30 jours pour te détester
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À propos de ce livre électronique
Seulement, Adam Pharand est d’un tempérament hautain et méprisant à la limite du supportable. Le testament de son père, récemment décédé, lui a toutefois réservé une surprise de taille.
Si Adam veut toucher son héritage, il lui faudra gérer avec succès l’entreprise familiale pendant six mois. Persuadée de son côté du potentiel de son faux copain, Léa se met au défi d’amadouer la bête. Arrivera-t-elle à percer la carapace du séduisant homme d’affaires ? Et à éteindre l’étincelle de désir qui brûle en elle chaque fois qu’elle se trouve dans la même pièce que lui ? C’est décidé : elle s’interdira de l’aimer. Il lui reste trente jours pour le détester, car, ensuite, elle devra retourner auprès de James…
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Avis sur 30 jours pour te détester
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Aperçu du livre
30 jours pour te détester - Catherine Bourgault
De la même auteure
aux Éditions JCL
L’appart des amours perdus, 2020
L’appart de ma nouvelle vie, 2019
Je t’aime… Moi non plus
1. Illusions, 2017
2. Tourments, 2018
3. Résilience, 2018
À Mylène
1
Léa
Désespérée, je soulève tous les coussins du divan et les fais voler à travers la pièce. Où est le foutu téléphone ? Je m’arrête et retiens ma respiration pour entendre d’où provient la sonnerie. À droite ! Je saute par-dessus une pile de livres et l’assiette sale contenant des miettes de mes toasts d’hier soir. Je me frappe le petit orteil contre une patte de la table basse. Ça fait tellement mal que le souffle me manque pour pouvoir hurler ! Les cheveux en bataille cachant la moitié de mon visage, je sautille sur un pied jusqu’à la bibliothèque. Je repousse une boîte de mouchoirs, deux bibelots… Oh ! Je le vois. Merde ! Il est tombé derrière le meuble de la télévision. Comment a-t-il pu se retrouver là ? Je m’étire de tout mon long pour le ramasser à travers les boules de poussière.
— Oui !
— Seigneur, Léa, étais-tu dans le troisième sous-sol ? J’allais raccrocher…
Je me laisse tomber sur le fauteuil, puis je me redresse aussitôt. Ouille ! Quelque chose me pique les fesses. Une pince à cheveux. Super ! Je la cherchais depuis des jours. Le téléphone coincé entre mon épaule et mon oreille, je me fais un chignon rapide.
— Salut, Alice ! Qu’est-ce que t’as à me demander ?
— Eh ! Je t’appelle pas juste quand j’ai une faveur à demander…
Je me paie sa gueule et commence à compter sur mes doigts :
— Hum ! Attends, la dernière fois, c’était pour avoir le numéro de…
— OK ! J’ai compris, me coupe mon amie. Je vais prendre le temps de t’appeler pour discuter des nouvelles recettes véganes que j’essaie.
Je grimace. Alice se nourrit de jus de légumes à la couleur douteuse. Pas de viande, pas d’œufs, pas de produits laitiers… Je respecte son choix. Chacun ses combats. Quand même, elle m’a convertie au bio avec les années.
— Laisse faire ! Tu vas finir par avoir le teint vert avec tous les légumes que tu bouffes. En tout cas, tu dois pas avoir de problème de constipation, han ?
— Tu veux vraiment qu’on en parle ?
Je ris et ça me fait du bien.
— Non !
Maintenant bien réveillée, je m’assois à l’indienne sur le fauteuil. Son appel m’a sortie d’un beau rêve.
— Comment va James ? demande-t-elle, d’un ton plus posé.
La réalité me rattrape. Fini le beau rêve. Finies les rigolades.
— Son état est stable.
Je sens qu’elle hésite.
— Tu pourras pas continuer encore longtemps comme ça, Léa, me dit-elle d’une voix compatissante.
Et comme d’habitude, je me braque :
— Je sais ! Mais je veux pas en parler.
— Bon, reprend-elle. Dans ce cas, tu te souviens que tu m’en dois une ?
— Non, Alice, je vendrai pas mon corps à la science.
— Idiote ! Je suis sérieuse.
Je me lève et me traîne jusqu’à la cuisine pour mettre en marche la cafetière. Eurk ! Le filtre est plein du café moulu de la veille. Ça, c’est assez pour me mettre de mauvaise humeur.
— Qu’est-ce que tu veux ?
Je sais que je lui dois beaucoup, mais je n’ai pas d’énergie en ce moment pour quoi que ce soit de compliqué.
— J’ai une offre à te faire que tu peux pas refuser ! insiste mon amie.
— Je pensais que c’était moi qui t’en devais une…
— Justement, je suis dans la merde et j’ai besoin de toi !
Je soupire. Peu importe sa demande, Alice en a tellement fait pour moi dans les derniers mois que je vois mal comment je pourrais l’envoyer promener. Je me suis d’ailleurs promis de lui rendre la pareille à la première occasion. Mais le timing est mauvais. Je ne suis pas encore retombée sur mes pattes. Je marche au bord d’un précipice. En fait, mes jambes se balancent déjà dans le vide, et je ne sais pas si je m’en sortirai. J’ai tout mis sur la glace depuis six mois pour être au chevet de James.
— Qu’est-ce que tu dirais de passer un mois à Montréal ? propose Alice avec un enthousiasme démesuré.
Je lève les yeux au ciel. Elle a toujours cette façon de parler sans rien dire.
— Mais encore ?
— J’ai un client qui doit refaire son image publique. J’ai besoin que tu sois sa blonde pendant un certain temps.
Je manque d’échapper la tasse que je rince sous le robinet parce qu’il n’y en a plus une seule de propre dans l’armoire.
— Tu me niaises ? Je veux rien savoir de tes petits clients capricieux !
Elle est avocate et travaille pour une boîte qui défend les personnalités publiques ou les riches hommes d’affaires qui divorcent. Alice vit carrément dans un monde parallèle. Les sorties jet-set, les cinq à sept mondains, les amitiés avec les célébrités, la grosse maison…
— Allez, Léa ! En plus, ça nous permettrait de nous voir plus souvent. C’est qu’un petit mois et quelques apparitions avec lui !
— Et qu’est-ce qu’il a fait de si grave pour avoir besoin d’améliorer son image ?
Mon amie soupire. Je l’entends presque réfléchir. Ça regarde mal. Je suis certaine qu’elle cherche les bons mots en examinant ses jolis ongles.
— Disons qu’il a eu quelques démêlés avec la justice.
— Comme, quoi ?
Je déteste quand elle prend quatre heures pour cracher le morceau. Si elle était devant moi, je la brasserais. Accouche.
— Bah ! Rien de grave, je te jure. Le classique : conduite avec les facultés affaiblies. Quelques bagarres… Il s’apprête à reprendre les rênes de l’entreprise familiale et il doit convaincre le conseil d’administration de la compagnie qu’il est sérieux. J’ai donc pensé que de montrer qu’il est dans une relation stable aiderait sa cause.
— Il est au courant de ta bonne idée, ton client ?
Elle glousse.
— Oui et il m’a donné carte blanche ! Enfin, presque…
Le lait tourne lorsque je le verse dans le café. Zut ! Il est périmé. Je vide le contenu de la tasse dans l’évier. Tant pis, j’enfile le premier jean que je trouve pendant que je parle à Alice.
— Hé, fille ! Je suis pas une actrice, moi.
— Pouah ! Tu torchais tout le monde en impro au cégep !
C’est vrai, j’avais presque oublié. Je souris. C’est là que j’ai rencontré Alice. On faisait une équipe de feu ! On a même gagné plusieurs tournois d’improvisation ensemble. C’était il y a quelques années seulement, mais j’ai l’impression que c’était dans une autre vie. Je donnerais n’importe quoi pour reculer le temps, juste pour une soirée.
— En plus, ce sera payant ! ajoute Alice.
Je sursaute, une main sur la poignée.
— Ark ! Ça sonne comme s’il avait besoin d’une escorte, ton affaire !
— Non, c’est moi qui t’offre une compensation pour ton temps et ton déplacement.
— Alice, t’as déjà payé mon dernier mois de loyer…
— Justement ! Disons que je t’offre les six prochains mois. Dis ouiii ! Je suis vraiment dans la merde…
Grr ! Elle est tenace, mon amie. Je la connais, elle ne lâchera pas le morceau. Je sors et dévale quelques marches avant de revenir sur mes pas pour vérifier si j’ai bien verrouillé la porte.
— Je peux pas laisser James pendant trente jours, Alice !
— Léa, ça fait bientôt six mois qu’il est cloué à son lit d’hôpital et que tu dépéris à veiller sur lui du matin au soir. Il saura même pas que t’es pas là.
— Arrête avec ça, je suis sûre qu’il entend.
— Écoute, s’il y a une urgence, tu sautes dans un train et tu retournes à Québec, c’est tout.
Je descends les cinq étages, puis pousse la porte pour me retrouver dehors. Je ne sais même plus quelle journée de la semaine on est. Je me nourris de pain et de beurre d’arachide. Je n’ai plus le câble ni Internet… J’ai arrêté l’université. Ma vie est un long tunnel noir. Quand James a eu son accident, il a aussitôt été transféré à l’hôpital Enfant-Jésus. J’ai ramassé quelques affaires et j’ai abandonné mon appart à Rimouski pour être près de lui. Je lui devais bien ça.
— T’as besoin d’une pause, Léa, reprend Alice avec douceur. Si ça peut te rassurer, j’ai déjà demandé à la sœur de James qui habite Trois-Rivières de passer le voir plus souvent.
Elle a pensé à ça ? Mais oui, Alice pense à tout. Je bats des cils pour ne pas pleurer. Nos familles sont dans le bas du fleuve. Frédérique est la seule qui peut prendre le relais de temps en temps. J’entre dans le café au coin de la rue, commande un grand latté. Comme d’habitude. Ça fait des mois que chaque nouvelle journée est identique à celle de la veille. C’est sans espoir pour James, je le sais. Mais je suis incapable de donner l’autorisation aux médecins de le laisser partir. Je ne peux juste pas. Parce que je me sens déjà assez coupable comme ça de son état.
— Ça consiste en quoi, au juste ?
J’entends mon amie étouffer un cri de joie.
— Pas grand-chose ! s’excite-t-elle. Te prélasser dans son luxueux condo, l’accompagner dans les sorties, t’éclater comme si tu jouais un rôle…
— Tant que j’ai pas à coucher avec lui.
— Ah ben ça…, soupire Alice, d’une voix rêveuse.
— Quoi ?
— Tu verras par toi-même ! Merci, je savais que je pouvais compter sur toi !
— Ouais, c’est ça… Et je veux pas être payée.
— J’insiste, ma pinotte ! Je le sais que tu dois encore payer ton appart à Rimouski en plus du loft à Québec.
En vérité, le loft ne me coûte presque rien. Une fondation héberge les familles des proches hospitalisés. Mais oui, mes économies baissent à vue d’œil, et je n’ai pas accès aux comptes bancaires de James. Tout est bloqué. Franchement, qui pense à faire un mandat d’inaptitude à vingt-quatre ans, au cas où on se ramasse entre la vie et la mort sans pouvoir gérer ses biens ? Personne ! Et un jour, ça t’arrive. Un camion de livraison te ramasse de plein fouet comme si tu étais un colis. Une fraction de seconde. Quelle coïncidence de merde. Quelles étaient les chances que James mette le pied dans la rue à l’instant même où le camion passait ? Je suis certaine que les probabilités de gagner le gros lot à La poule aux œufs d’or sont plus élevées que de finir la face écrapoutie dans la grille d’un camion.
Je vois encore son visage quand il est sorti de l’appart cet après-midi-là… Je ne peux pas croire que la dernière chose que j’ai vue de lui était un regard démoli par le chagrin. Ses dernières paroles résonnent encore dans mes cauchemars.
— T’as pas le droit de me faire ça ! Tu vas le regretter.
Il a descendu l’escalier sous un soleil magnifique qui ne pressentait pas du tout un malheur. Si j’avais su qu’il était trop ébranlé pour regarder avant de traverser la rue, j’aurais agrippé son poignet pour le retenir quelques secondes… James aurait eu une peine d’amour, mais il serait toujours vivant.
Stop ! Il est vivant !
Je récupère mon gobelet en saluant la serveuse d’un hochement de tête. Une fois dehors, je bois une longue gorgée qui me brûle la langue, mais je m’en fous. Je savoure ces quelques secondes de bonheur. Puis soudain, je m’entends répondre à Alice comme si mon esprit était déconnecté de mon corps :
— C’est bon, je vais le faire…
— Tu me sauves la vie, avoue-t-elle avec soulagement. Toutes les filles que j’ai approchées ont refusé en apprenant qui il est…
Je déglutis.
— C’est qui, au juste ?
— Arf ! Tu le sauras bien assez tôt. T’inquiète pas, il est beau comme un cœur. Fais ta valise ! Ton billet d’avion est réservé pour demain après-midi !
— Quoi ?
Interdite, je fixe mon écran. Elle a raccroché !
Eh sacrament !
— Ça vous dirait de regarder où vous allez !
Je range mon téléphone en me retournant pour voir qui ose gâcher l’ambiance de cette matinée tranquille. Un gars gesticule en engueulant un cycliste qui s’excuse d’un signe de la main sans s’arrêter.
— C’est ça, va te faire foutre !
Sans trop savoir pourquoi, je reste là à l’observer. Je crois que je souris, aussi. C’est plutôt rigolo de le voir soupirer en voyant ses deux pieds dans une mare de café. J’en déduis que le cycliste lui a coupé la route et que son gobelet est tombé par terre.
— Connard, marmonne-t-il.
Il se retourne. De dos, il était pas mal, mais de face… La seule chose que je lui reproche, c’est cette casquette qui voile son regard.
— Tenez, dis-je en lui tendant mon latté. Vous en avez plus besoin que moi.
Il le prend et fait une sorte de grimace qui s’apparente à un sourire gêné. Il comprend que j’ai été témoin de sa crise. Il se penche pour ramasser le gobelet vide par terre. Le mouvement fait remonter son t-shirt et me dévoile un tatouage au bas de son dos qui semble s’étendre sur sa hanche. Il s’éloigne, ses semelles laissant des traces derrière lui. D’un lancer précis, il envoie le verre en carton au recyclage avant de revenir vers moi.
— Désolé, journée de cul.
Songeur, il boit une gorgée de mon café. Il pose les lèvres exactement où j’avais les miennes il y a cinq minutes… L’angle de son visage face aux rayons du soleil me permet de mieux voir ses traits maintenant. Des traits bien définis. Quelques défauts qui le rendent attrayant. Une vieille cicatrice traverse son sourcil gauche. Son nez dévie légèrement, sans doute le résultat d’une bagarre… Et ça lui donne un charme fou.
Je réalise que ses yeux sont braqués sur moi. Je me racle la gorge.
— Je comprends, c’est pareil pour moi.
Il ricane.
— Vraiment ? Si on faisait un concours, je suis certain que je gagnerais le titre de celui qui a la journée la plus merdique.
Je croise les bras.
— Allez, commencez.
L’inconnu allait boire une nouvelle gorgée, mais arrête son mouvement. Il glisse une main dans sa poche, de l’autre qui tient le gobelet, il frotte sa barbe du matin. Il réfléchit. Je suis tombée sur un compétitif, je le vois dans son regard bleu mi-déterminé, mi-amusé.
— Il y a eu une alarme d’incendie à mon hôtel cette nuit.
Je mordille ma lèvre, l’air de dire : « Ouche ! Ça part fort ! » Il est plutôt fier. Pff ! S’il pense qu’il va gagner aussi facilement. Il écarte les jambes, impatient de connaître ma réplique. Une minute, ça vient. Sa prestance m’intimide. Je ne sais pas qui il est, mais il dégage ce petit je-ne-sais-quoi que tous les gens importants ont. Sa tenue n’a pourtant rien d’extraordinaire. Un jean et un t-shirt. Du noir de sa casquette à ses souliers. La montre Rolex à son poignet se démarque du reste. Entre nous, il y a la flaque de café sur le sol.
— Je me suis fait réveiller par le téléphone, ce qui m’a sortie d’un rêve plutôt intéressant.
Une lueur de curiosité illumine ses pupilles. Il incline la tête en laissant planer quelques secondes…
— Je vais perdre cette belle journée d’été dans la paperasse pour finaliser la vente du condo de mon paternel.
Ma moue dégoûtée le fait sourire. Attends, t’as pas encore la victoire. Je décide de contre-attaquer.
— Je vais perdre cette belle journée d’été enfermée dans une chambre d’hôpital.
Immobile, son expression se durcit. Il est déstabilisé, mais je sais qu’il n’abandonnera pas.
— Mon père est mort, lâche-t-il d’une voix grave. Et tu sais quoi ? J’arrive même pas à ressentir une once de tristesse.
Merde, ça dérape, ce petit jeu. Mon mystérieux inconnu cherche peut-être juste à avoir le dernier mot ? Non, son regard dans l’ombre de sa casquette est trop profond. J’ai presque envie de le prendre dans mes bras pour le consoler. Sauf que le léger sourire qui se dessine au coin de ses lèvres me rappelle que j’ai une bataille à gagner.
— Mon conjoint a eu un accident et il est maintenu en vie artificiellement depuis six mois.
Il entrouvre la bouche, mais rien n’en sort. Oh que oui ! C’était le but vainqueur ! Je souris en passant devant lui.
— De rien pour le café.
2
Adam
Je reçois un oreiller sur la tête. Du moins, je crois que c’est ça jusqu’à ce que j’entrouvre les yeux en gémissant. Les foutus stores sont restés ouverts et le soleil m’agresse. Je me sens lourd et engourdi. Je dégage mes cheveux en me relevant sur un coude. Ah ! Ce n’est pas un oreiller qui m’a attaqué, mais une pile de vêtements.
— Allez, habille-toi.
Je lève la tête un peu trop vite, ça me donne le vertige. Puis, je sursaute en voyant ma grand-mère debout au pied de mon lit. Je me racle la gorge à la recherche d’un peu de salive.
— Mamie, qu’est-ce que tu fais là ?
Elle est la seule personne à entrer chez moi sans prévenir que je tolère. Avec des gestes énervés, elle ramasse ce qui traîne sur le plancher.
— T’es en retard, Adam.
Je m’assois péniblement en passant une main sur mon visage pour m’éclaircir les idées. J’ai encore le cerveau gelé de la veille.
— En retard pour quoi ?
Mamie se retourne, un soutien-gorge pendouille au bout de son index.
— J’imagine que c’est pas à toi, ça ?
Elle balance l’objet féminin et délicat devant mes yeux. Je sens alors un corps remuer sur ma droite. Merde. Une fille aux cheveux blonds sort la tête de sous les couvertures. Elle semble aussi surprise que moi de se retrouver dans mon lit. Mamie fait comme si elle ne l’avait pas vue et laisse le soutien-gorge tomber par terre.
— Adam, tu dois aller au bureau aujourd’hui, t’avais oublié ?
Les mots font leur chemin dans mon esprit embrumé. Bureau. Aujourd’hui.
— Bordel, on est déjà lundi ?
J’ai loupé un bout, c’est sûr !
— Non, on est vendredi matin, soupire-t-elle. Tu commences officiellement lundi, mais tu dois t’installer, prendre connaissance des dossiers, rencontrer les associés…
Hum, j’avais oublié.
Je suis revenu de Québec hier et j’avais bien besoin d’un verre pour oublier ma journée de cul.
— Il est quelle heure ?
— Presque huit heures.
Quoi ? Et elle est déjà habillée et coiffée comme si sa journée était entamée depuis des heures. Ce qui est sans doute le cas. Je comprends pourquoi je me sens toujours ivre, je ne me suis pas levé aussi tôt depuis la sixième année. La fille dont j’ignore le prénom se lève en tirant sur l’unique drap qui nous recouvrait pour l’enrouler autour de son corps avant de courir sur la pointe des pieds jusqu’à la salle de bain. Euh, merci. Je dois trouver un plan B pour cacher mon érection matinale à ma grand-mère. J’attrape la chemise qu’elle m’a lancée tantôt.
— Tu avais promis d’essayer, m’implore-t-elle comme si je n’avais pas une chemise chiffonnée sur mon sexe dressé. Je le sais que ça te fait suer de t’enfermer dans un bureau, mais t’as pas le choix.
Je serre la mâchoire pour ne pas dire de conneries. Ouais, mon paternel m’a bien piégé sur ce coup-là. Je ne peux pas m’asseoir dans le même fauteuil qu’Henry Pharand. C’est au-dessus de mes forces.
— OK, il faudrait que je prenne une douche maintenant…
Je pointe ma ceinture. Ma grand-mère a un adorable hoquet de surprise en réalisant la situation embarrassante. Elle jette un regard vers la salle de bain où la fille est toujours enfermée.
— Je t’attends au salon.
Je réapparais donc devant elle quinze minutes plus tard, un peu plus lucide. Je n’ai pas pris le temps de me raser, mais tant pis. La fille anonyme m’a retardé entre deux shampoings…
— Mets ta chemise dans ton pantalon, dit ma grand-mère en balayant ses yeux bleus sur moi.
Je m’exécute comme un bon petit garçon. Elle me regarde faire avec un sourire victorieux, heureuse que je lui obéisse aussi facilement.
— Ta cravate ?
Je la sors de ma poche. Satisfaite, elle hoche la tête, puis continue son inspection.
— Tes yeux sont rouges.
Au
