carte d’identité – amène un nouveau mode de catégorisation et de surveillance des personnes étrangères et une nouvelle définition de « l’étranger ». Nous chercherons à démontrer ici plus spécifiquement comment les préjugés antijuifs et xénophobes, pendant la période étudiée, ont été mobilisés par la Police des étrangers pour justifier des mesures à l’encontre d’une catégorie d’étrangers, celle du juif.

    De manière plus délicate, notre enquête interroge la présence latente de l’anti­sémitisme diffus et collectif dans les représentations partagées par un groupe social et comprenant une fusion de stéréotypes attribués au juif et à l’étranger et de stéréotypes de classe, de genre, etc. Pour cela, nous nous baserons sur les discours des fonctionnaires et sur ceux de la société à l’égard des juifs étrangers.

    Finalement, il s’agira de comprendre comment la judéophobie se développe au fil du temps au sein de l’institution de la Police des étrangers en observant l’avant et l’après-Première Guerre mondiale. Les recherches comme celles de Frank Caestecker¹⁶ et de Gérard Noiriel¹⁷ ont déjà montré l’impact de la Première Guerre mondiale sur le fait national, donnant ainsi un caractère concret à la notion juridique et abstraite de « nationalité ». L’un pour la Belgique, l’autre pour la France, ces auteurs dévoilent comment le rejet des étrangers et le durcissement des lois à leur égard dans les années 1920 se sont développés parallèlement à la consolidation du modèle d’État-nation au sortir de la Première Guerre mondiale¹⁸. Ce modèle qui promeut l’identité nationale renforce le rejet de celui qui ne fait pas partie de la nation : l’étranger. Cette évolution ← 18 | 19 → influencera profondément, comme nous le verrons, à la fois les rapports des fonctionnaires à propos du juif étranger et le mode d’expression des préjugés sur les juifs dans sa forme et son intensité.

    Les archives : sur les traces d’une surveillance systématique et discriminante

    Travailler sur les juifs étrangers, c’est choisir le groupe le plus fragilisé parmi les juifs et par conséquent celui le plus susceptible de subir des discriminations. Les archives de la Police des étrangers contiennent un type de document unique en son genre : les dossiers individuels ouverts et mis à jour pour chaque nouvel étranger s’installant en Belgique. Ils fournissent un matériel de premier ordre pour appréhender l’attitude à l’égard des étrangers qui ont pu être identifiés comme juifs : quels sont les stéréotypes activés ? Quelles sont les discriminations mises en œuvre ? Ces questions permettent d’objectiver les mécanismes de xénophobie et leurs imbrications avec les expressions judéophobes.

    Les archives de la Police des étrangers et plus particulièrement les dossiers individuels des étrangers peuvent être abordés sous trois angles.

    Premièrement, l’aspect biographique des ressortissants étrangers dans les dossiers individuels permet de retracer leur parcours de vie, les raisons de leur arrivée, leur métier, leur vie sociale, leur statut de célibataire ou de chef de famille pour les hommes, les difficultés rencontrées, les menaces d’expulsion, les décisions les concernant. Grâce aux histoires individuelles qui sont relatées, nous pouvons percevoir la manière dont se construit la figure négative du juif de Cureghem et comment cette image évolue et se cristallise avec l’entrée en guerre, la révolution russe et l’afflux migratoire de juifs de Pologne dans les années 1920.

    Deuxièmement, l’analyse du système de fichage permet de constater – sur la base du type de formulaires complétés et des notifications de tel ou tel acte perçu comme déviant – comment la surveillance se développe et se systématise progressivement.

    Troisièmement, les dossiers de la Police des étrangers permettent d’établir le profil des agents. Ces derniers sont appréhendés en tant qu’acteurs de la surveillance¹⁹. Ensemble, ils constituent un groupe spécifique qui partage un habitus propre – au sens donné par Bourdieu, c’est-à-dire produit par « les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d’existence » et consistant en « des principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations »²⁰. Ainsi, l’habitus « assure la présence active des expériences passées qui, déposées en chaque organisme sous la forme de schèmes de perception, de pensée et d’action, tendent, plus sûrement que toutes les règles formelles et toutes les normes explicites, à garantir la conformité des pratiques et leur constance à travers le temps »²¹. Dès lors, ces fonctionnaires, en ← 19 | 20 → même temps qu’ils incorporent les préjugés dans le contexte de leur travail, en fonction du cadre qui leur est fixé pour mener à bien leur mission, sont imprégnés des discours politiques et des représentations présentes dans la société²². Les facteurs conjoncturels du métier de policier et les différents profils des agents ainsi que leurs attitudes et leurs discours doivent être pris en compte pour appréhender les différents niveaux de l’habitus. Cette analyse s’accompagnera d’une réflexion plus globale des modes de surveillance de groupes minorisés. Le terme de « surveillance » est pris ici dans son sens pragmatique, c’est-à-dire de surveillance d’État ayant pour objectif à la fois le contrôle, l’identification, le recensement, le classement des personnes et l’anticipation de leurs agissements. Ces archives nous donnent ainsi à voir la manière dont se déroulent les discriminations sur le terrain, dans la vie quotidienne des habitants de Cureghem.

    Cet ouvrage ne se limite pas à dévoiler la présence des préjugés judéophobes au sein de la Police des étrangers et par extension au sein de la Sûreté publique. En effet, si les agents traitant les dossiers d’étrangers sont ceux de la Police des étrangers, lorsqu’un contentieux apparaît, il est généralement réglé par les supérieurs des agents, parfois jusqu’au ministre de la Justice.

    Cette recherche éclaire également les dynamiques de discriminations du quotidien, qu’elles soient provoquées par de la xénophobie ou par des préjugés judéophobes de personnes déjà stigmatisées par leur condition sociale ou par un mélange de différents facteurs. Ces discriminations – bien que non généralisables à tous les étrangers juifs de Belgique – sont significatives parce qu’elles émanent d’un imaginaire collectif et influencent le parcours des étrangers.

    Une étude croisée

    Croisées avec d’autres sources telles que la presse, les archives des Communautés²³ israélites, les débats parlementaires et les archives du Parquet, les archives de la Police des étrangers permettent de lever le voile sur les questions centrales, à savoir : est-ce que les juifs sont identifiés comme étant un groupe particulier parmi les étrangers ? Le cas échéant, quelle est l’attitude de la Police des étrangers à leur égard ?

    Ces questions permettent d’aborder la notion d’antisémitisme ordinaire en travaillant sur une période antérieure à celle durant laquelle l’antisémitisme est organisé et revendiqué politiquement en Belgique, c’est-à-dire à partir des années 1930. Car il est un fait remarquable : les travaux sur l’antisémitisme en Belgique abordent généra­lement les années 1930 et la Deuxième Guerre mondiale. Or, si nous soutenons qu’il y a bien avant les années 1930, en Belgique, une judéophobie latente et non systématisée, elle s’apparente à de la xénophobie qui prend des formes moins virulentes lorsque l’étranger profite d’un capital économique important. ← 20 | 21 →

    Selon Joël Kotek, la plupart des recherches sur l’antisémitisme belge n’évoquent pas « la possible existence d’un habitus antisémite séculaire propre aux provinces de Belgique » et abordent « la crise des années 1930, la montée des mouvements d’extrême droite et de l’antisémitisme […] sous l’angle exclusif de la xénophobie »²⁴. Parmi ces recherches, les travaux de Lieven Saerens, du CEGES-SOMA et de la Fondation de la mémoire contemporaine (FMC)²⁵, autant d’études qui intègrent effectivement l’analyse de la montée de la xénophobie et du nationalisme à celle de l’antisémitisme. Nous inscrivons notre travail dans cette littérature. Ce choix est motivé par deux éléments. Premièrement, l’étude scientifique de l’histoire de l’antisémitisme nous semble devoir être appréhendée selon l’idée, relevée par Jean Vogel, que « l’anti­sémitisme n’est pas un phénomène métaphysique, une malédiction éternelle, ni même une constante trans­historique, mais dans sa nature comme dans ses modalités, […] un fait social, produit de l’histoire et même de plusieurs histoires (parmi lesquelles celles des communautés juives ne sont pas des objets passifs d’une histoire faite par d’autres) »²⁶. Deuxièmement, étant donné que nous travaillons sur des étrangers, exclure la possibilité que la judéophobie exprimée à leur égard soit teintée de xénophobie nous amènerait à essentialiser l’identité juive comme la seule valable pour l’analyse des parcours des étrangers. Comment, en effet, ne pas intégrer la composante xénophobe dans une analyse du rejet de non-nationaux ? D’ailleurs, comme nous le verrons, la nationalité intervient largement dans le type de stéréotype mobilisé contre le juif étranger. Ainsi, travailler sur l’antisémitisme sans intégrer la composante xénophobe, ce serait nier que les juifs présentent d’autres identités notamment sociales, économiques, de genre, politiques et culturelles pouvant être à l’origine de discriminations.

    L’approche microhistorique comme méthode d’investigation

    L’approche microhistorique met en lumière les attitudes des agents et surtout attribue le statut de protagonistes aux étrangers en les visibilisant dans le récit²⁷. Par ailleurs, l’analyse des discours et pratiques de fonctionnaires vivant dans ← 21 | 22 → une société dans laquelle l’antisémitisme politique est peu présent nécessite une approche bottom-up (du bas vers le haut). De fait, seule l’échelle micro, au plus près de la vie quotidienne des protagonistes, permet d’apercevoir des phénomènes non systématiques tels que l’hostilité latente envers certains groupes. La méthode de la microhistoire, en écrivant l’histoire des « petits »²⁸, redonne à l’individu une place importante dans le récit. Mettre en avant la façon dont les étrangers réagissent aux mesures institutionnelles permet de les appréhender comme des acteurs à part entière, à l’instar de Gérard Noiriel étudiant les stratégies narratives développées par les demandeurs d’asile²⁹ pour révéler autant leur intégration des exigences nationales du pays d’accueil que leurs tentatives d’y échapper³⁰. Les travaux d’Insa Meinen et Ahlrich Meyer portant sur les réfugiés juifs fuyant le nazisme rappellent également l’intérêt des récits individuels. En racontant les parcours de réfugiés, il s’agit, pour les auteurs, de faire apparaître le parcours des juifs persécutés dont le nom est tombé dans l’oubli³¹ et de rendre compte d’une partie de l’expérience de fuite, sans toutefois utiliser d’egodocuments (carnets de voyage, carnets intimes, correspondance…). Finalement, les parcours de vie ne servent pas uniquement de porte d’entrée, mais également de matériel annonçant des pratiques qui, si elles sont prises au cas par cas, éclairent des phénomènes qui se reproduisent régulièrement à l’échelle nationale.

    Construction de notre « échantillon »

    Notre corpus a été constitué pas à pas, par une méthode progressive, à partir des données que le terrain bruxellois pouvait fournir. Nos pas nous ont menée, avec des mouvements d’allers-retours, d’une instance à une autre : de la Police des étrangers (en tant qu’organe de surveillance des étrangers) aux services communaux chargés de l’enregistrement des résidents sur le territoire en passant par le Consistoire israélite de Belgique (organe chapeautant les différentes Communautés israélites et reconnu par l’État belge).

    Grâce aux archives de la Police des étrangers, la perspective microhistorique s’est révélée réalisable et d’une extrême richesse. Restait à définir la méthode de sélection des dossiers pour démarrer notre enquête, étant donné la masse impressionnante d’informations dont nous disposions. Pour la période de 1889 à 1912, quelque 500 000 dossiers individuels ont été ouverts. Cependant, ces dossiers reprennent tous les étrangers ← 22 | 23 → classés chronologiquement en fonction de leur entrée dans le pays. Pour trouver les dossiers concernant les étrangers qui ont pu être identifiés comme juifs par la Police des étrangers, il fallait d’abord trouver une piste pour cerner plus précisément ces étrangers pour ensuite revenir consulter les dossiers produits par la Police des étrangers.

    Pour construire l’échantillon qui servirait de base à notre étude, il fallait donc trouver une façon de centrer le travail sur un groupe donné… C’est un document de 1915 qui a retenu notre attention : une pétition de juifs orthodoxes demandant au Consistoire central israélite d’intervenir dans un conflit qui opposait les pétitionnaires à la Communauté orthodoxe. La solution nous était ainsi donnée : grâce aux adresses des pétitionnaires, nous pouvions cartographier leur lieu de résidence, dont une grande partie se situait à Cureghem. Nous avons décidé de prendre le quartier de Cureghem comme point de départ pour notre enquête.

    Présentation de Cureghem (quartier d’Anderlecht)

    Géographie, topographie et enjeux socio-économiques

    Cureghem est le quartier d’Anderlecht le plus proche du centre-ville de Bruxelles. Situé au sud-ouest de la ville, à l’extérieur du boulevard du Midi, il se trouve à la lisière du quartier de la Marolle. La topographie de Cureghem est particulière, car ce quartier se trouve en enclave entre la Senne, les chemins de fer – ligne ouest – et la gare du Midi, le canal de Charleroi et les boulevards de la ville construits sur le tracé de l’ancienne enceinte. Par ailleurs, l’abattoir d’Anderlecht, situé également à Cureghem et qui date des années 1880, domine le marché bruxellois et est un acteur primordial à Anderlecht (figure 1). De là partent les viandes vers les restaurants, charcuteries et boucheries tandis que les peaux se dirigent vers les ateliers de maroquinerie sur l’axe Cureghem-Molenbeek³².

    Le quartier de Cureghem, encore peu industrialisé au début du XIXesiècle, connaît des changements urbanistiques et démographiques importants tout au long du siècle. Carrefour entre différentes routes, Cureghem attire un grand nombre d’industriels, artisans et commerçants. La création de l’École vétérinaire en 1841, profitant de la présence de la Senne, joue également un rôle notable dans la dynamique du quartier, attirant de nombreux étudiants³³. Son urbanisation commence avec le percement du canal Bruxelles-Charleroi (1827-1832) afin que les industries profitent d’une voie navigable³⁴. Durant les années 1860, d’autres travaux d’envergure sont entamés : le voûtement de la Senne et la construction de la nouvelle gare du Midi par l’État³⁵.

    Les gares ferroviaires (station de Cureghem et gare du Midi) constituent l’un des éléments clés pour comprendre l’attrait que ce quartier représente tant pour les industriels que pour les artisans et les commerçants. Parmi ces derniers, il y a ceux qui ← 23 | 24 → ouvrent un négoce et les ambulants. Il est d’ailleurs remarquable que, tout au long du XIXesiècle, de nombreux juifs hollandais colporteurs de profession s’installent dans ce quartier, du fait de la proximité du chemin de fer nécessaire à leurs déplacements.

    Si Cureghem s’industrialise dans les années 1860³⁶, la commune d’Anderlecht, dans son ensemble, garde un caractère rural. Seuls 11 % de la superficie d’Anderlecht est urbanisée, principalement à Cureghem. Pour preuve, dans les années 1870, Cureghem abrite 44 % de la population anderlechtoise concentrée sur un nombre de rues limitées. Seules 37 voies publiques sont recensées et parmi elles, la rue Brogniez³⁷, qui fait partie de la zone utilisée pour la constitution de notre échantillon. Mais progressivement, le paysage évolue. Dans les années 1870 toujours, 86 industries³⁸ et beaucoup d’ouvriers s’y installent³⁹. Les années 1880 sont marquées par une nouvelle vague de grands travaux visant à accroître le bien-être de la population : la construction d’un réseau d’égouts, le début des travaux pour l’abattoir et en 1890, l’ouverture de l’hôpital d’Anderlecht bientôt raccordé à l’eau potable⁴⁰. Cureghem représente durant la période étudiée le cœur industriel de la commune et un espace majeur de l’industrie bruxelloise⁴¹.

    À partir de 1880, l’urbanisation bat son plein et la commune développe ses infrastructures communales. C’est à Cureghem, place du Conseil, que la maison communale, puis le commissariat central et l’administration sont implantés⁴². La place du Conseil prend des allures bourgeoises avec les nouveaux bâtiments de l’administration communale. Les rues avoisinantes telles que la rue de l’Instruction et la rue Brogniez restent plus populaires. C’est autour de cette place que se trouvent les rues de notre étude. Cureghem est, à l’époque, un quartier populaire où les conditions de vie restent longtemps précaires malgré le dynamisme économique et le rôle central du quartier pour la commune d’Anderlecht et la ville de Bruxelles.

    La politique communale

    À la fin du XIXe siècle, la population d’Anderlecht est encore largement néerlandophone, paysanne ou ouvrière et peu scolarisée⁴³. Au niveau politique, de l’indépendance de la Belgique jusqu’aux années 1870, le Parti catholique gouverne à Anderlecht. Le premier bourgmestre libéral, Jérôme-Justin Van Lint, est élu en 1872. Mais ses deux échevins sont catholiques et ce sont ces derniers qui dominent le conseil communal jusqu’en 1878. Les catholiques reviennent au pouvoir en 1882⁴⁴. La Première Guerre mondiale ne perturbe pas la politique communale dont l’administration reste ← 24 | 25 → en place sous l’occupation. Le développement des infrastructures se poursuit encore au XXe siècle : une nouvelle école est ouverte rue Georges Moreau et la Commission du canal de Charleroi prépare les travaux pour de meilleures communications avec les communes frontalières. L’analphabétisme, dont la proportion est à Anderlecht la plus importante de l’agglomération bruxelloise jusqu’en 1900, amènera d’ailleurs les édiles politiques à instaurer l’instruction gratuite⁴⁵.

    Figure 1 : Le quartier de Cureghem autour de 1900

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    Source : Eléonore de Villers (CC BY-SA 2.0)

    Un quartier d’ouvriers, d’artisans et de petits commerçants étrangers

    À la fin du XIXe siècle, Cureghem est l’un des quartiers les plus densément peuplés où vivent artisans, petits commerçants et ouvriers. C’est un quartier qui bénéficie d’une localisation et d’infrastructures propices au développement économique tant industriel que commercial. Traversé par les bras de la Senne, proche du chemin de fer avec la station de Cureghem et la gare du Midi, il offre de nombreuses possibilités pour les ateliers, les nouvelles industries, mais également pour les petits métiers pratiqués par les étrangers, nombreux à atterrir à Cureghem. C’est ainsi que ce quartier d’Anderlecht connaît plusieurs vagues d’immigration hollandaise, polonaise et russe, avec une majorité d’immigrés juifs.

    Le quartier de Cureghem peut être qualifié de quartier immigré sans être un ghetto à proprement parler. Contrairement au ghetto pris au sens d’un « pavillon ← 25 | 26 → d’isolement matériel et symbolique orienté vers la dissimilation »⁴⁶, le quartier immigré « est un tremplin vers l’assimilation via l’apprentissage culturel et la mobilité sociospatiale »⁴⁷. De fait, des familles juives retrouvent à Cureghem un quartier dans lequel elles socialisent avec d’autres familles aux parcours similaires et avec lesquelles elles développent des formes de soutien mutuel. La présence de juifs est visible dans ce quartier, comme l’annuaire de la Communauté israélite de Bruxelles le laisse présumer, déjà avant-guerre à travers les publicités de boucheries, épiceries et boulangeries casher (figure 2)⁴⁸. Les commerces alimentaires, qui sont minoritaires, ainsi que les imprimeries, maroquineries et magasins de vêtements participent à la vie du quartier et représentent des espaces de travail et de sociabilité⁴⁹. Bien que de nombreux juifs étrangers ne soient pas politisés, on retrouve à Cureghem, après la guerre, des associations témoignant d’un engagement politique. Dès 1918 paraît Kadimah, une revue sioniste dont le bureau de rédaction se situe à la même adresse qu’un centre culturel et religieux, le Beth-Zion⁵⁰. Certains des nouveaux habitants portent effectivement le projet sioniste, communiste ou socialiste bien plus que les juifs présents en Belgique depuis quelques générations⁵¹. Toujours à Cureghem, des groupes politiques créés dans les années 1920 utilisent d’ailleurs le yiddish comme langue véhiculaire⁵². Ces espaces sont autant des lieux de politisation que des lieux de socialisation pour les étrangers juifs fraîchement arrivés dans la capitale.

    En croisant différentes sources, nous avons pu replacer sur la carte les différentes institutions qui ont contribué à la vie juive du quartier étudié. Cette carte permet de visualiser le dynamisme du quartier et la variété des services, ateliers et magasins qui s’y trouvaient au tournant du XXe siècle⁵³.

    Le rôle du Consistoire

    Le Consistoire, conscient de la présence de nombreux étrangers juifs dans ce quartier, organise ou soutient différentes institutions israélites telles que l’école israélite rue Jorez dès 1884, une école gardienne sise rue de Fiennes en 1883, en 1886 rue

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