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L'Amour en marche: Roman
L'Amour en marche: Roman
L'Amour en marche: Roman
Livre électronique197 pages2 heures

L'Amour en marche: Roman

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À propos de ce livre électronique

« L’Amour en marche » est à la fois un roman intimiste et un récit politique plus large, une histoire qui naît au printemps 2016, à Lyon, alors que démarre la campagne de l’élection présidentielle et qu’apparaît en pleine lumière le candidat Emmanuel Macron.
Cette relation amoureuse entre Cécile et Mathieu est d’autant plus improbable que ces deux quadragénaires n’ont aucun point commun.
Cécile, directrice d’agence bancaire, possède un tempérament de sauveuse, elle a toujours voté socialiste et soutient déjà le ministre de l’Économie devenu candidat à la surprise générale.
Mathieu est un photographe de presse locale qui vivote entre petits reportages et portraits artistiques ; il habite le sous-sol de la maison de ses parents et c’est par tradition familiale qu’il a toujours voté à droite. Son candidat, c’est François Fillon.
Toujours fauché, il se rend à la banque pour demander un prêt bancaire et il en ressortira terrassé par un coup de foudre.
« L’Amour en marche » suit de l’intérieur et au ras des militants d’« En Marche » la campagne du futur président Emmanuel Macron. Mais il explore aussi des questions essentielles telles que le sentiment amoureux, l’engagement politique, le handicap, les névroses familiales et la psychanalyse.
LangueFrançais
Date de sortie27 avr. 2021
ISBN9782312080543
L'Amour en marche: Roman

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    Aperçu du livre

    L'Amour en marche - Thierry de Cabarrus

    cover.jpg

    L’Amour en marche

    Thierry de Cabarrus

    L’Amour en marche

    Roman

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur :

    Les métiers de la photo (avec Jeanne Courouble, éditions Marabout,1982)

    Le Château des autres (éditions Grasset, 1985)

    Le Fou d’amour (éditions Grasset, 1987)

    Châteaurama (éditions Grasset, 1989)

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08054-3

    Je ne comprends pas ce qui m’arrive là, assise sur ce fauteuil design en plastique qui couine, je sanglote sans m’arrêter.

    Je pleure, ne pleure jamais, moi la fille solide, qui rêve d’être une sauveuse.

    J’aurais pu être psychiatre, sans doute, comme cette femme qui me fait face sur la même chaise design, me regarde, se tait, attend. J’aurais pu être avocate en droit de la famille, donner un sens à ma vie, je suis directrice d’agence à la Banque Agricole.

    Il va me falloir du courage, Docteur, je ne veux pas rester employée de banque, refuser les demandes de crédit, sanctionner les clients les plus modestes me devient insupportable.

    Un jour, quand je serai prête à renverser ma vie, je dirai au revoir à mes six collègues autour d’une coupe de champagne, recevrai en échange un carré Hermès, un cartable en cuir que je rangerai dans un coin dès que possible, je prendrai la fuite.

    Je monterai mon cabinet, porterai la robe noire à rabat blanc, épitoge d’hermine, enfin en principe, quand je serai en état d’utiliser ce diplôme d’avocat qui dort, remplir ce rôle de défenseuse qui m’obsède tant. Pour l’instant, c’est moi qui pleure, demande de l’aide.

    – Tu as de plus gros seins que ta mère…

    Quand il est entré sans frapper dans ma chambre, qu’il a saisi la bretelle de mon soutien-gorge pour en faire claquer l’élastique, je n’ai pas réagi. J’ai juste pris mon pull sur le lit, l’ai plaqué contre ma poitrine. Je n’ai pas réussi à lui parler, lui dire de partir, me laisser m’habiller.

    Il a ajouté « avec des nénés comme les tiens, va falloir que tu fasses gaffe aux garçons ».

    Puis il est sorti, j’ai pu respirer.

    Plus tard, j’ai repensé à cette scène, su que ce n’était pas la première fois qu’il me regardait bizarrement.

    Il me fait peur car il est double. D’un côté, Pierre trompe Chantal avec ses collègues de travail, de l’autre, il paie sa dette en faisant le ménage, la vaisselle, souvent la cuisine.

    J’en suis désolée, n’arrive pas à les appeler « mon père », « ma mère ». Chantal y trouve son compte, ferme les yeux sur les écarts de Pierre, pourvu qu’il assume à sa place ce travail ménager qu’elle déteste, l’éloigne de la seule personne qui compte, elle-même.

    Pierre est un gros bosseur, un hyperactif. Il se lève très tôt chaque matin, commence sa journée par la musculation dans le salon, y a installé une barre fixe sur le chambranle de la porte.

    De ma chambre de petite fille, je l’entends souffler, ahaner au rythme de ses flexions-extensions, chasse de mon esprit ce corps gonflé de bodybuilder qu’il aime me faire admirer parfois, entrant dans ma chambre en mini slip assez dégoûtant, l’œil halluciné à faire peur à la fillette que je suis. J’ai 13 ans.

    Après la musculation, Pierre prend sa douche, s’asperge de parfum, se rend à la cuisine préparer les repas de midi et du soir avec les courses qu’il a lui-même achetées au supermarché, au sortir de son travail.

    Puis, il va au bureau où il dessine des immeubles toute la journée en flirtant avec les stagiaires en architecture.

    Chantal se lève autour de 11 h, s’installe devant sa coiffeuse jusqu’à midi, consent à mettre sur le feu le plat préparé par son mari. Elle a de beaux cheveux mais Pierre la trouve trop maigre.

    Je la retrouve en sortant du collège, elle parle alors de choses futiles, son maquillage, ses vêtements, ses rendez-vous chez le coiffeur, l’esthéticienne.

    Pierre nous rejoint, mange en silence, lance sur moi de temps en temps ces regards, ces remarques que je n’aime pas :

    – T’es encore fringuée comme un garçon ! C’est quoi ce gros pull et ce jeans… Quand on est jolie comme toi, on ne se cache pas, on se montre, hein Chantal !

    Jalouse, Chantal, le décolleté vide, me lance son regard noir, il m’arrive de quitter la table, très en colère.

    Je ne vous ai pas parlé de la toux de Pierre, Docteur. Cette éructation m’effraie, annonce un orage. Il tousse pour rompre ce silence dans lequel il se réfugie, ressent le besoin de balancer une phrase à l’emporte-pièce, un truc définitif, par exemple, la nécessité de fermer les frontières aux étrangers, cesser de subventionner les syndicats malfaisants, en finir avec cette foutaise des 38 heures.

    Il bégaie légèrement, cette difficulté d’élocution ajoutée à une surdité de naissance le rend timide, nerveux, ses brefs raclements de gorge l’encouragent, m’inquiètent, sonnent comme la trompette la charge de cavalerie.

    Pierre tousse aussi quand, abandonnant la barre fixe, il annonce sa venue dans ma chambre. Je remonte alors la couverture jusqu’à mon cou, cache mes seins, le prive de l’occasion d’en vanter les qualités. Ma mère n’a pas beaucoup de poitrine.

    Je crois que c’est à cause de Pierre que je n’ai jamais aimé mon corps, l’ai caché si longtemps, connu tant de difficultés avec les affaires de sexe, jusqu’à ce que je rencontre Mathieu.

    Comme les hirondelles, la venue du printemps, Twitter, l’oiseau bleu annonce la prochaine candidature d’Emmanuel Macron à la présidentielle.

    Après deux années passées comme secrétaire général de l’Élysée, deux autres à Bercy, ce jeune ministre de l’Économie de 38 ans vient de fonder son mouvement politique, En Marche, avec un culot qui prend de court le président, les politologues des télés tout-info, la classe politique de gauche et de droite.

    En 2012, Cécile fondait de grands espoirs sur le candidat naturel de la gauche, jusqu’au scandale du Sofitel qui la laissa désemparée, en colère.

    Les hommes ne pensent qu’à baiser. Ils sont violents, arrogants, dominateurs. Elle ravala sa rage et, malgré ses doutes, vota pour le joker, François Hollande.

    Déçue quatre ans plus tard par l’indécision pathologique du chef de l’État, elle vient d’adhérer à En Marche.

    C’est une machine de guerre destinée à prendre le pouvoir, bousculer le jeu classique, pépère, stérile des partis de droite et de gauche, lui substituer un rassemblement des bonnes volontés d’où qu’elles viennent, pourvu qu’elles soient républicaines.

    En ce mois d’avril, le vent est doux dans les rues de Lyon, Mathieu marche à grands pas, les pans de son blazer lui font des ailes noires dans le courant d’air.

    Il longe un grand magasin d’électro-ménager, dans la vitrine une dizaine de téléviseurs géants à écran plat, exposent en gros plan l’image animée d’Emmanuel Macron.

    Il passe vite, ce n’est pas son candidat, il lui préfère François Fillon et puis, il est en retard à son rendez-vous.

    Il traverse la rue, voit son image grandir dans la colonne miroir d’une parfumerie aux étagères encombrées de carafes, s’arrête un instant, histoire d’ajuster sa mise avant de rentrer dans l’agence de la Banque Agricole.

    Mathieu entretient un look des années soixante-dix, ne l’a pas vraiment choisi, il porte la veste bleu-marine que son père avait achetée pour lui-même en 1972 afin d’entrer, digne et chic, dans la vie professionnelle.

    On est conservateurs dans la famille, on ne passe pas son temps dans les boutiques, juste les supermarchés pour le nécessaire. Cette veste était comme neuve, Jean la retirait, repliait délicatement à l’envers avant de prendre le volant de son break Peugeot chargé de boîtes à chaussures, Mathieu a naturellement récupéré le blazer pure laine du pigeon voyageur.

    Ce vêtement lui va bien, il en rehausse le rétro en l’accompagnant d’une chemise blanche, un nœud papillon à petites fleurs qui ajoute à sa dégaine un côté artiste hors du temps.

    Quand il pénètre dans le sas de la Banque Agricole, place Bellecour, Cécile est en train de commenter avec Casper, le vigile, le titre de la Une de Libé consacrée à Emmanuel Macron, agrémentée d’une photo pleine page, prise de dos, du futur candidat : « En Marche : le bébé du ministre fait ses premiers pas ».

    Le ralliement immédiat de quelques barons socialistes la rassure, Gérard Collomb, le sénateur-maire qu’elle rencontrait parfois aux réunions du PS avant qu’il ne s’éloigne du parti, les députés, Richard Ferrand, l’assureur du Finistère, Olivier Véran, le neurologue de l’Isère. Elle fait partie des 13.000 premiers « marcheurs » à s’être inscrite, en ce printemps 2016, sur le site de la start-up électorale construit selon la méthode de Barak Obama.

    Au coup de sonnette, Cécile lève la tête, reconnaît le grand type aux cheveux bruns trop longs à son goût, ses yeux noirs, sa barbe de trois jours, son style ringard, elle l’a vu, ces derniers mois, venir retirer de petites sommes, en déposer d’autres, plus souvent vider son compte.

    Elle sait qui il est, et pourquoi il est là.

    Mathieu Vendroux, 43 ans, photographe pigiste à l’Écho-La Liberté, salaire fluctuant, pas plus de 2000 euros par mois, payé parfois en liquide pour ses portraits d’artiste, a pris rendez-vous avec elle pour obtenir un prêt. Il ne l’aura pas, trop de dépenses, pas assez de rentrées.

    Elle a l’habitude des quémandeurs, sait les rembarrer, retourne dans son bureau de directrice, ouvre le dossier Vendroux, se concentre, devient dure, corps ancré sur son fauteuil en attendant l’hôtesse qui frappe, le fait entrer.

    Mathieu est surpris, s’attendait à une employée de banque de téléfilm, tailleur strict, lunettes, cheveux ternes tirés en chignon serré, regard dur, et bien sûr des élastiques au bout des doigts.

    La directrice lui sourit, se lève, lui tend la main, anéantit cette image d’Épinal. Elle porte une robe longue, ample, blanc et bleu à fleurs, son visage de petit animal le fascine : grands yeux pâles, joues piquetées de taches de rousseur, cheveux longs, noirs, en queue de cheval, d’où émergent deux oreilles délicates.

    Le contact de sa main le trouble, le contrarie presque tant cette sensation lui est nouvelle.

    Il s’assoit à son invitation, murmure soudain, un peu ébahi en la regardant, « belle… » Puis, sans prévenir, se met à fredonner « Belle, belle, belle comme le jour », le tube de Frank Alamo, le chanteur yéyé des années soixante, provoquant chez elle une réaction de surprise et d’hostilité.

    Les filles tu sais méfies-toi

    C’est pas c’que tu crois

    Elles sont toutes

    Belles, belles, belles comme le jour

    – Vous me faites quoi, là ?

    Elle est restée debout, se rassoit, froide, il lui présente ses excuses.

    – Je chante souvent, vous savez, quand je suis heureux. Je suis vraiment heureux de vous rencontrer, Mademoiselle…

    Elle examine longuement ce type brun à la tignasse abondante, au regard un peu fou qui la drague, il ne ressemble pas à ses collègues de la banque, ni même à ses copains de la fac de droit.

    Elle veut le mettre à bonne distance, le fixe intensément de ses mirettes en colère, il se sent soudain au bord de la noyade dans ce liquide vert d’eau glacée :

    – Eh bien tant mieux, Monsieur Vendroux. Ou plutôt, tant pis, car pour ce qui concerne votre demande, je crains malheureusement…

    Il n’entend pas la suite, il la regarde, foudroyé.

    Cécile déroule son argumentaire rodé, poli, ferme, qui débouche automatiquement sur un refus de prêt, Mathieu le comprend aussitôt mais n’en souffre pas, déjà, il est passé à autre chose de plus important.

    Cécile achève le numéro convenu du refus de crédit, il saisit au vol ses derniers mots :

    – Comme je vous l’ai dit en commençant, si vous n’êtes pas en mesure de nous apporter des garanties, un bien propre, la caution d’un tiers, nous ne pouvons malheureusement rien faire… Rien.

    – Rien ? Rien de rien ?

    Mathieu sourit, puis, le regard exagérément triste, se lève soudain de son fauteuil, entonne la chanson d’Édith Piaf :

    Non, rien de rien, non, je ne regrette rien

    Ni le bien qu’on m’a fait, ni le mal

    Tout ça m’est bien égal

    Il mime l’offrande de l’artiste à son public, les mains ouvertes en coupe.

    La directrice d’agence de la Banque Agricole reste interdite, incapable de servir à ce barjot son discours rodé sur le surendettement. Elle éclate de rire.

    Elle n’a pas ses idées politiques, ça ne le dérange pas, mieux, ça ne compte pas pour lui.

    Il assume faire partie de ce « vieux monde » que dénonce Emmanuel Macron, d’être celui qui a voté Jacques Chirac puis deux fois Nicolas Sarkozy sans barguigner, il faut bien faire partie d’un camp, n’est-ce pas.

    Mathieu est de droite par tradition familiale, facilité sans doute, alors qu’elle est de gauche, dit-elle, par conviction.

    Il s’en amuse :

    – Vous êtes de gauche et vous êtes banquière.

    – Je ne suis pas banquière, plutôt employée de banque

    Elle lui parle

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