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Emma Morison au Japon
Emma Morison au Japon
Emma Morison au Japon
Livre électronique305 pages4 heures

Emma Morison au Japon

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À propos de ce livre électronique

A l’hôtel Beau-Rivage à Lausanne alors qu’Emma Morison assiste à un colloque mondial de psychiatres, elle rencontre son ami, Maki Yamoto. Lors de la première conférence, Maki Yamoto quitte précipitamment la salle. Un message l’avertit que sa jeune sœur vient de mourir. Convaincu que cette mort tragique a un lien avec Kazo Tojo, son mari et adepte d’une secte éco-terroriste, Maki Yamoto demande à Emma Morison de se rendre avec lui au Japon pour mener l’enquête. Lors des investigations que mène Emma Morison, elle découvre un Japon mystérieux où la tradition règne. Impénétrable comme les forêts du Pays du Soleil levant, le visage des nippons reste une énigme pour chaque étranger. Tenace, Emma Morison ne se laisse pas démonter par le caractère ambigu de ce peuple et elle persévérera pour découvrir la vérité. Qui a tué la jeune sœur de son ami ? Que s’est-il passé dans le Ryokan, hôtel traditionnel où les adeptes habitent ?
LangueFrançais
Date de sortie16 juil. 2015
ISBN9782312030692
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    Aperçu du livre

    Emma Morison au Japon - Noëlle Ribordy

    cover.jpg

    Emma Morison au Japon

    Noëlle Ribordy

    Emma Morison au Japon

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    Mes remerciements à ma fille Eléonore,

    ma première lectrice et conseillère.

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-03069-2

    Il était cinq heures. Lausanne s’éveillait et puisqu’il était question de la Suisse, personne ne s’interrogeait sur un lever aussi matinal. Entre montagnes et lac s’étendait la ville du siège olympique. Depuis l’hôtel Beau-Rivage, Emma Morison contemplait le mouvement des vagues du lac Léman.

    Pour aborder cette journée de colloques, de conférences, rien de tel qu’une marche sur les berges, pensa Emma. Aussitôt dit, aussitôt fait, elle enfila un ensemble de sport, attacha ses cheveux et saisit une pomme parmi les fruits de la corbeille offerts gracieusement par l’établissement.

    Pour avoir répété à ses patients l’importance de l’alimentation et de l’exercice pour la santé physique et morale et vivre dans les meilleures conditions, Emma Morison ne pouvait déroger à cette discipline.

    A petites foulées, sans bruit elle traversa les longs couloirs feutrés. Elle ne s’attarda pas sur les hauts plafonds décorés dignes du palais de l’Elysée à Paris. Arrivée, hier au soir, à l’heure où l’on s’apprête à dormir, Emma Morison ne vit que le bel hôtel illuminé situé dans un parc de verdure. Elle ne distingua que les contours fantomatiques du paysage, mais elle entendit le clapotis des vagues, signifiant un plan d’eau situé à proximité de l’établissement.

    L’aube révéla à Emma Morison la beauté des lieux. Elle sourit en se rappelant les derniers mots de son compagnon, Harold, avant son départ :

    – Ah, tu te rends en Suisse, ce pays qui ressemble plus à un parc naturel qu’à une nation. C’est un espace idyllique, selon les dires unanimes des visiteurs, mais ce paradis est trop petit, trop paisible. Il en devient soporifique !

    C’était en effet la deuxième fois qu’Emma Morison foulait le sol helvétique. La première fois, elle avait dû résoudre une affaire mystérieuse dans les Alpes valaisannes : disparitions à La Fouly, mais aujourd’hui, c’était pour la réunion des psychiatres du monde entier. Les traumatismes engendrés par des drames comme le terrorisme, la prise d’otages, les sectes ou les catastrophes naturelles seront à l’ordre du jour.

    Le chemin longeait le lac et, à cette heure matinale, Emma était seule sur le sentier où résonnaient encore les pas de ceux qui l’avaient emprunté. L’air frais du lac, la pureté et la transparence de ses eaux étaient une invitation à la marche solitaire et à la méditation. Les hauts sommets étaient à peine visibles dans l’horizon noyé par les brumes printanières.

    Emma Morison marchait d’un pas vif et régulier. Son regard fut attiré par les couleurs saisissantes du paysage. Les forêts avoisinantes arrosées par les ruisseaux, les rivières, les torrents qui descendaient des montagnes surprenaient plus d’un par la variation de leurs teintes d’un vert clair et d’un vert profond.

    Mais sa pensée se dirigea vers son ami Harold. Un léger sourire se dessina sur son visage lorsqu’elle songea à sa relation. On aurait dit que ses sentiments se manifestaient au gré du vent. Cette période était l’une des plus enivrantes.

    Souvent des personnes de son entourage ou étrangères lui posaient des questions indiscrètes sur sa vie amoureuse, sur sa libido et sa façon de grimper aux rideaux. Elle n’éprouvait pas le besoin de raconter ses ébats sexuels et se taisait aux interrogations du genre :

    – En tant que psychiatre, vous êtes au courant de beaucoup de choses, et en tant que thérapeute, vous recevez des confidences. Alors qui d’autre que vous pourrait nous donner des pistes pour titiller notre sexualité ?

    Pour faire taire les importuns et couper court à leur insistance, Emma Morison avançait le secret professionnel. N’était-ce pas hasardeux de donner des réponses immédiates aux problèmes récurrents qu’enduraient les patients ? Et ce n’était pas lors d’une discussion de salon que des sujets aussi importants pouvaient être abordés.

    Dans le domaine sexuel, nombre de psychiatres, et non des moindres, se sont penchés sur cette discipline, l’une des plus difficiles à saisir. Même les plus grands comme Freud ont consacré leur vie à comprendre les mécanismes de la sexualité, avec le risque de se tromper dans leur jugement vu sa complexité.

    Pourtant ces curieux ne lâchaient pas prise, car ce qui les excitait dans leur démarche était de savoir si Emma Morison utilisait pour ses pratiques sexuelles tous les fantasmes de ses patients. La question n’était pas anodine pour des gens qui s’intéressaient beaucoup aux détails de la vie privée des autres.

    Emma Morison laissait planer le mystère. Elle n’était pas femme à dévoiler ses moments d’intimité. Elle aurait pu en dire davantage, mais elle se gardait de fournir des détails à ces interlocuteurs friands d’histoires coquines.

    Par contre, avec ses copines, elle assistait et participait à la débauche verbale et festive au caractère sexuel explicite. Autour d’un verre de vin, attablées à leur bar favori à Olympia, après une journée de travail intense, elles parlaient dans la frivolité la plus totale de ces amusements sexuels. Libres, désinhibées, dans leur langage de Madame sans-gêne ou de femme snobinarde, selon l’humeur du moment, elles laissaient place à l’inventivité jouissive. Si quelques oreilles avaient traîné, elles auraient rosi de gêne devant tant d’audace.

    Ce soir-là, Angela, avocate à la cour, amie de longue date d’Emma Morison se lança dans un plaidoyer pour la masturbation féminine.

    – Ce clitoris si longtemps ignoré, si habilement méprisé par le machisme ambiant, vous procure un plaisir intense. Alors, mesdames, mesdemoiselles, utilisez-le avec ou sans partenaire, abusez de ce petit truc, il vous donnera extase et jouissance. On l’appelle le bouton du plaisir, ce capteur de volupté vous invite à la fête des sens.

    Les gens la regardaient avec insistance. Était-ce son discours provocateur ou sa longue chevelure rousse qui semblait les fasciner ?

    – Un cran plus bas, dit Kathy, la benjamine aux joyeuses luronnes. Tout le monde nous regarde.

    Les quatre amies ne passaient pas inaperçues. Kathy, avec son côté gracile et sa coupe de cheveux à la garçonne réveillait un désir subit chez les hommes. Elle maîtrisait parfaitement les mouvements de son corps. La danse qu’elle effectuait dans un bar sélect de la région, danse lascive et suggestive, n’était pas étrangère à sa posture. Elle n’en avait cure des personnes qui la condamnaient et qui ironisaient sur ce qu’elle entreprenait, elle avait choisi cette voie pour payer ses études de droit, en tout état de cause.

    Quant à Jessica, chirurgienne à l’hôpital régional, elle baissa le ton et prit la parole :

    – Je vais vous parler d’orgasme. J’ai assisté plusieurs fois à l’extase nocturne de mes patientes. Elles jouissent dans leur sommeil. Cela a un nom, Emma ?

    – Oui, bien sûr l’orgasme du sommeil, répondit Emma.

    – Ce n’est pas une maladie, demanda Kathy ?

    – C’est ce que certains psychiatres laissent entendre, répondit Jessica, moi je suis chirurgienne, donc ce n’est pas mon domaine.

    Jessica poursuivit son histoire avec un plaisir évident :

    – J’ai reçu les confidences de certaines de mes patientes. Surprises par ce phénomène inexpliqué, elles hésitent à en parler. Puis, mises en confiance, elles me racontent qu’elles ont des orgasmes très intenses lorsqu’elles dorment et même au réveil. Nous sommes très étonnées devant cette bizarrerie de la nature, continua-t-elle, mais d’un commun accord, nous avons décidé qu’il s’agit-là d’un orgasme du « ciel » et qu’il est inutile de chercher midi à quatorze heures… termina-t-elle avec malice.

    Puis Jessica se tourna vers Emma Morison :

    – J’aimerais, toutefois, l’avis d’une professionnelle. Doit-on considérer cette extase involontaire comme un traumatisme ?

    Emma Morison donna son avis à brûle-pourpoint :

    – Je n’ai pas encore été confrontée à ce phénomène ?

    Les copines s’exclamèrent, en chœur :

    – Ah bon !

    Elle ignora l’allusion et poursuivit :

    – Dans mon cabinet, je n’ai pas encore traité des patientes qui présentaient ce type d’orgasme. Mais personnellement, je distinguerais ces cas en trois catégories. Lors de nos études dans les manuels, nous apprenons que « l’extase involontaire dans le sommeil viendrait de l’inconscient qui s’exprime. La personne est détendue et donc libérée de tous ses tracas. Ainsi elle vit sa sexualité sans inquiétude ni interdit. Sujette à des rêves érotiques dans ces moments de lâcher-prise, les pulsions sexuelles se réveillent ». Il n’y a rien de plus normal que ça.

    Elle poursuivit sous le regard attentif de ses amies :

    – Plusieurs de mes confrères ont reçu des patients pour le type de symptômes que je vous ai décrits et leur diagnostic ne diffère pas du mien au sujet de l’orgasme du sommeil. C’est une des plus plaisantes bizarreries sexuelles. Par contre, ils mettent l’accent sur les comportements anormaux tels que le somnambulisme sexuel. Ceci est plus grave et mérite un traitement. Il s’agit-là d’agressions sexuelles.

    Emma Morison renchérit :

    – Et puis, il y a les jeux érotiques entre partenaires ou en solitaire et la masturbation est un des moyens de parvenir à l’orgasme. Mais là, les personnes sont bien réveillées !

    La flamboyante Angela prit la parole. Le ton sérieux, elle se lança dans un plaidoyer pour dénoncer les maltraitances sexuelles faites aux femmes. Vraiment la discussion partait tous azimuts.

    – Ne pourrait-on pas élaborer une loi internationale interdisant l’excision et autres mutilations génitales et incriminer les exciseuses ?

    Jessica s’exclama :

    – En plus, ce sont des femmes qui commettent ces crimes sur d’autres femmes !

    Angela poursuivit :

    – Dans nos pays, il est bien sûr répréhensible d’exercer ce rituel barbare qui, au demeurant, est considéré à tort d’origine musulmane. Cette pratique proviendrait d’Egypte et serait exercée à grande échelle en Afrique. Et cela toujours pour canaliser le désir des femmes !

    Emma Morison enchaîna, après avoir posé son verre sur la table :

    – Je connais les problèmes psychiques et physiques qu’endurent les excisées. Dans mon cabinet, j’ai reçu une maman, d’origine africaine, complètement dévastée. Elle a été excisée. Elle m’a expliqué ses souffrances, celles de hier et d’aujourd’hui dues à cet acte sauvage. Elle m’a raconté toutes ses épreuves et la plus dure qu’elle a traversée dépassait tout entendement.

    Emma Morison continua le récit qui avait l’air de passionner ses amies :

    – Mariée très jeune, cette femme donna naissance à une fille. Et la peur s’installa. Elle craignait que celle-ci ne subisse le même sort qu’elle. La pression du clan était insoutenable. Le temps qu’elle s’adresse à une organisation, les femmes de la famille profitèrent de son absence pour s’emparer de la petite fille et lui ôter le clitoris. Après des jours de fièvre, l’enfant mourut, suite à une grave infection.

    Angela tapa les deux poings sur la table du bar à faire trembler les verres :

    – Il faut se mobiliser pour punir les personnes qui commettent ces actes barbares !

    Kathy, plutôt silencieuse jusque-là, intervint en levant son verre à la santé de ses amies :

    – Vous n’êtes pas drôles. Nous parlons érotisme, sensualité et, voilà que mes copines toubibs tombent dans leurs travers et nous rebattent les oreilles avec des troubles comportementaux, des problèmes et autres.

    Et, malicieuse, elle poursuivit :

    – Ne dit-on pas que l’orgasme féminin se manifeste à l’envi, comme une mitraillette, alors que celui de l’homme ne contente d’un seul coup. Et pour revenir à la jouissance, je vous raconte une petite histoire, dit Kathy, toute émoustillée :

    – Une de mes amies esthéticiennes m’a rapporté qu’une de ses clientes a eu un orgasme durant les soins qu’elle lui prodiguait.

    – On sait que certains massages érotiques contribuent à la montée du plaisir, confirma Angela la rousse.

    – Mais mon amie pratiquait un massage californien. C’est une technique douce qui vise à la détente du corps et de l’esprit, mais rien de sexuel.

    – Ton propos confirme mes dires, ajouta Emma Morison, dans ces moments d’apaisement de l’esprit, de soulagement des tensions, surgissent des émotions comme le plaisir. Le corps est libéré, l’esprit apaisé et les sens excités.

    – Alors qu’a fait l’esthéticienne, s’informa Jessica ?

    – Elle s’est demandé si elle n’allait pas augmenter ses tarifs, répondit Kathy, espiègle.

    Toutes les amies éclatèrent de rire.

    Sur les rives de lac Léman, Emma Morison sourit en pensant à ces prêtresses de l’érotisme. Dès son retour à Olympia, elle leur avait promis de prendre contact avec elles. Mais elles ne l’entendaient pas de cette oreille et lui avaient répondu :

    – « Non. Nous te connaissons. Tu préfères passer du bon temps avec Harold et nous reléguer au second plan. Tu nous indiqueras l’heure d’arrivée de ton avion et nous serons là pour t’accueillir ».

    Pour l’instant, Emma Morison s’en retourna sur le chemin allant à son hôtel. Un décor magnifique, des senteurs subtiles des parterres de fleurs. Sans conteste, un endroit qu’apprécierait son ami Harold qui devait la rejoindre après son congrès.

    ***

    A la salle de conférences de l’hôtel Beau-Rivage se tenait le premier colloque. Le débat auquel Emma Morison participait avec des collègues de tous horizons se déroula dans un climat des plus passionnels. A l’ordre du jour, des sujets de tous ordres sur la psychanalyse étaient débattus. L’invité principal était un éminent psychiatre, le Professeur Michel Calmy. Reconnu par ses pairs comme étant l’un des meilleurs psychanalystes du moment, Michel Calmy dispensait ses cours dans des universités de renom tout comme dans celles de moindre importance. C’était un passionné et comme tous les passionnés, il n’était pas avare de son temps. Et en plus de son charisme, il avait une allure séduisante bien loin du stéréotype de l’intellectuel laid aux lunettes à double foyer.

    Par contre, le voisin de table à droite d’Emma Morison présentait un aspect hautain et détaché et il tentait d’attirer l’attention de la psychiatre avec un discours prétentieux. Ariel Lévy, son nom était inscrit sur le carton posé sur la table, discourait sur sa profession, et comme tout vantard, il déversa un flot ininterrompu de paroles espérant charmer ses collègues. Sa suffisance en agaçait plus d’un. Les participants lui lançaient des regards de désapprobation, car il troublait le déroulement de la séance et ses apartés, même à voix basse, couvraient le discours du Professeur Michel Calmy.

    Emma Morison se tenait légèrement en biais sur sa chaise. Ainsi elle dissimulait son agacement à Ariel Lévy. Sa position était des plus cavalières mais elle n’en avait cure. Elle tournait le dos à l’importun pour mieux apprécier les moments de complicité avec son ami, Maki Yamoto. Comme tout Japonais qui se respecte, il ne laissait transparaître aucun de ses sentiments. Et ce n’était pas les malicieuses œillades, une des astuces pour se moquer de l’intarissable bavard, lancées par Emma Morison qui allaient le déconcerter et le tirer de son impassibilité. Ni feinte ni arrogante, son attitude résultait de l’éducation traditionnelle du Japon.

    Tous les deux comme le reste de la salle suivaient avec attention le discours du Professeur Michel Calmy. Son thème portait sur « le mieux être » dans les sociétés riches d’aujourd’hui. Il s’adressait à son auditoire en ces termes :

    « Ne lit-on pas dans les journaux, n’entendons-nous pas que dans tous les médias lorsqu’un drame arrive, tel qu’avalanches, inondations, prises d’otages dans des écoles, une cellule de crise a été mise en place et un soutien psychologique est apporté aux personnes qui en ont réchappé ? »

    Il poursuivit :

    « Certains pensent que ce soutien est inutile. Est-ce que nos sociétés riches et décadentes produisent des êtres sans force morale et incapables de gérer par eux-mêmes une situation délicate ? Ce constat est difficile à démontrer. De toute façon, je suis certain qu’apporter notre concours à des hommes, des femmes et des enfants qui ont vécu de tels drames est indispensable. Une thérapie des maux de l’âme, deuil, rupture, favorise la guérison. Mais comme dans toutes relations entre un médecin et son patient, il ne faut pas abuser de notre pouvoir ».

    Vaste sujet. Le Professeur relata d’autres aspects de la psychologie.

    Assidue, Emma Morison prit des notes tandis qu’Ariel Lévy se permit une méchante allusion :

    – Nous ne sommes plus sur les bancs de l’Université. Nous connaissons nos classiques, termina-t-il dans un bâillement.

    – Patience, dit Maki Yamoto, j’ai suivi ses cours…

    – Où ça, à Tokyo, s’enquit Ariel Lévy ?

    Il fixait le Japonais sans bonté.

    Avec beaucoup de civilité, Maki Yamoto poursuivit :

    – Non, en Amérique…

    Il chuchota en donnant la réponse, car il ne voulait pas troubler l’orateur du jour.

    Le Professeur Michel Calmy poursuivait sa conférence. Il interpellait son auditoire par des réflexions humanistes et scientifiques obligeant celui-ci à s’interroger sur le propre de leur profession.

    – Les progrès dans le domaine de la psychiatrie ne doivent pas nous faire oublier notre engagement envers les malades. Et quant au pouvoir du psy sur ses patients, il ne tient qu’à vous d’être honnête et d’appliquer les préceptes de la médecine, n’est-ce pas, Ariel Lévy ?

    Ariel Lévy qui jusqu’ici s’ennuyait, sourit. Il était flatté d’être cité par l’éminent professeur.

    Alors qu’Emma Morison se pencha vers son ami Maki pour recevoir son appréciation sur les dires de l’orateur, elle le trouva préoccupé. Son portable, dernier modèle, n’avait cessé de lancer des signaux lumineux. Le colloque se termina et Maki Yamoto se leva :

    – Excusez-moi.

    Il s’inclina et s’en alla.

    – C’est votre mari, demanda Ariel Lévy à la fille aux yeux bridés assise en face de lui ?

    – Non, répondit-elle, avec un léger sourire, je m’appelle

    Seiko Masata. Je suis une collègue de Maki Yamoto et nos cabinets se situent dans les mêmes locaux.

    Assise, le buste droit, elle inclina sa tête deux fois pour appuyer son propos. Ses longs cheveux balayèrent la peau claire de son visage. Ses yeux d’un noir profond ne laissaient percevoir aucune expression ou alors si fugitive qu’il était impossible de déchiffrer ses intentions.

    Emma Morison voulut intervenir :

    – Inutile de vous présenter, dit Ariel Lévy en lui coupant son élan. Vous êtes celle dont on parle dans les journaux people. Les médias n’ont d’yeux que pour vous, et pas seulement, vu votre physique des plus « alléchants ».

    Quel mufle, pensa Emma Morison !

    – Vous êtes sous les feux de la rampe. Vous faites de l’ombre à la profession. Au vu de vos antécédents, de vos soi-disant aptitudes à dénouer des intrigues policières, nous pourrions vous appeler : commissaire ou experte en criminologie, continua Ariel Lévy, ironique. Alors, Emma Morison, pourquoi êtes-vous là ? Vous n’êtes pas à votre place, parmi tous ces psychiatres ?

    Ce qu’il peut m’agacer, pensa-t-elle ! Par son intervention, elle ne désirait pas se mettre en avant, mais apporter un témoignage sur Maki, son ami qui s’en était allé précipitamment. Vraiment, lors de ces colloques, elle rencontrait des personnes aux différents traits de caractères, des insatisfaits, des modestes, des surdoués et des m’as-tu-vu, comme Ariel Lévy. Donc, pour éviter une atmosphère pesante, il était de bon ton de converser avec diplomatie.

    Emma Morison souhaitait clouer le bec à Ariel Lévy qui s’apprêtait à renouer la conversation.

    – Maki et moi-même, Mr. Lévy, nous nous sommes rencontrés à l’Université de Berkeley. Puis après mon diplôme, j’ai ouvert un cabinet dans la ville d’où je suis originaire, Olympia, bien loin de l’agitation de San Francisco. J’ai simplement obtenu mon doctorat en psychiatrie, alors que Maki Yamoto a reçu, en plus, un prix pour les études qu’il a suivies sur l’écologie et l’éco-terrorisme. Et vous, Mr. Lévy ?

    Surpris, il ne se laissa pas démonter et répliqua avec aplomb :

    – A Paris, où tout se passe, n’est-ce pas ? Et mon cabinet se trouve à Neuilly.

    Emma Morison passa comme chat sur braise sur sa réflexion et poursuivit :

    – Quant à Maki Yamoto, il est retourné au Japon. Et la ravissante personne qui est à notre table est Seiko Masata, une consoeur.

    Emma Morison connaissait bien son ami Maki avec qui elle avait partagé les bancs de l’Université, mais aussi toute sa famille. Brillant élève à l’Université de Tokyo, il voulut parfaire sa formation à l’étranger. Il choisit Berkeley. L’anglais, une langue qui est incontournable pour la communication entre les personnes, fut une des raisons de sa venue en Amérique. Et l’excellente renommée de cet établissement avec au mètre carré plus de Prix Nobel que l’on pouvait espérer, fit le reste. L’orateur d’aujourd’hui, le Professeur Michel Calmy, avait été lui aussi nobélisé.

    Emma Morison s’était aussi rendue dans la famille de Maki Yamoto. Fascinant Japon. Le sentiment qu’elle retournerait dans la grande maison ancestrale de M. Yamoto ne s’était pas défait.

    Le départ précipité de son ami Maki suscitait des interrogations autour de la table. Ariel Lévy insistait auprès de la belle Japonaise pour qu’elle donne les raisons du retrait de la salle de conférence de son associé Maki Yamoto. Cette dernière était embarrassée et cherchait du regard Emma Morison pour qu’elle apporte des éclaircissements à l’attitude singulière de Maki Yamoto. Mais Emma Morison était aussi surprise que la tablée. Son inquiétude grandissait. Tout portait à croire qu’une chose grave venait de se produire. Elle haussa les épaules en signe d’impuissance. Avec indulgence, elle fixa les yeux de Seiko Masata qui se dérobèrent. Le regard baissé, la Japonaise marquait sa distance avec les interlocuteurs.

    Ariel Lévy ne se souciait guère des sentiments qui animaient son entourage. Il se désintéressa du sort de Maki Yamoto et de l’indifférence feinte ou réelle de la belle Japonaise. Dare-dare, il se tourna vers Emma Morison. Il montra du doigt le Professeur Michel Calmy qui s’apprêtait à terminer la session d’aujourd’hui et lui lança :

    – Etes-vous une fidèle adepte de ses thèses et participez-vous à toutes les conférences ?

    Comme Ariel Lévy posait les questions et n’attendait pas les réponses, il s’enflamma dans un délire verbal.

    – Fan, je n’en doute pas. Il eut un sourire plein de sous-entendus. Par contre, je pense qu’il vous est difficile de suivre tous les colloques. Vous manquez de temps. Vos exploits sont diffusés sur les chaînes de TV. La Presse vous assaille. Et avec votre allure de star, l’audimat doit exploser. Alors, Emma, vous voulez bien nous raconter vos aventures ?

    Le discours était récurrent. Ariel Lévy, en manque de notoriété, rêvait peut-être de plus d’éclat dans sa vie professionnelle et personnelle ? Sa curiosité était bien réelle. Il se gardait bien de se corriger de ce défaut qui n’en était pas un pour lui. Une façon d’être qui en stupéfiait plus d’un.

    Emma Morison, agacée par ces interrogations qui allaient dans tous les sens, se demanda si elle allait lui répondre.

    Seiko Masata, l’air songeur, fixait ses mains. L’exubérance que manifestait Ariel Lévy ne semblait pas l’atteindre. La chaise vide laissée par Maki Yamoto provoqua chez Emma Morison une angoisse. Elle balaya du regard la salle presque déserte et décida de clore l’entretien.

    – Secret professionnel ? Ariel Lévy revenait à la charge.

    Emma Morison profita de la perche tendue pour lui répondre succinctement :

    – Vous, comme moi, sommes médecins de l’âme. Donc l’observation de nos patients nous permet de mieux comprendre le comportement humain et ainsi de découvrir leurs troubles psychiques. Et, bien sûr, nous sommes tenus par le secret professionnel. Nous sommes toujours à l’affût d’un signe, d’un geste et notre attention est décuplée. Nous faisons en sorte que rien ne nous échappe. Cette sensibilité aide à percevoir des détails et nous pouvons l’utiliser aussi bien pour un diagnostic médical que pour une enquête policière. Pour ces enquêtes, vous comprendrez que je ne peux pas révéler mes sources, termina-t-elle, malicieuse.

    Pas du tout convaincu, Ariel Lévy fit la moue.

    – Si j’ai bien compris dans chaque psychiatre sommeille un expert en criminologie, termina-t-il ironiquement.

    Très intéressant, murmura-t-il entre ses dents. Il se leva, baisa la main qu’Emma Morison lui tendit et se pencha vers elle.

    – Ce que je me réjouis de vous revoir demain ! D’une part, votre statut d’experte en crime me fascine. J’ai encore mille

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