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C'est le bout de la ...
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C'est le bout de la ...
Livre électronique324 pages4 heures

C'est le bout de la ...

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À propos de ce livre électronique

La vie de Charlotte a toujours été plutôt compliquée. Sa personnalité colorée et son TDAH assumé la rendent capable du meilleur comme du pire. Son côté désorganisé a d’ailleurs des répercussions désastreuses sur sa carrière de chanteuse et sa vie de jeune adulte en général. Autrefois grande finaliste d’un concours de talent,
elle constate maintenant que sa cote d’amour auprès du public est sur le déclin. Elle passe donc l’été à se produire dans les noces et les festivals en région pour un cachet ridicule. Après un engagement au fin fond de la Gaspésie, où elle surprend la mariée et sa demoiselle d’honneur
en train de s’embrasser, la voilà contrainte de faire le trajet du retour avec Laurier Gauthier, alias LG, un influenceur dans le domaine des jeux vidéo. Sept heures en voiture où il a tôt fait de lui taper sur les nerfs… Mais rapidement, les médias propagent la nouvelle de leur possible union, les réseaux sociaux s’enflamment et Charlotte voit son nombre d’abonnés grimper en flèche. Finalement, le beau LG pourrait-il lui être utile pour redorer sa popularité ? Alors que s’organise son déménagement qui ne se fait pas sans heurts, elle songe que toute aide serait la bienvenue – même venant de cette pseudo-vedette du Web !
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditeurs réunis
Date de sortie16 nov. 2022
ISBN9782897835668
C'est le bout de la ...

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    Aperçu du livre

    C'est le bout de la ... - Catherine Bourgault

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales

    du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre : C’est le bout de la... / Catherine Bourgault

    Nom : Bourgault, Catherine, 1981- auteur

    Identifiants : Canadiana 2022001910X | ISBN 9782897835668

    Classification : LCC PS8603.O9468 C47 2022 | CDD C843/.6–dc23

    © 2022 Les Éditeurs réunis

    Illustration de la couverture : Patrik Roberge

    Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

    Édition 

    LES ÉDITEURS RÉUNIS

    lesediteursreunis.com

    Distribution nationale

    prologue

    prologue.ca

    Imprimé au Canada

    Dépôt légal : 2022

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    De la même auteure

    chez Les Éditeurs réunis

    S.O.S. On est pris avec le père Noël !, 2021

    Danger ! Filles sur le chantier, 2021

    S.O.S. On est pris dans l’ascenseur !, 2019

    Danger ! L’ex de mon chum est une…, 2018

    Danger ! Ma belle-mère débarque, 2017

    Danger ! Femmes en SPM, 2016

    Es-tu au régime ? Moi non plus !, 2015

    Comment arranger son homme, 2015

    Sortie de filles

    1. Parce que tout peut changer en une soirée…, 2013

    2. L’enterrement de vie de jeune fille, 2014

    3. La fin de semaine de camping, 2014

    Catherine Bourgault – Auteure

    cath_bourgault

    catherine_bourgault_auteure

    À Joanie Langlois, Valérie Lambert, Laurie-Ann Mongrain,

    Nadine Raymond, Annie-Ève Bélanger et Clara

    Fidèles lectrices, vous êtes dans mon cœur pour toujours.

    1

    Charlotte

    Au micro, j’annonce que je prends une pause. De toute façon, personne ne m’écoute. Les gens sont cordés les uns sur les autres autour de longues tables recouvertes d’une nappe blanche. Leurs chaises sont un peu trop basses, et plusieurs ont leur assiette à la hauteur du nez. Ça ne les empêche pas de rire fort. J’ai chanté à des tonnes de mariages, mais c’est la première fois que je vois un souper s’étirer aussi tard dans la soirée. Ça doit bien être un huit services ! L’odeur d’agneau servi en plat principal flotte encore dans la place. Je descends de la scène artisanale, fabriquée avec des feuilles en veneer, puis évite de justesse le père de la mariée qui se lève pour trinquer en l’honneur de l’heureux couple. Ce même couple que j’ai surpris en train de s’engueuler tantôt à l’extérieur près des toilettes chimiques.

    Je me faufile hors du chapiteau. Enfin un peu d’air. Il fait tellement chaud là-dessous ; je me sens poisseuse et déshydratée. Mon téléphone à la main pour m’éclairer, j’avance dans le gazon trempé de rosée, où mes talons s’enfoncent. Cette idée aussi, d’organiser un mariage dans un champ. Il me semble qu’il y a des endroits plus romantiques pour faire un party. Deux heures que j’enchaîne les chansons avec des papillons de nuit qui dansent autour de moi, attirés par le spot au-dessus de ma tête. J’en ai avalé trois et j’ai la désagréable sensation d’en avoir une dizaine de collés dans mes cheveux ! Pas glamour pantoute. Si au moins c’était payant… mais non ! J’ai oublié de chercher Saint-Bernard-des-Lacs sur Google Maps avant d’accepter le contrat. Dans mon esprit, ça sonnait : dans le coin de Québec. J’ai fait un méchant saut hier en vérifiant le trajet. La Gaspésie, viarge. Sept heures de route. Après l’essence à deux piastres le litre, la bouffe et le motel, il ne restera pas grand-chose de mon chèque. Et ça, c’est si ma vieille Mazda survit au voyage.

    Les invités se sont garés n’importe comment dans un stationnement improvisé, à cinq cents mètres des festivités. De ce côté, il y a plus de boue que de gazon. On se croirait à Woodstock. Mes escarpins blancs vont être beaux. Manquant glisser à chaque pas, je dois avancer de côté tellement l’espace entre chaque véhicule est étroit. Merde, la boucle de ma ceinture vient de rayer la peinture d’une Lexus rouge… Mes fesses frottent sur un camion. Arf ! Je me contorsionne en pointant la lumière de mon téléphone sur mon derrière.

    Super, j’ai le cul sale.

    Dès que je retrouve ma Mazda, j’ai le goût de me coucher en croix sur le capot et de lui dire combien je l’aime. Un soulagement. Elle est tout ce que j’ai dans ce décor inconnu. Parce que, franchement, je suis à l’autre bout du monde, les deux pieds dans la bouette, à chanter du Vincent Vallières pendant un souper de noces bruyant. Et impossible de me sauver, mon char est coincé au milieu des autres. D’ailleurs, la Lexus rouge exagère un peu… Un centimètre de plus et son pare-chocs touchait le mien. Mon coffre arrière refuse de s’ouvrir depuis longtemps, je dois passer par la banquette pour étirer le bras et saisir une bouteille d’eau. Mmm, de la bonne eau tiède qui a passé la journée à la chaleur.

    Toujours pas de message de Mitch… Pourtant, il est revenu de Paris depuis deux jours. De tout son voyage, il ne m’a écrit que trois textos. TROIS. Je comprends que ce n’était pas des vacances, mais quand même ! Il est musicien sur de grands plateaux de télévision. Le problème est que je ne peux pas vraiment chialer : j’ai accepté toutes ses conditions. Je savais à quoi m’attendre dès la seconde où il m’a prise dans les coulisses d’un show de la Saint-Jean. Un moment magique. Un coucher de soleil, Paul Piché qui chantait L’escalier… Depuis, on est ensemble sans l’être. Un couple ouvert. Très ouvert. Surtout de son bord. Il faut que je l’envoie chier une bonne fois pour toutes, mais quand il pose ses yeux bleus sur moi, je deviens toute molle, pis je me dis : « Bah ! Une dernière fois ! »

    Je m’éponge la face avec un mouchoir. Ça grouille de moustiques dans mon cuir chevelu, je le sens. Je serai incapable de penser à autre chose du reste de la soirée. Maudites bestioles ! Je suis le genre de fille qui examine son lit avant de se coucher pour être certaine qu’il n’y a pas d’araignée… Et encore, j’en invente quand je suis allongée dans le noir. Il suffit qu’un bout de drap chatouille mon mollet pour que je m’imagine une invasion de tarentules.

    Ma vie est super reposante.

    Je cherche ma trousse de maquillage. Je la laisse toujours sur le siège passager. Hum, parfois, je la mets sur la banquette arrière. Ou par terre. Grr ! Je perds toujours mes affaires ! C’est déjà le troisième mascara que j’achète ce mois-ci…Il ne peut pas être bien loin, j’en ai mis avant de monter sur scène. Bon, tant pis, je me penche vers la vitre pour replacer mes cheveux et mon décolleté.

    — Si c’est pas Charlotte Cantin !

    Je lève les yeux. Un gars me sourit, les avant-bras appuyés sur le toit de ma Mazda. Je sors les mains de ma brassière et me redresse.

    — Euh, excuse, on se connaît ?

    J’ai croisé son regard à quelques reprises durant la soirée. Le genre de regard impossible à ignorer. Chaleureux, mais espiègle en même temps. Comme s’il était toujours sur le point de faire un mauvais coup. J’ai cette impression de l’avoir déjà vu quelque part. Son habillement détonne aussi parmi les autres. Il porte une chemise blanche sans veston, et les bretelles de son pantalon propre traînent négligemment contre ses jambes.

    Plutôt que de me répondre, il enfonce les mains dans ses poches.

    — Ta carrière va si mal que t’es obligée de chanter dans des mariages ?

    Je plisse les yeux.

    Il se prend pour qui, lui ?

    Je gagne très bien ma vie !

    — Je vois ça, dit-il en regardant l’état lamentable de ma voiture.

    Il fait quelques pas, s’arrête près de la Lexus rouge pour prendre une bouteille de vin dans le coffre, puis s’éloigne en sifflant. Tout à coup, je m’en veux moins d’avoir rayé la peinture tantôt. Même que je pourrais avoir envie de recommencer.

    Je soupire, agressée par le bruit des couteaux que les gens frappent sur leur verre pour que les mariés s’embrassent. Ce type a raison. Il n’y a rien de glorieux à animer des mariages au fond d’un champ quand on a été finaliste au concours Bête de scène. Ça fait dix ans cette année. Une émission de téléréalité dans laquelle douze jeunes chanteurs enfermés dans un chalet étaient filmés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il y en a eu des drames et des potins ! Ce n’était pas facile, mais ça a été l’une des plus belles expériences de ma vie. Cours de danse, de chants, de jeux… Chanter devant des millions de téléspectateurs tous les dimanches soir. Plusieurs candidats de mon année ont une belle carrière maintenant. De mon côté, j’ai dit non à trop de projets, je n’ai pas saisi les opportunités qui s’offraient à moi, et voilà, le train est passé. Et bien sûr que j’ai menti, je ne gagne pas ma vie si bien que ça !

    Mon téléphone vibre. Eh non, ce n’est pas Mitch.

    LG : T’es plus sympathique en personne que sur Twitter ! Content de t’avoir croisée.

    Je lève la tête. Au loin, je vois le gars de tantôt sourire en rangeant son téléphone dans sa poche. Laurier Gauthier. Je ne l’ai pas reconnu avec ses cheveux léchés vers l’arrière. Je me rends sur son compte Instagram. Ben oui, c’est lui. Il est populaire sur le Web sous le nom de LG. Un youtubeur ou un influenceur, je ne sais pas trop. Il fait surtout des vidéos en lien avec l’informatique et les jeux sur consoles, mais on a eu quelques échanges corsés sur des sujets de l’actualité. WOUAH ! Son nombre d’abonnés est hallucinant, alors que le mien est en chute libre depuis un bout de temps…

    Je prends plaisir à le narguer :

    Charlotte : Toi, t’es plus beau dans tes vidéos qu’en vrai.

    Je reviens vers le chapiteau. La soirée risque d’être longue si Laurier Gauthier décide de se moquer de moi dans ses stories. La boue a un effet de succion sous mes semelles. Chaque pas me demande un effort de concentration pour ne pas perdre mon soulier. Beurk ! J’ai les orteils gommés. J’ai vu un baril d’eau près des toilettes chimiques, alors je vais m’y rendre pour me nettoyer un peu. Mon beau vernis est tout crotté… Rapidement, je retire mes chaussures et les trempe dans l’eau de pluie recueillie. Hum, ça ne semble pas très propre là-dedans non plus. Mon travail est de plus en plus légendaire.

    Des gloussements attirent mon attention. La mariée entraîne sa demoiselle d’honneur par le poignet et la plaque contre l’épaisse toile du chapiteau. Elles se croient à l’abri de tous les regards. Ah ben ça, c’est le bout de la marde. Choquée, j’en laisse couler mes chaussures au fond du baril. Pendant que tout le monde célèbre à l’intérieur, le marié cherche sa femme qui est en train d’embrasser une fille en cachette. Pas un petit bisou coquin pour rigoler. Oh que non ! Un vrai french sensuel et baveux. J’essaie de ne pas juger, ils sont peut-être un couple ouvert… En tout cas, je le souhaite, sinon, pauvre gars qui vient de dépenser des milliers de dollars pour son mariage !

    Je perçois du mouvement sur ma droite. C’est Laurier Gauthier qui sort d’une toilette chimique. Il s’arrête net en voyant le spectacle.

    — Anna ? lance une voix rauque dans mon dos.

    Merde, le marié. Je ne sais plus qui regarder pour ne rien manquer ! Les pieds nus et les mains dans l’eau, je ne pourrais être plus au cœur de l’action. La fille en blanc bondit un pas en arrière, tandis que la fille en mauve s’élance vers Laurier.

    — Attends, je vais t’expliquer…

    2

    Laurier

    — Laurier, attends !

    Romy a du mal à me suivre avec ses souliers à moitié scrap que j’ai recollés en catastrophe cinq minutes avant la cérémonie avec une pince et deux vis. Je suis surpris que le talon tienne encore. S’il avait fallu que tout lâche au milieu de l’allée, j’aurais eu droit à une crise monstre.

    J’avance sans me retourner. Je ne suis pas en état de lui parler maintenant, il faut que je m’éloigne avant de péter un câble. Sauf que le ruisseau au bout du terrain me force à m’arrêter. Romy trottine sur le bout des pieds en tenant sa robe à deux mains. Elle perd l’équilibre, s’accroche à ma chemise… Je ne fais rien pour l’aider à se redresser.

    — Pourquoi t’es fâché ? me lance-t-elle, outrée. Tu le sais que j’aime aussi les femmes, ce n’est pas nouveau ! En passant, t’es toujours le bienvenu pour te joindre à nous.

    Son french chaud avec Anna a détruit son rouge à lèvres. J’observe son regard. Malgré le fait que je ne l’ai pas laissée d’une semelle, elle a trouvé une façon de gober des speeds en douce.

    — Non, c’est pas nouveau, mais t’aurais pu te retenir aujourd’hui. Le jour de son mariage, Romy !

    Tout le monde sait qu’Anna et Romy couchent ensemble de temps en temps. Élisé, le marié, n’a jamais rien dit, mais ce soir, ça ne passe pas !

    — T’as sûrement raison, mais on avait du fun, on était dans le moment…

    J’inspire en me tournant dos à elle. J’ai besoin d’une distance. D’une longue pause. C’est vital. On est en train de se détruire.

    — J’en peux pus, Romy.

    — Je sais, ce n’est pas facile depuis un bout, mais ça va passer.

    Je ferme les yeux. Non, ça ne passera pas. Cette relation ne m’apporte plus rien de bon. On a vécu des choses intenses. On s’est jetés dans les bras l’un de l’autre pour survivre à une terrible épreuve. On partage un secret maintenant trop lourd pour être apaisé par des baises torrides. Romy a été pour moi une bouée dans la tempête. Je ne crois pas avoir eu de réels sentiments pour elle. On se comprenait. On se soutenait. On a pris plusieurs pauses dans les deux dernières années. Elle avait des expériences à vivre, moi aussi. On se retrouvait lorsque la peine et la nostalgie nous tordaient les tripes.

    — Non, Romy, dis-je en pivotant vers elle. Cette fois, c’est fini. C’est toxique, ce qu’on vit. On a besoin de passer à autre chose.

    Elle pince les lèvres en secouant la tête.

    — Tu ne peux pas me faire ça ! Il y a juste avec toi que je peux être moi-même sans mentir. C’est la même chose pour toi, je le sais !

    — Je serai toujours là pour en discuter avec toi quand t’en auras besoin. J’ai juste réalisé qu’on se fait plus de mal que de bien en restant dépendant de l’autre. Je pourrai jamais m’en remettre complètement si on continue à sortir ensemble.

    — Tu veux faire comme si de rien n’était ?

    Sa voix casse sous l’émotion. Je déglutis pour ravaler la boule de peur qui me gagne. Briser le lien avec Romy me fait peur, mais la garder près de moi est tellement malsain. J’en ai marre de revivre cette nuit-là chaque fois que mes yeux se posent sur elle.

    Je me prends la tête à deux mains.

    — J’ai juste… J’ai besoin de… Grr !

    Ne pas être capable de nommer ce que je ressens me frustre. Comment mettre des mots sur des années de culpabilité ? Et Romy devine très bien ce qui tourne dans mon esprit trop sobre pour une fin de soirée à célébrer un mariage.

    — Ce n’est pas en me mettant à l’écart que tu te sentiras moins coupable, Laurier.

    Elle a raison. Je suis pris dans ses filets.

    — Je sais ! Mais Romy, il faut se rendre à l’évidence, les bases de notre relation sont de la merde. Si on était rentrés sagement se coucher ce soir-là, on serait jamais sortis ensemble.

    — Au contraire, Laurier, relance-t-elle avec un désespoir qui me brise le cœur, c’est justement ce qui fait la force de notre couple. La résilience ! Je suis la seule témoin de ce qui est arrivé. Si je révélais la vérité, il t’arriverait quoi ?

    Mon rythme cardiaque s’emballe, mes oreilles silent.

    — Tu feras pas ça. Moi aussi je pourrais parler.

    — Tu vois ? reprend-elle. T’as pas le choix, t’es pogné avec moi !

    Elle part en direction du chapiteau où il semble y avoir pas mal d’action. J’ai besoin de cinq secondes pour reprendre contenance, étourdi par les moustiques et le chant énervant des grenouilles. Quel cauchemar ! Je m’élance derrière elle.

    — Romy, écoute-moi ! On a besoin d’une pause pour y voir plus clair. Tu peux pas m’empêcher de vouloir me retrouver un peu seul et d’essayer de me sortir de cet état dépressif…

    Elle s’arrête pour me faire face. Son regard noir m’envoie toute la détresse qui la submerge.

    — Et moi, tu t’en fous de mon état ? Tu veux une pause, c’est bon, part à la quête du bonheur ! Tu retourneras à Montréal sur le pouce !

    3

    Charlotte

    Moment magique qui arrive une seule fois dans une vie : assister à un mariage ET à un divorce dans la même journée. Juste pour ça, les sept heures de route jusqu’en Gaspésie valaient la peine. On en ferait un film qu’on trouverait ça exagéré ! Le gâteau n’est pas encore coupé, les garçons d’honneur viennent de prononcer un discours émouvant… Tout éclate. Les invités sortent un à un du chapiteau pour voir pourquoi ça gueule dehors, et j’ai l’impression que je ne chanterai pas On va s’aimer encore, ce soir. Je résiste à la tentation de sortir mon téléphone pour filmer la scène. La famille du marié d’un bord, celle de la mariée de l’autre. Ça pourrait dégénérer en bagarre générale. Si les deux mères se pognent, je prends des photos, c’est sûr !

    Le gars fait pitié avec sa fleur épinglée à son veston mal coupé et bien trop grand pour lui. Ses épaules légèrement courbées sont le reflet de tout le poids de sa déception. Il n’a pas la tête d’un homme surpris de trouver sa femme dans les bras d’une autre fille. Il est plutôt exaspéré. C’est vrai qu’elle aurait pu se retenir, au moins pour aujourd’hui ! Il tourne les talons en marmonnant que, cette fois, c’est fini. Un nuage de moustiques le suit. Au diable la robe qui traîne dans la bouette, la mariée se met à courir derrière lui.

    La réaction de Laurier n’est pas différente. Il marche vite alors que la fille en mauve lui crie dessus.

    — Et moi, tu t’en fous de mon état ? Tu veux une pause, c’est bon, part à la quête du bonheur !

    Dans une main, elle tient le bas de sa robe, sa belle coiffure en arrache avec l’humidité dans l’air. Pendant une seconde, j’ai peur qu’elle lui donne des coups sur les tibias avec ses talons hauts.

    — Tu retourneras à Montréal sur le pouce !

    Le ton monte entre les deux clans. Les serveurs tentent de savoir s’ils préparent le gâteau ou non. Une gang de gars éméchés réclame quand même le lancer de la jarretière. Les vieilles matantes sont confuses et ne comprennent pas le drame qui se joue. Un chaos. Mais ça ne dure pas longtemps. On ne revoit plus les nouveaux mariés, futurs divorcés. Le chapiteau se vide en un temps record. Un silence désolant règne pendant que les employés commencent à ramasser les tables. Je me rappellerai ce moment si, un jour, un homme met un genou au sol pour me demander de l’épouser. Mettre tant d’argent en jeu pour une journée qui se termine en queue de poisson !

    Tout en rangeant mon micro et mon ordinateur, j’observe Laurier du coin de l’œil. Il a un échange virulent avec le traiteur qui veut être payé sur-le-champ. On dirait bien que moi aussi je vais repartir sans mon chèque ! Laurier passe une main découragée sur son visage. Un mouvement qu’il cesse en me repérant. Il vient dans ma direction d’un pas décidé.

    — Désolé pour cette merde, marmonne-t-il en montant sur la scène.

    Il commence à débrancher les haut-parleurs. Je rassemble rapidement mes affaires. Quand je chante dans un événement comme celui-là, j’ai mon ordinateur pour les trames sonores, mon micro, quelques fils… Les organisateurs s’occupent de louer le système de son.

    — C’est moi qui suis désolée. Je peux te ramener à Montréal, si tu veux.

    Il me regarde, puis hoche la tête.

    — Merci, c’est gentil.

    Arf ! Qu’est-ce qui m’a pris de lui offrir ça ? Je le regrette déjà ! Il m’énerve dans la plupart de ses vidéos. Le voyage va être long. Mais j’aurais eu des remords de ne pas lui proposer un lift. Le gars vient de surprendre sa blonde en train de bouffer les amygdales de la mariée.

    — Est-ce que tu pourrais remettre les bretelles de ton pantalon, s’il te plaît ?

    Laurier baisse les yeux sur son accoutrement.

    — Pourquoi ? réplique-t-il avec un sourire rebelle. C’est tendance et original de les porter comme ça.

    — Et très sexy, aussi.

    Je mordille ma lèvre. Eh oui, j’ai dit ça à voix haute. Il s’appuie avec nonchalance contre le haut-parleur.

    — Donc, tu veux que je les remonte parce que t’as peur de me sauter dessus ?

    Je roule les yeux.

    — Crétin ! Non, c’est juste que ça doit être agaçant de les

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