Kalyani est assise à même le sol au centre de la place du village où se tient le marché traditionnel, comme tous les lundis. Elle a étendu devant elle un tissu jaune, de la couleur de son sari, sur lequel sont disposés des pitayas à la pulpe blanche parsemée de pépins noirs et des mangues vertes que les femmes indiennes préparent en salades, accompagnées de tomates, d’oignons et d’herbes fraîches. Elle attend sa mère qui s’est rendue dans une plantation proche du bourg pour ajouter quelques noix de coco à leur inventaire.
Kalyani est la fille unique d’Adimath, un modeste écorcheur chargé de dépouiller de leur peau les cadavres d’animaux tués à l’abattoir. Son père, déjà, pratiquait ce métier, considéré comme impur. Le hasard de la naissance et le système des castes ont classé leur famille dans la catégorie des « intouchables », les dalits, ceux dont la simple vue est source d’impureté pour un représentant d’une caste supérieure. Encore aujourd’hui, dans les campagnes, les dalits subissent toutes sortes d’humiliations. Ainsi, les parents de Kalyani ne se risqueraient pas à utiliser le même puits que les autres villageois.
Leur modeste maison, une hutte d’argile et de chaume, est située en dehors du bourg. Les jours de marché, la mère et la fille doivent parcourir plusieurs kilomètres, les bras chargés de sacs de jute débordant de fruits, pour atteindre le centre du village.
Comme la plupart des dalits, Kalyani n’a fréquenté l’école que peu de temps.
Après deux années chaotiques, les violences de ses camarades l’ont découragée de poursuivre sa scolarité. A 10 ans, elle accompagnait déjà sa mère chez les producteurs de fruits pour discuter des tarifs. Elle s’y rend encore parfois, à contrecœur. A 21 ans, elle vit dans la hutte de ses parents. Elle souffre de se voir refuser, en tant qu’intouchable, l’accès aux appartements des maraîchers. Aucun homme