Religions Et Union Européenne
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À propos de ce livre électronique
Philippe Guillaume
Philippe Guillaume was born in 1934 to a family of Belgian diplomats. He entered the Belgian diplomatic service in 1960, joined the Belgian embassies in Kingston, Santo Domingo, Bonn, Warsaw, Paris, Tehran and returned to Brussels. He remains passionate about world politics.
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Aperçu du livre
Religions Et Union Européenne - Philippe Guillaume
Copyright © 2020 Philippe Guillaume. All rights reserved.
Première de couverture: Christ Victorieux: Sculpture d’Ania Pabis Guillaume
Quatrième de couverture: Photo de l’Auteur par Emmanuel Guillaume
No part of this book may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted by any means without the written permission of the author.
Published by AuthorHouse 07/22/2020
ISBN: 978-1-7283-9953-9 (sc)
ISBN: 978-1-7283-9952-2 (e)
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TABLE DES MATIÈRES
Préface
Avant - propos
Communication au lecteur
Introduction
Définition du pouvoir et de la religion
PREMIÈRE PARTIE
HISTOIRE DE L’EUROPE VUE SOUS L’AN
GLE DES RELATIONS ÉGLISES / ÉTATS
Chapter 1 L’Europe avant la chute de l’empire romain
Chapter 2 L’Europe après la chute de l’Empire romain: Moyen-âge et puissance de l’Eglise pendant la pré-Renaissance. Etablissement des premiers piliers de l’Europe d’aujourd’hui
Chapter 3 L’Europe des XV et XVI siècles
Chapter 4 Les premiers bouleversement idéologiques
DEUXIÈME PARTIE
ÉTAT DES RELIGIONS EUROPÉENNES
À LA MI-XX°SIÈCLE
Chapter 5 Position générale des chrétiens
Chapter 6 Les catholiques
Chapter 7 Les orthodoxes
Chapter 8 Les protestants
Chapter 9 Les Scandinaves
Chapter 10 Les libéraux
Chapter 11 Les socialistes
Chapter 12 Les franc-maçons
Chapter 13 Les Juifs
Chapter 14 Les écologistes
Chapter 15 Rôle de la notion de démocratie dans la pensée européenne
Chapter 16 La Laïcité
Chapter 17 Les musulmans
TROISIÈME PARTIE
LA FONDATION DE L’EUROPE
Chapter 18 Que se passe-t-il dans cette Union européenne?
Chapter 19 Les fondements de l’Europe
Chapter 20 Rappel de la situation internationale au moment où l’idée européenne prend forme
Chapter 21 Les courants religieux fondamentaux dans l’Union européenne
Chapter 22 Le Vatican et la mise en route de l’idée européenne
Chapter 23 Les Millennials
QUATRIÈME PARTIE
POSITIONS DES ÉGLISES SUR CERTAINS
POINTS DE DOCTRINE
Chapter 24 L’éducation
Chapter 25 L’enseignement dans les religions sans véritable assise territoriale en Europe
Chapter 26 Le rôle la femme
Chapter 27 Droit de vote
Chapter 28 La notion de liberté
Chapter 29 L’Eglise et la notion de commerce
Chapter 30 L’Eglise et la recherche scientifique
Chapter 31 L’Euro
Chapter 32 Domaines non exploités par l’Union européenne
Chapter 33 L’armée
Chapter 34 Les flux migratoires
Chapter 35 Relations avec la Chine
Conclusion
Documentation
Discours des quatorze points du Président Wilson (8 janvier 1918) devant le Congrès des États-Unis
Charte de l’Atlantique
Allocution du sixième Noël de guerre du Pape Pie XII. (Noël 1944)
Lettre Au Peuple Américain D’osama Bin Laden
PRÉFACE
Écrire un livre n’est pas un travail solitaire. Une personne peut vous donner une idée, tandis qu’une autre corrige une phrase mal écrite. Luciana Ruas a acquis une connaissance approfondie du sujet en traduisant le texte français en anglais. Corinne Van der Kindere était un contributeur actif, tout comme Edmond Dekoster. Ils ont une grande part dans le livre et dans mes remerciements chaleureux.
Bien qu’ils vivent ici et là et bougent souvent, j’ai, en Algarve, réussi à maintenir un lien fort avec mes quatre enfants, Emmanuel, François, Agnès et Dominique, mes petits-enfants Elise, Kasia, Hélène, Amelia Thérèse, Bettina, Mélusine, Sarah, Myriam et Séraphin, ainsi que mes arrière-petites-filles, Olympe et Céleste. Le réseau de soutien constant de la vie familiale a été particulièrement utile.
Philippe Guillaume
AVANT - PROPOS
Intéressé par la présence à Bruxelles de représentations officielles de différentes églises auprès de l’Union européenne, j’ai remarqué que l’influence religieuse dans l’Union européenne est un sujet peu étudié. Et à tort.
To deny, as often done in Europe and America today, the truth of supernatural realities, including prophecies and miracles, is equivalent to accept as good a pantheistic cosmic worldview in which neither man nor God are free. It is equivalent to accept a purely deterministic, or a purely chaotic cosmos. Such a world would be meaningless.
(Dr.Julio A. Gonzalo, professeur Université de Madrid).
J’ai envisagé d’étudier le fonctionnement de l’Union sous l’angle religieux. Que de découvertes! Cependant, ce travail ne fait que soulever des pierres et découvrir la plante cachée en dessous. A d’autres d’étudier ces différents aspects de la vie européenne.
Ne pensez pas qu’il s’agit d’une étude approfondie. Non. Comme écrit Paul Valéry:
l’idée, le principe, l’éclair, le premier moment du premier état, le saut, le bond hors de la suite… À d’autres, préparations et exécutions. Jette là le filet. Voici le lieu de la mer où vous trouverez. Adieu.
Mais, attention aux points aveugles que sont des réalités inconcevables, invisibles
pour le contemporain. Amin Maalouf cite, comme exemple, l’absence des femmes dans la Déclaration des Droits de l’Homme: à l’époque, elles n’étaient pas incluses dans la déclaration d’égalité et ce n’était pas par refus de les incorporer: tout simplement personne n’y pensait. Il en va de même de la pollution qu’on ne voyait pas comme un risque grave pour la santé. Puisse la sagesse m’éclairer en évitant de tels points aveugles.
Mais aussi, l’impératif de tenir compte des sensibilités de chacun par une réflexion "sine ira et studio" sur ces religions qui ne laissent personne vraiment indifférent, que l’on soit pour ou contre, ou que l’on croit être pour ou contre. Charles De Gaulle a bien décrit ce recul monacal vis-à-vis des rumeurs de la ville:
Dans le tumulte des hommes et des événements, la solitude était ma tentation. Maintenant elle est mon amie.
Un petit récapitulatif historique montre l’évolution des relations entre les églises et le pouvoir civil. Ce sont les racines profondes de notre vision européenne du monde. Vous y noterez des différences parfois majeures entre les différents Etats-membres: faut-il pour cela tenter de réduire toutes ces positions à un commun dénominateur? Je ne le pense pas mais je crois qu’il faut reconnaître ces différences, les respecter et tendre des passerelles entre elles.
Je pense utile de définir le cadre religieux de l’Europe. Par cadre religieux, je pense à une façon de vivre, de réfléchir, d’avoir une échelle des valeurs. Par contre, le maintien et la transmission d’une foi vivante revient aux instances religieuses, aux théologiens ou simplement aux adeptes.
Depuis le Moyen-âge, l’église catholique est la principale religion de l’Europe. Aujourd’hui c’est encore le cas. Ainsi, sur une population totale de 730 millions on compte:
des catholiques (49%),
des protestants et anglicans (12%),
des orthodoxes (8%)
des autres chrétiens (4%).
des musulmans (2%)
des irréligionistes, des athées et des agnostiques (23%).
La présence pendant de nombreuses décades du Royaume-Uni au sein de l’Union a laissé de nombreuses traces: j’en tiens compte dans la mesure où elles ont infléchi le cours de l’UE.
COMMUNICATION
AU LECTEUR
En abordant ce livre, vous serez sans doute sceptique. Puissiez- vous me suivre dans mes découvertes et mes raisonnements. Cela vous fera voir l’Union européenne sous un angle différend et vous comprendrez mieux certaines attitudes.
Bonne lecture !
"Le semeur est sorti pour semer, qu’il veille ou qu’il
dorme, la semence pousse et il ne sait comment"
(Marc, 4,26-27).
De tous les actes, le plus complet est celui de construire
(Paul Valéry).
INTRODUCTION
Peu, beaucoup, crient et chuchotent, persuadent et pensent que c’est la fin de l’Europe. Il y a dix ans c’est la crise économique, puis la Grèce et aujourd’hui les immigrés, les terroristes et la montée de l’islam.
On répand l’information que l’Europe est malade, ne va pas bien, va se déliter, l’euro n’aura pas une longue vie. Il y a une ambiance de lassitude, de scepticisme, de fatigue de l’Europe, d’incompréhension de son rôle, de nostalgie à l’égard de l’ancien système.
En même temps, pas question de toucher aux acquis de l’Europe, ni à ses piliers que sont les quatre libertés fondamentales de libre circulation:
1. la libre circulation des biens,
2. la libre circulation des capitaux,
3. la libre circulation des services,
4. la libre circulation des personnes.
Concernant les acquis, on citera encore la sécurité des normes européennes, la sphère grandissante du domaine juridique, celle du budgétaire et, sans s’en rendre compte, la paix européenne.
Quelles contradictions !
Mais c’est aussi la démonstration que « quelque chose » ne va pas. Delors avait coutume de dire: « on ne tombe pas amoureux d’un grand marché ». Ce désir fut affirmé dans son discours de 1992:
"si dans les dix années à venir, nous n’arrivons pas à donner un sens, un souffle, une âme à l’Europe, nous aurons perdu la partie ».
Mais, qu’est donc l’Europe? L’Europe est une idée, une grande idée, une magnifique idée, née dans les cendres de deux guerres mondiales et de deux guerres civiles, la russe et l’espagnole. Ce qui est remarquable, c’est sa base sociale large et durable, son respect du droit, sa recherche continuelle du bien commun, de règles communes pour affirmer cette solidarité nouvellement acquise après la guerre, et son rayonnement comme exemple de nations en paix et en développement économique.
Mais les Européens, à l’écoute de ceux qui veulent la destruction ou au moins la baisse de réussite de l’Union, commencent à douter et à tout remettre en question. Il ne faut pas nier qu’il est possible de tout défaire et, partant, de reconstituer cette Europe divisée et assoiffée de guerres. C’est un choix: ce n’est pas le mien.
Je ne veux plus voir les canons français dirigés sur Berlin et les canons allemands dirigés sur Paris ou Varsovie. Je ne veux plus voir ces peuples en guerre civile avec eux mêmes. Je ne veux plus voir ce soleil noir de l’horreur, de la faim et de la soif, des amitiés rompues et des familles divisées, la mort plus intense que la vie.
Philippe Guillaume
La paix rompue en 1990 avec l’éclatement de la Yougoslavie a donné une image sinistre d’une guerre à nos portes. L’Ukraine envahie par la Russie en Crimée et à l’Est en est une autre.
Vous qui cherchez la fin de l’Union européenne, allez voir ces souffrances et demandez-vous si c’est cela que vous souhaitez pour vos enfants, votre épouse, votre mari: chômage, tortures, viols et morts.
L’Europe est ce continent à l’Ouest du continent de l’ Asie. C’est le continent le plus petit géographiquement mais aussi le plus dense. A l’inverse des autres continents, il jouit d’un climat généralement tempéré, suffisamment chaud pour que les terres arables soient cultivables toute l’année mais, suffisamment froid pour tuer de nombreux germes. Le terme d’ Europe
- provenant de la civilisation gréco-latine ressuscitée avec la Renaissance - l’emporte sur celui de chrétienté
au XVII°.
Selon l’Iliade, Europe, jeune fille ravissante, est enlevée par Zeus, le dieu tout puissant de l’Olympe déguisé en taureau blanc, pour devenir sa femme.
Cette Europe est caractérisée par:
– une diversité des religions (catholique, protestante, anglicane et orthodoxe);
– une diversité de langues;
– une homogénéité culturelle liée à un éparpillement du pouvoir politique;
– une diversité des nations;
– une frontière orientale mal définie;
– des territoires d’outremer.
L’Europe est un plat garni: la France et l’Allemagne sont le rôti, l’Italie le légume, les Pays-Bas la sauce et la Belgique le cresson
Charles de Gaulle
L’Europe est une table d’hôte recherchée avec une vue sur les mers au sud et à l’ouest. Au nord et à l’est, sont assis à cette table des voisins qui y participent mais isolent l’Europe et en font une presqu’île: ce sont trois populations, deux aux bords orientaux et une au bord méridional de l’Europe; elles prennent des décisions dont l’influence se fera sentir jusqu’à ce jour:
– les Turcs: pendant un siècle et demi, de nombreux Turcs deviendront musulmans sunnites. Puis ils se convertiront en masse, en partie pour avoir accès aux bienfaits matériels des régions musulmanes. Mais aussi à cause du côté pratique, et de la valeur que l’Islam attribue aux éléments moraux auxquels les Turcs étaient traditionnellement attachés.
– les Russes: ils descendent des Vikings Rus. En 988, le Grand-Prince Vladimir décide de faire baptiser les Russes dans la religion orthodoxe. Cette branche de l’Orthodoxie a un passé beaucoup moins missionnaire que celui des Catholiques, des Anglicans, et des Protestants et s’est essentiellement limitée à la Sibérie. Cette conversion a eu un effet de prise de conscience de la puissance orthodoxe: l’Eglise et l’Etat gèrent ensemble le pays. Les Etats orthodoxes de l’Union européenne (Grèce, Roumanie, Bulgarie et demain les Serbes, les Nords-Macédoniens et les Monténégrins), en sont proches. Ces Etats forment la partie méridionale de l’Axe Finlande - Grèce qui a été un des grands enjeux de l’histoire de l’Europe et forme la frontière entre orthodoxie et catholicisme/luthéranisme.
– les Musulmans avec une religion liée à l’autorité politique: les Arabes (Maures ou Berbères) qui ont dominé longtemps la Méditerranée avec leurs prises d’esclaves européens, la Sicile et, surtout, la péninsule ibérique. Ils y ont créé un royaume puissant et ouvert à la culture. Chassés d’Europe au milieu du XV° siècle, ils cherchent à y reprendre pied, surtout en Espagne et en France.
L’autre côté de la table, sont les puissances maritimes. L’Allemagne qui contrôle l’Europe centrale mais avec un accès à l’Atlantique par Hambourg et Brême.
Le Royaume-Uni qui défend le passage entre la Russie et l’Océan Atlantique qui ne peut se faire qu’en traversant l’étroite Manche ou la plus large GIUK (Groenland, Islande, Royaume-Uni) qui est une frontière maritime non visible dont le passage est contrôlé par les marines britanniques et américaines.
Face aux îles britanniques, deux Etats qui, baignés dans le double estuaire de la Meuse et du Rhin, ont les plus grands ports d’Europe: les Pays-Bas avec Rotterdam, la Belgique avec Anvers, Gand et Zeebrugge. La France et l’Espagne avec un double accès à l’Atlantique et la Méditerranée. Le Portugal, à la proue sud-ouest de l’Europe qui a indiqué au monde l’existence de nouvelles routes maritimes. Enfin les Etats méditerranéens: l’Italie, la Grèce, Chypre et Malte.
Notons aussi que l’Europe dispose de peu de terres gelées, quasi pas de déserts et des rivières aux cours tranquilles permettant une utilisation commerciale ou aussi délimitant un pays. La liaison Rhin - Danube a permis de mieux intégrer l’Europe du Centre/Sud-Est avec l’Europe occidentale.
L’Europe se présente comme le continent avec le plus de penseurs, de théologiens, d’artistes, d’écrivains et de musiciens. L’Europe abrite la civilisation héritière de Rome et d’Athènes. Elle est une résultante d’un métissage culturel unique au monde. Elle est le seul continent où la pomme de terre est sa nourriture de base.
L’Europe c’est aussi, comme le précise Léo Moulin, le continent intellectuellement fécond, dominateur, dangereux. A l’inverse des autres civilisations qui ont connu un arrêt suivi d’une disparition, l’Europe a vécu une série de
révolutions" qui devaient déboucher sur l’actuelle révolution, la plus magnifique, mais aussi la plus traumatisante de toutes celles qu’elle a connues.
L’Europe est une terre de défi, d’aventure, de dépassement, d’avant toutes."
Sans le
rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu", la société européenne aurait connu, tour à tour, le règne des régimes théocratiques et des césaro-papismes; les tentatives et les tentations n’ont pas manqué.
Elle connait, au contraire, malgré son lourd passé séculaire de brutalités en Afrique, en Amérique latine, en Russie, en Espagne et en Allemagne, la démocratie, le respect de la dignité humaine, la solidarité, la science, le progrès, hérités de l’humanisme de la Renaissance et de la ‘philosophie des
Lumières".
DÉFINITION DU POUVOIR
ET DE LA RELIGION
A - Le pouvoir.
Comment définir le pouvoir, que ce soit dans un Etat ou dans l’Union européenne?
Le pouvoir est constitué de trois éléments que nous retrouvons dans l’Union européenne:
– la religion,
– l’organisation politique (les pouvoirs législatifs, exécutifs judiciaire et la presse) et
– l’organisation économique.
Cette organisation préexistait, dans chaque Etat, à la fondation de l’Union européenne, et c‘est sur ce socle que s’est construite l’Union européenne.
(1) - L’organisation politique:
Montesquieu l’a magistralement décrite dans l’Esprit des lois
. Ce livre, publié à Genève en 1748, critiqué par les jansénistes, sera suivi par la Défense de l’Esprit des Lois de Montesquieu publié en 1750. Le Vatican mettra ce livre à l’index en 1751. Ce livre servira à la rédaction de la constitution Américaine qui a adopté son principe de ‘checks and balances’ et de la Française de 1791 qui a adopté la séparation des pouvoirs. Son trait fondamental est le libéralisme.
Montesquieu a distingué trois pouvoirs: le législatif ou pouvoir de formuler et voter les lois; l’exécutif ou pouvoir de gérer le pays en appliquant les lois votées par le législatif; et, enfin, le judiciaire ou pouvoir de juger les différents entre parties civiles ou de condamner ceux qui enfreignent la loi.
Depuis cette époque, le rôle de la presse s’est imposé au fil des ans et est devenu un pouvoir important.
Montesquieu, qui a observé la monarchie parlementaire anglaise et vit dans la monarchie absolue française, a aussi préconisé une limitation des pouvoirs par le pouvoir: pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir
.
Du temps de Montesquieu, comme celui des Romains et des Grecs, l’humanité de l’Europe occidentale s’était rapidement divisée en riches et pauvres, en puissants et moins puissants. Grâce à cette division arbitraire mais réelle, Montesquieu a posé un diagnostique qui reflète les relations entre la bourgeoisie et l’ensemble de la population de l’époque.
Sous l’Ancien Régime, c’est cette bourgeoisie qui gère les paysans et en façonne le génie. Il s’agit de ceux qui décrivent les règles de fonctionnement de la société mais aussi, ceux qui sont comptables du maintien et du développement de la culture au sens le plus large du terme.
Un esprit avisé comme celui de Montesquieu a décrit le fonctionnement qui devrait être celui de la société au sein de laquelle il vit. Mais, telle n’est pas la réalité car il y a un souverain absolu, un parlement qui enregistre les décrets royaux après avoir vérifié leur compatibilité avec la législation existante. Quand il y a contestation, le parlement, en vertu de son droit de remontrance, est forcé de se réunir en lit de justice en présence du roi en un appareil judiciaire qui juge au nom du souverain; la justice est l’autre bras du pouvoir du souverain.
Donc pas de séparation des pouvoirs et pas de régime parlementaire.
En France, sous l’Ancien Régime, le lit de justice est une séance solennelle du parlement par laquelle le roi ordonnait à cette assemblée d’enregistrer les édits et ordonnances qu’elle contestait en usant de son droit de remontrance.
Au XVIII° siècle, c’est en Angleterre, puis aux Etats-Unis et, enfin, en France que ces trois pouvoirs commencent une vie plus autonome. Le XVIII° voit également le développement de la colonisation et la mise en place de l’ordre nouveau du système constitutionnel européen établi par les traités de Westphalie.
Au XIX°, c’est une nouvelle Europe qui émerge. L’argent de la Révolution industrielle et de la colonisation va disputer à l’ordre ancien son arrogance. Celle-ci sera, à son tour, au XX° siècle, mise en question avec la montée au pouvoir des divers socialismes au cours de la première moitié du XX° siècle: socialisme, communisme et nazisme.
A ces divisions verticales de la société s’ajoute une division horizontale. On peut distinguer essentiellement trois strates.
La supérieure est, dans tous les pays, la couche fine de la haute bourgeoisie qui comprend les décideurs, ceux qui s’avancent dans la nuit du futur en entrainant leur peuple. Un trait caractéristique est ce souci de bousculer l’existant pour assurer le futur. On y retrouve les hommes politiques, les dirigeants d’entreprise, la direction religieuse, les chercheurs scientifiques et ceux qui sont chargés de transmettre par l’éducation, voire d’élargir, le passé culturel du pays. Ces personnes, souvent, ont une vision différente de la vie.
Au dessus de cette strate, il y a le chef de l’Etat qui appréhende la vie de son pays depuis son sommet.
La strate médiane est celle qui assure un fonctionnement quotidien du pays. C’est la moyenne et la petite bourgeoisie. On y retrouve les professions libérales (médecins, architectes, avocats, pharmaciens, enseignants et professeurs) et les entrepreneurs.
Si cette partie de la population est peu développée, elle cherchera à s’accorder avec ceux de la couche supérieure. Cela incitera cette dernière à agir en se rapprochant de plus en plus d’une dictature.
Si, au contraire, cette couche est élargie et atteint parfois 80% de la population, elle dépasse alors la masse critique. Elle se sent suffisamment importante et nécessaire au bon fonctionnement du pays pour pouvoir infléchir les dictats de la haute bourgeoisie. C’est le début d’une démocratie politique.
Au cours de la seconde moitié du XX° siècle, l’Europe occidentale a réussi à avoir une petite et moyenne bourgeoisie qui atteint parfois les 85 %. C’est le moteur étonnant d’un développement économique et scientifique important.
Enfin, il y a ceux qui n’ont pas la chance de faire de bonnes études et qui se résignent à suivre ce que la petite et moyenne bourgeoisie leur demande de faire. Au XIX° siècle ils sont nombreux, au XX° siècle, grâce à l’enseignement obligatoire, à la mécanisation et au développement de la révolution du numéraire - et bientôt des robots - leur nombre diminue fortement (en agriculture de 35% au début du XX° siècle elle est tombée à 2% dans les années 1960).
Si ces divisions se réfèrent principalement à la société civile, elles trouvent leur origine dans la sphère religieuse.
Revenons à Leo Moulin qui se revendique d’être athée (Etre athée, pour moi, c’est avoir la force de vivre sans avoir la foi
). Son analyse de la réussite du régime politique et constitutionnel des ordres religieux est pertinente. Cette analyse met en lumière, a contrario, les problèmes devenus récurrents des démocraties européennes.
"Première observation: à s’en tenir au seul plan de l’approche sociologique, on observera que la vision de l’homme sur laquelle repose le régime politique et constitutionnel des ordres religieux et
de l’Eglise est réaliste, concrète, sans illusion, très éloignée, en tous cas, de celle qu’a élaborée la ‘philosophie des lumières’. Les ‘toxines’ dont il a été question plus haut (i.e. les dysfonctionnements de la démocratie) ont donc moins d’occasions d’agir: quand l’homme n’est pas pris comme la ‘mesure de toutes choses’, autrement dit, quand il existe, en dehors de lui, et ne dépendant pas de lui, un absolu transcendantal, les valeurs humanistes - liberté, égalité et les autres - ont moins de chance de ‘déraper’ et de connaître des ‘dérives’ (en principe l’histoire prouve que cela n’a pas toujours été le cas, tant s’en faut).
"Deuxième observation: jamais les ordres ni, a fortiori l’Eglise, n’ont sacralisé ou absolutisé les pouvoirs des supérieurs - l’obéissance n’y est jamais inconditionnelle, comme le sera celle du SS ou du militant communiste. Le moine qui reçoit un ordre qu’il juge impossible à exécuter a le droit de présenter ‘les raisons de son impuissance’. Il en va de même pour le jésuite: même si on lui demande une ‘obéissance aveugle’, le droit de présenter des objections est accordé, et, de toute façon, l’obéissance est limitée par le refus du péché.
"D’autre part, ni les techniques électorales, ni la majorité ne sont porteuses de vérité. La vox populi, vox Dei n’est pas cléricale. Nous sommes loin de J-J. Rousseau…
"Troisième observation: les ordre religieux et, a fortiori, l’Eglise, n’ont jamais adopté un gouvernement d’assemblée, solution particulièrement néfaste aux régimes démocratiques. Il n’est pas paradoxal d’affirmer que, d’une certaine manière, ils ont connu un régime politique mixte, dans lequel on retrouve, en proportions variables mais équilibrées, selon les ordres, des éléments démocratiques, aristocratiques et monarchiques. Ces mots étant pris évidemment dans une acception quelque peu différente de l’acception traditionnelle. Le modèle le plus typique à ce propos est, à mes yeux, les constitutions de l’ordre des Frères prêcheurs: une cathédrale de droit constitutionnel.
"Quatrième observation: les ordres religieux, pas plus que l’Eglise, évidemment, n’ont jamais eu l’idée de rédiger une règle ou des constitutions en utilisant les lumières de la seule raison. De l’Ecriture sainte, des expériences et des écrits antérieurs (la Règle du Maître pour saint Benoît), de la réflexion, de la vision personnelle du fondateur, sont issus des textes tout à la fois inscrits dans la tradition et originaux. En termes d’histoire des doctrines politiques: Burke et pas Sieyès.
Dernière observation: en écrivant de qui précède, le sociologue ne pense nullement à réduire la foi aux dimensions d’un moyen fonctionnel et, par conséquent, efficace de gouvernement. Ce qu’il entend souligner, c’est que la foi, et les valeurs qu’elle véhicule, sont comme le sang qui circule dans les veines: elles les inspirent, les dirigent, les contrôlent, les équilibrent (en principe). C’est un sentiment puissant, actif, envahissant. Sur le plan des régimes laïques, l’équivalent serait l’esprit (religieusement) civique des cités grecques ou de Rome, des communes suisses, flamandes ou italiennes, de la Révolution française et celle d’Octobre 1917, du ’républicanisme’ de la III° République ou du patriotisme qui gère la guerre de 1914-1918.
Dans la tradition européenne, le chef de l’Etat est:
– soit un monarque qui accède au pouvoir par un droit de succession. Il est considéré comme le chef suprême. Seule exception: en Belgique où le roi est roi des Belges et non roi de Belgique. Le monarque est en place pour la vie et propose une vue à long terme: dans les débats éthiques de ces dernières années, il est remarquable de noter que les nouvelles approches ont été plus facilement acceptées dans les royaumes. Peut-être parce que la signature du monarque n’implique pas un choix dicté par un parti politique.
– La papauté suit un régime entre royaume et république avec un souverain, le pape, élu par un collège électoral formé par les cardinaux, et nommé à vie.
– Soit un président: c’est à la suite de la Révolution américaine qui crée la République que les Européens commencent à investiguer la notion de république. Une Constitution en sept articles et amendée 27 fois sert de base juridique à cette nouvelle forme de gouvernement. Le Chef de l’Etat est le chef d’une majorité, il doit veiller, comme tout politicien, à être réélu. Il n’a pas le rôle de chef impartial qui dédie sa vie à son pays.
La France est pionnière et, depuis la Révolution française, elle a, tour à tour des régimes républicains, royalistes et deux empires.
Qu’ils soient monarques ou présidents, les chefs d’Etat ont une position qui touche le religieux. La position la plus claire est celle du souverain britannique à la tête de l’église anglicane, suivie par les souverains qui se font couronner puis par le roi des Belges et, enfin, par les présidents: en cas de cérémonie religieuse, ils sont placés dans le cœur s’ils assistent à la cérémonie en tant que chefs d’Etat.
Ce n’est que peu à peu, et principalement après la première guerre mondiale, que les Etats européens commencent à créer des républiques dont les principales sont: la plus ancienne étant la France, la Russie, l’Allemagne, l’Irlande, le Portugal et la Pologne.
A ses débuts, l’Union européenne est formée par trois monarchies et trois républiques.
Le pouvoir législatif, est détenu par une ou deux chambres, généralement élues par la population au rythme de tous les quatre ou cinq ans. Il leur revient de