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Danger! Femmes en SPM
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Livre électronique364 pages4 heuresDanger!

Danger! Femmes en SPM

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À propos de ce livre électronique

Claudiasexy : Danger : femmes en SPM à l'horizon. On part pour Cancún dans quatre heures. Un tout-compris, au rabais. Embarques-tu ? Tu as dix minutes pour te décider.

Marie-ELLE : C'est qui, « on » ?

Claudiasexy : Mahée, Sophie et moi ! C'est un complot de nos chums. On n'est pas endurables pendant notre SPM alors ils nous ont booké un voyage éclair de quatre jours pour qu'on aille s'entretuer dans le Sud. Une sortie de filles forcée, mettons.

Lorsque Marielle accepte de se joindre à ses copines pour cette petite virée sous les palmiers, c'est le début d'une aventure qui promet d'être intense. Le plan déraille cependant lorsqu'une tempête de neige cloue tous les avions au sol et que les amies doivent prendre leur mal en patience à l'aéroport. La tension monte, le niveau d'hormones aussi…

Au-delà des crises de nerfs, rages de sucre et autres compulsions, leur syndrome prémenstruel sera également responsable de bêtises mémorables. Au menu : chocolats, mouchoirs, assiettes cassées… Tenez-vous loin !
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditeurs réunis
Date de sortie12 oct. 2016
ISBN9782895856597
Danger! Femmes en SPM

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    Aperçu du livre

    Danger! Femmes en SPM - Catherine Bourgault

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Bourgault, Catherine, 1981-

    Danger ! Femmes en SPM

    ISBN 978-2-89585-659-7

    I. Titre. II. Titre : Femmes en SPM.

    PS8603.O946D36 2016 C843’.6 C2016-941751-4

    PS9603.O946D36 2016

    © 2016 Les Éditeurs réunis

    Image de la couverture : Patrik Roberge

    Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

    Nous remercions le Conseil des Arts du Canada

    de l’aide accordée à notre programme de publication.

    ReconnaissanceCanada.tif

    Édition

    LES ÉDITEURS RÉUNIS

    lesediteursreunis.com

    Distribution au Canada

    PROLOGUE

    prologue.ca

    Distribution en Europe

    DILISCO

    dilisco-diffusion-distribution.fr

    LogoFB.tif Suivez Les Éditeurs réunis sur Facebook.

    Imprimé au Québec (Canada)

    Dépôt légal : 2016

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    Bibliothèque nationale de France

    Page3_Femmes_SPM_FINAL.jpg

    De la même auteure

    Es-tu au régime ? Moi non plus !, septembre 2015.

    Comment arranger son homme, mars 2015.

    Sortie de filles – tome 1. Parce que tout peut changer en une soirée…, octobre 2013.

    Sortie de filles – tome 2. L’enterrement de vie de jeune fille, mars 2014.

    Sortie de filles – tome 3. La fin de semaine de camping, août 2014.

    Blanc maculé d’une ombre – tome 1, mars 2012.

    Blanc maculé d’une ombre – tome 2, novembre 2012.

    Blanc maculé d’une ombre – tome 3, septembre 2013.

    Jeunesse :

    100 % ado – numéros 1, 2 et 3, août 2016.

    OMG ! – tome 1. « Écris-moi si tu peux ! », août 2015.

    OMG ! – tome 2. « Écris-moi encore s.v.p. ! », novembre 2015.

    OMG ! – tome 3. « Réponds-moi vite ! », mai 2016.

    Le Club des Girls – tome 1. Un bal vraiment pas rêvé !, avril 2014.

    Le Club des Girls – tome 2. Ennemies jurées !, octobre 2014.

    Le Club des Girls – tome 3. Un week-end en ville, janvier 2015.

    Le Club des Girls – tome 4. Un été sur la coche !, juin 2015.

    12957.png Catherine Bourgault – Auteure

    12953.png cath_bourgault

    SPM : Syndrome prémenstruel, aussi connu sous le nom de semaine hormonale, où en l’espace de quelques journées, on pense faire une dépression, faire faillite ou se faire sacrer là par son chum. Cet instant où on a l’impression d’avoir pris dix kilos et où on pleure en bouffant des concombres trempés dans le Nutella. Avoir envie de changer de coiffure, la couleur des murs, le contenu de notre garde-robe… De chum, de maison, de prénom, de vie !

    1

    Assiettes cassées et souliers au steak haché

    Au ralenti, comme dans les films, je vois les deux assiettes en équilibre sur mon poignet tanguer vers la droite. La boule de purée de pommes de terre roule, les petits pois aussi… Il n’y a que la sauce qui recouvre le steak haché, ressemblant à de la mélasse, qui reste figée. Je m’entends crier et dans un geste de désespoir, je lâche le sundae au chocolat que je tenais dans l’autre main. Merdouille, pour une fois, il était vraiment beau ! Comme dans les publicités à la télé avec trois boules et du coulis encore chaud. Ouais, il est maintenant une flaque collante sur le plancher. Un centimètre de plus et les belles bottes blanches à talons hauts d’une fille étaient aspergées.

    J’essaie de rattraper les assiettes, mais elles sont lourdes et brûlantes. Le temps s’arrête avec le bruit de vaisselle fracassée sur la céramique. Le silence s’abat sur le restaurant, les têtes se retournent. Tout le monde cherche des yeux la serveuse maladroite. C’est souvent moi. J’ai les deux pieds dans le steak haché. La sauce glisse dans mes souliers de style ballerine. Ark !

    Puis, le brouhaha d’une salle à manger pleine reprend. Je suis seule avec le problème de mes assiettes en mille miettes. Tout le monde s’en fout, à part le gars de la table numéro trois qui doit consoler son fils qui pleure sa vie parce que son sundae est tombé par terre.

    — Tu vas en apporter un autre ? demande l’homme sèchement.

    — Oui, ça ne sera pas long.

    — C’est parce que ça fait déjà longtemps qu’on attend !

    Wo ! On se calme le pompon. Si le sundae n’était pas déjà par terre, je le lui viderais sur la tête ! Il serait beau avec du chocolat dégoulinant sur ses tempes grisonnantes et la cerise sur la tête. Ou dans le cul, tiens. Il ose me dire qu’il attend depuis longtemps ? Vraiment ? S’il n’avait pas retourné son steak trois fois à la cuisine parce qu’il n’était pas assez cuit, tout aurait été moins long. Trois fois ! Il ne faut pas venir chez Ti-Paul, le grand, si tu veux déguster du bœuf Angus AAA le petit doigt en l’air. En plus, il a mangé en tête-à-tête avec son cellulaire pendant que fiston faisait une œuvre d’art sur la table avec sa bouffe.

    Je me penche, ramasse la coupe en plastique du sundae et y remets ce qui reste des boules de crème glacée. Quelques cailloux en prime. Pendant que dans leur tête, les gens autour me traitent de folle, je gratte la sauce au chocolat sur la céramique avec la cuillère, histoire qu’il y ait le plus de calcium possible laissé par les bottes des clients. Un beau cocktail de sel et de sable, gracieuseté des charrues de la ville. Dans un dernier geste théâtral, je dépose la coupe devant le petit garçon qui ne pleure plus. Il a trouvé ça drôle de me voir préparer son sundae.

    — C’est le plus vite que je pouvais faire, monsieur !

    L’homme grisonnant en veston et en cravate me fixe pendant cinq secondes. Je ne baisse pas les yeux en me disant qu’il est peut-être le patron d’une multinationale, que j’aurai besoin de supplier pour obtenir un poste, un jour. Ou un banquier avec qui je pourrais négocier un prêt avantageux. En servant les gens aux tables, je m’amuse à imaginer leur vie. Par leur humeur ou les bribes de conversations que je capte çà et là, j’essaie de trouver quel est leur métier, s’ils sont en couple ou non. Je me fais des petits scénarios. Quand on travaille dans un restaurant aussi moche que chez Ti-Paul, on se divertit comme on peut ! Et ce con, il a vraiment la tête d’un boss chiant, mais pour qui tout le monde veut travailler quand même.

    Je l’entends marmonner « salope » puis il se lève d’un bond, manquant de renverser sa chaise. Les gens assis aux tables autour de nous sont captivés par la scène. Leur hamburger à la main, ils sont au cinéma et attendent la suite de l’histoire. Non, il n’y aura pas de sang ni de sundae renversé sur la tête… L’homme prend son fils par la main et sort du restaurant sans payer.

    Bon…

    — Quelqu’un d’autre veut un sundae ?

    Les clients comprennent que le film est fini et détournent le regard. Mon premier réflexe est de retirer mes souliers. Les mottons de steak haché sur mon pied m’écœurent. Il y a de la bouffe partout, je ne sais pas par où commencer… Je suis encore sur les nerfs à cause du papa pas fin qui est parti sans payer. Ça fera ça de moins sur mon chèque de paie. J’ai aussi le goût de hurler à tout ce beau monde qui profite du cinq à sept de lever leur derrière pour m’aider. En même temps, je sens des larmes monter à mes yeux, découragée par mon dégât. C’est encore pire lorsque je me rends compte que la cerise du sundae a volé jusqu’au décolleté d’une madame qui a au moins cent sept ans… Elle n’a pas l’air de s’en rendre compte, je vais tenir ça mort !

    Je cligne des yeux. Un homme se penche devant moi et ramasse quelques morceaux de vitre. C’est un client dans ma section. Je lui ai apporté son assiette tantôt. J’avais été impressionnée par sa commande : trois hamburgers doubles avec des frites et un verre d’eau. Qui boit de l’eau avec des hamburgers ? Hypnotisée, je le regarde faire un petit tas de vitre. Mike, notre plongeur, accourt avec la vadrouille et le seau d’eau.

    — Ça va, monsieur, je m’en occupe !

    L’homme se redresse. Je recule d’un pas. Il me dépasse de deux têtes ! Des épaules très larges, des bras tout en muscles, une gueule de mannequin dans les pubs de parfum. Je l’imagine en noir et blanc, courant au ralenti sur une plage, les cheveux dans le vent, la chemise ouverte. Je me sens comme une fourmi devant lui avec mon cinq pieds et cinq pouces. Je suis par ailleurs submergée par une émotion étrange : lèvre supérieure qui tremble, une larme à l’œil. Voyons, je suis si émue qu’il soit le seul à se lever pour m’aider ? Reviens-en, Marielle, il n’a fait que ramasser des morceaux de vitre.

    Les gens commencent à le pointer du doigt en murmurant et je m’emballe. Il est peut-être vraiment un mannequin ou un acteur célèbre ! Plus je le regarde, plus je me dis que c’est sûrement ça ! Il a une mâchoire carrée parfaite, de grandes mains masculines. Arf ! Il faut que je cesse de me raconter des histoires ; les beaux acteurs d’Hollywood mangent ailleurs que chez Ti-Paul. Mike passe la vadrouille et l’homme s’éclipse rapidement pour retourner à sa table. Je suis figée, je n’ai jamais vu des yeux verts comme ça.

    Monsieur Jolicœur, le gérant, passe par là.

    — Allez, Marielle, les tables 4 et 6 veulent payer leur addition.

    — Oui, monsieur.

    Tenant d’une main mes souliers dégoulinants de sauce brune cheap en enveloppe, je cours jusqu’à la cuisine. J’attrape un essuie-tout et les nettoie du mieux que je peux. Je vais sentir le steak pour le reste de la soirée ! Je me lave aussi les mains une fois, deux fois…

    L’incident a au moins eu l’effet de me faire oublier pendant quelques minutes le mal de tête qui me martèle le crâne depuis ce matin. Je me suis nourrie aux Tylenol et aux Advil, mais aucun analgésique n’en vient à bout. Je devrai l’endurer jusqu’à ce qu’il passe.

    C’est le bordel à la cuisine ce soir et je ne suis pas la seule hystérique. Les erreurs de commandes se multiplient et plus personne ne sait où donner de la tête. Ma collègue Karine est la seule à garder son calme. Elle ouvre le réchaud du potage au brocoli qui ressemble à de la bouillie de gazon. Il ne faut pas s’attendre à de la classe quand on choisit de manger chez Ti-Paul. Ma mère m’a toujours dit : « Quand ce n’est pas cher, ça ne vaut pas cher ! » On ne sert pas de la grande gastronomie, mais c’est propre et le patron est accommodant sur les horaires.

    — Le client de la table 7 n’est pas content de son assiette, aboie monsieur Jolicœur en passant les portes battantes juste au moment où je remets mes souliers.

    Ah ! ben sacramant ! C’est une table de ma section. C’est le troisième client pas content ce soir. Il y a d’abord eu la femme qui s’est plainte d’avoir trouvé un cheveu dans sa soupe, puis l’homme au sundae a fini d’user ma patience. C’est moi qui suis pognée pour gérer ça ! Pas ma faute si notre chef cuisinier, c’est le gars qui, avant de travailler ici, faisait les grilled cheese et la poutine à l’aréna du coin !

    Je sors de la cuisine et fonce à la table 7. Je ralentis un peu mes ardeurs lorsque je réalise que c’est le colosse de tantôt qui m’a aidée avec mes assiettes cassées. Il est seul, son hamburger dans une main, son téléphone dans l’autre. Donc, la vedette a un caprice ? Il lève les yeux quand j’apparais à côté de lui, les mains sur les hanches.

    — Alors, quel est le problème ?

    Lentement, il dépose le seul hamburger qui reste dans son assiette, se recule sur sa chaise.

    — Je vois pas ce…

    Il semble un peu embarrassé. Je le serais aussi si j’avais une montre Dior au poignet et que j’osais chialer sur la bouffe de chez Ti-Paul. Va manger au Toqué si tu veux du caviar. Ici on sert du steak haché mi-maigre et des pains à la limite de leur date de péremption qu’un distributeur nous vend au rabais.

    — La viande est trop dure ? Pas assez cuite ? Trop froide ? Trop chaude ? Ah ! vous voudriez peut-être que je coupe votre hamburger en petits morceaux ?

    Ou que je te l’enfonce dans la gorge ? J’en serais capable ! Après l’épisode du sundae tantôt, rien n’est impossible. Un demi-sourire apparaît sur le visage de celui que je m’imagine être un mannequin pour Lancôme. Des dents blanches vous dites ? Il les a passées à l’eau de Javel, c’est sûr.

    — Ça pourrait être une option, mais j’aurais peur que tu te coupes !

    Je plisse les yeux. Oh ! il est baveux, le monsieur. Il me cherche ! Dans un élan d’adrénaline, je prends son assiette et vide son contenu sur la table. Le hamburger à moitié mangé se sépare. Le pain périmé, la boulette et la laitue s’éparpillent sur le napperon de papier. Il n’y a que les concombres qui restent collés à la viande. Ça me fait du bien ! C’est évident qu’on ne provoque pas une fille à bout, non ? Je dépose l’assiette un peu trop fort sur la table ; elle casse en deux. Une belle fissure bien droite. On pourrait la recoller facilement. Ni vu ni connu. Hébété, l’homme aux yeux verts comme le fond de la mer me regarde. Il n’est aucunement intimidé. Il me prend pour une folle. Bah, pas d’inquiétude, le grand, tout est normal. Je ne suis pas folle, je suis juste en SPM. Je sais, la ligne est parfois mince entre les deux.

    — Marielle, si tu n’arrêtes pas de casser de la vaisselle, j’en déduis la valeur sur ta paie ! grogne mon patron. Ça fait plusieurs fois cette semaine !

    J’ai le goût de me lancer dans un discours profond. Expliquer à mon patron ce qu’est le SPM. Syndrome prémenstruel. Cette semaine hormonale où en l’espace de quelques journées, on pense faire une dépression, faire faillite ou se faire sacrer là par notre chum. Cet instant où on a l’impression d’avoir pris dix kilos et où on pleure en bouffant des concombres trempés dans le Nutella. Avoir envie de changer de coiffure, la couleur des murs, le contenu de notre garde-robe… De chum, de maison, de prénom, de vie ! Mon patron comprendrait alors mieux que dans ce temps-là, un rien peut justifier de la vaisselle cassée !

    Les clients aussi devraient être mis au courant. Ils retourneraient peut-être moins souvent leur assiette à la cuisine… Je vais révolutionner l’uniforme. On pourrait avoir un macaron : « Attention, serveuse en SPM, mangez votre assiette en silence. »

    Un macaron pour les filles en couple pourrait aussi être pratique : « Ta blonde est en SPM ? Ferme ta gueule et souris. »

    Ou mieux encore : « En SPM, fous-moi la paix, mais reste à côté de moi pour que je pleure sur ton épaule ! »

    Ouais, je serais riche avec une idée pareille !

    Et comment expliquer le SPM à mon patron sans lui mentionner que tout ça n’est que la phase numéro un du désastre ? Après, vient LA semaine. Les journées rouges. Crampes abdominales, fatigue, maux de tête, bouffées de chaleur… Un homme ne pourra jamais comprendre ce que ça implique d’avoir l’entrejambe gluant, d’avoir peur de souiller sa culotte, de tacher son pantalon et que tout le monde voit un rond rouge sur notre derrière.

    La troisième semaine est dédiée à se remettre des deux autres. S’ils sont chanceux, les gens autour de nous ont donc sept jours de répit avant que le manège recommence.

    C’est pas mal ça, être une femme.

    Mais un homme qui marche les fesses serrées comme monsieur Jolicœur n’éprouverait aucune sympathie à mon égard. Le genre à me regarder de haut en disant que tout ça est dans notre tête ! Vaut mieux ne pas perdre mon temps.

    C’est là que je réalise que j’ai fait erreur. Je me suis trompée de table. Ici, c’est la 5, pas la 7. L’homme peut-être vedette et mannequin pige dans le tas de frites étalées devant lui.

    — Je peux avoir une nouvelle assiette ?

    Je me répands en excuses, la voix chevrotante.

    — Excusez-moi ! Je vous apporte une assiette et des frites… Je mets de la glace dans votre verre d’eau ?

    Quelle soirée de merde.

    2

    Je hais l’hiver et encore plus Noël

    Je n’ai pas cassé d’autres assiettes, mais j’ai fait des erreurs dans le paiement de certaines commandes. Monsieur Jolicœur m’a donné congé. C’est évident que toutes mes gaffes seront en moins sur mon chèque de paie. J’avance donc avec prudence sur le trottoir glacé. J’ai zéro crampon sous mes bottes à talons. Je suis encore sous le choc de ma soirée au travail. Je n’ai pas revu le beau gars à qui j’ai vidé l’assiette sur la table. Il a tout avalé et m’a laissé un pourboire de cent dollars. J’ai pleuré.

    C’est peine perdue, je fais du surplace entre deux poteaux de parcomètre. L’adolescent qui essaie de rester en équilibre sur son vélo, je le trouve courageux. La pluie a laissé une couche de verglas sur Montréal. Mon cellulaire sonne, m’indiquant que je viens de recevoir un message texte. Je m’accroche à un parcomètre pour le sortir de ma poche. Secouant la tête pour repousser les mèches de cheveux que le vent ramène sans cesse devant mon visage, j’esquisse mon premier vrai sourire aujourd’hui. C’est Claudia !

    Claudiasexy : Danger : femmes en SPM à l’horizon. On part pour Cancún dans quatre heures. Un tout-compris, au rabais. Embarques-tu ? Tu as dix minutes pour te décider !

    Seule dans la rue sous la neige qui commence à tomber et à recouvrir la glace, j’éclate de rire. Une vraie cinglée. J’aime beaucoup Claudia. Elle a déjà travaillé chez Ti-Paul et on est restées proches. Tout un phénomène, cette fille ! Elle se souvient donc que nous avions toujours nos règles en même temps ! Mais avec elle, ce n’est pas seulement les assiettes qui éclataient en mille miettes…

    Je tire sur mes gants avec mes dents pour les retirer et pouvoir lui répondre. Un coup de vent et l’un d’eux s’envole quelques mètres plus loin. Pff. Comment le récupérer sans faire trois culbutes et me barrer le dos à vie ?

    Marie-ELLE : C’est qui, « on » ?

    Claudiasexy : Mahée, Sophie et moi ! C’est un complot de nos chums. On n’est pas endurables pendant notre SPM alors ils nous ont booké un voyage éclair de quatre jours pour qu’on aille s’entretuer dans le Sud. Une sortie de filles forcée, mettons.

    Les doigts gelés sur mon iPhone, je tourne la tête vers un homme qui me dépasse. Les mains dans les poches, il siffle gaiement. Le trottoir n’a même pas l’air glissant pour lui. Sa joie de vivre me fait chier. Et les lumières de Noël qui flashent et que des zélés allument déjà même si nous ne sommes que le 2 décembre. Je rêve déjà d’un Sex on the beach écrasée sur une serviette de plage.

    J’envoie un texto à Karine, ma collègue au resto.

    Marie-ELLE : Veux-tu faire un coup d’argent ce week-end ? Fais mes heures du samedi !

    Elle acceptera ; elle n’a rien d’autre à faire dans la vie que de travailler. Le genre de fille célibataire qui rêve de payer sa maison cash un jour. Elle passe tout son temps chez Ti-Paul et met le grappin sur les rares riches clients qui laissent des pourboires généreux. J’espère une réponse rapide. Du moins, avant que je me transforme en statue de glace contre un parcomètre.

    Claudiasexy : Pis ?

    Marie-ELLE : Minute ! Je vois si c’est possible de me faire remplacer au resto…

    Claudiasexy : Demande à Karine, elle va dire oui.

    Pauvre Karine, elle en a fait des heures quand Claudia travaillait avec nous ! En plus du resto et de ses dizaines d’aventures avec des gars sexy, cette dernière faisait des démonstrations de jouets sexuels… Grâce à mon amie, je connais les exerciseurs pelviens et les pompes à vagin. On ne s’ennuie pas avec elle, on ne sait jamais quand elle nous sortira un pénis en caoutchouc de sa sacoche.

    Karine : Pas de problème ! Et j’espère que t’as une bonne raison. Genre t’envoyer en l’air avec le beau gars de la table 5. Cent dollars de pourboire ! La prochaine fois, c’est à mon tour de le servir !

    Marie-ELLE : Je voudrais bien, mais il m’a laissé de l’argent à la place de son numéro de téléphone. Merciii ! Je t’enverrai un selfie en direct de Cancún !

    Karine : Cancún ? Tu me laisses servir du pâté chinois froid pendant que tu vas te faire bronzer au soleil ? Pff ! En passant, le gars de la table 5, au cas

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