Baisers de cendres
Par Etienne Palle
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À propos de ce livre électronique
Imaginez quel pourrait être le point de vue d’un explorateur, d’un ouvrier, d’un médecin, d’un prêtre, d’un trader, d’un pilote, d’un paysan, d’un artiste, etc.
Qu’y-a-t-il de commun entre un cocalero, un pêcheur de pélamides, une amazone et un torero? Chacune de ces personnes a sa propre vision du bonheur.
Si vous avez la chance d’avoir des amis venant d’ailleurs, issus de milieux différents, gardez-les et parlez souvent avec eux. Les différences de raisonnement que vous pourrez constater sont une source d’enrichissement inépuisable. Vous serez au cœur d’un cercle vertueux et d’une synergie d’idées exceptionnelles.
Les gens qui pensent différemment et vivent autrement ont souvent des comportements créatifs : ils rêvassent, regardent ce qui se trouve autour d’eux, travaillent aux heures qui les arrangent, passent du temps seuls, évitent les obstacles de la vie, recherchent de nouvelles expériences, tirent profit de leurs échecs, posent les bonnes questions, observent les gens, prennent des risques, s’expriment le plus souvent possible, consacrent du temps à la méditation, s’évadent par la pensée, perdent la notion du temps, s’entourent de beauté, relient les points, font bouger les choses, réalisent leurs vraies passions.
Peut-être êtes-vous de ceux-là ?
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Aperçu du livre
Baisers de cendres - Etienne Palle
Baisers de cendres
Etienne Palle
Baisers de cendres
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2017
ISBN : 978-2-312-05693-7
Aux vivants…
« Prendre une bonne nouvelle n’est jamais perdre son temps. »
(Sophocle)
Avant-propos
Les relations humaines sont essentielles au développement personnel. Nous avons toujours tendance à imiter les gens avec qui nous passons le plus de temps. Ce comportement n’est pas volontaire, il est inconscient. Il s’adapte à notre entourage, c’est une preuve sociale. Nous voulons être acceptés par nos amis, mis en valeur par eux.
Le moyen le plus simple de s’intégrer et de se sentir valorisé, pensons-nous, est de partager les mêmes passions et d’avoir les mêmes sujets de conversation que les personnes que nous côtoyons le plus souvent.
Nous croyons progresser avec les êtres qui nous sont les plus chers mais en réalité nous nous enfermons dans une façon de penser monotone et fermons notre esprit.
Certains estiment que pour progresser, il ne faut côtoyer que des gens intelligents et cultivés, des gens qui réussissent. Bien entendu, c’est un bon conseil mais il n’est pas suffisant.
Toutes les personnes avec qui nous discutons ont des points de vue et des idées sur le monde qui nous entoure. En général, plus ces personnes sont différentes plus leurs points de vue le sont aussi.
Imaginez quel pourrait être le point de vue d’un ingénieur, d’une comédienne, d’un ouvrier, d’un médecin, d’un trader, d’une étudiante, d’un artiste, etc. Chacune de ces personnes aura sa propre vision du bonheur.
Plus le milieu socioprofessionnel dans lequel évolue une personne sera différent du vôtre, plus il y aura de probabilité que son point de vue diffère aussi du vôtre.
Si vous avez la chance d’avoir des amis issus de milieux différents alors gardez-les et discutez le plus possible avec eux. Les différences de raisonnement que vous pourrez constater seront une source d’enrichissement inépuisable.
Vous serez au cœur d’un cercle vertueux et d’une synergie d’idées exceptionnelles.
Vous pourrez construire votre vision en fonction des interactions que vous aurez avec ces personnes. Automatiquement, vous serez plus nuancés, plus réfléchis, plus riches que la plupart des gens.
Les gens qui pensent différemment des autres ont souvent des comportements créatifs : ils rêvassent, regardent tout ce qui se trouve autour d’eux, travaillent aux heures qui les arrangent, passent du temps seuls, contournent les obstacles de la vie, recherchent de nouvelles expériences, tirent profit de leurs échecs, posent les bonnes questions, observent les gens, prennent des risques, s’expriment le plus souvent possible, consacrent du temps à la méditation, s’évadent par la pensée, perdent la notion du temps, s’entourent de beauté, relient les points, font bouger les choses, réalisent leurs vraies passions.
Peut-être êtes-vous de ceux-là ?
Dispensaire
« Le Paradis n’est peut-être qu’un genre d’hospice, quand plus personne ne peut vous accueillir sur terre. »
(Umberto Eco)
« Nous querellons les malheureux pour nous dispenser de les plaindre. »
(Pensées et Maximes de Luc de Clapiers,
marquis de Vauvenargues)
Mahima est ouvrière textile à Sivaganga. Officiellement, tout va bien chez Nataraja Industry. Ici, les filles sont heureuses, proclame l’un des dirigeants de l’entreprise. Située non loin de Madurai, ville textile du sud de l’Inde, dans l’État du Tamil Nadu, l’usine Nataraja emploie 5000 ouvriers, dont 90 % de filles, qui travaillent dans ce qu’il faut bien appeler une usine prison.
L’entreprise met en pratique dans ses usines le système « Sumangali », littéralement femme mariée en hindi. Apparu il y a une dizaine d’années au Tamil Nadu, ce système consiste à fournir, pendant trois ans, des emplois d’ouvrières du textile à de jeunes filles non mariées des zones rurales les plus pauvres. Au terme des trois ans, les filles reçoivent de 500 à 800 euros, pour payer leur dot sans laquelle elles ne trouveraient pas à se marier.
Chez Nataraja Industry, toutes les jeunes filles sont enfermées 24 heures sur 24 dans l’usine ceinte de hauts murs. Elles y dorment dans des chambres, entassées à 12 dans 10 m² avec pour tout mobilier une paillasse à même le sol et un petit casier, et bien sûr des barreaux aux fenêtres. Les sorties se résument à huit jours tous les six mois pour retourner dans leur famille. Officiellement, leur salaire est de 2,90 euros par jour. Mais leur employeur trouve toujours le moyen de leur en prélever un peu pour la nourriture, les uniformes etc.
Alors évidemment, avec de telles conceptions du respect des droits de l’homme, et de la femme surtout, il ne faut pas s’attendre à des miracles au niveau hygiène et sécurité. Les filles travaillent dans un vacarme assourdissant sans bouchon d’oreilles, sans masque pour éviter de respirer les particules de coton flottant dans l’atmosphère, sans formation pour apprendre à se servir des machines-outils qui vous découpent les doigts aussi vite que le tissu, etc.
Pour 5 000 personnes, vivant quasiment toutes à plein temps dans cette usine-prison, il y a en tout et pour tout quatre lits à l’infirmerie, un médecin et deux infirmières.
Nombreuses sont les filles qui ne tiennent pas les trois ans, ne reçoivent donc pas leur dot, qui plus est tombent malades (boules de coton dans les poumons, anémie, asthme, saignements chroniques…), ou restent handicapées à vie (doigts coupés, graves déformations des doigts, des genoux…).
Autant dire des filles impossible à marier, et vouées à rester esclaves ou parias toute leur vie.
Mais Nataraja Industry n’a que faire de ces désaffections, d’abord parce que cela lui permet d’économiser la dot promise, ensuite parce que l’entreprise ne manque pas de candidates.
Mahima a vingt-deux ans, c’est une jolie jeune femme. Son visage est gracieux, son charme et sa beauté naturelle n’ont d’égale que son ardeur au travail. Entrée à l’usine de Sivaganga à l’âge de seize ans, elle y a rencontré son futur mari. Chaque matin vers six heures, avant de se rendre à l’usine, elle dépose sa petite Jaya de treize mois chez sa mère. Son mari Nithya, récemment promu cadre de premier échelon, est devenu responsable de l’atelier où travaille Mahima.
Grâce à sa nouvelle situation, il a pu lui acheter une Tata d’occasion et veille à ce qu’elle et sa fille ne manquent de rien.
Un soir, Mahima, après avoir récupéré sa fille chez sa mère, comme chaque jour, reprend le bus pour rentrer chez elle. La journée a été harassante. Elle a pris sa pause pour déjeuner avec Nithya. On les voit tous les deux partout ensemble, ils sont soudés, se tiennent les coudes dans cet univers infernal.
La route est sinueuse et longue. Le bus, un vieux Leyland des années cinquante, peine à monter la côte. Après être parvenu au sommet du col de Madurai, il redescend vers les rives du fleuve Vaigai. Il y a à peu près quinze kilomètres entre l’usine et la demeure de la famille Shandilya.
Ils habitent une vieille villa coloniale mal entretenue que Nithya retape à ses heures perdues. Il l’a achetée pour trois fois rien à l’occasion d’une vente publique et malgré son état délabré, Nithya est fier d’en être l’heureux propriétaire.
Mahima prend son mal en patience, Jaya s’est endormie dans ses bras, lorsque le bus stoppe brutalement. Un tronc d’arbre barre la route. Bientôt des hommes enrubannés surgissent dans le bus machette à la main. Ils recherchent un homme de taille moyenne, petite moustache, la quarantaine, originaire du Kerala, qui expliquent-ils, a agressé plusieurs jeunes femmes membres de leurs familles, de familles d’amis ou de voisins. Ils se sont regroupés en une espèce de milice de village qui quadrille la région à sa recherche.
Mahima songe un instant avec effroi que Nithya correspond au signalement. Il est originaire du Kerala et son apparence physique ressemble au portrait-robot qui est fait.
Ils contrôlent tous les passagers du bus, quand vient son tour, Mahima se lève et leur demande comment il se fait qu’ils aient un portrait aussi précis. Ils répondent qu’une des femmes agressées le connait, il travaille à l’usine Nataraja.
Mahima blêmit et faillit perdre connaissance. Une fois rassise, les assaillants repartis, le bus reprend sa route et cinq minutes plus tard dépose Mahima à l’arrêt près de chez elle. Elle doit encore prendre un chemin creux et marcher dix minutes. Les idées les plus noires se bousculent dans sa tête, elle ne comprend pas ce qui se passe et refuse d’envisager le pire. Son Nithya, un mari parfait si prévenant, si attentionné, un homme d’une grande délicatesse, un père exemplaire, lui, un violeur ? elle est au bord des larmes, choquée. La nausée la submerge, elle ne peut se retenir de vomir.
Nithya n’est pas encore rentré, on est jeudi, il est de permanence jusqu’à vingt-deux heures.
Comment va-t-elle aborder le sujet ? Elle imagine toutes sortes de scénarios lorsque la porte d’entrée principale de la maison se referme dans un bruit sourd. Nithya vient d’arriver. Il embrasse tendrement sa femme, qui ne peut retenir un geste de recul. Nithya parait surpris. Elle éclate en sanglots, lui demande de s’expliquer. Il balbutie quelques mots, parait surpris, interloqué, il n’est pas un violeur.
Le lendemain à l’usine, intriguée par ce qu’a dit l’un des miliciens du bus en parlant d’une femme qui connait le violeur, Mahima fait son enquête. Elle interroge plusieurs de ses collègues ouvrières. Personne n’est au courant, mais l’une d’elles a quelque chose à dire. Son mari travaille à l’atelier de teinture et lui a raconté qu’un soir, une de ses ouvrières a été agressée en sortant de l’usine sans jamais voir le visage de son agresseur.
Mahima demande quel jour était-ce, c’était un jeudi. Elle devient livide et insiste auprès de sa collègue pour qu’elle tâche d’en savoir plus.
Elle veut avant tout vérifier que la soi-disant permanence de Nithya à l’usine est bien jeudi chaque semaine. Quand le responsable du planning lui indique qu’en fait il ne s’agit que d’un jeudi par mois, elle commence à croire que ses soupçons sont avérés. Elle fouille les affaires de son mari et y trouve quelques bracelets et des colliers qui ne lui appartiennent pas.
Mahima est désespérée, profondément choquée, elle a donné toute sa confiance à cet homme qui l’a trahie, commence-t-elle à croire. Elle ne sait plus à quel saint se vouer quand soudain germe l’idée de l’attendre ce jeudi soir à la sortie de l’usine.
Nithya quitte l’atelier à vingt heures précises. Il marche d’un pas sûr comme quelqu’un qui sait où il va. Il emprunte l’avenue du Mahatma puis tourne à gauche dans la rue Jaipur, la rue des prostituées. Là, il parle à deux jeunes femmes qui acquiescent de la tête à chacune de ses paroles. Mahima comprend mal ce que son mari fait là. Les deux femmes entrent bientôt dans ce qui semble être un hôtel. Nithya les suit. En se rapprochant, Mahima comprend qu’il s’agit d’une sorte de dispensaire. Les deux femmes peuvent être des ouvrières qui viennent se faire soigner là.
Mais que peut bien faire son mari dans un endroit pareil et comment connait-il ces femmes. Mahima décide d’attendre le jeudi suivant pour réitérer sa filature.
Entretemps elle retourne là-bas pour voir de plus près à quoi ressemble cet endroit le jour.
Elle demande au concierge de l’hôtel voisin s’il connait son mari en lui montrant sa photo. Oui bien sûr, s’exclame-t-il, c’est Monsieur Nithya le gérant du dispensaire, il passe tous les jeudis pour faire la comptabilité. Il explique à Mahima qu’il s’agit d’un mini hôpital de nuit tenu par deux infirmières bénévoles qui donnent leur temps pour soigner les prostituées atteintes du sida. Les soins délivrés par le dispensaire ne sont pas gratuits. Le coût est modique, parfois certaines prostituées paient même avec des bracelets ou des colliers.
Ne nous fions pas aux apparences, elles sont trompeuses. Parfois le bien se cache sous ce qui semble être le mal et réciproquement.
Bal musette
« Alors les feux d’artifice s’épanouirent dans le ciel, le vin coula sur les petits échafauds des bals musette, et les têtes d’ivrognes roulèrent joyeusement partout. »
(Jean Cocteau)
Il est grand temps pour Annabelle de mettre fin à cette situation grotesque. Ferdinand lui promet que cela ne se reproduira pas mais elle sait bien qu’il est incapable de tenir parole. La première fois que cela se produit, il explique qu’il voulait simplement essayer. Il rentre à trois heures du matin, Annabelle ne dort pas. Par la suite, il se sent obligé de donner des explications à sa femme.
Non ce n’est pas par manque de volonté ni par méchanceté. Ce n’est pas non plus par intérêt ou par ambition, c’est une addiction, une drogue. Il y a pris goût spontanément, y trouve un plaisir immense. Chaque instant, chaque jour, il a l’impression de vivre plus intensément, c’est comme une espèce de reconnaissance, de renaissance. Chacune de ses interventions lui donne un sentiment de puissance, de liberté totale unique, il n’est plus le même. C’est sans doute ce qui déplait tant à Annabelle.
Elle lui fait comprendre