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Veilles et pratiques stratégiques en gestion de l’innovation
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Livre électronique517 pages5 heures

Veilles et pratiques stratégiques en gestion de l’innovation

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À propos de ce livre électronique

L’accélération de l’innovation dans le domaine de la science et de la technologie pose de nouveaux défis en matière de veille et de stratégie d’entreprise.

Au cours des dernières années, la recherche a mis de l’avant de nouvelles perspectives, de nouveaux concepts et de nouveaux outils apportant un meilleur éclairage au sujet de la question de la gestion de l’innovation pour la stratégie d’entreprise. On pense tout d’abord à des perspectives intégrant des approches de l’économie industrielle et de nouveaux cadres d’analyse entre l’intelligence stratégique et les capacités dynamiques liées à l’innovation. On pense aussi à de nouveaux concepts comme celui des modèles d’affaires, des règles de gouvernance et des microcompétences facilitant une meilleure maîtrise de la gestion de l’innovation dans un contexte d’incertitude. Enfin, la recherche a facilité le développement de nouveaux outils et d’applications comme la construction de scénarios prévisionnels, des outils de gestion de la connaissance liés aux données ouvertes et des outils techniques de veille pour la stratégie d’entreprise.

Ce livre vise à diffuser et mieux faire connaître les perspectives, concepts et pratiques de veille pour la stratégie d’entreprise auprès des milieux professionnels, industriels et universitaires. Il s’adresse à celles et ceux qui souhaitent approfondir les concepts relatifs à la gestion de l’innovation en misant sur une compréhension du contexte stratégique et sur l’apport de nouvelles approches liées à la veille stratégique pouvant faciliter et accélérer la mise en place d’une meilleure gestion de l’innovation.
LangueFrançais
Date de sortie9 nov. 2022
ISBN9782760557451
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    Aperçu du livre

    Veilles et pratiques stratégiques en gestion de l’innovation - Vincent Sabourin

    Chapitre 1

    Veille stratégique des technologies numériques radicales et destructrices

    Le cas des technologies de la 5G

    ¹

    Vincent Sabourin

    Ce chapitre propose un panorama de cinq perspectives complémentaires pour la veille stratégique des technologies numériques radicales et destructrices : 1) la poussée technologique (push), la filière et la cartographie technologiques (roadmap) ; 2) les impératifs technologiques du marché (pull) : les applications phares (killer applications) et les modèles d’affaires innovants ; 3) la dynamique de marché : adoption et première majorité ; 4) la dynamique concurrentielle : compétences motrices, avantages concurrentiels et écosystème ; 5) la compétitivité : système national d’innovation et compétitivité nationale. En prenant le cas des technologies de la 5G, le chapitre présente l’application de ces cinq perspectives de veille stratégique aux technologies numériques à la fois radicales et destructrices.

    Depuis plusieurs années, la recherche s’intéresse à la question des changements technologiques radicaux. Les innovations associées à des technologies radicales et discontinues sont en opposition aux technologies de nature incrémentale (Tushman et Nelson, 1990 ; Henderson et Clark, 1990). Dès les années 1950, Schumpeter (1949) a apporté une contribution importante en définissant l’innovation par son caractère perturbateur en lien avec le concept de création destructrice. Plusieurs appellations et concepts ont été mis de l’avant, notamment le concept de changement technologique radical (Utterback, William et Abernathy, 1975 ; Tuschman et Anderson, 1986 ; Clark, 1990 ; Sabourin, 1995).

    Plus récemment, des auteurs ont démontré que plusieurs technologies radicales et destructrices ont une forte dimension perturbatrice (Christensen, 1997). Plusieurs innovations numériques sont directement associées à des innovations radicales et perturbatrices (Skog et al, 2018). L’expression « technologies numériques radicales et perturbatrices » fait référence à l’évolution souvent exponentielle qu’on observe dans le domaine de la numérisation. Parmi les innovations numériques perturbatrices les plus citées dans la presse économique, on trouve notamment l’intelligence artificielle (IA), les applications mobiles, l’Internet des objets (IoT), les technologies de la 5G, les données massives (big data), la robotisation, l’automatisation et l’infonuagique (cloud).

    1. Contextualiser les 5G

    Parmi les technologies numériques radicales et perturbatrices, on trouve les technologies de la 5G, qui constituent le réseau mobile de la génération qui se situe après les réseaux 1G, 2G, 3G et 4G. Les technologies de la 5G permettent une nouvelle configuration des réseaux conçus pour connecter des millions d’usagers, d’objets et d’appareils pour un territoire de quelques kilomètres carrés².

    Par leur ampleur et leur complexité, les technologies de la 5G représentent un cas permettant de faire un tour d’horizon des différentes perspectives de veille stratégique. La 5G constitue un exemple d’une technologie qui est à la fois destructrice et perturbatrice. La recherche indique que, bien que la 4G ait été considérée comme une innovation face à ses prédécesseures (3G et 2G), le design des réseaux et les technologies clés de la 5G constituent une innovation perturbatrice avec un caractère destructeur pour les opérateurs de télécommunications (Suryanegara, 2016).

    2. Définir la 5G

    Les technologies de la cinquième génération (5G) représentent une innovation importante de l’ère numérique et font converger les réseaux vers un système mondial unique et intégré de télécommunication (Selinis et al., 2018). Les technologies de la 5G représentent la cinquième génération de technologie cellulaire. Elles augmentent de façon importante la vitesse de transmission, réduisent la latence et améliorent la performance des produits et des services du sans-fil en y ajoutant des fonctions intelligentes (Al-Quataite, 2020). Les technologies de la 5G ouvrent de nouvelles possibilités grâce au découpage en réseau, qui fournit des réseaux virtuels dédiés avec de nouvelles fonctionnalités disponibles sur une infrastructure commune³,⁴.

    La 5G est associée à l’un des trois services suivants :

    eMBB (enhanced mobile broadband), avec une vitesse de transmission très élevée ;

    URLLC (ultra-reliable low-latency communications), avec une grande fiabilité et une latence très faible ;

    mMTC (massive machine type communications), pour des connexions à un très grand nombre d’équipements, principalement utile pour l’IoT.

    Les technologies de la 5G sont l’un des principaux catalyseurs de la transformation numérique avec un déploiement à grande échelle de réseaux de grande capacité (5GPPP, 2016). Selon le rapport sur la mobilité d’Ericsson publié en juin 2021⁵, on trouve déjà plus de 10 millions d’abonnements aux technologies de la 5G. Le Massachusetts Institute of Technology (MIT) estime que la 5G générera des revenus de 12,3 billions de dollars dans une multitude d’industries⁶.

    Les technologies de la 5G transforment la communication mobile grâce à une intégration de nouveaux éléments, procédures et modèles d’affaires dans plusieurs industries (5GPPP, 2016). Ces technologies perturbent le marché conventionnel des communications mobiles en rendant possible l’entrée d’une multitude de nouveaux joueurs et en misant sur de nouvelles fréquences provenant de l’extérieur des frontières du marché des opérateurs de télécommunications traditionnels (5GPPP, 2016).

    Un autre facteur relié aux technologies de la 5G est la prolifération des applications et des services intelligents. Les technologies de la 5G sont notamment en mesure de soutenir des millions d’appareils et transforment les produits et services des entreprises de télécommunications et ceux des fabricants et des fournisseurs de service conventionnels dans plusieurs grands marchés⁷. Ainsi, une entreprise comme General Electric fait face à un risque de myopie de marché avec l’émergence de fournisseurs d’applications mobiles de la 5G, rendant possible un contrôle des fonctions à distance des électroménagers grâce à des applications mobiles. De la même façon, les chaînes de blocs liées à la 5G remettent en question l’intermédiation des flux de transaction pour le développement des applications des 5G en ce qui concerne une variété de secteurs comme les suivants :

    la conduite autonome⁸ ;

    la chirurgie robotique et le monitorage à distance des soins de santé⁹ ;

    la production robotisée¹⁰ ;

    la réalité augmentée et le jeu immersif¹¹.

    Dans le cadre de ce chapitre, notre objectif est de présenter une revue sommaire des technologies de la 5G à l’aide de cinq perspectives complémentaires permettant de faire un tour d’horizon des divers aspects de ces technologies dans le but de montrer différentes facettes d’une veille stratégique.

    Dans ce chapitre, nous faisons référence à la veille stratégique en lien avec la stratégie d’entreprise. Le chapitre ne porte toutefois pas sur d’autres types de veille en innovation, comme la veille technologique, sociale ou politique.

    3. Concepts et approches

    Dans ce chapitre, nous structurons notre présentation à l’aide de cinq approches et concepts différents pour l’analyse d’une technologie perturbatrice :

    La poussée technologique : la filière et la cartographie technologique.

    Les impératifs technologiques du marché : les applications phares et les modèles d’affaires innovants.

    La dynamique de marché : l’adoption et la première majorité.

    La dynamique concurrentielle : les compétences motrices, les avantages concurrentiels et l’écosystème.

    La compétitivité : le système national d’innovation et la compétitivité nationale.

    Avant d’étudier le cas précis de la 5G, nous souhaitons faire une brève description de ces perspectives et des concepts qui leur sont rattachés.

    3.1 La poussée technologique : la filière et la cartographie technologique (roadmap)

    Un premier concept est celui de la poussée technologique (technology push). La discussion en ce qui a trait à la poussée technologique par rapport à la poussée du marché (market pull) se poursuit depuis plusieurs décennies (Chidamber et Kon, 1994 ; Mowery et Rosenberg, 1979). Récemment, les arguments ont connu un certain renouveau, notamment en ce qui concerne la poussée technologique et son importance pour la transformation d’une industrie (Van den Ende et Kemp, 1999 ; Herstatt et Lettl, 2004). De façon plus opérationnelle, deux concepts se sont ajoutés récemment à cette approche : la filière technologique et la cartographie technologique (roadmap).

    3.1.1 La filière technologique

    Les chercheurs français utilisent le concept de filière technologique. Ainsi, Toledano (1978) définit une filière comme un ensemble articulé d’activités économiques intégrant les marchés et les technologies. Une filière technologique fait référence à l’ensemble des activités complémentaires de la chaîne industrielle, de la conception à la réalisation d’un produit fini à l’aide d’une ou de plusieurs technologies.

    Les filières et les chaînes de valeur font référence à des logiques transactionnelles (markets and hierarchies). Ce sont ces deux piliers de l’organisation définis par Williamson et repris par James Moore (1996) et qui ne comprennent pas la logique de réseau (troisième pilier de la théorie des organisations [Moore, 1996]). Selon Ben Letaifa et Rabeau (2013), la triple convergence est la clé pour expliquer qu’il n’y a plus de logique sectorielle ou de filière, et que les anciennes « industries » (médias, communications, télécommunications, informatique, musique) se trouvent maintenant dans un même écosystème (technologies de l’information et de la communication [TIC]), car la convergence technologique a détruit les frontières entre les secteurs. C’est pourquoi les écosystèmes permettent de mieux décrire les enjeux de la coopétition et de l’innovation ouverte dans les réseaux technologiques que les concepts précédents (Ben Letaifa et Rabeau, 2012, 2013).

    3.1.2 La cartographie technologique

    Les progrès technologiques incitent les industries, les entreprises et les gouvernements à chercher un meilleur alignement entre les objectifs stratégiques et la gestion de la technologie, de préférence par l’application d’approches structurées et souples utilisant des techniques comme la cartographie technologique (Carvalho, Fleury et Lopes, 2013). La cartographie technologique est une approche méthodologique hybride combinant bibliométrie et analyse de contenu des programmes de recherche et développement (R&D) (Phaal et al., 2004). La cartographie technologique est devenue une approche importante pour aligner les développements technologiques sur ceux des objectifs organisationnels. La popularité de la cartographie routière est attribuable aux avantages de l’élaboration de feuilles de route et de l’établissement d’une compréhension commune du contexte stratégique du développement d’une technologie (Phaal et al., 2004).

    3.1.3 Les impératifs technologiques du marché des applications phares et des modèles d’affaires innovants

    Une deuxième approche complémentaire à la poussée technologique est bien évidemment le pull technologique traduit par les impératifs technologiques de marché. Ce sont notamment les jeunes entreprises (startups) et les retombées (spin-off) qui jouent un rôle clé dans le développement et l’adoption précoce d’innovations (Utterback, 1994 ; Tidd, Pavitt et Bessant, 1998). Parmi les concepts liés à l’approche du pull technologique, on trouve celui des applications phares et des modèles d’affaires innovants.

    Les applications phares

    Selon le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française (2012) et Jones (2007), une application phare ou une application vedette (en anglais, killer application ou killer app) est une innovation (le plus souvent un programme informatique) attrayante, justifiant pour les usagers l’achat ou l’adoption d’un type particulier d’ordinateur, de console de jeu, de système d’exploitation ou de téléphone mobile. Coccia (2019) explique qu’une application phare est une innovation radicale possédant un caractère perturbateur, basée sur de nouveaux produits ou processus avec une performance technique ou économique élevée, détruisant la valeur économique des techniques établies précédemment qui ont été vendues et utilisées.

    Les modèles d’affaires innovants

    Les innovations basées sur des modèles d’affaires novateurs sont devenues essentielles, car l’étude des innovations mettant uniquement l’accent sur les produits ou les procédés est considérée comme insuffisante (Chesbrough, 2007). Le rôle des modèles d’affaires innovants en lien avec les innovations perturbatrices a été souligné par Lucas (2012). Les cadres conceptuels de l’envergure stratégique d’un modèle d’affaires d’Abell (1980) et d’Allaire et Firsirotu (1993) permettent d’étudier les composantes d’un modèle d’affaires. Selon ce modèle, les composantes d’un modèle d’affaires peuvent être opérationnelles avec quatre éléments : l’envergure des produits et services, l’envergure du marché (tarification et canaux de distribution), l’envergure des compétences (y compris la technologie) et l’envergure géographique. Ces éléments définissent l’échelle et l’envergure des composantes d’un modèle d’affaires.

    3.1.4 La dynamique de marché : l’adoption et la première majorité

    Une troisième perspective est celle de la dynamique de marché. Plusieurs études en marketing industriel et technologique ont mis de l’avant les nombreuses méthodes et techniques permettant d’évaluer le potentiel de marché. Dans le cadre de cette approche, nous avons retenu deux concepts, l’adoption et la première majorité.

    L’adoption

    Comme l’ont montré Utterback et al. (1975), les innovations radicales et stratégiques débutent généralement par des innovations de produits à la phase de croissance et se poursuivent par des innovations de processus lorsque le marché transite vers la maturité. Une adoption combine les concepts d’adoption proprement dite et de diffusion (Succar et Kassem, 2015). Plusieurs concepts sont venus compléter l’adoption de technologies complexes, comme le concept d’invention-exploitation (Roberts, 1988), les processus d’innovation de produits (Crawford, 1994), les processus de mise en scène (Cooper, 1993) et l’entonnoir de développement (Wheelwright et Clark, 1995).

    La majorité précoce

    La majorité précoce représente une étape dans la diffusion d’une nouvelle technologie et le premier segment important d’une population à adopter l’innovation. Une majorité précoce apparaît souvent lorsqu’un premier acteur voit un premier succès en accaparant des parts de marché avant des concurrents. Les recherches ont montré que les utilisateurs précoces ont un degré d’innovation et de participation au marché nettement plus élevé que la première majorité (Ram et Jung, 2006). Les innovations de rupture à la base marginale peuvent entraîner de graves perturbations dans le fonctionnement du marché dès que la conquête des acheteurs précoces est terminée. Par la suite, une fois les adopteurs précoces rejoints, il est nécessaire de s’attaquer à la première majorité des acheteurs (early majority), comme l’indique Moore (1996).

    Toutefois, dans la plupart des cas, les adoptions précoces ne mènent pas à une première majorité et ne quittent pas le « cycle de hype » de Gartner¹². Lin, Mu-Hua et Chao-Fu Hong (2011) proposent différentes approches sur l’usage de produits novateurs dont se servent les premiers utilisateurs pour résoudre le problème de la traversée du gouffre de la première majorité.

    3.1.5 La dynamique concurrentielle : les compétences motrices, les avantages concurrentiels et l’écosystème d’innovation

    D’une façon générale, le thème de la dynamique concurrentielle offre une approche fine avec des mesures et un examen rigoureux de plusieurs facteurs reliés à l’innovation (Chen et Miller, 2014 ; Sirmon et al., 2010). Dans le cadre de cette perspective, nous avons retenu trois concepts liés à la dynamique concurrentielle : les compétences motrices, les avantages concurrentiels et l’écosystème d’innovation.

    Les compétences motrices

    Prahalad et Hamel (1990) préconisent l’identification des compétences organisationnelles de base pour identifier des produits et des marchés novateurs. Selon eux, les gestionnaires de la R&D doivent avoir des mécanismes de veille fiables pour orienter simultanément la R&D vers une innovation rapide et le développement de compétences technologiques à plus long terme. Les responsables de la R&D doivent utiliser des outils analytiques pour établir les technologies prometteuses (Coombs, 1996).

    Les avantages concurrentiels

    Ce concept suggère que les entreprises qui utilisent leurs forces internes pour exploiter des possibilités de marché tout en neutralisant les menaces externes et en suppléant à leurs faiblesses internes sont susceptibles de développer des avantages concurrentiels. Porter (1996) a montré comment la technologie permet à une entreprise de développer des avantages concurrentiels. Selon Porter (1996), la stratégie d’une entreprise consiste à déterminer les caractéristiques distinctives de ses concurrents et à établir une position concurrentielle dans un marché.

    L’écosystème d’innovation

    Le concept d’écosystème d’affaires et d’innovation (business ecosystem) a été diffusé par James F. Moore. Celui-ci définit un écosystème d’affaires comme une communauté économique soutenue par l’interaction entre des entreprises et des individus – les organismes du monde des affaires. Moore reprend le concept d’écosystème provenant de l’écologie, défini comme un système de structuration comme outil de veille stratégique.

    3.1.6 La compétitivité : le système national d’innovation et la compétitivité nationale

    Une dernière perspective de veille stratégique de l’innovation est celle de la compétitivité. Pour cette approche, nous avons retenu deux concepts, soit celui du système national d’innovation et celui de la compétitivité des nations.

    Le système national d’innovation

    Les économistes ont introduit l’expression « système national d’innovation » pour décrire le cadre collectif d’innovation des organisations industrielles, des institutions, des règles économiques, de la politique scientifique et technologique d’un pays (Lundvall, 1992 ; Nelson, 1993 ; Patel et Pavitt, 1994). Selon cette notion de système national d’innovation, une organisation fait partie intégrante d’un système industriel et est considérée comme un moteur de la croissance économique vitale pour la compétitivité nationale (Olleros, 1986 ; Fleischer, Decker et Fiedeler, 2005).

    On note toutefois que ce sont davantage les villes qui rivalisent entre elles plutôt que les nations et les systèmes nationaux pour attirer le capital humain et financier et se positionner comme des villes. Les systèmes nationaux sont donc maintenant mis au défi par les villes intelligentes. De plus, la rivalité entre les villes intelligentes se structure autour d’éléments verticaux structurants (santé, culture, tourisme et transport) et la 5G est devenue un important vecteur de cette structuration.

    La compétitivité des nations

    Dans une économie mondiale ouverte et intégrée, la compétitivité nationale en lien avec l’innovation est devenue une préoccupation majeure pour les économies des pays avancés comme des pays en développement. Un concept utile en matière de veille stratégique pour les technologies numériques perturbatrices et radicales est le modèle du diamant, modèle qui a été largement utilisé dans l’étude de la compétitivité de différents pays (Bellak et Weiss, 1993 ; Hodgetts, 1993).

    Plus récemment, les réseaux de valeurs, les constellations de valeurs, les grappes et les réseaux (Normann et Ramirez, 1993) – soit ceux de Moore sur les écosystèmes (« death of competition ») ou ceux de Iansiti et Levien (« keystone advantage ») (2004), de Ramaswamy et Gouillart (2010) et de Prahalad et Ramaswamy (2004) sur la personnalisation et la triple convergence technologies, industries et produits – ont ouvert de nouvelles perspectives.

    4. La méthodologie

    Ce chapitre repose sur une étude portant sur la technologie 5G. Celle-ci s’appuie sur l’analyse de près de 500 sources d’information les plus essentielles pour la période 2015 à 2021 pour le marché de la 5G. Les sources d’information suivantes ont été utilisées pour produire cette analyse :

    Revues spécialisées et examen d’études de marché existantes, telles que la recherche sur les marchés mondiaux, le marché et les fournisseurs d’études de marché comme IoT Analytics, Businesswire, <Bccresearch.com> et Ibis world.

    Documents d'entreprise de 25 entreprises qui sont des leaders sur le marché de la 5G et revue des rapports publics des centres de recherche.

    Étude des publications de recherche avec l’indicateur SciVal et analyse de 250 publications de recherche importantes au cours des 5 dernières années pour le marché de la 5G dans des articles scientifiques en anglais, en allemand et en français.

    Documents de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de la Commission européenne (CE) et de la Federal Communications Commission (Data, 2016) du gouvernement américain, mais aussi des gouvernements britannique, canadien et australien concernant les politiques de marché de la 5G.

    4.1 Les limites méthodologiques

    Ce chapitre comporte plusieurs limites méthodologiques. Nous pouvons en établir cinq :

    Tout d’abord, l’une des limites du chapitre est de ne pas présenter d’exemples particuliers dans le domaine de l’ingénierie. On note toutefois que des exemples concrets seront présentés dans la dernière partie de l’ouvrage.

    Une deuxième limite de ce chapitre est de ne pas présenter de relations explicites entre le processus de veille et le processus de gestion de l’innovation. Cette relation sera discutée dans les chapitres subséquents du livre.

    Une troisième limite du chapitre est que celui-ci présente des concepts et des outils de veille essentiellement reliés à des sources d’information secondaires. Les outils de veille portant sur des données primaires comme l’expérimentation n’ont pas fait partie de la revue du chapitre.

    Une quatrième limite du chapitre est qu’il ne porte pas sur les étapes de la veille stratégique, qui font l’objet d’un autre chapitre dans l’ouvrage.

    Une dernière limite de ce chapitre est qu’il ne porte pas sur des sujets particuliers comme l’innovation sociale ni sur la gestion de l’innovation ouverte, qui a déjà fait l’objet de plusieurs études et publications.

    5. Les concepts et les applications de la veille stratégique de la 5G

    Nous allons maintenant faire un tour d’horizon des différents concepts associés à chacune des cinq perspectives proposées en vue d’une veille stratégique pour les technologies de la 5G.

    5.1 La poussée technologique de la filière et de la cartographie technologiques (roadmap) de la 5G

    Parmi les différentes perspectives, on trouve tout d’abord celle de la poussée technologique (push). La perspective de la poussée technologique s’exprime par la prévision et l’évolution de la filière technologique afin de saisir les avenues de développement de la nouveauté que constitue la 5G.

    Pour la 5G, la poussée technologique s’illustre bien par les « services de contournement » (over-the-top [OTT]). Les services OTT permettent le transport de flux vidéo, audio ou de données sur Internet, sans l’intervention d’un opérateur de télécommunications. Ils ont été rendus possibles grâce à l’apparition de la transmission de la voix par Internet. C’est une technologie qui permet la communication par la voix ou multimédia, vidéo ou flux audio, par le réseau Internet (voice over IP [VoIP]). Des acteurs OTT, comme Facebook Messenger, WhatsApp, Viber ou Skype, pour les plus populaires, ont connu une forte croissance en s’appuyant sur le réseau des opérateurs de télécommunications pour diffuser leurs contenus.

    5.2 La filière technologique

    Dans le cas des technologies de la 5G, une analyse fine des filières technologiques peut s’effectuer à l’aide d’une base de données comme Scopus afin de connaître les thématiques de recherche, les revues scientifiques et les disciplines qui façonnent ces technologies.

    Une analyse des filières technologiques trace un aperçu de la recherche émergente et des travaux de recherche pour les technologies de la 5G. Les travaux de recherche reliés à la 5G établissent plusieurs thèmes jouant un rôle stratégique, dont les suivants : la densification des réseaux cellulaires actuels ; l’inclusion des dispositifs de microcellules pour l’interaction de type P2P appelé de dispositif à dispositif [D2D]) ; la communication machine à machine (M2M) pour la mise en place de réseaux hétérogènes à plusieurs niveaux (Demestichas et al., 2013 ; Talwar et al., 2014). Un autre thème important est celui de la vitesse de la 5G et les complexités d’intégration. Selon Scopus, le développement de la 5G est limité par une série d’obstacles reliée à un manque d’intégration technique, dont des normes et des standards communs.

    La recherche à l’aide de Scopus indique que les solutions sans-fil novatrices de la 5G comportent trois limites techniques importantes devant faire l’objet de travaux additionnels pour les résoudre :

    Le taux de vitesse hors laboratoire ou même lors d’essais non validés en milieu industriel.

    Les vitesses maximales atteintes dans la vie réelle sous des conditions idéales seulement.

    Les taux de vitesse que les propriétaires réels atteignent dans la vie réelle.

    En somme, Scopus représente un outil de veille stratégique permettant de déterminer le déploiement des technologies de la 5G.

    Une analyse de Scopus indique aussi que les disciplines cruciales pour la recherche permet d’identifier le nombre de publications scientifiques pour la 5G sont, par ordre d’importance pour les disciplines suivantes :

    Informatique (5 388)

    Génie (5 138)

    Physique et Astronomie (1 943)

    Aperçu de la science des matériaux (1 547)

    Mathématiques (878)

    Chimie (498)

    Sciences de l’énergie (420)

    Sciences de la décision (417)

    Sciences sociales (285)

    Génie chimique (268)

    De façon particulière, Scopus établit des considérations stratégiques liées au développement d’une filière. Ainsi, on note que le nombre de publications scientifiques pour le thème particulier de la cybersécurité en matière de 5G a atteint 659 articles en 2014, 790 articles en 2015, 835 articles en 2016 puis 992 pour la première partie de 2020. On constate ainsi la montée importante du thème de la cybersécurité pour le développement de la filière technologique de la 5G.

    5.3 La cartographie technologique

    Un second concept est celui de la cartographie technologique (roadmap). Pour appliquer cette méthode, la première étape est la revue des brevets et de la propriété intellectuelle. Ensuite, on peut établir les objectifs de développement technologique dans la déclaration d’intention des brevets. On peut alors cartographier les possibilités d’innovation dans un domaine particulier pour le développement d’applications. Ainsi, on note que, pour les technologies de la 5G, l’omniprésence (ubiquité) et l’interopérabilité du système sont les deux thèmes porteurs qui caractérisent la carte routière de la 5G (Sabourin, 2021).

    Une façon d’évaluer la position technologique des joueurs est la mesure des brevets par principe et par application. Une cartographie des technologies de la 5G détermine la position des joueurs sur le plan des brevets et de la propriété intellectuelle. Ainsi, on note que Huawei domine la course aux brevets de la 5G. Selon les classements de Polytrics et de l’Université technique de Berlin, avec plus de 3 000 demandes de brevet enregistrées et plus de 1 200 demandes de fonctionnalités particulières de la 5G, l’équipementier et opérateur chinois Huawei est le leader incontesté du développement des technologies de la 5G¹³. Nokia et l’entreprise sud-coréenne Samsung se classent respectivement aux deuxième et troisième places du classement.

    Une cartographie des technologies de la 5G jette aussi une lumière sur les blocs de construction du design et de la structure technique du cœur de la 5G. La cartographie des sujets indique qu’en plus des enjeux technologiques de renforcement de capacité, les technologies de la 5G doivent résoudre trois enjeux techniques particuliers : des communications plus fiables, une plus faible latence (délai de transmission) et une meilleure connectivité. Un autre des enjeux techniques est la constitution de plateformes polyvalentes intégrant les différentes technologies pour des utilisations variées (Pirinen, 2014).

    6. Les impératifs technologiques du marché : les applications phares et les modèles d’affaires innovants

    Une autre perspective dans la veille stratégique est celle des impératifs technologiques du marché (pull technologique). Sur le plan de la veille stratégique, cette perspective consiste à évaluer les applications phares et les modèles d’affaires innovants. En matière d’innovation, il faut rappeler que les applications constituent le moteur de la demande et de l’adoption de nouvelles technologies.

    6.1 Les applications phares

    Un premier concept est celui des applications phares. Les applications de la 5G sont spécialement conçues pour des marchés verticaux avec des besoins particuliers en ce qui a trait aux débits de données, à la fiabilité des réseaux, à la latence et à la densité de connexion.

    Sur le plan des applications phares, on note que les applications de clavardage (chat) pourraient devenir un substitut aux services lucratifs d’opérateurs de télécommunications comme les messages textes (SMS). De la même façon, la téléphonie en VoIP (Voice over IP) est en voie de se substituer à la téléphonie conventionnelle fonctionnant sur le réseau RTC, contrôlé par les opérateurs de télécommunications¹⁴.

    Les études mettent en évidence la façon dont les applications de la ville intelligente en lien avec les transports et la logistique constituent des applications phares pour les technologies de la 5G¹⁵. Avec le déploiement et la commercialisation des réseaux 5G, ainsi que l’autonomisation des grandes entreprises intégrées verticalement, l’un de leurs scénarios d’application les plus importants est celui des villes intelligentes. Une revue des études montre comment les applications liées aux véhicules autonomes, au contrôle des flux du réseau routier, au contrôle de la sécurité routière et aux services à distance contribuent au concept de villes intelligentes¹⁶. Les dispositifs spécialisés comme le V2X, une communication de véhicule-à-tout (en anglais vehicle-to-everything, V2X), permettent aux véhicules d’échanger des informations entre eux, avec les infrastructures et les piétons. Pour ce faire, les technologies 5G misent sur des réseaux intégrés avec des terminaux infonuagiques (cloud-application-terminal) pour la communication, la supervision, la prise de décision et

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