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Mon Associé Mr. Davis
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Livre électronique205 pages2 heures

Mon Associé Mr. Davis

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À propos de ce livre électronique

Le conseiller financier Julien Pardo a récemment acquis une solide réputation dans le monde des affaires et de la Bourse. Il ne manque jamais une occasion de doubler ses investissements, et tout le monde cherche à obtenir ses précieux conseils. Pourtant, il y a peu, personne ne l'écoutait, et sa situation frisait la ruine. On dit que sa réussite tient en grande partie à son nouvel associé Mr. Davis, un Britannique que personne n'a jamais rencontré ni même aperçu...Jenaro Prieto érige un monument de la littérature classique chilienne. Dressant une satire et un portrait détaillé de la société chilienne de son époque, il dévoile tantôt avec humour, tantôt sur un ton tragique, les problèmes sociaux et politique alimentés par le gouvernement en place. Le roman sera adapté de nombreuses fois à l'écran.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie3 févr. 2022
ISBN9788728125847
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    Aperçu du livre

    Mon Associé Mr. Davis - Jenaro Prieto

    Jenaro Prieto

    Mon Associé Mr. Davis

    Traduit par

    Max Daireaux

    SAGA Egmont

    Mon Associé Mr. Davis

    Traduit par Max Daireaux

    Titre Original El Socio

    Langue Originale : Espagnol (Castillan)

    Image de couverture : Shutterstock

    Copyright © 1928, 2021 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728125847

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    M. Jenaro Prieto

    M. Jenaro Prieto est le véritable créateur de l’humour au Chili. Dans ce pays de sociologues et d’historiens, où la littérature est particulièrement grave, il a jeté une note d’ironie à la fois joyeuse et pessimiste, indulgente et féroce, dont le retentissement a été grand.

    Né en 1889, à Santiago du Chili, il est venu aux lettres assez tard, et par des chemins qui semblaient l’en éloigner. Arrière-petit-fils d’un des premiers Présidents de la République du Chili, il passa son enfance dans le domaine familial de Llay-Llay, partageant ses heures entre la lecture et la peinture.

    Elève des Frères de la Doctrine Chrétienne, puis des Pères Français, il obtint son doctorat en Droit en 1912. Avocat pendant trois ans, il observa les coulisses de la comédie humaine et en conçut un scepticisme joyeux, mais si profond, qu’il renonça à cette carrière et se retira à la campagne. Après quelques années de retraite il revint à Santiago, où, ayant monté quelques affaires malheureuses, il se livra sans contrainte à la fantaisie et à l’amour.

    Un soir, au hasard d’une rencontre, le directeur du « Diario Ilustrado », qui connaissait ses goûts, lui demanda des articles. Il se laissa tenter, et débuta par des études sévères, qui lui donnaient quelque peine, car, pour les écrire, il devait se contraindre. Son scepticisme, son ironie, l’entraînaient vers d’autres sentiers. La censure qui, à cette époque — 1924 — bridait la presse, le contraignit à présenter ses articles de critique politique, sous forme de contes fantaisistes, là son humour éclata, s’élargit, fut attiré par des thèmes plus larges.

    En 1926 — il avait trente-sept ans — il publia son premier roman « Un muerto de mal criterio » (Un mort au mauvais jugement). C’est l’histoire d’un juge, qui, mort, se retrouve dans son cabinet poussiéreux, condamné à juger les morts. Dans ce livre plein de fantaisie, le pessimisme destructeur de Prieto se donne libre cours. Mais, malgré lui, peut-être, il s’y montre moraliste. Plus d’une fois son juge fait penser à Sancho Pança dans son île.

    Dans « Mon Associé, Mr. Davis », intitulé « Il Socio » en espagnol, paru en 1928, sa fantaisie se libère en apparence de toute préoccupation secondaire. Pourtant une philosophie dédaigneuse s’en dégage, et plus profonde, sans doute, qu’il n’y paraît.

    Après avoir montré dans son premier livre les hommes, pantins des événements, il les montre victimes des chimères de leur esprit.

    Il y a quelque chose de pirandellien dans sa conception méprisante de la personnalité, mais c’est un pirandellisme joyeux, qui refuse le drame et rit de la tragédie même.

    M. D.

    I

    « Impossible, cher ami ! Je ne puis rien faire sans consulter mon associé… »

    « Tu sais avec quel plaisir je t’escompterais cette traite, mais… nous sommes convenus avec mon associé… »

    « Mon Dieu ! Si j’étais seul à disposer des fonds, je t’arrangerais cette affaire sur l’heure, malheureusement mon associé… »

    L’associé, l’associé, toujours l’associé !

    C’était la huitième fois ce matin que Julien Pardo, lancé sur le triste calvaire de l’escompte, se heurtait à des phrases semblables.

    Lorsqu’il entendait le mot « associé », il baissait la tête et se bornait à répondre avec un sourire rétracté de lapin :

    — Oui, oui… je comprends ta situation et je te remercie.

    Puis, dès qu’il était sorti, il se mettait à grogner en se mordant les lèvres :

    — Canaille ! Misérable ! Dire que tant de fois je l’ai aidé !… Et maintenant, il me sort cet associé… comme si je ne savais pas que c’est un mythe ! Qui donc serait assez bête pour s’associer à une pareille andouille ?

    Une petite pluie glacée lui fouettait le visage. Il semblait qu’une subtile poussière de cristal s’obstinât à lisser ses traits, accentuant cet air d’ascétisme que la patine donne aux figurines d’ivoire.

    Il voyait le fond de la rue comme au travers d’une vitre dépolie. Les gratte-ciel, immenses entassements de caisses vides, pressés les uns contre les autres, semblaient frissonner dans le vent.

    — L’associé… l’associé…, mâchonnait Julien Pardo, une farce, une excuse ignoble… ou quelque chose de pire… oui, une véritable substitution de personne. Saligaud !

    Au coin de la rue, un attroupement l’arrêta. Julien jouant des coudes, étirant le col, regarda. Les idiots ! Ils regardaient un cheval mort !

    Le pauvre animal était là, les jambes raides, l’œil trouble, le cou comme une planche et les dents serrées… Il semblait sourire !

    Julien ne pouvait pas s’arracher à la contemplation de ces naseaux contractés en une grimace de sarcasme suprême. Pauvre bête ! Comme elle, il tomberait un jour, accablé par le travail, poursuivi par le fouet des préoccupations… Un créancier, un cocher, une femme… question de mots, et voilà tout !

    Oh ! Ce sourire figé du cheval le lui disait clairement.

    — Frère Pardo, ne me regarde pas avec ces yeux tristes. Des deux, je ne suis certainement pas le plus à plaindre… Le fiacre ne me pèse plus. Maintenant, je me repose. Quand ce soir, le ventre creux, attelé toujours au char de ton foyer, tu appelleras en vain le sommeil, moi, je dormirai paisiblement, comme maintenant. Demain ta femme et ton enfant remonteront dans la voiture, un gros créancier empoignera le fouet, et, la bouche blessée par le mors de la nécessité, tu reprendras ton trot interrompu. Ne crois pas que je rie de ton sort. La souffrance m’a appris à être bienveillant. Cette grimace, cette contraction de mes mâchoires que tu as prise pour un sourire, n’est que l’expression du mépris que m’inspire le cocher… Qu’il me semble ridicule, maintenant, avec son fouet et son geste menaçant ! Pour la première fois je me moque du cocher !… Pardo, mon collègue, avoue que tu m’envies !

    Quelle insolence !

    Julien aurait voulu lui répondre. La douceur de l’accent ne diminuait point l’âpreté des paroles. Au contraire, elle les faisait plus humiliantes. Que diable ! Etre traité de collègue par un cheval mort ! Mais aussi, était-il raisonnable qu’un courtier en propriétés se mît à discuter en pleine rue avec une charogne ?

    Il regarda autour de soi. Du cercle compact des curieux une femme se détachait, presqu’une enfant, enveloppée dans une martre somptueuse. Son visage délicat émergeait du large col, comme le printemps jaillit de l’hiver, et ce contraste le faisait paraître plus charmant et plus frais.

    Les yeux éclairés par le reflet d’une feinte ingénuité — candeur étudiée de star — mettaient une étincelle dans son sourire de Joconde :

    — C’est vous le propriétaire du cheval ?

    — Pourquoi me demandez-vous cela, Mademoiselle ?

    — Vous le regardez d’un œil si triste !…

    Pour toute réponse, Julien lui adressa un regard furibond. Vraiment c’était un comble ! De quoi ce mêlait cette péronnelle ? Propriétaire du cheval ! Lui trouvait-elle donc l’air d’un cocher ?

    Feignant une profonde surprise elle se tourna vers son amie — une petite brune grassouillette dont le nez pointait à peine entre le boa et le chapeau :

    — Regarde, Graciella ! Je crois que j’ai offensé monsieur le Vétérinaire !

    — Que tu es bête ! dit l’autre en riant. Quand cesseras-tu tes impertinences ?

    Et, lui prenant le bras, elle l’entraîna.

    Julien les suivit de son regard furieux jusqu’à ce qu’elles fussent montées dans l’automobile qui les attendait de l’autre côté de la rue. A travers la vitre de la portière les yeux clairs de la jeune femme se tournèrent vers lui, souriants. Ils semblaient lui dire :

    — Ne faites pas attention ! C’est une plaisanterie… Je sais très bien qui vous êtes… Pardonnez-moi…

    Mais il n’était pas en humeur de plaisanter. Il ne manquait vraiment plus que cela ! Monsieur le Vétérinaire ! Je vous demande un peu ! Une petite mal élevée tout simplement, et qui se croyait sans doute une grande dame ! Tout le monde avait-il donc le droit de l’interpeller ? Le cheval…, la jeune fille…, et, chose étrange, il s’aperçut qu’il lui était plus désagréable d’être appelé vétérinaire par une femme, que collègue par un cheval mort !

    II

    Dieu qu’il avait donc engraissé cet animal de Goldenberg ! Lorsqu’il le regardait, avec son double menton débordant le col aux larges pointes, ses petits yeux encapuchonnés, et le nez blotti comme un renard dans ses joues, comme un renard au terrier, Julien Pardo ne pouvait s’empêcher de faire d’amères réflexions sur la fuite des ans.

    Cet homme d’affaires qui honorait en ce moment de tout le poids de sa personnalité son modeste bureau de courtier en propriétés, avait été son camarade de collège.

    Goldenberg, le crapaud Goldenberg, comme on l’appelait alors !

    Il lui semblait que c’était hier. Il se rappelait surtout ce vendredi soir, jour de congé en l’honneur de la fête du Recteur, où le crapaud Goldenberg lui avait pris confidentiellement le bras.

    — Ecoute, Pardito, as-tu de l’argent ?

    — Oui, une piastre… pour acheter des cahiers…

    — Ça ne fait rien ; je te les rendrai demain ; je les obtiendrai de mon frère qui est un peu bêta. Allons prendre des glaces !

    Prendre des glaces ! Quelle proposition ! Julien se rappelait qu’en l’entendant, il avait éprouvé cette même tentation qu’il éprouvait aujourd’hui, vingt-cinq ans après, en écoutant Goldenberg, vieilli et corpulent, lui parler « d’une affaire, une affaire un peu bizarre si l’on veut… mais en tout cas lucrative ».

    — Je n’ai pas de capitaux, disait timidement Julien, et je ne vois pas de quelle manière je pourrais vous être utile…

    Car il ne le tutoyait plus, comme au temps du collège.

    — Des capitaux ! Il n’en est pas besoin !

    Oh ! quant à l’audace, Goldenberg n’avait pas changé ! Du même geste assuré, l’enfant blond et déjà gras de la Troisième préparatoire, tournant entre ses doigts son petit chapeau marin, avait pulvérisé jadis les observations non moins graves de Julien :

    — Une piastre… Nous ne pourrons pas donner de pourboire au garçon, les glaces coûtent cinquante centimes chacune… nous aurons juste pour deux…

    — Tu veux dire pour trois.

    — Tu es fou ?

    — Et toi tu es bête. Regarde !

    Et du fond de sa poche, comme s’il en extrayait un trésor, le crapaud Goldenberg avait tiré une petite boule noire :

    — Sais-tu ce que c’est que cela ?

    — Ça ?… c’est une mouche… une mouche morte…

    — Imbécile ! C’est notre troisième glace.

    — Je ne comprends pas.

    Et Julien répétait aujourd’hui la même chose :

    « Je ne comprends pas, je ne comprends pas que pour une affaire on n’aie pas besoin de capitaux… » Mais, dans son enfance, il était plus docile, car, en ce jour lointain de congé, il s’était laissé entraîner par Goldenberg, et il était entré dans la confiserie, plein de doutes et de craintes.

    Il se rappelait l’étrange sursaut qu’avait provoqué en lui la voix forte de son camarade criant :

    — Garçon ! Deux glaces à la fraise !

    Qu’elles étaient bonnes ! Qu’elles étaient belles ! Ah ! S’il n’y avait pas eu tant de monde, avec quel plaisir il les aurait lissées du bout de la langue… Et cette petite cuillère en forme de pelle ! Quel enchantement !… Ah ! si toute la Cordillère quand le soir la rosit, pouvait n’être qu’une glace à la fraise !… Soudain, Samuel lui pinça le bras.

    — Regarde !

    Et il laissa tomber sa mouche dans les résidus de sa coupe, puis il cria :

    — Garçon, ces glaces sont sales !

    Le vieux serveur, courant et vacillant entre les tables, s’approcha tenant en équilibre un énorme plateau chargé de tasses et de verres :

    — Excusez-moi, Monsieur, je vais vous en apporter une autre.

    Le crapaud Goldenberg avait regardé Julien, d’un air triomphant.

    — Tu vois, Pardo, il suffit de ne pas être sot.

    Et, fidèle à sa théorie, il était là maintenant, pareil à lui-même, lui faisant des propositions commerciales.

    — Il s’agit simplement pour l’instant que vous déclariez aurifères certains terrains dont je vous indiquerai la situation au moment opportun.

    — Une affaire d’or ? dit Julien, plein de méfiance.

    Goldenberg porta son cigare à sa bouche, comme pour dissimuler un sourire.

    — Ne craignez rien. L’or viendra plus tard. Au fond, toutes les affaires sont dans une certaine mesure aurifères ; leur objet final n’est-il point toujours de produire de l’or. Pour moi j’avoue que je préfère — et je suis sûr que vous serez de mon opinion — l’extraire sous forme de papier monnaie. L’opération est en somme plus simple, et l’on évite le travail du lavage, du dragage, que sais-je encore ?

    — Parbleu ! songea Julien Pardo, une poche est toujours moins profonde qu’une mine !

    Il accueillait les discours de Samuel avec un certain scepticisme. Bien des fois au cours de sa vie hasardeuse, attentif aux succès de son ancien condisciple, il avait médité, et non sans amertume, sur les équivalences des mouches et des glaces… Un pareil homme ne pouvait que réussir.

    Lui, par contre, neurasthénique et velléitaire, ne pouvait être qu’un raté. Ce triste bureau humide et noir, avec sa fallacieuse pancarte « caisse »  quelle ironie !

    — et son calendrier  combien inutile !

    — était pour lui une prison.

    Où prendre cette désinvolture, cette insolence avec laquelle en ce moment Goldenberg l’entretenait d’une affaire d’or « à laquelle cependant l’or ne servait pas de base ».

    — Comment cela se pourrait-il ? demanda Julien étonné.

    Goldenberg parut s’envelopper, comme

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