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Initiation à la protection des valeurs incorporelles
Initiation à la protection des valeurs incorporelles
Initiation à la protection des valeurs incorporelles
Livre électronique467 pages4 heures

Initiation à la protection des valeurs incorporelles

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À propos de ce livre électronique

L'ouvrage proposé a pour ambition de vulgariser la propriété intellectuelle aussi largement que possible, en dégageant ses principales lignes de force par une approche à la fois synthétique, transversale, et pragmatique. Les principaux aspects de la propriété intellectuelle y sont présentés par thèmes, de façon aussi linéaire et progressive que possible, sans requérir la moindre connaissance spécifique préalable. Cet ouvrage comporte deux parties, dont la première propose une découverte de la propriété intellectuelle dans son ensemble, et dont la seconde concerne plus spécifiquement la pratique du brevet d'invention. Chacune des deux parties de l'ouvrage est constituée de sections relativement indépendantes les unes des autres, dont chacune introduit des notions facilement assimilables que le lecteur capitalisera au fur et à mesure.
LangueFrançais
Date de sortie18 janv. 2013
ISBN9782312007489
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    Aperçu du livre

    Initiation à la protection des valeurs incorporelles - Jean-Paul Bentz

    cover.jpg

    Initiation à la protection des valeurs incorporelles

    Jean-Paul BENTZ

    Initiation à la protection des valeurs incorporelles

    Principes généraux et mécanismes élémentaires de la propriété intellectuelle

    Introduction à la pratique

    du brevet d’invention

    LES ÉDITIONS DU NET

    70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-00748-9

    Avant-Propos

    La notion de valeur incorporelle a aujourd'hui investi tous les aspects de l'économie et de la stratégie, aussi bien à l'échelle de l'entreprise qu'à celle du pays et même de la planète.

    La protection des valeurs de ce genre relève de la propriété intellectuelle, un domaine hautement spécialisé du droit.

    Cependant, la matière d'œuvre de ce droit, qui s'applique aussi bien aux œuvres littéraires et artistiques qu'aux obtentions végétales en passant par les dessins industriels, les marques de produits et de services, les logiciels, ou encore les innovations à la pointe de la science et de la technologie, est d'une diversité telle que certains auteurs assimilent à un mirage la notion même de propriété intellectuelle.

    Cette situation de fait suffit à expliquer pourquoi ce domaine ne fait pratiquement l'objet que d'ouvrages essentiellement juridiques, dont le caractère très analytique et cloisonné en réserve la lecture aux spécialistes de ses différentes branches.

    Si ces ouvrages de référence remplissent idéalement la fonction qui leur est assignée de diffuser des connaissances juridiques précises et détaillées dans le cercle très restreint des professionnels chargés de les interpréter et de les mettre en œuvre, plusieurs autres besoins restent à satisfaire.

    Tout d'abord, la propriété intellectuelle souffre d'une fragmentation multiforme qui, aussi inévitable qu'elle puisse être, fait naître le besoin criant d'une synthèse transversale de ses différents domaines et de ses différents aspects.

    En particulier, les praticiens de la propriété intellectuelle sont, en majorité, soit spécialisés dans les domaines du droit d'auteur, du droit des marques, et du droit des dessins et modèles industriels, soit spécialisés en droit des brevets, les premiers ayant le plus souvent reçu une formation juridique générale complétée par un enseignement juridique spécialisé en propriété intellectuelle, limité à leur domaine d'expertise, alors que les seconds ont le plus souvent reçu une formation scientifique générale et éventuellement une formation scientifique de spécialité, complétées par un enseignement juridique spécialisé en propriété intellectuelle, limité à leur autre domaine d'expertise.

    Bien qu'équitable et rationnel en termes de volume et de nature des connaissances à maîtriser, ce découpage fait apparaître plusieurs effets secondaires indésirables.

    Par exemple, le logiciel, qui est un objet technique protégeable au moins par le droit d'auteur mais souvent aussi par le brevet d'invention, voit sa protection confiée soit à des spécialistes du droit d'auteur, en général non techniciens et peu ou pas du tout formés au droit des brevets, soit à des spécialistes du droit des brevets, en général peu ou pas du tout formés au droit d'auteur.

    De même, alors que la protection des dessins et modèles fait souvent naître des conflits entre le droit qui leur est spécifiquement applicable et le droit des brevets, la majorité des praticiens de propriété intellectuelle auxquels cette protection est confiée ne maîtrisent concrètement qu'un seul de ces deux domaines.

    En outre, ce découpage par spécialité rend difficile l'acquisition d'une culture générale en propriété intellectuelle pour les praticiens relevant de ces différents domaines.

    D'autre part, la propriété intellectuelle offre à tous ceux qui en font leur métier un large éventail de problématiques très variées selon qu'ils l'exercent en tant que praticien salarié d'une entreprise, en tant que conseil en profession libérale dans un cabinet, en tant qu'avocat spécialisé, en tant que magistrat, ou même en tant qu'enseignant universitaire.

    Enfin et surtout, les professionnels de la propriété intellectuelle, a fortiori en France où ils sont sous-représentés et donc relativement marginalisés, ne constituent eux-mêmes qu'une infime fraction de la population active concernée par ce domaine du droit.

    Quel dirigeant ou fiscaliste d'une entreprise innovante, quel directeur de recherche et développement, quel ingénieur commercial, quel responsable marketing, quel élève-ingénieur, quel artiste, quel créateur, quel chercheur, quel inventeur, quel praticien débutant peut prendre le risque d'ignorer les notions de base de la propriété intellectuelle, ou d’avoir de celle-ci une vision seulement fragmentaire ?

    L'unique ambition du présent ouvrage, qui n'a aucune vocation à se substituer à quelque ouvrage juridique que ce soit, est de vulgariser la propriété intellectuelle aussi largement que possible, en dégageant ses principales lignes de force par une approche à la fois synthétique, transversale, et pragmatique.

    Les principaux aspects de la propriété intellectuelle y sont présentés par thèmes, de façon aussi linéaire et progressive que possible, sans requérir la moindre connaissance spécifique préalable.

    Cet ouvrage comporte deux parties, dont la première propose une découverte de la propriété intellectuelle dans son ensemble, et dont la seconde concerne plus spécifiquement la pratique du brevet d'invention.

    Chacune de ces parties est constituée de chapitres relativement indépendants les uns des autres, dont chacun introduit des notions facilement assimilables.

    Toutefois, dans la mesure où l'exposé des notions développées dans chaque chapitre s'appuie sur la connaissance des notions introduites dans les chapitres précédents, le lecteur est invité à aborder ces différents chapitres dans l'ordre de leur présentation.

    Pourquoi consacrer une partie spécifique à la pratique du brevet d'invention ?

    Plusieurs raisons ont guidé ce choix.

    D'une part, les brevets d'inventions ont un poids économique très important, de sorte que les utilisateurs de la propriété intellectuelle qui, bien que non professionnels, sont fréquemment confrontés à des questions de brevets, sont très nombreux.

    De plus, les « consommateurs » de prestations en matière de brevets, notamment les inventeurs et les directeurs de recherche et développement, se trouvent le plus souvent démunis devant la nécessité de porter un jugement sur la qualité ou la pertinence d'un projet de demande de brevet qui leur est soumis pour vérification, révision ou validation, alors même qu'ils ignorent pratiquement tout des exigences de forme et de fond qui pèsent sur la rédaction des brevets.

    D'autre part, le droit applicable aux brevets d'inventions est le plus sophistiqué et le plus complexe des droits de la propriété intellectuelle, ce qui, en soi, suffit à justifier l'intérêt de développements supplémentaires à son propos.

    Par ailleurs, dans la mesure où les inventions sont du ressort de la technique, et même de la technique de pointe, la pratique du brevet d'invention est très spécifique en ce qu'elle fait intervenir à la fois une compétence juridique et une compétence scientifique.

    Enfin, bon nombre de problèmes délicats rencontrés dans la pratique du brevet ne sont paradoxalement ni de nature juridique ni même de nature technique, de sorte qu'ils échappent généralement, et a fortiori, à toute présentation, discussion, et analyse.

    Quelques remarques supplémentaires s'imposent à propos de la deuxième partie du présent ouvrage.

    Tout d'abord, tous les développements de cette partie qui concernent le critère de brevetabilité dénommé « activité inventive » sont essentiellement applicables au cas où l'invention relève d'un domaine de la technique dans lequel les relations de cause à effet peuvent être totalement explicitées.

    Bien que cette condition soit toujours satisfaite dans tous les domaines de la physique, et notamment en mécanique, en électronique, en thermodynamique, en optique, en acoustique, etc., certaines inventions du domaine de la chimie, de la pharmacie, ou de la biologie peuvent échapper à la généralité de ces développements, et requérir l'application de règles spécifiques qui ne peuvent être prises en compte dans le cadre du présent ouvrage à caractère nécessairement généraliste.

    Par ailleurs, à défaut d'harmonisation mondiale des règles de rédaction et d'interprétation des brevets, il n'est pas imaginable d'édicter, en cette matière, des règles de bonne pratique qui soient à la fois détaillées et de portée universelle.

    En l'occurrence, la deuxième partie du présent ouvrage fait essentiellement référence au droit européen des brevets.

    Après quelques années d'exercice et la rédaction d'une centaine de brevets sous la direction d'un conseil expérimenté, le praticien débutant en propriété intellectuelle a généralement acquis suffisamment de connaissances pour éviter les pièges les plus grossiers et continuer à progresser dans sa capacité à faire face aux situations les plus complexes.

    La deuxième partie du présent ouvrage s'adresse non seulement à tous les utilisateurs et « consommateurs » non professionnels de la propriété intellectuelle qui ont à connaître du brevet, mais aussi à tous les praticiens débutants en propriété intellectuelle qui sont encore novices dans la rédaction des brevets ou qui n'ont pas encore atteint le niveau d'autonomie précédemment évoqué.

    PREMIÈRE PARTIE

    Principes généraux et mécanismes élémentaires de la propriété intellectuelle

    Chapitre I

    Valeur incorporelle et propriété

    1. LA NOTION DE VALEUR INCORPORELLE

    Bien que la notion de « valeur » soit traditionnellement associée aux biens matériels, dont la détention en quantité notable constitue, de façon universelle, le signe distinctif de la « richesse », il est sans doute peu d'exemples, dans l'histoire de l'humanité, de peuples qui aient pu connaître la prospérité sans la maîtrise de quelque savoir-faire spécifique, leur conférant une suprématie décisive sur leurs voisins.

    Ainsi, les nombreuses traces qui sont parvenues jusqu'à nous des plus grandes civilisations antiques, notamment des civilisations égyptienne, grecque, romaine, assyrienne ou chinoise, rendent évident le fait que leur hégémonie militaire, leur épanouissement intellectuel, leur rayonnement artistique et / ou leur raffinement technique étaient fondés sur le développement de connaissances et de compétences qui, pour leur époque, étaient tout à fait remarquables.

    Dans un passé beaucoup plus lointain encore, les peuplades ou tribus qui maîtrisaient la taille du silex, la production du feu, la culture, l'élevage, l'extraction de minerais, ou le traitement des métaux, ont vraisemblablement exercé sur leurs voisins une domination physique ou économique, par l'utilisation d'armes nouvelles d'efficacité supérieure ou par le biais de transactions avantageuses, selon que leurs rapports avec les communautés environnantes étaient essentiellement fondés sur la confrontation ou sur la coopération.

    Dans un passé plus proche, lors de la course maritime aux territoires supposés librement colonisables à laquelle l'Espagne, le Portugal, l'Angleterre, les Pays-Bas et la France se sont activement livrés de façon concurrente dès la fin du XVe siècle, la détention de données cartographiques aussi complètes et précises que possible constituait assurément un enjeu capital pour chacun de ces pays.

    En particulier, si le traité de partage du nouveau monde, signé à Tordesillas le 7 juin 1494 par les Espagnols et les Portugais, a permis ultérieurement à ces derniers d'annexer le Brésil alors même qu'ils en ignoraient l'existence au moment de cette signature, c'est principalement en raison du fait que les Espagnols, persuadés à tort de l'exhaustivité de leurs cartes, avaient accepté de déplacer de 370 lieues à l'ouest du Cap Vert la ligne de partage initialement convenue.

    Tous ces exemples, qui correspondent à un seul et même schéma, démontrent qu'un groupe humain peut tirer avantage de connaissances ou d'informations dont il dispose de façon exclusive pour s'assurer un développement au moins aussi favorable que celui d'un autre groupe humain dont les intérêts sont a priori contraires aux siens ou, a contrario, subir des revers ou des dommages par défaut de détention de telles informations pertinentes.

    En d'autres termes et plus simplement, la détention et l'exploitation exclusives de certaines informations ou connaissances peuvent, en elles-mêmes, être génératrices de valeur économique et / ou de supériorité stratégique.

    De telles informations ou connaissances peuvent donc adéquatement être définies comme des « valeurs incorporelles ».

    2. LE SECRET ET SES LIMITES

    Historiquement, la protection des valeurs incorporelles reposait essentiellement ou intégralement sur le secret, c'est-à-dire sur la mise en œuvre, par le détenteur de telles valeurs, d'obstacles matériels destinés à empêcher les personnes d'intérêts a priori opposés d'avoir accès aux informations ou connaissances constitutives de ces valeurs incorporelles.

    Il est ainsi probable que les pays ayant maîtrisé de façon précoce la fabrication de la poudre à canon ont cherché à en garder le secret pour pouvoir bénéficier, aussi longtemps que possible, de la supériorité militaire que ce secret était susceptible de leur offrir.

    De nos jours encore, la protection de valeurs incorporelles par le secret reste d’ailleurs l'une des stratégies privilégiées par certaines organisations publiques ou privées.

    Par exemple, bon nombre d'entreprises, à l'image de la société Coca-Cola, se protègent du risque de copie de leurs produits par leurs concurrents en n'autorisant qu'à quelques personnes de confiance l'accès à leurs secrets de fabrique.

    De même, aujourd’hui encore, tous les états disposant de structures ou d'industries de recherche et de développement en matière d'armement prennent corrélativement des dispositions spécifiques et rigoureuses pour protéger efficacement leurs secrets militaires.

    Néanmoins, l'artifice consistant, pour un groupe humain, à cacher à ses rivaux ou à ses concurrents toutes les informations ou connaissances à valeur économique ou stratégique dont il dispose est le plus souvent insuffisant, voire radicalement impraticable.

    C'est notamment le cas lorsque la valeur incorporelle qui constitue cette information ou cette connaissance ne peut déployer ses avantages économiques ou stratégiques qu'en étant exposée à la vue de tous et / ou offerte à la compréhension de chacun.

    Par exemple, si les Etats-Unis ont sans aucun doute pu disposer, pendant plusieurs années, d'une réelle suprématie militaire en gardant confidentielle la technologie de fabrication de la bombe atomique, dont la complexité facilitait une telle mise au secret, en revanche il n'est pas imaginable qu'un peuple ait pu utiliser l'arc ou la roue à des fins militaires en cachant bien longtemps à ses ennemis l'intérêt et le principe de fonctionnement de ces artefacts immédiatement observables et compréhensibles.

    3. DÉTENTION ET PROPRIÉTÉ

    L'exemple précédent suffira sans doute à illustrer l'inanité de toute question relative à l'identification du « propriétaire » d'un secret éventé.

    Une fois dévoilé, tout secret perd sa substance et ne saurait donc être attribué à quelque propriétaire que ce soit.

    Mais qu'en est-il d'un secret non encore révélé ?

    La question est pratiquement aussi dépourvue de pertinence que la précédente, bien que pour une raison fort différente.

    En effet, la notion juridique de propriété a pour finalité de désigner, aux yeux d'une communauté humaine, le bénéficiaire d'un droit de détention et d'utilisation d'un bien objectivement identifié.

    Or, non seulement un secret, aussi précieux soit-il, ne peut évidemment être assimilé à un quelconque bien objectivement identifiable en raison de son caractère occulte, mais en outre la question de l'identification de son bénéficiaire aux yeux d'une communauté est sans objet puisque seul le détenteur de ce secret est en mesure de connaître sa qualité de bénéficiaire.

    L'unique conclusion logique qui puisse être tirée de cette situation, bien qu'assez déroutante, est qu'un secret n'a pas de propriétaire : il a seulement un détenteur originel, a priori considéré comme légitime, le terme de « détenteur » pouvant toutefois être pris aussi bien dans un sens individuel que dans un sens collectif.

    Aussi le détenteur originel et légitime d'un secret ultérieurement percé et divulgué par un tiers, bien qu’ayant subi un préjudice éventuellement important en raison de la perte d'exclusivité de sa connaissance de ce secret, ne peut-il obtenir réparation de ce préjudice que dans des conditions juridiquement très restrictives.

    En particulier, si, dans la plupart des pays industrialisés, la découverte d'un secret obtenu en s'introduisant par effraction dans un local privé fermé à clef exposerait effectivement l'auteur de cette effraction à une condamnation difficilement évitable, en revanche aucune sanction ne serait généralement prononcée à l'encontre d'une personne ayant eu accès à ce secret par de simples opérations d'ingénierie à rebours (reverse engineering) effectuées sur des produits vendus par le détenteur originel de ce secret.

    Or, cette situation conduit à un évident paradoxe.

    En effet, alors qu'une information secrète peut représenter une valeur économique considérable, et alors que le droit a, de tout temps, cherché à réglementer la propriété dans le souci de maintenir l'ordre public, la valeur représentée par une telle information est juridiquement dépourvue de propriétaire.

    Tout l'enjeu de la propriété intellectuelle, ce domaine du droit auquel le présent ouvrage est consacré, est précisément d'étendre et d'adapter la notion de propriété aux valeurs de nature incorporelle.

    Ainsi, plutôt que de devoir s'organiser pour empêcher des tiers d'avoir connaissance d'une information à valeur économique ou stratégique dont il dispose, le détenteur légitime de cette information peut aujourd'hui, sous certaines conditions, se voir reconnaître, par les autorités politiques et juridiques de la plupart des pays, le droit exclusif d'exploiter cette information dans ces pays pendant une durée déterminée.

    En d'autres termes, alors qu'une valeur incorporelle n'est associée à son détenteur que par un lien purement historique et factuel, tel que celui qui lie une invention à son auteur, la plupart des valeurs incorporelles peuvent aujourd'hui être juridiquement muées en biens incorporels, c'est-à-dire en éléments d'actif incorporel auxquels le droit reconnaît un véritable propriétaire.

    4. RÉSUMÉ

    L'exploitation de certaines informations ou connaissances peut être génératrice de valeur économique et / ou de supériorité stratégique, et tout particulièrement lorsque cette exploitation présente un caractère exclusif.

    L'exclusivité d'une telle exploitation peut résulter, de façon purement factuelle, d'une simple exclusivité de détention des informations ou connaissances concernées, c'est-à-dire d'une mise au secret, organisée par leur détenteur, des valeurs incorporelles que constituent ces informations ou connaissances.

    Il est néanmoins possible, aujourd'hui, de muer la plupart des valeurs incorporelles en biens incorporels, c'est-à-dire en éléments d'actif incorporel auxquels le droit reconnaît un véritable propriétaire.

    L'exclusivité d'exploitation d'un bien incorporel n'est plus alors tributaire du caractère secret de ce bien, mais constitue un droit accordé à son titulaire.

    On appelle « propriété intellectuelle » le domaine général du droit qui, précisément, a pour objet d'étendre et d'adapter la notion de propriété aux valeurs de nature incorporelle.

    Chapitre II

    Spécificités des valeurs incorporelles

    1. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DE LA NOTION TRADITIONNELLE DE PROPRIÉTÉ

    La difficulté, et, malgré tout, la nécessité d'étendre aux valeurs incorporelles la notion juridique de propriété traditionnellement définie pour les biens matériels s'expliquent aisément par les spécificités liées à la nature intangible des premières.

    Les caractères particuliers des valeurs incorporelles, considérées en tant qu'informations ou connaissances, sont notamment la volatilité, la vulnérabilité, l'indiscernabilité, et l'effet rémanent de leur transmission.

    2. VOLATILITÉ ET VULNÉRABILITÉ

    Toute information présente une aptitude à être copiée avec un investissement, notamment en temps, en argent, en compétence, et en matériel, négligeable par rapport à celui qui a été nécessaire pour la produire.

    En particulier, la technique ancestrale et naturelle de copie d'une information, qui consiste simplement à la mémoriser mentalement, n'est plus aujourd'hui que l'une des innombrables possibilités de copie qu'offrent à l'homme moderne la photographie, la photocopie, l'enregistrement sur des supports magnétiques, optiques, etc., dont les capacités ne cessent d'augmenter en même temps que celles des moyens électroniques de diffusion et de partage de l'information.

    Sauf à être codée, cachée, ou extrêmement complexe, toute information ou connaissance est donc volatile au sens où sa dissémination et sa réutilisation sont très aisées.

    Elle est en outre très vulnérable dans la mesure où la copie d'une information originelle ne laisse aucune trace visible sur celle-ci, de sorte que toute valeur incorporelle reposant sur une information secrète peut être anéantie non seulement sans difficulté, mais aussi de façon éventuellement occulte.

    3. INDISCERNABILITÉ

    Cette propriété peut être considérée comme une conséquence de la volatilité.

    Alors que tout bien corporel véhicule avec lui, en tant qu'attribut visible et matériellement discernable, une partie au moins de la valeur de l'investissement qu'a nécessité sa réalisation, cette propriété n'est pas applicable aux biens incorporels.

    Ainsi, alors que le détenteur d'objets matériels déterminés qui hériterait de la même quantité d'objets matériels verrait sa richesse doubler instantanément, le détenteur d'une information génératrice de valeur économique et / ou de supériorité stratégique, à qui cette information serait fournie une seconde fois, ne tirerait absolument aucun enrichissement ni avantage de cette nouvelle transmission de l'information qu'il possédait déjà.

    C'est pourquoi deux objets matériels identiques ne peuvent jamais être dénombrés comme un seul, alors que deux informations identiques sont toujours perçues comme constituant une seule et même information.

    4. EFFET RÉMANENT D’UNE TRANSMISSION

    Alors qu'un bien matériel temporairement prêté à un tiers par son propriétaire cesse d'être exploitable par ce tiers dès que ce bien a été restitué à son propriétaire, une information transmise à un tiers par son détenteur originel reste, dans les faits, le plus souvent irrémédiablement acquise à ce tiers, à moins de représenter un volume important de connaissances complexes consignées dans un dossier physique ou dans un fichier informatique que le tiers doit restituer à son détenteur originel sans pouvoir en garder de copie.

    L'effet rémanent de la transmission d'une information, combiné à la propriété d'indiscernabilité de cette information, peut être à l'origine de situations indésirables qu’il convient de connaître.

    Imaginons par exemple que deux personnes, A et B, discutent d'une possible transaction au terme de laquelle A verserait à B une certaine somme d'argent en contrepartie de la communication, de B à A, d'une information confidentielle.

    Bien entendu, B doit prendre la précaution d'être payé, ou au moins d'avoir l'assurance absolue de l'être, avant de transmettre l'information confidentielle à A dans la mesure où, une fois transmise, l'information confidentielle restera de toute façon acquise à A (rémanence de la transmission).

    Inversement, A peut être très réticent à payer quoi que ce soit à B, a fortiori une importante somme d'argent, en contrepartie d'une information dont il ignore l'intérêt aussi longtemps qu'il ne l'a pas reçue.

    En particulier, A peut légitimement craindre d’être déjà en possession de l'information supposée confidentielle que B propose de lui transmettre.

    Dans ce cas, l’appauvrissement financier de A et l’enrichissement corrélatif de B résultant du paiement de la somme convenue seraient doublement inéquitables dans la mesure où A ne tirerait aucun bénéfice de la nouvelle transmission de cette information.

    Le plus souvent, les situations de ce type ne peuvent être résolues que par l’intercession de praticiens chevronnés, capables d’identifier et de définir les étapes de la transaction et les conditions de son succès.

    5. RÉSUMÉ

    Bien que la notion juridique de propriété traditionnellement applicable aux biens matériels puisse en un sens être considérée comme ayant été étendue aux valeurs incorporelles, la nature spécifique de ces dernières interdit toute assimilation directe et naïve de la notion de propriété d'un bien incorporel à celle d'un bien matériel.

    En effet, les valeurs incorporelles, considérées en tant qu'informations ou connaissances génératrices de valeur économique et / ou de supériorité stratégique, ont la particularité d'être volatiles, vulnérables, indiscernables de leur copie, et de conférer le plus souvent un effet rémanent à leur transmission.

    Chapitre III

    Limites, contenu et légitimité

    de l’appropriation

    1. LA LIBERTÉ UNIVERSELLE DE PENSÉE ET D’EXPRESSION

    L'un des traits saillants de l'activité humaine réside dans la richesse des échanges qu’entretiennent entre eux les individus et les groupes d’individus.

    En particulier, l'apprentissage et la maîtrise d'un langage élaboré, le développement d'une culture, et l'acquisition de connaissances sont, chez l'être humain, des phénomènes naturels et universels, indispensables à l'apparition et à la survie de toute civilisation.

    Or, dans la mesure où ces phénomènes requièrent nécessairement d'innombrables échanges d'informations, et où ils ont en outre pour effet inévitable d'entretenir ces échanges, les informations échangées sont elles-mêmes, par essence, impropres à faire l'objet d'une quelconque appropriation personnelle, même temporaire.

    Rien ne peut donc légitimement faire obstacle à la libre circulation des idées et des connaissances, ni au droit de chaque homme de jouir d'une totale liberté de pensée, d'une totale liberté d'expression, et d'un total accès à la connaissance.

    2. LE DOMAINE PUBLIC

    Les considérations précédentes conduisent à poser l'existence nécessaire d'un fond commun d'informations et de connaissances, appelé « domaine public », qui marque la limite absolue de toute appropriation personnelle légitime.

    A vrai dire, même la propriété de biens matériels connaît certaines limites puisque, par exemple, l'appropriation de côtes maritimes, du sous-sol, ou de l'espace aérien est interdite ou très réglementée dans la plupart des pays.

    Cependant, la notion de domaine public définit une frontière beaucoup plus rigoureuse encore dans la mesure où elle pose, en tant que principe universel, l'interdiction de s'approprier ces entités abstraites que constituent les idées et les connaissances.

    Aucune appropriation privée ne peut ainsi avoir pour effet de restreindre, a fortiori pendant un temps indéfini, les libertés fondamentales dont doit pouvoir jouir chaque individu de toute communauté humaine, notamment pour ce qui concerne l'usage de sa langue, son expression culturelle, ou encore l'exploitation naturelle ou traditionnelle de son environnement.

    C'est pourquoi notamment les Nations-Unies ont adopté en assemblée générale, le 13 septembre 2007, une résolution, dite « Déclaration des Droits des Peuples Autochtones », qui reconnaît aux populations indigènes des droits collectifs sur leur patrimoine culturel, intellectuel, et spirituel, ainsi que sur leurs savoirs traditionnels, en particulier en matière de pharmacopée et de pratiques médicales.

    Tout professionnel de la propriété intellectuelle désireux d'exercer son métier avec éthique et compétence - pour autant qu'il soit légitime de dissocier ces deux aspects fortement interdépendants - doit donc veiller au respect du domaine public avec au moins autant d'attention que celle qu'il porte à la protection des valeurs incorporelles au bénéfice d'intérêts privés.

    3. CONTENU DE L’APPROPRIATION DE BIENS INCORPORELS

    Une information ou une connaissance ne

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