Cécile à vol d'oiseau
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À propos de ce livre électronique
Cécile nous fait découvrir son quotidien parsemé de personnages insolites, entiers et fiers. Il y a d’abord son voisin qu’elle épie par la fenêtre, puis ses amis qui partiront à la rencontre d’un ermite ayant tout laissé pour le Grand Nord du Québec. Ils l’accompagneront à Sainte-Florence chez Lady Falcon qui tient un centre de ressourcement spirituel. On assiste au chevauchement d’individualités fortes, parfois piégées qui atteignent, grâce à la présence de cette guide spirituelle, de nouveaux niveaux de conscience et de compréhension.
Ce livre souhaite mettre en valeur de façon solidaire les talents visuels de membres de la communauté et embellir cette expérience de ressourcement dans l’univers de Cécile. Si vous tenez cet ouvrage dans vos mains, c’est que vous êtes peut-être appelé à faire partie de cette chaîne de solidarité qui se développe tout autour d’elle.
Lire Cécile à vol d’oiseau, c’est se donner du temps pour soi, pour la réflexion, le vagabondage, l’espoir et la vie.
Renée Archambault
Bachelière en études littéraires, ex-enseignante à l’éducation des adultes depuis 1990, animatrice de causeries et auteure de plusieurs articles, Renée Archambault entend poursuivre sa transmission du savoir par ce deuxième opus. Dans cette époque effervescente, la voie de l’âme et de la conscience l’amène vers un chemin de dépassement afin de réinventer de nouvelles façons de vivre, de simplifier, de revenir à ce qui fait du sens. Communiquer, partager ses perceptions et ses interrogations, son expérience, chercher à s’intégrer dans différents projets et communautés, sans quoi l’expérience d’être sur terre pourrait ressembler selon elle à un labyrinthe sans issu.
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Aperçu du livre
Cécile à vol d'oiseau - Renée Archambault
Avant-propos : L’escalier
Une image lui vient en tête depuis quelque temps, une incitation silencieuse à descendre, pas à pas, les marches d’un immense escalier en spirale qui se dessine au-dedans d'elle d’une façon affirmée. Un espace très sombre, elle y voit à peine et doit, pour y accéder, mettre tout l’ordre qu’elle peut dans sa vie, faire la paix dans son cœur et dégager beaucoup de temps. Cécile hésite, car cette voix impérieuse et si empressée ne provient pas de son libre-arbitre.
Toutefois, l’aventurière du quotidien choisit à nouveau d’obéir à cette quête. Elle s’exécute, ravie par l’énergie de légèreté générée par cette proposition d’éliminer chaque objet inutile, jusqu’à ce qu’enfin elle retrouve une meilleure clarté d’esprit et un fonctionnement allégé de son existence, le tout nécessaire pour relever ce nouveau défi.
Tout ce qu’elle sait de cet escalier, si elle le suit, c’est qu’il ne fera que descendre. Des marches et encore des marches. Elles semblent s’étaler à l’infini comme un chemin qui se révèle peu à peu et d’où chaque pas apporte une idée nouvelle pour construire une phrase, un paragraphe, une page entière, une réalité transformée.
Si Cécile décide d'entamer cette descente, elle ne sera plus jamais la même. Elle sent que c’est un risque à prendre et elle aimerait au moins obtenir une toute petite certitude, mais elle ne croit pas que cela soit possible et doit avoir confiance en cette étrange voix qui demande d’obéir à l’aveugle.
Réflexion faite, Cécile accepte et pose le pied sur la première marche. Elle amorce lentement la descente. Puis s’arrête de façon brusque, juste avant que le mouvement d’entraînement génère son propre dynamisme, comme si elle voulait reprendre le contrôle. Mais l’escalier, soudainement animé d’un esprit paisible, l’intime à poursuivre, lui envoie l’impression d’une puissante invitation, irrésistible. Devant elle : que des marches… Et à peine une lueur pour s’éclairer. Prudemment, elle reprend sa descente et obéit à cette exhortation, si forte. D’autant plus que Cécile ne sait pas refuser ni abandonner un défi.
Pour cette nouvelle mission, elle n’espère qu’ordre, courage, calme et temps. Beaucoup de temps. Une mer de temps pour s’engloutir dans un univers à construire et poursuivre inlassablement la descente.
L’intime conviction qu’il y a derrière cette chevauchée, qui survient au moment désigné comme l’âge de la retraite, une fausse limite, qui, lorsqu’elle est franchie, à l’image d’un mur factice, bascule et dévoile derrière lui tout un trésor de possibilités.
Cette apparente limite cache quelque chose qui veut vivre, les prémisses d’une réalité insoupçonnée, une disponibilité de temps et d’espoirs pour bâtir sur un terrain fertile, tout neuf dans l’histoire des générations, inaccessible à ses ancêtres, un territoire à conquérir, bien camouflé par des peurs et des idées reçues à l’effet que l’avancée en âge n’est que matière d’immobilité, de naufrages et de regrets.
Chaque matin, lorsque Cécile se lève, après une bonne nuit de sommeil, l’espoir, comme une force incarnée en personnage ultra-déterminé, lui fait signe et frappe sans relâche sur les carreaux de sa porte. Il l’interpelle, lui indique avec certitude qu’elle doit poursuivre cette destinée encore imprécise. Obéir à une impression qu’elle ne peut faire valider, un peu gênée qu’elle est d’une éventuelle raillerie de son entourage au sujet de ses idées incertaines, mais se sentant acculée au pied du mur.
Depuis quelques années, Cécile est à l’affût de suivre une sorte de chemin de petits cailloux tracé pour elle par lequel l’intuition qui lui donnerait des indices au fur et à mesure, en dessinerait la direction, la seule et unique pour réaliser sa voie. Régulièrement, elle se recueille au plus profond d’elle-même et respire afin de retrouver ses énergies de guidance. Elle demande à recevoir de la lumière, afin de comprendre le dessein qui a été envisagé pour son existence.
Ce petit signe du destin n’est pas aisé à identifier parmi tous les événements tourbillonnants du quotidien. Et en plus, elle est consciente que ce choix qu’elle fait est différent de ceux qui l'entourent. Elle s'oriente alors vers un chemin moins fréquenté, peut-être plus isolé, mais elle persiste, car depuis qu’elle a constaté et admis le début du déclin de ses forces, c’est à ce moment qu’elle a décidé d’accueillir des énergies plus grandes que les siennes, d’abord en guise de protection, mais surtout pour faire s'accroître une confiance en la vie.
Et puisqu’il ne restera rien à la fin de ses jours, elle estime que toutes les forces réunies d’un seul être ne sont pas suffisantes pour produire un sens grandiose à son existence. Elle décide donc de se réfugier dans ce qui ne meurt et ne se détruit pas, ce qui est éternel et anime le corps à la naissance : l’esprit.
Depuis toujours, sans qu’elle le sache, il répond présent par le biais de sa conscience : il observe, scrute, analyse, emmagasine des informations, tire des conclusions. Un œil qui accueille avec bienveillance, fait la part des choses, qui espère. Un œil qui consent à ce que l’amour soit réinvesti dans l’univers à réparer plein de petites déchirures, de petites et de grandes offenses. Avec le cœur et l’espoir, opérant inlassablement de façon solidaire.
Porter la lumière du monde, comme le flambeau pour l’athlète qui inaugure la cérémonie des Jeux olympiques. Jamais trop de lumière sur cette terre. Celle qui nous guide, nous apaise, nous fait aimer le silence et la solitude, qui nous dit : « Ça va aller, ne t’inquiète pas, écoute la symphonie de l’univers, reste tout près du début de la vie, de la force de vivre, jamais tes ressources ne viendront à manquer si tu demeures à mes côtés, car c’est dans les débuts de toute chose que le dynamisme est à son paroxysme. Jamais non plus tu ne seras déçue. »
Assise sur son lit, Cécile constate, sur une vieille photographie d’elle en noir et blanc que sa sœur aînée lui a donnée, son air souriant et déterminé, alors qu’elle n’est qu’une gamine de quatre ou cinq ans. Elle observe, satisfaite, que cette détermination est encore plus présente au mitan de sa vie. Cécile se sent reconnaissante et rassurée, elle sait d’où elle vient. La nature ne tolère pas le vide et il y a de toute évidence un sens à son existence, comme il y en a un pour chaque être vivant sur cette terre et elle souhaite intensément faire de sa vie la plus belle des réussites.
Gracielle, la ballerine musicale
Pour son anniversaire, Cécile reçoit un cadeau de son amoureux toujours attentionné, Cœur Vaillant. Ils partagent leur vie depuis plusieurs années, mais malgré tout, il ne manque jamais de souligner la journée de sa naissance ou celle de quelqu’un d’autre, car celui-ci a une mémoire remarquable pour retenir les dates et un grand cœur pour livrer ses bons souhaits à tous ses amis.
Surprise par une petite boîte assez compacte, bien enveloppée de papier aux couleurs festives, Cécile s’affaire à la déballer rapidement et fait la découverte d’un coffret en bois sculpté. Cœur Vaillant attend, à ses côtés, pour voir si elle va apprécier.
Son amoureuse, en éternelle enfant, est impatiente de savoir ce qui s’y trouve. Aussitôt le couvercle relevé, elle voit apparaître une délicate ballerine musicale qui se déploie aussitôt et se met à danser sur ce qui lui semble être un globe terrestre. La petite danseuse a le chic de se tenir sur ses pointes étincelantes comme un compas placé de façon précise sur la Terre, situation originale, pense Cécile, dans son for intérieur.
— Oh ! Comme c’est joli… Merci chéri ! Et elle l’embrasse.
Souriant, Cœur Vaillant se montre finalement satisfait de son choix de cadeau et l’accompagne dans sa joie et sa découverte. Fascinée, elle observe longuement, sans parler, la petite ballerine qui danse au son d’une musique mécanique de valse ancienne.
Plus tard dans la journée, Cécile décide de placer le petit coffre sur sa table de nuit. Chaque soir, avant de s’endormir, elle prend l’habitude d’ouvrir la boîte pour regarder danser la petite ballerine qui se déploie en toute légèreté. Ses minces bras, qui lui rappellent des oiseaux, semblent s’étioler à l’infini.
Peu à peu, elle se familiarise avec la danseuse étonnante, au rythme et à la musicalité qui l’invitent à entrer dans un univers de calme et de réconfort, qui la ramènent à l’infime délicatesse de son enfance.
Puis, une nuit, Cécile la voit prendre vie dans son rêve. La ballerine s’éjecte de sa petite boîte, vient se déposer avec grâce sur le plancher de sa chambre et se met à danser :
— Je me nomme Gracielle. Bonjour Cécile ! J’avais hâte de faire ta connaissance !
Cécile la regarde, étonnée, et se met à l’écouter, muette d’ébahissement.
— Mes parents m’ont donné ce nom pour que je puisse porter les grâces et les bénédictions du ciel. Je viens à toi, car j’ai capté que tu cherches depuis un certain temps comment vivre le plus sereinement possible au milieu de toutes tes interrogations ?
Tu vois, ta vie est comme une petite boîte dans laquelle tu regardes. Elle se fait souvent menaçante, stimulante, voire aguichante à l’excès. Ton existence très polarisée exige de toi beaucoup de recul pour plus d’équilibre.
Tu sembles avoir l’impression d’être rendue au fond d’une démarche, d’un mode de vie trop normatif, d’être à un point de non-retour. Sache que le sens du monde est désormais écrit par-delà la réalité que tu peux observer, livré en toutes lettres juste au-dessus des événements qui s’accumulent inlassablement. Il ne s’agit que de lire non pas entre, mais au-dessus des lignes.
Prends une distance nécessaire et à un moment donné, un espace s’ouvrira sur la solution pour toi.
Cécile, je vois le tumulte du monde et constate l’empreinte des jours qui a fait son œuvre. Je pourrais te décrire davantage ma perception, mais là n’est pas l’objet de ma quête, car le mouvement me fait naître et me soulève. Quand je danse, je m’élève. C’est tout ce que je souhaite. Sur les ailes de la vie, je m’obstine à danser la beauté et la légèreté pour encore des milliers de petites secondes d’éternité. Tant et aussi longtemps qu’il y aura de ces moments où l’on peut oublier et tout réinventer… Tournoyant sur mes souliers de ballet, je suis la route des étoiles pour faire jaillir la lumière d’une réalité assombrie.
En ces temps qui marchandent, où l’argent se fait roi, je danse pour que la mémoire de l’humanité soit animée d’une conscience nouvelle, multiple et surprenante, remplie de gratitude et de bienveillance. Une sensibilité salvatrice, humble et édifiante pour tout ce qui l’entoure et qu’elle en ressorte victorieuse.
Une attitude au service de la vie dans une affirmation puissante de la volonté du bien et de la lumière. Une recherche de liberté, de joie et d’inspiration.
Je souhaite n’entendre que cette musique claire et entraînante et apporter un peu de magie aux personnes aux traits tirés et au regard éteint.
Je danse pour m’élever au-dessus du quotidien, émerger d’une réalité obscure, puisque tout n’est que possibilité et potentiel latent à chaque moment. Quand ta réalité deviendra terne et embrouillée, danse Cécile, je t’en prie. Danse sur l’espoir. Fais cohabiter l’ombre et la lumière dans tes yeux, dans ton âme qui cherche plus que tout à danser et à évoluer.
Il ne te suffit que d’une seule pensée positive pour t’élever et créer un monde de beauté et de bonheur. Monte un peu plus haut pour obtenir une vue d’ensemble, change de fréquence, choisis celle où tu te sens bien et légère.
Un esprit détendu te libèrera de tout enjeu. Ne t’arrête pas sur chaque obstruction ou résistance, fais fi des contrariétés du quotidien. Préserve plus que tout ta sérénité !
Cécile ne peut croire ce qu’elle vient d’entendre. Elle regarde cette petite boîte offerte en cadeau qui lui fait découvrir un personnage, une vision du monde inattendue l’interpellant directement, mais ce n’est qu’un rêve, pense-t-elle, et elle étouffe cette affluence de nouvelles suggestions en rafale.
Le songe se termine, laissant toutefois, avec lui, une impression d’entrain pour commencer cette nouvelle journée.
Curiosité dans le voisinage
Cécile remarque depuis quelques années un petit homme âgé, déambuler sur sa rue. Il porte un mince duvet de cheveux gris et arbore quelques mèches rebelles. Tôt ce matin, il tire consciencieusement son chariot de commissions déjà rempli. Cécile est à sa fenêtre, à l’heure du café, mais toujours aux aguets. Elle espère en savoir davantage sur ce curieux personnage qui lui échappe constamment.
Au tout début, ce n’était qu’une curiosité, mais qui lui laissait, chaque fois qu’elle le voyait passer, une impression de mystère qui a fini par se transformer en intrigue au fil des mois et des années.
L’homme habite la maison voisine. Il semble très familier avec le secteur. Par contre, quand il se déplace, son visage est constamment tourné vers le sol, cherchant à passer incognito, en position de repli sur lui-même. On dirait une ombre qui se faufile. Sa démarche se fait lente, dans une suite régulière de petits pas serrés et feutrés, impression surprenante d’extrême discrétion. Cécile est fascinée par cet homme qui, mine de rien, croise souvent son chemin.
Puis un jour, elle l’aborde et il lui dévoile son nom : c’est Monsieur Janvier. Qu’il neige ou qu’il grêle, il est vêtu d’un pantalon de cuir noir et d’un manteau de pluie caoutchouté de la même teinte. Ses vêtements sont toujours complétés de bottes noires pour travailler le jardin. Sauf l’été, où il porte une camisole de coton et des shorts très courts ajustés à sa mince silhouette. Sa garde-robe est très restreinte, arborant un style d’une autre époque, sans aucune mise à jour.
À force de le croiser, l’homme devient plus confiant et Cécile apprend qu’il se prénomme Marcel, l’un des rares témoins vivants du quartier à connaître l’histoire de ses soixante-quinze dernières années. Les familles venues l’habiter