Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant: Repérage précoce, dépistage et diagnostic
Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant: Repérage précoce, dépistage et diagnostic
Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant: Repérage précoce, dépistage et diagnostic
Livre électronique379 pages3 heures

Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant: Repérage précoce, dépistage et diagnostic

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Cette étude dédiée aux cliniciens offre toutes les clés pour dépister le plus rapidement possible les troubles du spectre de l'autisme chez les enfants.

Les troubles du spectre de l’autisme sont souvent diagnostiqués tardivement, ce qui provoque de nombreuses souffrances pour les patients et leurs familles. Pourtant, dès le plus jeune âge, des signes observables permettent d’identifier ces troubles. Entre absence de dépistage et attribution de pathologies erronées, ces difficultés diagnostiques sont la conséquence d’une méconnaissance théorique persistante.Sophie Carlier, docteure en psychologie et clinicienne spécialiste de l’autisme, propose aux professionnels de la santé des repères solides permettant d’améliorer leur démarche d’identification. Afin d’éviter les errances diagnostiques, elle redéfinit les étapes-clés des processus d’évaluation des troubles du spectre de l’autisme : le repérage précoce, le dépistage et le bilan diagnostique. Forte de son expérience clinique, l’auteure revient sur les procédures et tests actuels, leurs avantages, leurs défauts et les pièges à éviter. Elle examine les concepts théoriques liés au spectre de l’autisme, avant de proposer un panel de stratégies novatrices concrètes permettant d’optimiser les pratiques. Riche et documenté, ce livre s’adresse à un large public de cliniciens, quels que soient leur spécialité, leur niveau d’expérience ou la ligne de soins concernée.

Un ouvrage de référence sur les troubles autistiques et leur diagnostic.


À PROPOS DE L'AUTEURE

Sophie Carlier est docteure en psychologie et intervient comme clinicienne au Centre Ressources Autisme de l’Hôpital Universitaire des enfants Reine Fabiola (HUDERF). Dotée de plus de vingt années d’expérience dans le domaine des troubles du spectre de l’autisme (TSA), elle forme et supervise des équipes intervenantes ainsi que des étudiants à l’ULB. Elle est aussi l’auteure de l’Autism Discriminative Tool (ADT), un test de dépistage précoce des TSA.
LangueFrançais
ÉditeurMardaga
Date de sortie9 sept. 2021
ISBN9782804720407
Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant: Repérage précoce, dépistage et diagnostic

Auteurs associés

Lié à Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant

Livres électroniques liés

Psychologie pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant - Sophie Carlier

    Sophie Carlier

    Troubles du spectre de l’autisme chez l’enfant

    Repérage précoce, dépistage et diagnostic

    Remerciements

    Cet ouvrage n’aurait pas vu le jour sans l’intérêt porté par les Éditions Mardaga pour la question des troubles du spectre de l’autisme. Je tiens tout particulièrement à remercier son directeur de collection, Monsieur le Professeur Jacques Grégoire, pour son accompagnement dans cette première aventure littéraire. Un tout grand merci à Pascale Tits pour son retour sur ce texte ; à mes collègues, amis et proches pour leur soutien. Enfin, toute mon admiration et ma gratitude aux centaines de familles, enfants et adultes sur le spectre de l’autisme qui ont enrichi mes connaissances au fil des ans et ceux qui m’ont confié leurs dessins pour illustrer cet ouvrage.

    Citation préliminaire

    Dès l’âge de 7 mois, ma mère et mon père observaient chez moi, avec étonnement, des particularités qu’ils ne comprenaient pas. Ces particularités se sont multipliées et précisées en grandissant. L’âge de raison est arrivé et, dès l’entrée à l’école primaire, j’étais une petite fille très sage, en retrait, ne prenant aucun plaisir à jouer avec les autres. Je ne développais aucun lien fort avec mes camarades d’école. Toute tentative pour intégrer leurs jeux semblait inadéquate et mal reçue, se soldant par du rejet et de l’agressivité. Souffrant de ne pas être « comme les autres », je passais mon temps libre à observer les comportements des enfants dans la cour de récréation. J’observais sans comprendre leurs modes d’interaction. Leur univers était une énigme pour moi. Étrangère au monde et à la vie sociale, je subissais de surcroît un stress permanent lié aux bruits forts ou lancinants, aux odeurs, aux mouvements brusques et aux cris. J’ai rapidement développé une hyperréactivité aux événements de la vie courante. Sanglots inconsolables et crises de colère plongeaient souvent ma famille dans un sentiment d’impuissance, d’incompréhension et d’inquiétude.

    Je dois à mes chers parents la réussite de ma scolarité. Sans leur persévérance, leur bienveillance et leur amour, j’aurais très certainement quitté l’école vers l’âge de 15 ans. Malgré mon graduat, obtenu avec « la plus grande distinction », ma vie d’adulte fut une succession d’échecs professionnels. J’ai aussi été victime de toutes sortes de malveillances de la part d’individus me croisant sur leur chemin. Encore aujourd’hui, je suis incapable d’anticiper ni de comprendre les dangers, les manipulations et les mensonges. J’ai tendance à prendre au pied de la lettre tout ce qui m’est dit, ce qui me conduit parfois à adopter des comportements inadéquats et à prendre des décisions dangereuses pour ma sécurité. Jusqu’à il y a peu, ma confiance était acquise à toute personne me donnant un peu d’attention.

    J’ai bénéficié d’un diagnostic à l’âge de 43 ans. Ce diagnostic a posé du sens, là où le sentiment d’absurdité de mon existence avait pris toute la place. Il a apaisé beaucoup d’anxiété et m’a redonné l’espoir de sortir de l’isolement pour intégrer une vie normale, ou presque. Ce diagnostic m’ouvre également des portes dans l’accompagnement particulier qui est offert aux personnes comme moi, pour apprendre les codes sociaux que mon handicap ne m’a pas permis d’acquérir normalement. Mais 43 ans, c’est tard, trop tard. Je souhaite témoigner ici de l’importance de repérer l’autisme dès l’enfance, le plus tôt possible. Ma famille et moi-même aurions aimé avoir une telle chance…

    L.P.

    Préface

    Fine clinicienne passionnée par la question de l’autisme, l’auteure nous invite à un parcours éclairé et systématique de la question du repérage et du diagnostic des troubles du spectre autistique chez l’enfant.

    Avec l’expérience qui est la sienne, fruit d’une carrière riche d’enseignements dans différentes équipes anglophones et francophones, aux modèles multiples, elle nous fait parcourir le chemin d’une famille inquiète pour son enfant potentiellement porteur d’un TSA.

    Durant tout son parcours, elle n’a eu de cesse d’améliorer l’approche diagnostique, toujours prévenante, d’une écoute et d’une rencontre respectueuse des parents et de l’enfant. Préoccupée par les listes d’attente des Centres Ressources Autisme et par la grande hétérogénéité des enfants non autistes qui s’y présentent, elle a travaillé, dans le cadre de sa thèse de doctorat, à développer un nouvel outil de screening de niveau 2, l’Autism Discriminative Tool. Il permet, sur la base des informations fournies par l’enseignant, d’orienter les enfants suspectés d’autisme en les différenciant des enfants avec des retards globaux de développement, des problématiques langagières ou des troubles émotionnels graves.

    Dans cet ouvrage, elle se veut pédagogique pour les professionnels de première, de deuxième mais aussi de troisième ligne. Elle informe aussi clairement les parents sur ce que représente la démarche de repérage puis de diagnostic spécifique pour les TSA.

    Elle nous invite à la prudence clinique, à la perspicacité face à la diversité des formes phénotypiques et à la notion de continuum. Elle met l’accent sur les premières manifestations repérées par les parents dans la sphère sociocommunicative et sur l’importance de leur faire confiance, lorsqu’ils consultent avec l’impression d’un développement atypique. Elle souligne l’importance du modèle développemental, sachant que les particularités des TSA se développent différemment d’un enfant à l’autre et d’un âge développemental à l’autre.

    Son ouvrage est riche de repères cliniques précis concernant le développement de l’enfant avec TSA, les différentes facettes et sévérité de la symptomatologie, ses spécificités.

    Les caractéristiques de la prévention et du dépistage précoce sont précisées dans une approche pratique et constructive avec des propositions intéressantes, comme une petite liste de jouets à avoir au cabinet de consultation en fonction de l’âge de l’enfant pour observer les intérêts particuliers et les singularités du jeu de l’enfant avec un TSA.

    Ensuite, elle passe en revue de manière rigoureuse tous les outils de dépistage dont la dernière version du M-CHAT, disponible en annexe. Les concepts de sensibilité, spécificité et les modalités d’utilisation de ces outils dans la population générale ou dans les populations particulièrement à risque sont également présentés.

    Après ces différentes phases du dépistage, l’auteure nous fait voyager dans les étapes de l’évaluation spécifique en Centre Ressources Autisme. Elle détaille et explicite de manière très professionnelle mais aussi très compréhensible les tenants et aboutissants des différentes évaluations appliquées à ces enfants : les outils spécifiques du diagnostic, les particularités des cognitions sociales, le développement non neurotypique et l’estimation, parfois difficile, du niveau de développement ou du quotient intellectuel avec les outils classiques. Les particularités communicationnelles comme les particularités sensorielles ou motrices des enfants avec un TSA sont clairement précisées et illustrées. Dans le cadre de l’évaluation, elle donne aussi des indicateurs pour les prises en charge, même si elle n’aborde pas spécifiquement cette question dans cet ouvrage.

    Toujours, elle est attentive à commenter les différences de fonctionnement des enfants avec un TSA en comparaison à ceux qui ont un développement neurotypique, mais jamais son propos n’est centré sur le déficit.

    On ne peut que recommander cet ouvrage à tous ceux, professionnels ou proches, qui souhaitent actualiser leurs connaissances sur le trouble du spectre autistique, sur ces enfants au développement particulier dont les expressions cliniques sont tellement différentes.

    Véronique Delvenne

    Chef du service de pédopsychiatrie

    Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola

    Bruxelles

    Introduction

    Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) sont des conditions neurodéveloppementales dont l’expression est généralement précoce. Ils persistent à l’âge adulte avec des manifestations qui fluctuent selon l’âge, le profil cognitif et adaptatif, le genre ou encore la présence éventuelle de comorbidités, d’où les notions de spectre et de continuum. Si la diversité des profils cliniques est d’une richesse incroyable, elle complique la tâche des chercheurs et des cliniciens engagés auprès des personnes sur le spectre.

    Cette hétérogénéité plaide en faveur d’une diversité des mécanismes étiologiques. Si l’on sait aujourd’hui que facteurs environnementaux et génétiques contribuent à l’émergence des TSA à concurrence relativement égale, aucune cause unique n’a pu être identifiée. Il n’existe pas non plus de tests ou de marqueurs biologiques sur lesquels s’appuyer. Par conséquent, le diagnostic de TSA reste encore et toujours purement descriptif, posé à partir de signes comportementaux observables et autres indicateurs issus de l’évaluation multidisciplinaire. En théorie, cette approche observationnelle devrait permettre l’identification aisée d’une majorité des enfants sur le spectre, surtout lorsque ceux-ci sont fortement entravés dans leur développement. Mais, ici aussi, les variabilités interindividuelles viennent jouer les trouble-fêtes et la réalité est tout autre, même dans les cas les plus évidents. Car aujourd’hui encore, il est fréquent que le diagnostic de TSA n’intervienne que plusieurs années après l’apparition des premiers signes et les inquiétudes répétées des parents.

    S’il est vrai que de plus en plus de jeunes enfants sont orientés vers les services diagnostiques spécialisés, beaucoup d’autres ne sont repérés que bien plus tard, sans n’avoir jamais été identifiés comme ayant un TSA ou en étant jusque-là porteurs d’un diagnostic erroné. En tant que praticienne en Centre Ressources Autisme, nous voyons régulièrement des enfants au tableau prototypique qui arrivent après des années d’errance diagnostique malgré l’évidence de leur condition. Nous évaluons chaque année des adolescents en grande souffrance dont les comportements atypiques ou perturbateurs ont toujours été considérés comme relevant de la psychopathologie. Beaucoup sont en décrochage scolaire, d’autres sortent d’une hospitalisation en unité psychiatrique. Que les symptômes de ces jeunes soient évidents ou plus subtils, leur présence durant l’enfance ressort toujours de l’anamnèse, à défaut d’être facilement perceptibles. Comment se fait-il donc qu’ils n’aient pas éveillé plus tôt les soupçons du monde médical ? Nous comptons également dans nos consultations de nombreux enfants « dysphasiques » qui ont déjà plusieurs années d’école primaire derrière eux. Ces enfants étant souvent intégrés dans les classes de langage de l’enseignement spécial, c’est leur manque de progrès scolaires qui finit par interpeller l’entourage plutôt que leurs stéréotypies, la présence d’intérêts exclusifs/envahissants ou leurs particularités sensorielles. La présence de tels indices ne devrait-elle pas permettre de cerner plus rapidement la nature réelle de leurs difficultés ? Et que dire de ces adultes, hommes et femmes aux parcours souvent chaotiques, qui entament eux-mêmes la démarche diagnostique en quête d’une identité qui leur a été refusée ou que l’on a ignorée ? Chaque diagnostic tardif est une occasion manquée en termes de soutien et d’aide individualisée. Il affecte le pronostic des enfants, dégrade la qualité de vie des plus âgés. Il est préjudiciable, intolérable.

    Face à ces constats, nous avons souhaité apporter des repères cliniques solides aux professionnels des différentes lignes de soins. Pour ce faire, notre ouvrage s’organise en plusieurs parties qui couvrent chacun des trois maillons de la chaîne diagnostique. Nous rappellerons d’abord à quel point il est important d’utiliser les classifications internationales comme référentiels communs, même si celles-ci abordent les signes autistiques sous l’angle du déficit ou du caractère hors norme. Nous insisterons sur la multiplicité de déclinaisons des TSA, leurs aspects parfois fortement atypiques ou subtils. Car, en effet, si une partie des enfants présentent un tableau conforme aux critères diagnostiques du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM) ou de la Classification Internationale des Maladies (CIM), d’autres nécessitent que les cliniciens aient acquis un panel de connaissances plus pointues afin de permettre leur identification. Dans cette optique, la grille développementale que nous proposons dans le premier chapitre permettra d’appréhender la question phénotypique. Cette grille de lecture peut être utilisée à des fins diverses comme la description du tableau clinique de l’enfant, celle de ses besoins ou de ses progrès. Elle permet également de définir des sous-types dans un contexte de recherche.

    Nous aborderons ensuite la question du repérage précoce, ancrée dans le processus de surveillance développementale. Savoir en maîtriser les codes est essentiel puisque c’est précisément cette étape qui va déclencher toute la chaîne diagnostique et la mise en place des premières interventions. Or, les modèles de surveillance du bébé et des jeunes enfants continuent à être défaillants puisqu’à l’évidence trop peu d’entre eux sont identifiés à ce stade. Il faut dire que les signes précoces de TSA manquent souvent de spécificité. Dans certains cas, ils prennent volontiers un caractère subtil, infraclinique, voire épisodique qui peut déstabiliser le clinicien ou empêcher leur prise en compte. Pour tenter de combler les lacunes du repérage précoce, nous rappellerons les évaluations à réaliser aux âges clés du développement et la suite à leur donner. Nous proposerons des stratégies observationnelles à partir d’un matériel spécialement conçu pour les consultations de santé du jeune enfant ainsi qu’un tableau référentiel des grandes acquisitions développementales et leurs éventuelles déviations.

    Le troisième chapitre sera consacré au dépistage. Après un rappel de ses enjeux et de ses propriétés psychométriques, nous passerons en revue les différents instruments de détection disponibles en français, leurs objectifs, mais aussi leurs limitations. Nous reviendrons sur les signes d’alerte qui nécessitent des investigations immédiates afin que ceux-ci deviennent des référentiels impondérables de la pratique clinique. Nous présenterons les procédures les plus efficaces en la matière, que celles-ci relèvent de la première ligne de soins ou des spécialistes du développement infantile. Il sera ainsi question de combiner et de multiplier les tests de dépistage ou ses acteurs clés, avec un focus particulier sur le milieu scolaire et l’importance des informations en provenance du corps enseignant. Le M-CHAT révisé avec follow-up, test de référence en la matière, sera proposé dans son entièreté.

    Le dernier chapitre fera le point sur les composantes du bilan diagnostique, en insistant sur son caractère multidisciplinaire. Poser un diagnostic n’est pas toujours chose aisée. Celui-ci peut être techniquement difficile ou s’avérer délicat, entraînant doutes et incertitudes dans le chef du clinicien novice ou aguerri. Vu son importance, ce dernier chapitre couvrira un maximum de thèmes en commençant par un passage en revue des tests diagnostiques ADI-R et ADOS. Nous verrons ensuite quelles sont les particularités de ses composantes médicale, orthophonique et psychomotrice. L’évaluation psychologique sera scrutée sous l’angle de la cognition sociale, de la mesure des fonctions intellectuelles et développementales. Le lecteur trouvera une foule de recommandations pratiques pour une utilisation réfléchie des outils standardisés, des conseils sur la manière d’aller au-delà des résultats bruts, de les interpréter ou encore d’éviter les pièges les plus communs. Sans oublier un recensement des signes les plus indicatifs de TSA et divers éléments relevant du diagnostic différentiel.

    CHAPITRE 1

    Définition des troubles du spectre de l’autisme

    1. Critères diagnostiques

    1.1. Historique

    Léo Kanner, pédopsychiatre autrichien émigré aux États-Unis, décrit l’autisme en 1943 à travers la présentation clinique de onze enfants. Il affine ses descriptions l’année suivante, parlant pour la première fois « d’autisme infantile précoce » (Kanner, 1944). Kanner décrit des enfants dont les caractéristiques principales sont l’isolement et le besoin d’immuabilité. Leur présentation clinique correspond ce qu’on a longtemps appelé l’autisme de Kanner pour ensuite parler d’autisme prototypique. Les travaux de Kanner vont rapidement faire du bruit et marquer le début d’une nouvelle ère dans le domaine de la pédopsychiatrie. De l’autre côté de l’Atlantique, un de ses confrères, lui aussi Autrichien, décrit un groupe d’enfants relativement similaires. À l’époque, Asperger utilise l’expression de « psychopathie autistique » (1944). À y regarder de plus près, les enfants dont s’occupe Asperger ont de meilleures compétences que le groupe de Kanner. Leur langage est élaboré bien que souvent unidirectionnel, leurs compétences intellectuelles sont préservées. Ils ont des intérêts particuliers et présentent une certaine maladresse motrice. Dans le contexte de conflit mondial de l’époque, il faudra attendre près de quarante ans pour que les écrits allemands d’Asperger soient traduits. Le syndrome qui porte son nom est alors révélé au grand public et considéré comme une variante du trouble autistique décrit par Kanner (Wing, 1981). En réalité, sans le savoir, les écrits de Kanner et d’Asperger préfigurent la notion de spectre en présentant des enfants qui appartiennent à la même entité clinique.

    Les premières versions du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM) ne mentionnent pas l’autisme comme entité singulière (American Psychiatric Association [APA], 1952 ; 1968). À l’époque, les termes « autisme » et « autistique » sont utilisés pour décrire les comportements de retrait manifestés dans le cadre de la schizophrénie. Par conséquent, les enfants dont le tableau clinique rejoint ceux décrits par Kanner et Asperger reçoivent un diagnostic par défaut : celui de schizophrénie infantile. Il faut attendre 1980 pour que le terme d’autisme infantile soit introduit dans le DSM-III (APA). La présence de symptômes psychotiques engendre alors un diagnostic d’exclusion, mettant théoriquement un terme à l’amalgame entre autisme et psychose.

    L’expression « trouble envahissant du développement » (TED) apparaît en 1987 dans la version révisée du DSM-III (APA). Le terme d’autisme infantile disparaît au profit de celui de trouble autistique afin de souligner la persistance des difficultés à l’âge adulte. Le trouble autistique côtoie le TED-NOS (trouble envahissant du développement non spécifié), ce dernier remplaçant l’autisme atypique. C’est dans ce nouvel opus qu’apparaît aussi le concept de triade de déficiences, proposé quelques années plus tôt par la psychiatre britannique Lorna Wing (Wing & Burgoine, 1983).

    Le DSM-IV (APA, 1994) conserve la catégorie générale des TED qui se déclinent en cinq entités distinctes : l’autisme, le TED-NOS, le syndrome d’Asperger, le syndrome de Rett et le trouble désintégratif de l’enfance. Ceux-ci sont repris tels quels dans la version révisée parue en l’an 2000 (APA). Référence mondiale pendant près de vingt ans, le DSM-IV va influencer cliniciens et chercheurs de manière considérable. Néanmoins, il donnera lieu à toute une série de débats et de controverses en raison de la définition évasive du TED-NOS (Frith, 2004 ; Macintosh & Dissanayake, 2004 ; Mahjouri & Lord, 2012 ; Ozonoff, 2012) et du questionnement de la validité du syndrome d’Asperger (Kamp-Becker, Smidt, Ghahreman, Heinzel-Gutenbrunner, Becker & Remschmidt, 2010 ; Klin, Volkmar, Sparrow, Cicchetti & Rourke, 1995).

    1.2. Critères diagnostiques du DSM-5

    Sorti en 2013, le DSM-5 adopte une approche dimensionnelle de l’autisme. Il chamboule nos repères en remaniant, retirant ou encore en incluant des critères

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1