Les écoutants
Tableaux noirs, portemanteaux à l’extérieur des salles de réunion et marelles dessinées dans la cour l’attestent, c’est au cœur d’une ancienne école primaire reconvertie en « Cité audacieuse » (1) qu’a trouvé refuge le tchat d’En Avant Toutes. Pas de brouhaha ni de sonneries de téléphone ici, et pour cause : c’est par écrit que les « écoutantes » de l’association s’occupent de jeunes femmes victimes de violence. Ce jour-là, comme souvent, elles sont trois à répondre face à leur ordinateur. Il y a là Anaïs, 27 ans, Morgane, 27 ans, et Kamar, 25 ans. Toutes trois sont, comme leurs collègues, des professionnelles aguerries de l’écoute, passées par le militantisme, le travail social ou les études de genre. « Leur professionnalisme, explique Louise Delavier, cofondatrice de l’association, c’est ce qui permet la continuité du tchat, qu’elles ne disent pas certains jours “j’en peux plus d’écouter des horreurs” et que le service s’arrête… »
Kamar a une licence de psycho et un master d’ingénierie pédagogique. En écoutante professionnelle, elle n’attend pas de happy end à chaque tchat : « Il faut accepter de ne pas toujours savoir ce qui se passe après un tchat. Est-ce que c’est frustrant ? Je préfère penser qu’au cours d’un tchat qui peut parfois durer une heure, l’on sème des graines… » L’écoute pro est également la seule réponse possible face au flux de demandes : lors du premier confinement, en 2020, le tchat a vu sa fréquentation exploser de 900 % ! Et en 2021, plus de 3 000 jeunes victimes s’y sont connectées.
Chez En Avant Toutes, le profil de chaque écoutante se complète si bien que souvent, l’une peut finir la phrase de l’autre. Après une licence de science de l’éducation, Anaïs a fait du terrain auprès des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles. Le sujet des violences faites aux femmes lui tenant à cœur, de même qu’à Kamar ou à Morgane, elle a, construit comme un site de ressources et d’informations sur l’amour. Adapté à l’âge de sa cible : explique-t-elle. Beaucoup de jeunes, en effet, n’ont pas conscience qu’elles vivent des violences psychologiques ou sexuelles et se demandent juste . Dans leur tête, elles associent les violences conjugales aux femmes mariées, aux mères de famille, pas aux lycéennes ou aux étudiantes… Pour Louise Delavier,
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