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Fécondité de la foi abrahamique: Tome 1
Fécondité de la foi abrahamique: Tome 1
Fécondité de la foi abrahamique: Tome 1
Livre électronique385 pages4 heures

Fécondité de la foi abrahamique: Tome 1

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À propos de ce livre électronique

La religion est une question si sensible que peu de personnes osent y prêter leur plume de peur d’écrire des banalités ou de choquer des communautés. L’on ne cessera pourtant pas de débattre de ce sujet tant qu’il y a aura des hommes sur la terre. L’unité dans la religion est la mission fondamentale dévolue au dernier des prophètes, restaurateur et unificateur de la foi abrahamique. La foi dans la destination du dialogue interreligieux qui m’habite repose essentiellement sur ce socle enfoui en moi. Le désir de communiquer sur le sujet tire sa source dans le fait que, seulement récemment, juste après qu’elle eut appréhendé le danger d’expansion islamique à long terme en Europe, l’Église catholique romaine invite les chrétiens à respecter l’islam et les musulmans, et elle leur en fait même un devoir. Ce pas prodigieux de l’Église catholique romaine vers l’Islam qui implique que l’on renonce à toutes les affirmations polémiques et négatives tenues à propos du prophète Muhammad dans le passé est déjà une grande réforme et pourrait être l’une des prémisses de la reconnaissance de Muhammad comme un prophète, une autre grande réforme, peut-être la dernière avant l’ultime, c’est-à-dire la reconnaissance du fait que la religion est un processus dont le début et le parachèvement est la soumission au Dieu unique c’est-à dire l’islam. L’humanité s’achemine de plus en plus vers la soumission au Dieu unique au point qu’il est inutile d’écrire un livre de plus sur l’islam. L’ouvrage qui est ici soumis à l’attention du public exalte l’autre volet de l’islam qui est la promotion de la paix ; il traite non seulement des trois monothéismes avec le même égard, mais il met aussi l’accent sur le fait que les similitudes décelables entre elles recèlent de preuves éloquentes qu’elles ne sont pas apparues ex-nihilo, mais qu’elles ont bien emprunté leurs conceptions à une même source. Il invite à une relecture rigoureuse des Écritures qui permet de déceler que, nulle part, Jésus n'est divinisé et suscite le retour à cette foi primordiale dont le combat du prophète Abraham est l’expression exemplaire. Il indique amplement ce que le Coran recèle de plus que les Livres révélés qui l’ont précédé et qui en fait le support de restauration et d’unification de la foi abrahamique. N’est-ce pas par leur foi que les musulmans ont apporté la plus riche contribution à la science universelle ? Ce n’est pa
LangueFrançais
Date de sortie10 juin 2013
ISBN9782312010830
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    Aperçu du livre

    Fécondité de la foi abrahamique - Ismaël Kaffo

    978-2-312-01083-0

    Prolégomènes

    Le concept de foi abrahamique réfère principalement aux trois grands monothéismes que sont le judaïsme, le christianisme et l'islam dont les Livres révélés, c'est-à-dire la Bible et Le Coran, évoquent la figure du patriarche Abraham. Le concept est notamment utilisé lorsque l’on étudie les liens historiques, géographiques, culturels et doctrinaux entre ces trois courants religieux. La portée du concept peut varier sensiblement et la pertinence de son usage peut être contestée selon que l’objet de l'étude se situe dans le champ de l’histoire des religions, celui d'une théologie transversale ou bien d'une théologie propre à l'un de ces courants religieux. Les courants religieux de souche abrahamique se sont progressivement développés à partir de l’espace géographique compris entre l'Égypte, la Grèce, la Mésopotamie et l'Arabie. La Mésopotamie qui fut, entre le sixième et le premier millénaire avant le prophète Jésus, l’un des plus brillants foyers de civilisation est la région de l’Asie occidentale, entre les fleuves du Tigre et l’Euphrate, correspondant à la majeure partie de l’Iraq et la Syrie actuels.

    Le judaïsme est l'une des plus anciennes traditions du monothéisme exclusif encore pratiquées aujourd'hui. Les valeurs et l'histoire du peuple juif sont à la source des deux autres courants, le christianisme et l'islam. Les Juifs fondent le judaïsme sur la religion d’Abraham qui fleurira ensuite dans la Loi mosaïque (la Torah, les Nevi'im et les Ketouv’im), collectivement désignés par l'acronyme Tanakh, dont le texte constitue la Miqra ou Bible hébraïque. Les liens de parenté entre ces trois courants monothéistes reposent aussi sur ceux de leurs Livres révélés et des traditions qui les ont portés. Le christianisme a conservé la Bible hébraïque qu’il a appelée Ancien Testament ; il l’a complétée ensuite par le Nouveau Testament pour former la Bible. Dans l'islam, Le Coran remplace tous les Livres antérieurs en reprenant les éléments fondamentaux de ceux-ci, notamment les figures des prophètes Abraham, Moïse et Jésus, les restaure de façon à en faire un texte qui serve de fondement aussi bien aux institutions politiques qu’aux prescriptions religieuses. Le Coran embrasse quasiment tout le champ de l’investigation intellectuelle pour devenir le principe constitutif de tout groupe humain, en particulier de ceux adhérant à l’islam. C’est dire que bien plus qu’une religion, l’islam est une forme d’organisation politique et sociale qui a permis à ses adeptes de parvenir à une unité jusque-là jamais réalisée. Les liens de parenté entre le judaïsme, le christianisme et l'islam se perçoivent enfin dans le développement de leurs philosophies respectives qui se sont influencées mutuellement tout au long de l'histoire.

    L’unité dans la religion peut être une destination du dialogue interreligieux qui est amorcé consécutivement aux effets des contacts entre les civilisations, lesquels ont secrété des échanges entre les cultures. Peu de mobiles peuvent, en effet, justifier cet excès de vertu qui, soudain, et pour la première fois depuis quatorze siècles, amènerait les deux plus grandes communautés religieuses qui se sont, jadis, farouchement combattues à entamer le dialogue. Le temps est peut-être proche où on devra unanimement admettre que la religion est un processus dont le début et le parachèvement est la soumission au Dieu unique, c’est-à dire l’islam. Islam qui signifie aussi paix a été le fer de lance des combats des prophètes parmi lesquels les six principaux sont Noé, Abraham, Moïse, David, Jésus et Muhammad. Leurs discours et actes constituent la Révélation, messages divin pour les humains. À travers les prophètes donc, Dieu a voulu promouvoir la paix non seulement entre les humains, mais aussi paix entre leur Créateur et eux.

    Il est d’usage de désigner par prophètes ceux qui ont reçu la Révélation, qu'ils aient été envoyés avec de nouvelles prescriptions ou pas, puis de distinguer entre eux, en les désignant par messagers, ceux des prophètes qui ont reçu un ensemble de prescriptions qui est nouveau - soit que cet ensemble de prescriptions soit nouveau par rapport à l'humanité tout court ; ce fut les cas de Abraham, de Moïse, et de Muhammad ;- soit qu'il soit nouveau par rapport au peuple vers lequel ce prophète est dépêché ; ce fut le cas de Ismaël, dont Dieu dit qu'il était prophète et messager (Coran 19:54) : les prescriptions que Ismaël a apportées aux habitants de l'Arabie n'étaient pas nouvelles dans l'absolu mais étaient constituées de ce que son père Abraham avait apporté ; cependant ces prescriptions étaient nouvelles par rapport aux habitants de l'Arabie, auprès de qui il était envoyé. Il faut donc comprendre que Jésus est un prophète et il est le seul à porter le titre de messie.

    Dieu avait envoyé chacun des prophètes et messagers pour, en gros, la même mission, la soumission de l’homme au Dieu unique qui s’exprime en arabe par islam. Ils ont été envoyés, en général, à des époques différentes et dans des circonstances différentes. Le prophète Abraham et son neveu, le prophète Loth avaient, par exemple, été envoyés à la même époque. À cette époque, en effet, les communautés étaient isolées les unes des autres à cause de la quasi inexistence des moyens de transports et de communication.

    Toutefois, le dogme de l’islam est antérieur au prophète Muhammad qui n’eut point la prétention d’enseigner une religion nouvelle, mais continuer, restaurer et parachever cette foi primordiales dont Dieu trouva dans le combat du prophète Abraham l’expression exemplaire. C’est Dieu, Lui-même, qui a désigné cette foi par le vocable islam. Ces personnages sont loin d’être des hommes ordinaires. Le plus énigmatique d’entre eux est, sans conteste, le prophète Jésus de par sa naissance et son rappel à Dieu notamment. Dieu nous fait rappeler dans Le Coran son titre de messie, c’est-à-dire qu’il est le sauveur dont le règne est attendu à la fin des Temps ; c’est dire que Dieu l’a magnifié en le considérant plus qu’un prophète comme le stipule : « Il n'y aura personne, parmi les gens du Livre, qui n'aura pas foi en lui avant sa mort. Et au Jour de la Résurrection, il sera témoin contre eux (les Juifs). » (Coran 4:159). Mais le plus prodigieux, celui qui a le plus influencé l’humanité par l’éclat dans l’accomplissement de la mission que le destin lui a confiée est, sans aucun doute, le prophète Muhammad dont les réfractaires continuent de n’y percevoir qu’un « faux prophète », un « chef de guerre », c’est-à-dire, celui qui n’a répandu sa foi que par « l’épée et la coercition ». Celui à qui Dieu a transmis les versets qui suivent pouvait-il utiliser autre chose que l’arme de la persuasion tout au long de son djihad ? « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s'est distingué de l'égarement... » (Coran 2:256) ; et « … Ton devoir n'est que la transmission [du message]. Allah, sur Ses serviteurs est Clairvoyant. » (Coran 3:20), puis encore « Nous savons bien ce qu´ils disent. Tu n´as pas pour mission d´exercer sur eux une contrainte, mais avec Le Coran, d’avertir quiconque craint Ma menace. » (Coran 50:45).

    La mission assignée au prophète Muhammad est donc de rappeler et non de contraindre, de conquérir les cœurs et non de soumettre les corps. Le sens strict du verset (Coran 2:256) est qu’une religion imposée au mépris de la conscience ou sous la menace n'en est pas une ; l'islam est si clair et si vrai qu’il n'est nullement besoin de contraindre quiconque à l'embrasser. La foi est une soumission volontaire et ne peut être acquise par la force, mais par la preuve et l’exemple. Et Dieu précise cette idée dans le verset qui suit : « Ce n'est pas à toi de les guider [vers la bonne voie], mais c'est Allah qui guide qui Il veut…. » (Coran 2:272). Et dans la même veine : « Quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de Nos versets, éloigne-toi d'eux jusqu'à ce qu'ils entament une autre discussion. Et si le Diable te fait oublier, alors, dès que tu te rappelles, ne reste pas avec les injustes. » (Coran 6:68), puis (Coran 6:107) et (Coran 88:21-22).

    L’orientaliste allemande Sigrid Hunke a écrit en 1963 dans sa publication Le Soleil d’Allah brille sur l’Occident : « Douées d’une force morale jeune et vigoureuse, placées sous la conduite aussi méthodique qu’exaltante de fortes personnalités assistées d’un état-major de grande valeur (formé par le Prophète lui-même) toujours responsables devant le gouvernement central, les armées arabes étaient très supérieures aux forces auxquelles elles se heurtaient, ceci en dépit d’un armement très défectueux. Leurs victoires-éclair en sont la preuve (…) Mais ce qui en tout cela est absolument stupéfiant, jamais vu, sinon du temps de Cyrus, le fondateur de l’Empire perse, c’est le fait que les vainqueurs ne se livrent à aucune destruction. Le fanatisme qu’on leur impute, de même que leur prétendue implacable férocité, ne sont que légendes destinées à semer la frayeur, que pure propagande ennemie démentie par les innombrables preuves de leur tolérance et de leur générosité à l’égard des vaincus. ». En fait d’armement très défectueux, il s’agissait rigoureusement d’objets rudimentaires que les compagnons du prophète portaient sur eux dans le but de décourager et de se protéger éventuellement des résistances violentes. Le djihad que l’on traduit communément par guerre sainte ne peut être violent, justement parce qu’il se veut saint et l’arme utilisée dans cette guerre est essentiellement la langue, c’est-à-dire la persuasion. La traduction la plus correcte de djihad est l’effort de persuasion dans la voie de Dieu, la guerre ne se justifiant que lorsqu’on est victime d’une agression ou d’une transgression, actes que les Musulmans eux-mêmes s’interdisent formellement s’ils obéissent à Dieu qui, à travers Le Coran, leur enjoint : « Combattez dans le chemin d´Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes, Allah n´aime pas les transgresseurs » (Coran 2:190).

    Il est clair que tous les êtres humains ne sont pas favorables à la paix. Beaucoup n'hésitent pas à la perturber pour servir leurs intérêts propres. Il est alors parfois nécessaire de recourir à la force pour maintenir la paix. C'est bien pour cette raison que chaque nation dispose d’une force de l’ordre et de sécurité utilisant de temps en temps la force contre les individus qui troublent l'ordre public afin de maintenir la paix. L'islam, par essence, promeut la paix. Mais il exhorte aussi ses fidèles à combattre l'oppression, et cela peut, à certains moments, exiger le recours à la force. Le président Nelson Mandela a raison de dire qu’il y des moments où il faut combattre le feu par le feu. Ainsi en islam, la force ne doit être utilisée que pour promouvoir strictement la paix et la justice. Pour preuve, les Musulmans ont été les maîtres de l'Arabie pendant 1400 ans, quand bien même les Britanniques et les Français l'ont gouvernée pendant quelques années. Pourtant aujourd'hui, quatre millions d'Arabes sont des Chrétiens coptes et ils le sont depuis plusieurs générations dans la péninsule Arabique (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar, Yémen). Si les Musulmans avaient utilisé la force pour contraindre à l’islam, aucun Arabe ne serait demeuré Chrétien. C'est plutôt par la force de l'intellect que l'islam s'est répandu, la force qui conquiert le cœur et l'esprit des gens.

    Ma contribution à la réflexion sur le dialogue interreligieux peut en être un accélérateur ou une voie pour la destination présumée plus haut ; c’est, humblement, mon objectif. À défaut de l’atteindre complètement, elle pourrait servir, je l’espère, non seulement, à jeter un faisceau de lumière sur la manière dont le fait religieux a puissamment contribué au progrès moral et scientifique de l’humanité, sommant les hommes à réfléchir sur leurs fins dernières, les arrachant à leurs attaches matérielles et les invitant sans cesse à se dépasser, mais aussi et surtout à exhorter l'Église catholique romaine qui dirige la plus forte communauté chrétienne à raffermir sa ligne orthodoxe en son magistère sur l'islam. Elle présume, en effet, que l’islam a un problème avec la violence et qu’il peut le dépasser. Elle considère que le christianisme, de par son histoire et son expérience propre, peut l’y aider notamment dans une « réforme profonde de l’islam dans le respect de son essence » et ceci constitue, entre autres, un message que les Chrétiens voudraient faire passer dans le dialogue interreligieux.

    Le Coran n’a pourtant pas le monopole de traité de guerre ou de violence ; la conquête de Canaan s’était faite au prix du sang versé par les habitants déjà installés dans cette ville et c’est bien sur ordre divin que les Hébreux ont passé au fil de l'épée les habitants de plusieurs villes prises sous la conduite de Josué selon l’Ancien Testament. La Bible justifie cette guerre par la promesse que Dieu a faite au prophète Abraham de donner ce territoire à ses descendants (Genèse 17:8) et surtout la nécessité d'éviter la contagion du paganisme. La mission première du peuple hébreu est en effet de préserver le principe du Dieu unique. De même, l'Ancien Testament condamne radicalement les Baal*, et on se souvient que le prophète Élie a égorgé leurs prêtres.

    Il peut paraître présomptueux de ma part d’affirmer que l’islam, n’ayant jamais connu une grande réforme comme celles subi par le christianisme, n’en connaîtra pas, surtout qu’il a déjà franchi la durée de l’époque au cours de laquelle l’Église chrétienne s’est cherchée avant la Réforme, mouvement du XVIe siècle né d’un trublion très éclairé, Martin Luther, et qui a mis fin à la suprématie ecclésiastique de la papauté romaine puis a abouti à la naissance des Églises protestantes. Cela est dû au fait que les exégètes de la communauté musulmane sont unanimes sur l’authenticité des versets du Coran. Les essais d’interprétation des versets peuvent varier légèrement, puis certains hadiths peuvent être sujets à des supputations sans toutefois nuire fondamentalement au charisme du prophète Muhammad ni travestir le message que Dieu lui a demandé de transmettre à l’humanité. C’est surtout parce qu’il n’y a aucune place pour une composante humaine dans la formulation du contenu du Coran. La ligne de partage entre sunnites et chiites est purement politique et non dogmatique ni rituelle.

    L’unité dans la religion est bien la mission fondamentale dévolue au dernier des prophètes, restaurateur et propagateur de la foi abrahamique. La foi qui m’anime dans la destination du dialogue interreligieux repose essentiellement sur ce socle bien enfoui en moi. Le désir de partager largement une réflexion sur le sujet tire sa source dans le fait que, seulement récemment, juste après qu’elle eut appréhendé un danger dans l’expansion de l’islam à long terme en Europe, l’Église catholique romaine invite les Chrétiens à respecter l’islam, et elle leur en fait même un devoir.

    En effet, le Concile du Vatican II (1962-1965) reconnait désormais l’islam comme « une grande réalité religieuse avec laquelle l’Église doit être en dialogue ». Ce pas prodigieux de l’Église catholique romaine vers l’islam qui implique que l’on renonce à toutes les affirmations polémiques et négatives tenues à propos du prophète Muhammad et de l’islam dans le passé est déjà une grande réforme et pourrait être l’une des prémisses à la reconnaissance de Muhammad comme un prophète. Lorsqu’une grande communauté religieuse dont la Constitution dogmatique, le Dei Verbum, dit clairement que « la Révélation est pleinement achevée en la personne du Christ, et qu'aucune nouvelle Révélation n'interviendra avant la fin des Temps » va à la rencontre de l’autre dont elle évite soigneusement d’évoquer le nom du prophète, ou de ne pas lui en reconnaître la qualité, interpelle celui qui cherche Dieu voire même l’oblige à s’ériger en juge. Accepter Muhammad comme prophète au sens strict, à savoir, croire en lui et lui obéir, sera désormais possible pour le Chrétien dès lors qu’il apprendra, un tant soit peu, à le connaître et à comprendre le combat qu’il a mené, la fécondité du message qu’il a porté et ainsi l’expansion fulgurante de l’islam dans le monde aujourd’hui. C’est humblement l’un de mes objectifs !

    Soit il y a anguille sous roche, ou bien il faut voir, dans la main tendue de l’Église catholique romaine à l’Islam, une mécanique divine ! On se perd en conjecture lorsque le pape Benoît XVI déclamait, le 12 septembre 2006, à l’Université de Ratisbonne : « Montrez-moi ce que Muhammad a apporté de nouveau. Vous ne trouverez que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l’épée la foi qu’il prêchait »,. Le pape prêtait là sa voix à l’un des derniers empereurs byzantins, Manuel II Paléologue (1391-1425), qui, lors d’un débat, interpelait des juristes musulmans. Ce rappel fâcheux du pape a suscité une levée de boucliers, y compris au sein de la communauté chrétienne.

    Le 16 septembre 2006, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'État, a, à ce propos, exprimé des regrets, mais pas des excuses. Il assure que le pape est « absolument désolé que certains passages de son discours [...] aient été interprétés d'une façon qui ne correspond d'aucune façon à ses intentions ». Pour lui, l'opinion du pape en faveur du dialogue avec l'Islam - un acquis de l'Église depuis la déclaration Nostra Aetate du concile du Vatican II - est absolument sans équivoque. La citation de l'empereur byzantin ne servait qu'à justifier une réfutation de la motivation religieuse de la violence, d'où qu'elle vienne. Le 17 septembre 2006, à la fin de la prière de l'Angélus dominical, Benoît XVI, dans sa résidence d'été de Castelgandolfo, a exprimé son regret d'avoir été mal compris dans le monde musulman : « Je suis profondément attristé par les réactions suscitées par un bref passage de mon discours de Ratisbonne, considéré comme offensant pour la sensibilité des croyants musulmans, alors qu'il s'agissait d'une citation d'un texte médiéval, qui n'exprime en aucune manière ma pensée personnelle ». Le 20 septembre 2006, lors de son audience hebdomadaire, devant 20.000 fidèles, Benoît XVI est revenu sur la genèse de la polémique qu'il continue de qualifier de « malheureux malentendu ». Il a rappelé que, dans son discours de Ratisbonne, il avait cité « quelques mots d'un dialogue du XIVe siècle dont l'interlocuteur Chrétien, l'empereur byzantin Manuel II Paléologue, présente, d'une façon brutale, incompréhensible pour nous, à l'interlocuteur musulman, le problème du rapport entre violence et religion »

    Comment ne pas entendre dans ces propos du pape Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne en Allemagne qu’il exprimait ou sa pensée personnelle ou celle de l’institution qu’il dirige si celle-ci n’a jamais affiché une position claire par rapport au prophète Muhammad ? L’Église catholique romaine n’a en effet jamais accepté de le considérer comme tel, d’où la problématique d’anguille sous roche que j’évoquais plus haut. Il faut noter toutefois que le pape Paul VI (1897-1978) et le pape Jean-Paul II (1920-2005) ont promu cet esprit de fraternité dans la foi en un Dieu unique chaque fois qu’il y avait une rencontre avec les Musulmans, les plus impressionnants étaient les discours de Jean Paul II aux Chrétiens de Turquie à Ankara, en novembre 1979, et aux jeunes Musulmans au stade de Casablanca, le 17 août 1985, où il parla de fraternité spirituelle authentique entre le christianisme et l’islam, ce qui induit, peut-être implicitement, la reconnaissance de la mission prophétique de Muhammad.

    Il est regrettable qu’un événement d’importance que fut la visite officielle, le 24 avril 1974, du cardinal Pignedoli, président du Secrétariat du Vatican pour les non-chrétiens, au roi Fayçal d’Arabie Saoudite n’eût pas été bien médiatisé. Le cardinal remit un message dans lequel le pape Paul VI exprimait « la considération de Sa Sainteté, animée d’une foi profonde dans l’unification des mondes islamique et chrétien qui adorent un seul Dieu, à Sa majesté Fayçal en sa qualité d’autorité suprême du monde islamique. » Et le projet même de construire des églises en Arabie Saoudite fait son bonhomme de chemin. Des négociations sont en cours. Certains Chrétiens misent sur l’initiative privée et réunissent des soutiens pour une Cathédrale à La Mecque. Le pape devrait commencer par reconnaître officiellement le prophète Muhammad ou il y serait contraint implicitement en acceptant que les églises arborent le drapeau saoudien frappé de l’Ach-Chahadah confessant qu’il n’y a de dieu que Dieu et Muhammad est son prophète.

    Des Conférences épiscopales régionales et des séminaires de théologiens se sont également exprimés dans ce sens, souvent en des termes généraux, comme par exemple la Conférence théologique internationale de Nagpur (Inde, 1971), qui constatait : « Les Saintes Écritures et les rites des grandes religions, à des degrés divers, peuvent être des expressions d’une manifestation divine et des chemins de salut ». En ce qui concerne le prophète Muhammad, le cardinal Tarançon, à l’époque archevêque de Madrid et président de la Conférence épiscopale d’Espagne, invita, dans son discours lors de l’ouverture en tant que président de la Deuxième conférence pour le dialogue islamo-chrétien de Cordoba (mars 1977), les Chrétiens à reconnaître le profil prophétique de Muhammad, particulièrement à cause de sa foi en Dieu, de son combat contre le polythéisme et de sa soif de justice ; il disait précisément : « Comme un cardinal, je voudrais conseiller les Chrétiens à oublier le passé, et aussi, comme le Concile papal leur demander d’exprimer leur respect au prophète de l’islam. Les applications spirituelles et théologiques qui marquent cette Conférence ont pour objet de discuter, honnêtement, les preuves qui incitent les Chrétiens à apprécier positivement Mohammad, le prophète de l’islam. Je n’essaierai pas de compter, ici, les principales valeurs religieuses et humanitaires du prophète de l’islam, car ce n’est pas ma fonction. Les spécialistes et les théologiens Chrétiens vous en parleront. Mais, je voudrais montrer deux aspects positifs – parmi plusieurs autres aspects – ce sont : sa croyance en un Dieu unique, et sa préoccupation de la justice. Quand à sa croyance en un Dieu unique, c’est le signe de son message et de sa vie, et c’est le dogme le plus important qu’il avait laissé à sa communauté. Et quant à son appel à la justice, c’est une chose bien reconnue. Mais, je voudrais mentionner, particulièrement son appel à l’égalité de tout le monde, hommes et femmes, et sa réalisation de la justice parmi eux. ». Déjà au VIIIe siècle, le patriarche nestorien Timothée I disait précisément la même chose dans son dialogue avec le Calife de Bagdad, al-Mahdi : « Muhammad a suivi la route des prophètes ». Ainsi, les Chrétiens sont encouragés à reconnaître les valeurs religieuses et morales qui furent toujours vivantes dans la vie des Musulmans des origines jusqu’à maintenant, pour autant qu’un tel respect n’enlève rien d’essentiel à la foi chrétienne. Ainsi, un chemin peut s’ouvrir pour le Chrétien pour reconnaître dans Le Coran la parole de Dieu, et dans la mission de Muhammad une dimension prophétique.

    Si j’ai eu soin d’insister sur le sens du mouvement dans la relation qui s’amorce entre l’Église catholique romaine et l’Islam, c’est bien parce que c’est la première qui, depuis longtemps, invite le second au dialogue ; on peut ainsi comprendre que c’est parce que la première reconnaît qu’elle a un problème avec le second comme le témoigne la déclaration du Deuxième concile œcuménique du Vatican : « l’Église du Christ confesse, en effet, que tous les fidèles - les enfants d’Abraham, selon leur dogme – soient inclus dans le message de ce prophète. Embrassons, d’abord les Musulmans, qui adorent Dieu seul, et qui sont plus près de nous en sens religieux, et en relations culturelles et humanitaires très grandes ». Il ne pose, en effet, aucun problème à un Musulman d’accepter que le prophète Jésus est le fils de Dieu dans la mesure le prophète Jésus, dans ses enseignements, aurait parlé de Son père lorsqu’il évoque Dieu. Seulement, Le Coran rectifie qu’il faut se garder d’y voir une filiation biologique et la logique même empêche de confondre le Père et le fils puisque ce dernier a dit lui-même qu’il est envoyé aux humains par son Père. La filiation entre le prophète Jésus et Dieu ne peut être que spirituelle dans la mesure où le prophète Jésus émane du Père et il a instruit de prier Dieu en disant : « Notre Père qui es aux cieux…. Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel… ». Le Musulman peut alors très bien admettre la Trinité, mais plus comme une démarche spirituelle qu’une réalité tangible. Que le Chrétien évoque le prophète Jésus pour atteindre Dieu, le prophète Jésus lui-même devant communiquer avec Dieu par le Saint-Esprit et que cette démarche intérieure amène le Chrétien à considérer la chaîne de médiation comme une seule entité ne le confine absolument pas dans un conflit irréconciliable avec le Musulman.

    Il est bien certain que les Musulmans font beaucoup plus que révérer le prophète Jésus, ils le vénèrent même ; et s'ils le font, ce n'est pas pour faire plaisir à l'Église catholique romaine ou pour faire preuve d'œcuménisme ou favoriser un quelconque dialogue interreligieux, mais bien parce que Dieu, dans Le Coran, leur demande d'accepter et d’avoir de la vénération pour tous Ses prophètes et Ses messagers dont, je le répète, le plus énigmatique est le prophète Jésus. Le pape Jean-Paul II dans l'encyclique Redemptoris Missio, publié le 7 décembre 1990, n’avait ainsi nullement besoin « d'inviter les Musulmans à ouvrir leurs portes au Christ », à moins qu’il ait voulu refermer les portes du dialogue pour les exhorter cette fois-là à se faire christianiser ! Il est indéniable que l’inimitié et l’incompréhension sont venues du côté des Chrétiens et donc la déclaration faite par l'Église catholique romaine s'applique beaucoup plus spécifiquement à ses propres adeptes qu'aux Musulmans. Les Musulmans ne peuvent pas entendre le « oublier le passé » du Nostra Aetate comme une invite à oublier le passé, ce qui équivaudrait à leur dénier leur identité ou à effacer un pan entier de leur histoire. Il aurait mieux valu dire, et pour mieux aller de l’avant, qu’il faut « faire table rase des offenses du passé » et indiquer éventuellement, d’où elles étaient venues pour mieux panser les plaies. En effet, deux siècles de croisades (1095-1291), au cours desquels les Musulmans sont accusés à cette occasion d'idolâtrie, d'immoralité et même de louer et justifier la violence, alors que les Chrétiens eux-mêmes faisaient l'apologie de la guerre pour rassembler et recruter des chevaliers sous la bannière du Christ, marquent fortement la conscience collective. Suivirent aussi sept siècles d’Inquisition. Les Musulmans n’ont jamais pris part à ces ignominies puisqu’ils sont bien instruits de ce qu’ils doivent s’ouvrir pacifiquement aux autres ; Dieu leur a fait cette injonction dans Le Coran : « Et ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du Livre, sauf ceux d'entre eux qui sont injustes. Et dites : Nous croyons en ce qu'on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, tandis que notre Dieu et votre Dieu sont le même, et c'est à Lui que nous nous soumettons. » (Coran 29:46).

    À contrario, l’Église catholique romaine s’est enfermée pendant longtemps dans sa Constitution dogmatique, le Dei Verbum, pour exclure et discréditer, et c’est essentiellement cela qui a nourri les farouches combats auxquels les deux communautés se sont livré par le passé. Des deux communautés religieuses, s’il y en a une qui a des verrous à faire sauter, c’est bien la communauté chrétienne qui, ayant été embrigadée par l’Occident imbu de sa civilisation impérialiste et matérialiste, a bridé la culture de ses disciples par la diabolisation de toute une civilisation qu’il a traitée de « barbare » parce que ne participant pas à la civilisation gréco-romaine.

    Ce mouvement en cours permettra aux Chrétiens surtout de découvrir que Le Coran est ouverture, qu'il fait découvrir que Dieu n'est pas enfermé en lui-même mais qu'Il s'ouvre et se diffuse dans Sa Création qui est multiple. Considérer l'islam comme ouverture sur l'autre suppose qu'on sache entendre que Le Coran présente la vie comme une épreuve : l'autre est là. Vivre consiste à accepter sa différence et à lui faire de la place. Dieu ne nous demande pas de rester les mêmes, comme si nous étions parfaits, mais il nous appelle à devenir, selon une expression de saint Paul, « des créatures nouvelles ». L’ouverture de l'islam va avec la liberté. Celle-ci est une source spirituelle. Dire que Dieu est Dieu et qu'il n'y pas d'autre Dieu que Lui conduit à l'ouverture. La Profession de foi permet de devenir ouvert soi-même et, par le fait même, d'être disponible à autrui en respectant la liberté qui le conduit là où il n’est pas. Ce mouvement permettra de bien comprendre ce que disait, en 1982, Joseph Burlot, dans l’avant-propos de son ouvrage La civilisation islamique : « Qui sait que l’islam, dernière religion révélée, se place dans la lignée des deux autres religions monothéistes, le judaïsme et le christianisme, qu’elle intègre les messages révélés à Abraham, Moïse et Jésus. Abusant de généralisations à partir d’un événement ou d’un homme, on oublie souvent que la civilisation islamique plonge ses racines dans un passé d’une richesse inouïe et qu’elle connut un épanouissement et un rayonnement extraordinaires à un

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