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Applaudissons Les Meurtriers
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Livre électronique622 pages9 heures

Applaudissons Les Meurtriers

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À propos de ce livre électronique

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LangueFrançais
ÉditeurXlibris US
Date de sortie17 mars 2020
ISBN9781796090963
Applaudissons Les Meurtriers
Auteur

Choubby Champo

Choubby Champo, de nationalités ghanéenne et libérienne, fit des études pour être enseignant en langues anglaise et française qui ont débutées au Ghana puis au Sénégal à Dakar. Ensuite, grâce à une bourse d'études, il a pu continuer celles-ci à Strasbourg en Alsace pour une spécialité en pédagogie. Depuis plusieurs années, il travaille pour les Nations Unies d'abord comme employé recruté localement au Bonkoumia puis comme staff international en République Centre Africaine. Choubby Champo est un humaniste par nature et a une grande passion pour l'enseignement, la lecture, la poésie et la danse. Les choses qu'il déteste le plus sont la dictature et l'arrogance, bien que nous respirions tous le même air. L'auteur a vu et vécu la guerre civile libérienne du début à la fin, et donc, Applaudissons les Meurtriers.

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    Aperçu du livre

    Applaudissons Les Meurtriers - Choubby Champo

    Copyright © 2020 by Choubby Champo.

    All rights reserved. No part of this book may be reproduced or transmitted in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopying, recording, or by any information storage and retrieval system, without permission in writing from the copyright owner.

    Any people depicted in stock imagery provided by Getty Images are models, and such images are being used for illustrative purposes only.

    Certain stock imagery © Getty Images.

    Rev. date: 03/06/2020

    Xlibris

    1-888-795-4274

    www.Xlibris.com

    808622

    CONTENTS

    Innocence

    Prélude

    Remerciements

    Préface

    Introduction

    Chapitre 1 Ne pas prendre de décision sous la colère

    Chapitre 2 Le premier affrontement

    Chapitre 3 L’incursion

    Chapitre 4 Suehn

    Chapitre 5 L’Eglise luthérienne

    Chapitre 6 L’expédition aux ignames sauvages

    Chapitre 7 La venue de l’ECOMOG

    et les enlèvements

    Chapitre 8 Klay

    Chapitre 9 Bomi-Hills (Tubmanburg)

    Chapitre 10 Le camp de concentration

    Chapitre 11 La décision

    Chapitre 12 Se battre pour rester en vie

    Chapitre 13 Face au tribunal des rebelles

    Chapitre 14 Thierno Diallo

    Chapitre 15 Le second tribunal où la langue française me sauva la vie

    Chapitre 16 De retour à Suehn

    Chapitre 17 La condition d’une missionnaire américaine

    Chapitre 18 L’outrage

    Chapitre 19 Un jour qui ne devrait pas être

    Chapitre 20 La torture

    Chapitre 21 Réfugiés dans la jungle

    Chapitre 22 Adieu à la ville. Bienvenue la jungle

    Chapitre 23 Le prix à payer pour la survie

    Chapitre 24 Cœur de Palmier

    Chapitre 25 L’année 1991

    Chapitre 26 L’accouchement

    Chapitre 27 Après l’accouchement

    Chapitre 28 Plus on avance, moins c’est facile

    Chapitre 29 Le carré d’ananas sauvages

    Chapitre 30 Lamentations

    Chapitre 31 Tuer ou ne pas Tuer

    Chapitre 32 Personne à blâmer,

    que l’homme africain

    Chapitre 33 Kokossiako ou Kokossikoko ou Asibé

    Chapitre 34 Tant que j’essaie

    Chapitre 35 Le miel amer

    Chapitre 36 Le Mystère des pagnes africains

    Chapitre 37 Termites et criquets au menu

    Chapitre 38 Les enfants aux cheveux rouges

    Chapitre 39 Les tourments de la maladie

    Chapitre 40 Espoir et désespoir

    Chapitre 41 Le buffle furieux dans la jungle Gedeh

    Chapitre 42 Seul dans la jungle

    Chapitre 43 Encore plus d’événements étranges

    Chapitre 44 Le contact avec Oldman Kowu

    Chapitre 45 Contact avec le monde extérieur

    Chapitre 46 Même Satan avec toutes ses cruautés

    Chapitre 47 Epidémie de rougeole

    Chapitre 48 Retour en arrière

    Chapitre 49 Le révérend Brisbane,

    l’homme de Brewerville

    Chapitre 50 Pas le temps de dire au revoir

    Chapitre 51 L’échappée de Molly Keimah

    Chapitre 52 Emergence de l’ULIMO

    Chapitre 53 Le jour et la nuit des larmes

    Chapitre 54 Lutte pour la survie dans la ville

    Chapitre 55 Duplicité des banquiers

    Chapitre 56 Les années maléfiques et de trahison

    Chapitre 57 Bulk Challenge

    Chapitre 58 Empathie

    Epilogue

    DEDICACE

    Ce livre est dédié à tous les Libériens innocents; aux ressortissants des pays de la CEDEAO; aux Libanais, Indiens; et d’autres ressortissants étrangers qui sont censés vivre aujourd’hui, mais qui sont morts prématurément ou ont perdu certaines de leurs propriétés en raison de l’avidité de quelques personnes pour le pouvoir et l’argent.

    Innocence

    Nous étions innocents au vrai sens du mot, mais les rebelles nous assassinaient. Et au lieu que les citoyens leur demandent d’arrêter de nous tuer, la majorité d’entre eux acclamaient joyeusement pour que les rebelles nous tuent davantage. C’est ce que je n’arrive pas à comprendre jusqu’à ce jour.

    Choubby Champo

    Prélude

    Les hors-la-lois, la noirceur au cœur, arrivent

    Avec leurs armes qui déchirent la

    chair et apportent la douleur

    Mutilations, tortures et meurtres

    À leurs propres parents et étrangers

    Le monde inquiet arrive

    Et donne aux hors-la-lois un sanctuaire moralisateur

    Et aux meurtriers de l’argent

    Certains d’entre-eux effrontés et sans conscience

    Firent leur chemin au sein des Nations Unies

    Et se firent doublement rétribuer avec

    L’argent des contribuables

    Fanfaronnade et vanité de leurs incommensurables

    Méfaits et de leur passé peu recommandable

    Et nous les victimes, seules, le cœur déchiré

    Les mains vides avec nos blessures encore vives

    Chaos, chagrin et insupportable traumatisme

    Hagards avec nos âmes gangrenées et notre existence

    Ils nous restent nos mains et bras torturés

    Afin d’applaudir les meurtriers

    Et alors, nous crions dans une grande ovation

    Paix, liberté et liberté pour tous.

    Enfin!

    Remerciements

    Mes profonds remerciements à mon oncle maternelle Mr Emmanuel Ansu Amponsah qui a assuré mon éducation. C’est de lui que j’ai reçu l’inspiration sur humanisme, la charité et l’éducation. Que son âme repose en paix.

    En outre, je remercie les membres de ma famille: Madame Cecilia Champo, Emmanuel Ansu Champo, Alex Amoabeng Champo, Samuel Ampaabeng Champo et Mademoiselle Kpake Champo.

    Enfin, Je souhaite exprimer mes plus sincères remerciements également à M. Stephan MARDAGA, qui m’a traité si dignement et qui n’a cessé de donner à ma famille et à moi-même tout ce dont nous avions besoin pendant ces jours difficiles au Libéria. En fait, STEPHAN, son frère Charles MARDAGA, la Noble dame Irene, et autres…………… ont pris tout leur temps précieux pour m’aider à traduire le livre de l’anglais en français.

    Je ne pense pas avoir connu de personnes aussi merveilleuses qu’eux.

    Préface

    J’ECRIS CE LIVRE

    Maintenant, j’écris ce livre

    Pour ceux qui ont des yeux

    A lire, oui à lire

    Et pour ceux qui ont l’esprit

    A penser, oui à penser

    Et pour ceux qui ont le cœur

    A s’émouvoir, oui à s’émouvoir

    J’écris ce livre

    Non seulement pour enchanter votre esprit

    Mais aussi pour attrister votre cœur

    Non seulement pour alourdir votre esprit

    Mais aussi pour soulager votre cerveau.

    J’écris ce livre

    Non seulement pour ma famille et moi-même

    Mais pour chacun d’entre-nous

    Qui marche sous le soleil

    La pluie, la neige, la rosée

    La lumière et l’obscurité

    J’écris ce livre pour ceux

    Qui ont le cœur tendre

    Prêts à empêcher de futures guerres

    J’écris ce livre pour dénoncer

    Les arrogants, les sans-cœurs et les idiots

    Enragés, furieux et vengeurs

    Qui perpétuent l’effusion de sang.

    Maintenant, j’écris ce livre

    Pour les Libériens et le monde

    Afin que l’on sache que le Grand Bonkoumia

    N’est pas pour Taylor

    Seule une petite cellule de prison

    Est pour Taylor

    Et cette cellule sera pour lui sa tombe

    D’un mètre quatre-vingt, non!

    D’un mètre cinquante dans la terre souillée

    Maintenant, j’écris ce livre

    Pour moi, non! Pour vous.

    Afin de vous faire savoir que rien n’est impermanent

    Dans la vie d’un être humain

    Afin de vous faire savoir que toute chose

    Dans la vie est précaire comme le temps

    Que la haine et la convoitise qui alimentent

    Les destructions, lui appartient aussi

    J’écris ce livre pour nous tous

    Afin de savoir qu’un voisin proche peut

    Etre plus dangereux qu’un étranger

    Maintenant, j’écris ce livre pour soutenir ma conviction

    Que la destinée humaine est la même partout

    Que pour certaines personnes

    A la vocation criminelle

    Qui vivent seulement de pacotilles

    Ont une vie futile et médiocre

    Maintenant, j’écris ce livre afin de vous dire

    Que quand vous cacher l’histoire

    Vous devenez aveugle aux futurs dangers

    Dans ce livre,

    Rien n’est basé sur de la supposition ou de l’imagination

    La connaissance et l’expérience sont réalités

    J’écris ce livre pour que vous vous rappelez

    Les centaines de civils et étrangers

    Que vous avez honteusement kidnappés

    Et assassinés à Gbaar, Tubmanburg,

    Marchall, Buchanan, dans tout le pays

    Bien que tués et enterrés, leur sang reste une arme

    Je vous écris afin de vous faire savoir

    Qu’éloges et condamnations

    Connaissent leurs détenteurs

    Quand vous détruisez

    Je vous montre vos ruines

    Votre passé parsemé de cadavres puants

    Je veux vous montrer

    Que le passé est votre faiblesse

    Que le futur est la fondation

    De la xénophobie et de l’hospitalité

    Mensonges et vérités sont toutes entières à vous

    La puissance du droit que vous possédez

    A choisir parmi

    J’écris pour vous faire savoir

    Que chaque être humain est originaire d’une migration

    Répondez-moi!

    Vous et votre détestable aveuglement!

    Vous, stupides brutes!

    Est-ce que les montagnes émigrent?

    Pour vous faire savoir

    Que la cruauté n’apporte rien à l’humanité

    Que ceux qui tuent, volent et pillent

    Pour vivre sauront que

    Ce n’est pas une manière de vivre

    Je continue à écrire afin de vous faire savoir

    Que le temps efface beaucoup de choses mais pas tout

    Que dans un effort conjugué, nous accueillons la bonté et la noblesse

    Et de la même manière, nous déplorons le mal et l’indignité

    J’écris pour vous faire savoir

    Que l’absurdité est la raison

    De ne pas être raisonnable

    Enfin, j’écris ce livre afin

    Que des gens diront que c’est une bonne lecture

    Et d’autres diront que c’est un livre maudit.

    Introduction

    Pourquoi j’ai écrit ce livre

    La guerre civile bonkomienne (bon pays) s’est terminée en 2004.

    Deux ans après, le Gouvernement bonkoumien et la Communauté Internationale ont établi la Commission de Paix et Réconciliation (TRC – Truth and Reconciliation Commission).

    Le but était d’aider les bonkoumiens et toutes les personnes de la république à être libre de dire aux membres de la commission toutes les choses, mauvaises et inhumaines, subies pendant ce conflit. Alors, après cela, la commission prenait la parole de manière conciliante afin de recevoir le pardon des personnes ou des groupes mécontents. La finalité étant de permettre aux gens de vivre ensemble dans la paix comme avant et de reconstruire le pays.

    J’entendis parler de ce programme et je décidai de rencontrer les facilitateurs pour leur raconter les expériences traumatiques que j’avais vécues durant les 14 années de cette guerre atroce.

    C’était en juin 2006, je travaillais pour une O.N.G. internationale américaine à Gbarnga, une ville située dans le centre du Bonkoumia (Liberia). J’ai demandé une permission de deux jours à mon supérieur afin de rencontrer la Commission de Paix et Réconciliation à Monrovia, la capitale du pays.

    Aux environs de 7h30 du matin, j’étais déjà à la gare routière. Je suis monté à bord d’un minibus privé en compagnie de plusieurs autres passagers. A 8h00 nous prenions la route pour un voyage de 310 kilomètres.

    Ce matin-là, le temps était nuageux et morne. Cinquante minutes après notre départ, le ciel libéra une pluie diluvienne. A quelques deux kilomètres d’un village appelé Frelala le véhicule tomba en panne. Les précipitations tropicales ont continué sans cesse. Nous étions désespérés mais le conducteur confus semblait l’être encore plus.

    Il nous a priés de sortir du petit bus pour le pousser afin de le faire redémarrer. Désireux de continuer le voyage et d’échapper à l’averse, tous les hommes ont quitté le véhicule et ont joint leurs forces pour pousser. Nous étions tous trempés jusqu’aux os. Il y avait également deux femmes avec des bébés. Les bébés ne pouvant pas comprendre la situation hurlaient. Après avoir exercé tous nos efforts et la voiture ne démarrant pas, nous avons abandonné. Il ne nous restait plus qu’à implorer le ciel pour qu’il nous vienne en aide. Nous nous tenions sur la route menant à Monrovia et nous faisions des signes frénétiques pour arrêter un véhicule qui pourrait nous amener à nos destinations respectives.

    Quelques voitures sont passées, certaines pleines, d’autres à moitié-vides et en raison peut-être de notre état misérable, aucune ne s’arrêta. Cela faisait environ quarante minutes que nous étions sous les trombes d’eau. Nous avions froid et certains d’entre nous grelottaient.

    Nous commencions à perdre espoir quand soudain nous avons vu débouler une jeep de marque Toyota venant de Gbarnga. J’ai soulevé les deux bras et les ai secoués en faisant signe d’arrêter tandis que les autres me regardaient sans y croire. Cette fois-ci, la jeep ralentit un peu et nous dépassa. Puis elle stoppa un moment et fit marche-arrière. Il y avait deux Européens assis à l’avant de la voiture et à l’arrière des hommes et une dame. C’était un véhicule de la Croix Rouge. Le conducteur de race blanche et son collègue nous ont invités à monter.

    A part un petit agenda et un stylo, je n’avais pas de bagage. Les autres passagers se sont précipités dans le minibus en panne afin de récupérer les leurs. Le conducteur était patient. Trempés, nous nous sommes serrés dans la jeep et nous sommes partis.

    J’ai atteint Monrovia sans incident. Je suis allé dans le quartier de Sinkor à la 9ème rue où se déroulait le programme. La commission se situait dans un bâtiment à étages avec beaucoup de bureaux. Là, j’ai rencontré un couple de personnes venues dans le même but.

    Après un moment, ce fut mon tour et je suis entré dans le bureau. Un jeune homme d’environ 30 ans assis derrière un bureau noyés sous des piles de dossiers m’invita à m’asseoir en face de lui. De teint clair et le visage allongé, il paraissait grand malgré sa position assise. Après de brèves plaisanteries, il m’a demandé de lui relater mon histoire.

    J’ai pris mon temps. J’ai récapitulé comment le NPFL (la faction rebelle de Taylor) dirigé par Oliver Varney avait massacré environ 400 Ghanéens. Ceux-ci avaient été arrêtés dans les comtés de Bomi et de Grand Cape Mount, puis avaient été enfermés dans un camp de concentration à Tubmanburg. Et que ceux qui avaient orchestré et supervisé ces actes meurtriers étaient pour la plupart originaires du comté de Nimba. Après la tuerie, les rebelles avaient jeté les corps dans le fleuve de Maher et certains autres dans des puits.

    Non seulement des Ghanéens, mais également un grand nombre de Nigérians, de Guinéens, de Sierra-Léonais, qui n’avaient pas pu bien se cacher, avaient été tués par le groupe rebelle de Taylor. Je lui ai dit que, pendant ce temps-là, la plupart des personnes sensées avaient l’habitude de se demander si un cœur de rebelle était fait de chair et de sang comme celui des gens normaux.

    De temps en temps, le secrétaire me demandait de faire une pause afin qu’il puisse noter tout ce que je lui racontais. Je lui ai dit comment la langue française m’avait aidé à passer par les mailles du filet. De surcroît, je lui ai décrit comment les rebelles de Forson nous avaient brutalisé ma famille et moi-même à cause de notre nationalité ghanéenne. Ils étaient déterminés à anéantir ma famille. Afin d’éviter d’être assassinés, ma femme et moi avec les deux enfants nous nous étions cachés dans une forêt épaisse et isolée pendant environ trois années. Nous étions plongés dans des conditions inhumaines, effroyables et inimaginables.

    Le secrétaire a apparemment consigné tout ce que je lui disais. Il a alors demandé mon numéro de téléphone que je lui ai donné.

    "Vous aurez des nouvelles de la Commission dans environ un mois. Vous pouvez partir et laisser la place à une autre personne. » dit-il.

    L’homme n’a montré aucune émotion, il m’a dit ces mots avec indifférence. Depuis cette rencontre je prêtais une attention particulière à mon téléphone souhaitant et espérant qu’un jour les chefs de ce programme m’appelleraient pour me rencontrer au sein du Conseil d’audition.

    Un mois a passé, deux mois ont passé et six mois ont passé, personne de la Commission de Réconciliation ne m’a appelé. Personne ne s’inquiétait, la Commission n’avait pas apprécié mon témoignage à sa juste valeur. Ce silence de leur part m’a vraiment vexé et tourmenté.

    S’ils avaient montré quelque peu de considération je n’aurais pas écrit ce livre. Leur intérêt à ma cause aurait soulagé mon esprit et j’aurais été prêt à laisser tout tomber. L’attitude nonchalante de la Commission de Réconciliation m’a rendu insomniaque pendant trois nuits. La quatrième, pour libérer mon esprit des traumas de la guerre et de leur attitude d’indifférence, j’ai fait le serment d’écrire ce livre.

    Après tout, je manie la langue anglaise et aussi la langue française et les intellectuels ne disent-ils pas: « La Plume est plus forte que l’Épée? » D’ici,

    Applaudissons donc les Meurtriers.

    Chapitre 1

    Ne pas prendre de décision sous la colère

    Au mois d’août 1985, de retour de France au Ghana après quelques années d’études, j’ai décidé d’aller au Bonkoumia. Cette décision m’a joué un vilain tour et mon épouse a essayé en vain de m’en dissuader. J’ai refusé d’en parler aux membres de ma grande famille et j’ai demandé à ma femme de faire de même. Je fis cela pour éviter la coutume familiale des Akans¹ d’une réunion qui m’aurait persuadé d’abandonner ce projet.

    Une autre raison majeure, dans cette perspective, qui a soutenu cette décision, a été que certains membres de ma famille, plus spécialement mon frère aîné, avaient détourné l’argent que j’avais envoyé d’Europe.

    La maison, qu’il devait construire, n’a pas été érigée et les voitures et quelques engins miniers, envoyés chez nous, ont tous été perdus.

    Par conséquent, j’ai pris cette décision sous l’emprise de la colère et je n’ai pas écouté mon épouse enceinte de trois mois bien établie au pays. Sans l’approbation de ma femme et de ma famille, je me suis embarqué pour ce voyage et je suis arrivé à Monrovia (la ville capitale de Bonkoumia). Je n’espérais pas de grands choses du Bonkoumia mais quelque part je supputais pouvoir revenir en Europe. J’étais resté en contact avec certains camarades d’école ghanéens établis au Bonkoumia. Après avoir passé quelques semaines à Monrovia, je compris que cela n’allait pas fort politiquement. Apparemment, le pays était au bord d’un affrontement social. J’avais décidé par deux fois de retourner au Ghana et d’oublier le Bonkoumia. Pourtant, des amis ghanéens m’ont encouragé à rester car, grâce à mes diplômes, je trouverais tôt ou tard un meilleur emploi. Mais je n’en fus pas convaincu pour autant, la vie politico-sociale des gens n’était pas aussi claire et satisfaisante qu’elle en avait l’air.

    Par exemple, je vivais avec deux amis ghanéens, Ofori et Abraham, à Wroto-Town, près de l’aéroport de Spriggs. Cet endroit était peuplé de gens pauvres. J’observais qu’ils allaient dormir tard, se levaient tard et, durant la journée, spécialement les femmes, se réunissaient en groupe en écoutant de la musique, se tressaient les cheveux et chantaient toute l’après-midi. La plupart d’entre elles n’avait aucune activité rémunératrice. Oisiveté et paresse étaient répandues parmi les gens de cette communauté. Ce fut donc un mystère pour moi de savoir comment ils survivaient.

    Bien après, j’ai découvert que la mendicité était endémique dans la société. Spécialement les femmes, et parfois les hommes aussi, mendiaient du dentifrice, des condiments comme du sel, des oignons, de l’huile de cuisson et de l’argent.

    Politiquement, il y avait partout beaucoup de disparitions et de brutalité de la part de la police, des soldats et des agents de l’immigration. L’extorsion d’argent aux étrangers par les officiers de l’immigration en pleine rue était chose courante.

    L’arrestation de véhicules de transport et l’intimidation des conducteurs par la police nationale, avec l’intention de grappiller de l’argent, étaient également dans les habitudes.

    Cette corruption à ciel ouvert et cette brutalité m’ont convaincu que les différentes forces de la sécurité nationale pensaient que leurs uniformes leur donnaient l’impunité.

    Il y avait de nombreux abus envers les droits de l’homme derrière ces méfaits, mais le gouvernement central les regardait de manière indifférente et même les approuvait. Quelquefois, un grand nombre de libériens, de manière occasionnelle, accablaient le régime du président Eddoekka. Ils le blâmaient pour son manque d’équité sa préférence étant de recruter au sein de son groupe ethnique, les Krahns, et en leur donnant les pleins pouvoirs. Après quelques mois dans ce pays, j’ai commencé à réaliser que leurs revendications étaient justifiées. Certains bonkoumiens étaient victimes d’injustice et rien n’a pu être fait pour changer cette situation.

    Le pays s’enfonçait dans les eaux marécageuses du mécontentement et de la haine tribale. Mais Eddoekka pensait qu’il était à même de gouverner la nation comme il l’avait toujours fait. Cette mentalité au sein de l’administration persista ce qui engendra une colère latente ainsi qu’un mécontentement parmi la majorité du peuple libérien.

    Chapitre 2

    Le premier affrontement

    Fin novembre 1985, j’en avais plus qu’assez de cette tyrannie, des tortures et des extorsions de la part des Krahns.

    Un homme qui s’appelait Thomas Quiwonkpah déclencha un coup d’état contre le régime d’Eddoekka, mais échoua lamentablement. Immédiatement un couvre-feu fut instauré. De 16 heures à 6 heures du matin, personne ne devait se trouver dans la rue. Depuis ma naissance, je n’avais jamais connu de couvre-feu. Mais un adage dit:»Voyage et regarde». Et donc je me suis efforcé d’assister et d’observer ce dit couvre-feu instauré par la junte d’Eddoekka.

    Une nuit, j’ai décidé d’écrire une lettre à mon épouse que j’avais laissée à la maison au Ghana. J’étais assis à ma table et les deux amis que j’hébergeais étaient couchés. Il était 20 heures et tout était silencieux et calme. J’entendis des bruits de bottes sur le sol sablonneux derrière la fenêtre. Avant d’atteindre l’autre côté de la chambre pour èteindre la lumière, les soldats étaient déjà derrière la vitre pointant leurs fusils vers moi, les canons pressés contre le filet de la fenêtre. Je pus voir la gueule des canons prêts à tirer. Une voix autoritaire dit:

    − Tu bouges et t’es mort dans cette putain de chambre.

    Confiant, je répondis:

    − Mais je n’ai pas enfreint le couvre-feu... Je suis dans ma chambre!

    − Mon gars, bouge ton cul de là et ouvre cette putain de porte et tu verras bien si tu as enfreint le couvre-feu ou pas.

    L’un d’eux tira en l’air et commença à défoncer la porte sauvagement. L’autre continua à me tenir en joue. La colère montait en moi et je refusais de bouger, inflexible, au point qu’ils auraient pu me faire ce qu’ils voulaient. Après tout le couvre-feu n’était pas fait pour des gens paisibles dans leurs chambres mais pour des vagabonds.

    À nouveau, mon esprit revint vers ma femme enceinte à la maison au Ghana, ce qui me tempéra quelque part. En plus, deux jours avant, un petit groupe de soldats hargneux, que tout le monde décrivit comme des Krahns, avaient déferlé dans une maison bourgeoise, avaient poignardé un homme respectable et l’avaient enfermé mourant dans le coffre de leur véhicule afin de l’emmener. Ce qui m’avait horrifié et surpris le plus dans cette histoire avait été que les habitants de Wroto-Town observaient la scène comme une chose habituelle, normale. Au point même, qu’ils en avaient blagué démontrant leur indifférence.

    Ne voulant pas exposer Ofori et Abraham, mes hôtes, dans cette confrontation, j’ouvris la porte aux soldats.

    En pyjama, j’eus la témérité de faire quelques pas pour ouvrir la porte de la chambre et puis celle de la maison. Je fus attrapé par les vêtements au niveau de la hanche tout en étant soulevé du sol. L’un des soldats sortit un grand couteau de combat et me menaça avec la lame sur la gorge. Pour reprendre l’équilibre, je me suis agrippé à une lourde table dans le corridor située près de la porte.

    − Mon gars, sortons, veux-tu sortir ou pas? me demanda-t-il

    Un des deux frappa mon tibia avec sa botte et j’ai crié de douleur. Je porte toujours la cicatrice de ce coup.

    − Vous ne pouvez pas m’agresser comme cela et pour me forcer à sortir! protestai-je

    − Oui! Nous savons que t’es de Freetown. Tu es de ceux qui passent la frontière pour foutre la merde dans notre pays. Tu as quitté ton sale et foutu pays pour venir dans ce merveilleux pays qu’est le Bonkoumia et y foutre ta merde, hein?

    La pression se fit plus forte. Tout en m’insultant, ils me frappèrent et je fus aveuglé par de terribles coups de poings sur le visage et à l’arrière de la tête.

    En fait, leur intention était de me faire lâcher la table afin de me traîner dehors et de poursuivre leur plan diabolique. Ma main droite tenait toujours la table et de l’autre j’essayais de me protéger.

    Je sentis que les coups portés au visage m’avaient ouvert les lèvres, mon nez saignait aussi. Je goûtais le sang chaud.

    Heureusement, une des portes du couloirs s’ouvrit et apparut Docteur T. (appelé couramment docteur, mais en réalité pas docteur pour un sou).

    − Mes gars, cet homme n’est pas de Freetown, il est Ghanéen, récemment débarqué dans cette maison. Il se conduit bien et même enseigne à nos enfants pratiquement chaque jour, intervint-il

    Immédiatement, son intervention atténua leur agressivité.

    − Peux-tu prouver que cet homme n’est pas de Freetown?

    − Laissez-le vous montrer son passeport, plaida Dr. T.

    Ils me lâchèrent et finalement me laissèrent chercher mon passeport.

    Je suis entré dans la chambre et à ma grande surprise, Ofori et Abraham avaient disparu, certainement cachés sous le lit.

    Pendant que je cherchais le passeport dans mon sac de voyage, l’un des soldats entra et m’enjoignit de l’apporter dehors. Le corps meurtri, je me suis débrouillé pour prendre mes documents de voyage que je leur ai donnés. Illettrés, ils ne pouvaient pas déchiffrer le contenu du passeport.

    Au lieu de me le remettre, ils le gardèrent et commencèrent d’autres demandes.

    J’avais passé à peu près trois mois dans ce pays et j’avais toujours eu des difficultés à saisir l’anglais bonkoumien. L’anglais bonkoumien, bien que proche de l’anglais classique, est une forme bâtarde de l’américain.

    Un des leurs attrapa mon sac et le vida. Tout en le fouillant, il découvrit et attrapa, dans une poche extérieure, une enveloppe qui contenait toute ma fortune: 250 US$.

    Son visage s’illumina à la vue des billets de 50$. Il le montra à son collègue et d’un ton désobligeant il dit:

    − Ce type ici présent est un mercenaire. C’est une partie de l’argent qu’il a reçu afin de renverser Doe. Tu ne vas jamais revoir la couleur de ce fric.

    Perdre le seul argent que je possédais, dans ce pays étranger, me brisa le cœur. A ce moment, il jeta les documents sur la table et s’empara de l’argent. J’étais désespéré, prêt à tout pour récupérer cet argent. Mais Dr.T. me conseilla de laisser faire. Frustré et impatient, je suis resté dans le corridor pendant qu’il les a rejoints dehors. Je les entendais discuter et leurs chuchotements me parvenaient aux oreilles. A mon désespoir Dr.T. revint pour me dire qu’ils refusaient de rendre l’argent.

    Il ferma la porte et me conseilla d’aller dormir et d’oublier l’argent. Confidentiellement, il me révéla leurs intentions diaboliques de me capturer et de me rosser puis de m’amener au Executive Mansion et de faire croire à Eddoekka que j’étais un des Quiwonkpah rebelles de Sierra Leone. Tout cela afin de gagner de l’argent et une promotion, bien plus que ce qu’ils m’avaient pris. Il a continué en me disant qu’ils étaient de la tribu d’Eddoekka et que c’était dans leurs habitudes d’intimider les gens afin de maintenir Eddoekka au pouvoir.

    Démoralisé, les jambes blessées, les lèvres ouvertes, le visage tuméfié et la perte de mon argent, je me suis retiré dans la chambre.

    Ofori et Abraham se sont extirpés de dessous le lit et ont refusé d’engager une quelconque conversation.

    Je me sentais misérable et sali mais mon esprit restait vigilant.

    A peine 7 mois avant, j’avais été dans une région du monde la plus civilisée (l’Europe). Un endroit où les chiens et les chats ont des droits et où un policier vous salue de manière courtoise avant de vous demander votre identité.

    Un continent où le monde appartient aux hommes et les hommes à eux-mêmes.

    Un continent où la loi est respectée.

    Un continent où le citoyen est libre tant qu’il n’enfreint pas les lois et dans le cas contraire il sera jugé équitablement.

    Un continent où l’homme n’est assujetti à aucune forme de dogme politique ou religieux.

    Ayant résidé plus de 5 ans en France et dans d’autres pays europeens, mon éducation affermie par une expérience internationale, pourquoi avais-je dû venir dans un pays rétrograde qui avait tout à apprendre des droits de l’homme et de la justice? « Oui c’est vrai, quand on dort avec les chiens, on attrape des puces. » Oui, je m’étais vendu pour pas grand chose et voilà le résultat. J’étais furieux contre moi-même et je voulais ouvrir cette porte pour aller voir ces excréments humains qui s’appelaient soldats et me sacrifier pour libérer mon esprit de mes tourments.

    Je restais assis pendant deux heures sur mon lit, le menton dans les mains pensant intensément.

    Je voyais mes deux colocataires s’agiter dans leur lit, manifestement afin de troubler mes pensées.

    J’étais tellement crispé que je ne pus fermer les yeux, cette nuit de cauchemar n’en finissait pas.

    Tôt le matin, malgré mon corps meurtri, j’ai décidé d’aller à l’ambassade du Ghana afin d’expliquer mon cas et voir si l’ambassade pouvait aider à mon rapatriement.

    Toutefois une précédente expérience décevante que j’avais eue à Bruxelles, en Belgique, avec l’ambassade ghanéenne, me dissuada de faire cette démarche.

    Au début du mois de décembre 1984, j’étais allé dans une ville flamande appelée Gent et avais projeté de rentrer au pays. Mais mon passeport était expiré et pire perdu. Donc j’avais décidé de rendre visite à l’ambassade à Bruxelles pour obtenir un laisser-passer.

    Un matin d’hiver, tôt le matin, j’ai pris le train et suis descendu à la capitale. J’ai suivi consciencieusement les indications données par des compatriotes et enfin étais arrivé en face d’un bâtiment en briques qui n’était pas du tout impressionnant comparé aux autres édifices bruxellois.

    J’ai rencontré l’ambassadeur ainsi que son chargé d’affaire. J’ai exposé mon cas, mais au lieu de bien m’accueillir, ils m’ont plutôt reçu avec des réprimandes injustifiées.

    Profondément consterné par ces comportements, j’ai fait marche arrière et décidé de rentrer à Gent. Dans les escaliers à mi-chemin, un homme, la trentaine, m’a coursé et d’une inquiétude feinte, m’a confié qu’il avait entendu notre conversation et qu’il pouvait me fournir un laisser-passer authentique mais que cela coûtait 100 US$. Ma conversation précédente avec l’ambassadeur m’avait mis hors de moi et je lui ai dit avec aigreur que j’allais revenir plus tard.

    Pourtant il n’avait pas voulu me lâcher et m’avait accompagné tout le long des escaliers, m’avait suivi quelques temps tout en essayant de me persuader de lui remettre l’argent pour le document. Et c’est boudeur que j’avais retrouvé mon chemin pour Gent.

    Plus tard, certains compatriotes qui avaient eu la même expérience, m’avaient dit que c’était une manière usuelle pour la hiérarchie de se faire de l’argent.

    Ainsi, la délivrance officielle de documents ne leur aurait presque rien rapporté. Tandis que dans certaines situations, ils utilisaient secrétaires et employés afin de gagner quelques suppléments pour leurs poches assoiffées.

    Si c’est de cette manière que les ambassades ghanéennes en Europe se comportaient, qu’en était-il en Afrique?

    Chat échaudé craint l’eau froide... j’ai donc décidé de ne pas avoir de déception avec l’ambassade ghanéenne à Monrovia. Maintenant, sans argent pour me nourrir et seul à devoir trouver la somme nécessaire pour sortir de ce pays, la seule chose à faire était de m’endurcir en prévision du futur.

    Chapitre 3

    L’incursion

    Au début de 1986, j’ai commencé à travailler comme principal dans une école privée, dans une ville de commerce appelée Ganta. Mais malheureusement, je n’ai pas été payé pendant presque une année.

    En 1987, une école catholique réputée, St Mary High, à Sanniquellie, dirigée par les Dutch Catholic Nonnes et Frères, m’a engagé comme professeur de français et d’anglais.

    De temps en temps, les problèmes politiques continuaient partout dans le pays mais les habitants enduraient cette situation amère. D’une certaine manière, j’avais mes propres appréhensions quand aux agissements du Président Eddoekka et de ses cohortes. Mais quelque part, j’essayais de me convaincre que rien de pire ne pouvait survenir.

    Début décembre 1987, j’ai écrit à mon épouse afin de lui demander de me rejoindre avec notre fils aîné. Étant un jeune couple vivant séparé depuis plus de deux ans, nous ressentions très fort la nécessité de nous revoir et de vivre ensemble.

    Après peu de temps j’ai reçu une réponse positive et enthousiaste. Pourtant elle devait obtenir la permission de son employeur et des patriarches des deux familles. En fin de compte, elle m’a informé que tout était arrangé, qu’elle venait me rejoindre avec le petit.

    Mi-février 1988, ils arrivèrent à Ganta, dans le comté de Nimba, après quelques difficultés rencontrées sur la route.

    Elle eût un travail dans l’école SDA Mission à Zontuo. Je m’arrangeai pour qu’elle me rejoigne à la même école où je travaillais depuis un an. A la fin de 1988, nous eûmes notre deuxième fils, Alex. Tous les deux nous travaillions très durement afin de gagner assez d’argent pour l’éducation des enfants et nos plans futurs. Malheureusement, nos plans et ambitions furent de courte durée quand une incursion de rebelles se déclara dans le pays fin 1989.

    L’après-midi du 24 décembre 1989, notre fils aîné et la baby-sitter rentrèrent à la maison paniquée avec la nouvelle que des rebelles étaient entrés dans Karnplay, une ville à environ 100 km de Sanniquellie. Les rues de la ville étaient envahies par la foule: tout le monde avait quitté sa maison afin d’entendre cette nouvelle étrange qui avait frappé le pays.

    Sanniquellie est le chef-lieu du comté de Nimba et ce comté est parmi les plus peuplés des treize comtés que comptait à cette époque-là le Bonkoumia. On pouvait dire que la plupart des habitants de ce comté étaient opposés au régime du président Eddoekka, désiraient le renverser et s’en débarrasser. Ce désir secret venait principalement de deux groupes ethniques: les Gios et les Manos. Leur représentant, Jackson F. Doe, avait gagné les élections présidentielles de 1985. Mais Eddoekka, sans vergogne, avait sciemment truqué les résultats et imposé son pouvoir. C’est la raison pour laquelle, une haine intense s’était fait jour au sein de la communauté du comté de Nimba. Cela avait immanquablement provoqué le mécontentement et l’animosité des ‘Nimbaians’ contre l’ethnie du dictateur, les Krahns. Et l’adage dit: « Ce qui gonfle trop fort, tôt ou tard, explosera"

    Eddoekka était au courant de cette colère et de ce mécontentement de la part des ‘Nimbaians’. Par conséquent, il avait fortifié son régime en entraînant comme soldats toute personne apte issues de son ethnie Krahn. Et il s’était entouré, au niveau de la sécurité, de ces derniers.

    Les Krahns, ainsi que les Sarpos du comté de Grand Gedeh, et les Gios et Manos du comté de Nimba étaient devenus d’une manière ou d’une autre des ennemis politiques potentiels.

    Aux environs de 17 heures, la rue principale de Sanniquellie était toujours bondée de civils et de soldats. Les quelques soldats parmi la foule apportèrent la nouvelle qu’une bande de rebelles étaient entrés dans la ville de Karnplay (à environ 20 KM de la frontière de la Côte d’Ivoire) et avaient massacrés environ 19 Mandingos. Les Mandingos sont un des seize groupes ethniques du Bonkoumia. Ce sont essentiellement des musulmans qui vivent principalement de commerce et de transport.

    Bien qu’étant au Bonkoumia depuis la fondation du pays, la plupart des libériens ne les considèrent pas comme citoyens du pays. Les Mandingos étaient continuellement harcelés par les agents de l’immigration et considérés comme étrangers. Les Libériens avaient souvent des propos déplaisants à leur égard ce qui approfondissait la haine et la rancune plus spécialement entre ceux-ci et d’autres tribus comme les Gios, Manos, Kpelles et Lomas. Pire encore, les Mandingos étaient en faveur du gouvernement d’Eddoekka.

    Cette histoire horrible des rebelles à la frontière de la Côte d’Ivoire, la plupart des libériens n’y croyaient pas car ils la considéraient comme celle du gardien de troupeau qui crie au loup bien qu’il n’y en ait pas.

    Le régime d’Eddoekka utilisait ce genre de nouvelles comme prétexte pour éliminer ses opposants, et on pensait que c’était une nouvelle machination de sa part.

    Depuis ce jour, la ville de Sanniquellie et les villages avoisinants furent sous tension. Les soldats nationaux (AFL – Armes Forces of Bonkoumia) se déployèrent dans tout le comté de Nimba. Par conséquent un couvre-feu fut instauré de 18 heures à 6 heures et une peur inhabituelle s’emparat des habitants.

    Ganta (Nimba County).

    Depuis fin décembre 1989 à février 1990, les soldats de l’AFL étaient concentrés aux frontières du comté, essayant d’empêcher les rebelles d’y pénétrer. Vers le 4 janvier 1990, il devenait clair, grâce à la BBC Focus of Africa, que véritablement le loup était dans la bergerie! Le meneur de ces incursions rebelles n’était autre que Fiendi Fidel Forson. Il était devenu évident que les habitants du comté de Nimba avaient massivement incité Fidel Forson à venir et à renverser le régime dictatorial d’Eddoekka. Par conséquent Eddoekka et ses cohortes étaient déchaînées contre les habitants du comté de Nimba.

    L’inefficacité flagrante et la mauvaise gouvernance d’Eddoekka avait sérieusement miné la cohésion sociale et nationale. Forson était déterminé à en tirer avantage pour déclencher une guérilla (guerre).

    Au mois de février 1990, j’ai décidé de me rendre à Ganta, principale ville marchande du comté de Nimba, pour rencontrer des compatriotes et discuter de questions vitales concernant la guerre imminente.

    A Ganta, je suis resté avec quelques amis ghanéens à McCauley Yard, un endroit proche de la route qui mène en Guinée. L’après-midi de mon arrivée, aux environs de 17H45, une bande de soldats et un homme en civil de l’ethnie Mandingo ont envahi l’endroit. Les voisins ont décrit plus tard que les soldats étaient Krahns car ils parlaient ouvertement leur patois. Arrogants, ils sont entrés dans la maison où j’étais et, de agressivement, se sont jetés sur un homme appelé Vai Molubah. Les soldats étaient tellement hostiles que personne d’entre nous n’avait le courage d’intervenir afin d’aider cet homme. Ils l’ont accusé d’être un informateur de Fidel Forson.

    Il était presque 18 heures et le couvre-feu allait commencer. Au désespoir de tous, l’homme fut emmené.

    De toute la nuit, nous n’avons pas trouvé le sommeil. Le lendemain, la fiancée de Vai Molubah, Cecilia Gbatu, et quelques autres amis, ont essayé de le sauver des mains des soldats. Impitoyablement ils torturèrent Molubah en l’attachant à un arbre: avec un couteau ils sectionnèrent ses parties génitales et le laissèrent se vider de son sang. Le corps mutilé fut exposé près d’un point de contrôle de l’immigration pour servir d’exemple dissuasif au peuple Nimba. Je n’ai pas eu le courage d’aller le voir, mais la famille proche, les colocataires et la fiancée l’ont vu et sont rentrés accablés de douleur et pétrifiés.

    La nouvelle de la mort sanglante de Molubah avait été aussi douloureuse que sa mise en scène. Ce même destin fut le lot de plusieurs autres Gio à Ganta. Ces actes macabres et prémédités, exécutés par les Krahns et des soldats de l’AFL, ont créé frayeur et méfiance au sein des deux ethnies prédominantes (Gios et Manos) de Nimba. Conséquence de cet acte inexplicable et cruel survenu au McCauley Yard, tout le voisinage quitta l’endroit précipitamment.

    La nuit suivante, près de la route vers la Guinée, un incident similaire se produisit. Cette nuit-là j’étais invité chez Mr Azika, mon collègue et compatriote. J’étais venu le voir pour discuter comment quitter le comté de Nimba. Sa résidence était dans le voisinage d’un magasin tenu par un Mauritanien.

    Le tenancier de ce magasin a vu son fils assassiné en sa présence et celle de sa famille. Cela s’est déroulé quand les trois adolescents ont quitté la boutique de leur père pour l’endroit où ils dormaient situé à quelques mètres du magasin. Aussitôt arrivé, l’aîné s’est rendu compte qu’il avait oublié quelque chose d’important. C’était 5 minutes avant le couvre-feu. Et il a donc pensé qu’il aurait le temps d’aller rapidement et de revenir sans problèmes. Arrivé à la boutique de son père, il a pris la chose en question. Lors de son retour, deux soldats de l’AFL l’arrêtèrent. Apeuré et discipliné, il a obéi, mais les soldats l’insultèrent de propos xénophobes et vulgaires et firent feu. L’adolescent plein de vigueur cria de douleur trois fois « Ei Allah! Ei Allah! Ei Allah! ». Et il s’effondra. Le cri agonisant attira l’attention du père et des deux frères. Regardant à travers la fenêtre, ils virent exactement ce qui était arrivé. Les deux soldats à la gâchette facile tirèrent en l’air et s’évaporèrent précipitamment.

    Le père et les autres locataires n’ont pas pu sortir afin d’enlever le corps ensanglanté. Il était 18h10 à peine. Le corps est donc resté toute la nuit dehors. Et vous pouvez imaginer le chagrin incommensurable des proches durant cette nuit-là. Le matin suivant, les quelques musulmans de Ganta ont aidé le père mauritanien à trouver une tombe pour son fils.

    Tous les gens ont commencé à se rendre compte que les choses tournaient mal dans ce comté. Les nuits devenaient silencieuses de manière inquiétante. Elles étaient souvent ponctuées de clameurs et de pleurs d’agonisants venant des maisons voisines, implorant le secours de Dieu et des hommes. Ces cris et clameurs inhabituels persistèrent nuit et jour. Des cadavres, souvent amputés de la main, devenaient une chose courante à Sanniquellie et dans les villages alentours. La raison de cette mutilation était que les soldats croyaient que, dans le cas de retour à la vie des victimes assassinées, ils pourraient facilement les reconnaître comme rebelles. En fait, il y avait de nombreux abus aux droits de l’homme et une cruauté inimaginable dans ce comté. Durant cette élimination des citoyens du comté de Nimba, la même chose se passait à Monrovia contre les Gios et Manos, surtout la nuit. Les gens de Nimba devenaient progressivement inquiets et craintifs pour leur sécurité; par conséquent ils quittèrent le comté et prirent la fuite secrètement vers la Guinée afin d’y trouver refuge.

    Le 28 mars 1990, St Mary High a été la dernière école à fermer ses portes dans le comté de Nimba et à ce moment les rebelles étaient presque arrivés à Sanniquellie.

    J’ai quitté Sanniquellie le 4 avril 1990 pour Monrovia. Ma femme et mes enfants y avaient été envoyés précédemment, au mois de février. Avant d’arriver à Monrovia, ce jour fatidique, j’ai été confronté à beaucoup d’obstacles. Tout le long de la route menant à Monrovia, les points de contrôle de fortune étaient innombrables. Les soldats menaçaient, torturaient et tuaient les gens simplement suspectés d’être des rebelles. Je trouvais cela très déraisonnable car les soldats nationaux qui doivent défendre et protéger les citoyens quelque soit la situation de crise mais ils tuaient impitoyablement.

    Heureusement, je suis arrivé sain et sauf à Monrovia auprès de ma famille chez une cousine et son aimable mari à Senya Town; Bush Road Island.

    Chapitre 4

    Suehn

    Suite à ses efforts, mon épouse avait trouvé un emploi dans un institut appellé Suehn Industrial Academy qui se trouve dans le comté de Bomi. Fin mars 1990, mon épouse y travaillait déjà. Elle n’avait pas perdu de temps pour me présenter au principal de l’école afin qu’il m’embauche aussi. Au mois d’avril de la même année, nous travaillions tous les deux assidûment dans le même établissement. Ma femme enseignait le français, ainsi que la littérature anglaise, et moi j’enseignais la géographie et l’économie en terminale.

    La guerre qui avait commencé de manière interpellante, n’avait pas à ce moment une grande ampleur, mais était extrêmement sanglante. Aussi, à cette époque, chaque bonkoumien sensé commençait à se rendre compte que Fiendi Fidel Forson avait provoqué une des guerres les plus sanglantes et insensées jamais connue en Afrique de l’Ouest. Eddoekka et son ministre de la défense ainsi que leur entourage avaient déjà essayé de convaincre les citoyens qu’ils allaient écraser les rebelles. Néanmoins ce fut le contraire qui se produisit. Ceux-ci avaient pris la main sur les soldats gouvernementaux. Les AFL (les forces armées du Bonkoumia) endurèrent beaucoup de pertes et d’humiliations. Les rebelles étaient à moins de 75 kilomètres de la capitale Monrovia et la plupart des soldats nationaux désertèrent, tombèrent leur uniforme et jetèrent au loin leurs armes. L’état d’urgence avait été déclarée et toute la nation était sous le couvre-feu. En plus, le pays était dans l’anarchie totale et aussi bien les soldats AFL que les rebelles NPFL blessaient et tuaient les gens en toute impunité. La nourriture était extrêmement difficile à trouver et un grand nombre de personnes commencèrent à mourir de malnutrition et de maladies comme le choléra ou la dysenterie.

    Ma femme, moi et les deux enfants étions toujours dans le comté de Bomi dont la capitale est Tubmanburg. Nous étions dans le district de Suehn Mecca, un des plus populeux. Comme les autres comtés, à l’exception de Montserrado (la, Monrovia), Bomi était sous le contrôle des rebelles.

    Méchanceté, cruauté et bestialité, qui habituellement caractérisent les guerres, furent ici à leur apogée.

    Pendant ce temps, les rebelles, anges de la mort assoiffés de sang, essentiellement issus des ethnies Gio et Mano, ratissaient le pays à la recherche des soldats issus des ethnies Krahns et Mandingos.

    Le comté de Bomi possède un nombre appréciable de villages Mandingos comme Bojey, Mecca, Medina. Tous ces endroits furent d’abord fouillés afin de tuer les Mandingos et de les piller.

    Bojey, à quelques kilomètres de Swawu town, fut un des endroits le plus touché. Sous le commandement de C.O. Suah, cette ville fut envahie. Un homme reconnu et riche, surnommé Bojey Millionaire, fut arrêté avec ses deux femmes et ils furent assassinés brutalement par ce commandant et ses hommes. Tout son argent, ses voitures et ses biens furent confisqués par les rebelles.

    Le plus écœurant de cet épisode est que les enfants des victimes furent recueillis par les petites amies des rebelles afin d’en faire des esclaves. Ils réquisitionnèrent les appartements confortables d’enseignants en fuite. Durant la matinée ils partaient pour patrouiller et revenaient le soir chargés de leurs pillages et avec des prisonniers de guerre.

    Il y avait un vieux grand arbre, un amandier, au centre de l’école Suehn Mission, et c’était l’endroit où furent attachés et puis tués les civils Mandingos et Krahns. J’aurais voulu avoir le courage de plaider leur défense ou intervenir en leur faveur, mais les rebelles étaient intraitables et impitoyables, aucun homme raisonnable n’aurait osé s’en approcher.

    Les classes de l’école étaient remplies de réfugiés venant de Monrovia assiégée et d’autres régions. Notre résidence était proche de l’amandier et le soir ma femme et moi nous nous endurcissions face aux pleurs des agonisants, à leurs lamentations et aux tirs qui déchiraient la chair de ces pauvres âmes.

    Les réfugiés affamés ne cessaient de faire intrusion dans notre résidence, nous submergeant de demandes innombrables. Malheureusement le peu que nous avions de nourriture était presque épuisée.

    L’école ferma le 20 mai 1990, et après quelques semaines de vie précaire, j’appréhendais une vie futur très difficile et hasardeuse. Il n’y avait aucun signe de ralentissement des hostilités et en ce qui concerne les vivres et la nourriture de base comme le sel, ils étaient introuvables.

    Les déplacés étaient une grande nuisance pour la famille: ils rendaient l’école bruyante et sans repos. Le massacre des ennemis des rebelles autour de l’amandier poussait chaque soir la plupart des déplacés à quitter le campus afin de trouver un meilleur refuge loin de l’endroit des exécutions.

    Au début de juillet, en fin d’après-midi vers 17H30, deux rebelles m’invitèrent à les suivre pour effectuer un travail. Ma femme extrêmement effrayée et inquiète voulait savoir de quoi ils s’agissaient. Ils lui promirent que rien n’allait m’arriver; comme professeur, ils voulaient que j’écrive quelque chose pour eux.

    Je les ai suivis avec les pieds de plomb mais obéissant. Ils m’ont amené auprès de cet arbre maudit. Il y avait déjà trois réfugiés, dans la quarantaine, gardés par deux rebelles. Au sol, il y avait deux cadavres récemment tués ruisselant de sang et torses nus.

    Sous la menace des armes, ils nous ordonnèrent de porter les corps dans

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