The Good Life

Bijou rugueux de la Riviera

Même Minerve en oubliait sa patrie, en arrivant à Portovenere par la mer.

est si charmant, si croquignolet, si plein de superbe que ce qui vous frappera d’abord, comme une claque qu’on n’a pas vue venir sur un visage béat, comme un caillou (rugueux) dans la chaussette (en fil d’Écosse), ce sont ses rarissimes mochetés. Portovenere, c’est un village pour adorateurs de la beauté – le suffixe étymologiquement, vient de « Vénus », déesse du beau s’il en est. Un village adoré des poètes – de Pétrarque à Byron – et de la jet-set – Patti Smith s’y relaxe, Steven Spielberg y promène son chien. Oui, bien sûr. Mais ce qui vous cogne au coin de l’àil, en premier lieu, quand vous atteignez, après moult virages le long de la mer, cette petite péninsule, c’est un immeuble administratif en béton de la plus sévère des espèces, en diable, mastoc, grisâtre et anguleux, où se loge la Biblioteca civica, le commissariat de police, quelques appartements de fonction façon cages à lapin – même si, de là-haut, quand même, on voit la grande bleue en panoramique – et une supérette tristounette. Une sorte de verrue, en somme, qui n’a rien de vénusien (ni de vénérien, rassurons-nous) et qui dénoterait moins, du coup, dans les faubourgs industrieux de La Spezia, la grosse ville à 10 km de là, que sur ce petit port en forme de rêve pastel. Mais en Italie, même le moche sait 9 de la via Giuseppe Garibaldi de Portovenere épouse le relief pentu du village par l’entremise de piliers aériens, lesquels ménagent des dalles, passages et escaliers empreints de mystères qui, aux esprits imaginatifs, évoqueront une toile de Giorgio De Chirico, tandis que, depuis ses balcons, des gerbes de plantes grasses cascadent, comme arrivées là au gré des vents. Moche, vraiment ? Les Portovénériens, si vous partagiez avec eux ce jugement-là, l’accueilleraient d’un haussement d’épaules, l’air de dire que l’aura séculaire de leur bourgade s’accommode de tout. Que rien ne la ternit. Que les errances architecturales la renforcent même. Leur lieu de rassemblement favori, d’ailleurs, n’a rien de pittoresque. Les quais mignonnets du port ? Les du centre-bourg ? Juste bons pour les touristes. Le point névralgique de Portovenere, c’est cette grosse piazza Bastreri, aux portes du centre historique, qu’un urbaniste un peu pataud a affublée d’un rond-point sur lequel plastronne le blason du village. Il y a des pins parasols qui prodiguent une ombre généreuse, mais, en ce dimanche radieux de février, lors de notre visite, les riverains ont préféré s’asseoir sur ledit rond-point et tout autour. Les bambins courent partout. Les aïeux cramoisissent consciencieusement, dardant leur visage vers le ciel en fonction de la course du soleil comme le font les tournesols. Entre les deux âges, les adultes conversent, de plus en plus fort et de moins en moins masqués, à mesure que la journée avance, peut-être parce qu’au fil des heures les allers-retours au Cicciotti – le seul ouvert, saison basse et Covid obligent – se font plus fréquents : spritz pour les uns, bières pression pour les autres, pour tout le monde et pour éponger. Pas l’ombre d’un touriste, évidemment. Portovenere, à l’heure qu’il est, est un village catastrophé comme tant d’autres, mais ses habitants, ce jour-là, semblent nous dire « au diable le spleen ». Seuls « étrangers » – étranger, ici, peut désigner l’habitant du village voisin –, quelques ouvriers qui redallent les quais du port avant la belle saison. L’auberge de jeunesse est privée de jeunesse. Le Grand Hotel a remisé tout son mobilier, lequel, sous son linceul de plastique, attend des jours meilleurs. Quelques fastueuses villas, sur les hauteurs, ne manquent pas de vie toutefois. L’une d’elles est même, semble-t-il, le cadre d’une garden-party, d’après les sons qui nous parviennent – des tubes de Raffaella Carrà, des verres qui s’entrechoquent pour trinquer, des voix avinées, des corps qui se jettent sans cérémonie dans une piscine –, sans que les hautes clôtures en dévoilent quoi que ce soit. On a quand même vu passer, garant plus bas leur coupé sport, trois jeunes gens B.C.B.G. au possible, méchés, très classiquement, mais très chiquement vêtus, réussissant la prouesse de porter leur FFP2 noir effet cuir sans qu’aucune buée ne voile leurs verres fumés griffés. On les imaginerait volontiers sortis d’une pub pour mocassins Tod’s, grimper dans une embarcation bien lustrée pour quelque régate dominicale, mais non, ils se dirigent vers ladite villa, les bras chargés de spiritueux.

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