Ál’abri du gel et des vents grâce à l’influence du Gulf Stream, tel un diamant protégé par ses 86 îlots rocheux et récifs, la petite Bréhat, éclaboussée de couleurs, traversée de parfums délicieux, invite à un grand voyage floral autour du monde. écrit Erik Orsenna dans Parfaitement acclimatées, on retrouve, au gré des chemins, des espèces originaires des Canaries, de Madère ou d’Afrique du Sud, à l’image de l’agapanthe qui a proliféré en toute aisance de jardin en jardin. À qui doit-on l’introduction de cette fleur devenue depuis symbole de l’île? Un ambassadeur fraîchement débarqué du Cap, des propriétaires terriens botanistes et grands voyageurs ou des marins au long cours? L’histoire a ses mystères qui contribuent au mythe. À l’instar des courants océaniques et du relief, qui dessinent des paysages à la diversité exubérante. La partie nord de l’île, de l’autre côté du pont ar Prat, dit pont Vauban, révèle ainsi un décor majestueusement différent. Longues landes de bruyères battues par les vents d’ouest et criques découpées rappellent leurs cousines d’Irlande. En vigie sur l’archipel, le phare du Paon surplombe un ensemble monumental et chaotique d’énormes rochers de granit rose. Terre de légendes – deux de ces imposants blocs de granit, séparés par un gouffre, évoquent des frères assassins pétrifiés pour leurs méfaits –, Bréhat incite aussi à une humilité salvatrice. À 360°, un écosystème insaisissable, balayé de courants traversiers et parsemé d’un dédale de redoutables cailloux à fleur d’eau. La haute mer est l’autre visage de ce minus cule bout-du-monde. Depuis le port de la Corderie, on imagine sans peine l’effervescence des départs des « grandes pêches » à la morue, menées par des marins rompus à l’exercice périlleux du « rase-cailloux », slalom entre les rochers traîtreusement cachés sous le varech. Côté littoral, la presqu’île de l’Arcouest reflète un éventail de sensations tout aussi riches. On quitte Paimpol, petite ville pleine de vitalité portée par ses galeries d’art, ses créateurs et ses restaurants de la mer, pour découvrir l’abbaye gothique de Beauport et l’extrême pointe, Ploubazlanec, surnommée « Sorbonne-Plage » dans les années 1930, lorsqu’une communauté d’intellectuels et de scientifiques y prend ses quartiers d’été, dans le sillage de Marie Curie. Pour mieux regarder, au loin, les charmes de l’île aux fleurs… Minuscule jardin d’Éden, premier site naturel français classé, capturant à merveille les contrastes qui sculptent la beauté singulière de la Bretagne. Sauvage mais généreuse. Familière mais surprenante. Immuable mais en perpétuelle métamorphose.
L'ÉDITO
May 31, 2023
2 minutes
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