Anticythère
Par Catherine David
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À propos de ce livre électronique
Anticythère est un recueil qui rassemble six longs poèmes, six chants. C'est un hymne à l’âme sensible des bêtes, au cœur vibrant des choses inanimées, aux fantômes du passé, à tous les paradis perdus…
La forme poétique permet à Catherine David de développer avec bonheur un sujet, une atmosphère, et d’en explorer tous les aspects et toutes les profondeurs. Les espaces clos par nature, une île, un paquebot, une chambre, un hôtel particulier… sont, pour elle, les cadres privilégiés de cet approfondissement. Le travail est alors achevé lorsqu’une musique singulière se fait entendre.
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Aperçu du livre
Anticythère - Catherine David
Anticythère,
comme au début du monde
Sur la plage d’Anticythère
La nuit s’évapore peu à peu
Petits jouets mécaniques
Les crabes roses et bleu pétrole
Dans un cliquetis vont et viennent
Comme animés par de petites mains d’enfants
Une nappe d’or infime
Recouvre maintenant les îles
Lesquelles lentement adviennent au jour
Comme si rien n’avait changé
Depuis l’époque antédiluvienne
Sur la plage d’Anticythère
Le sable et les galets sont d’or
Les grues cendrées marchent
Tout au bord dans l’écume
Mesurant à chaque pas l’espace
Et le silence à travers l’espace
Leurs yeux rouge rubis contemplent
Le soleil qui s’embrase
Et puise dans ces foyers minuscules
Toute son énergie comme au début du monde
Quand Apollon lançait sur l’orbe
Ses quatre chevaux blancs
Sur le sable doré d’Anticythère
Les méduses échouées
Sont de pâte de verre désormais sans vie
Mais en quoi peut bien consister
Le principe vital chez des êtres si simples
La chair endurcie alourdie et froide
Qui semblait là-bas un nuage
Est ici panse vide
L’organe exsangue d’un ange
Je me souviens d’Anticythère
La jetée la roche blanche cristalline
La sterne arctique immaculée
Qui regardait obstinément l’horizon
Fascinée par l’image de l’aube
Sur la mer Égée
Je me souviens des méduses
Endurcies au contact de l’air
Et si froides au bout du doigt
Nuages là-bas ici organes exsangues
Mais en quoi peut bien consister la vie
Chez des êtres qui dérivent
Indéfiniment dans l’azur
Sur l’île d’Anticythère
– Pour nous le paradis –
Les crabes roses et bleu pétrole
Les grues les sternes et les laminaires
Qui dansaient au pied des rochers
Dans la lumière comme au début du monde
La nuit dernière une tortue
Était venue pondre dans le sable
Comme une enfant malade
Elle avait des soupirs des larmes froides
Aussi froides que les méduses
Là-bas nuages ici organes exsangues
Hier encore elles avaient dans l’eau
Ce mouvement gracieux cette respiration
Comme le jour avance les laminaires
Plus vivantes s’agitent dans le clair-obscur
Dans ces autres foyers l’émeraude
Se fait pierre plus ardente diopside chromifère
Sur la peau minérale les couleurs du spectre
Affleurent ensemble
C’est toute la mer Égée
Qui respire
Les méduses alors font naufrage
Et s’embrase l’horizon
Dans les pupilles rouges des oiseaux
Sur le rivage d’Anticythère
Les crabes roses et bleu pétrole
Aux lambeaux de nuit s’agrègent
Sous la jetée aux pieds des laminaires
La nuit tarde à comprendre
Que le jour est là sur la mer Égée
Au bout de l’horizon
Comme jadis Apollon et son quadrige
Il faut bien que quelque chose
Résiste à l’avènement de la lumière
D’une roche à l’autre les crabes vont et viennent
D’un mollusque à l’autre enchâssé
Dans la perfection du coquillage
De ceux qu’on offrait aux nymphes
Couverts d’or de nacre et d’argent
La méduse Aurélia
Là-bas nuage s’abandonne ici à la mort
Parmi ses dentelles froides et ses rubans
Le sexe violacé épanoui
Semble une plante carnivore
Et de l’eau salée s’écoule encore
De la poche gastrique jusqu’à la mer
Par de petits méandres
Du rivage d’Anticythère
Je me souviens avoir vu cette île
Qui vit naître dit-on l’amour
Dans ses flots atmosphériques
Dans les