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Les murs de la ville
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Livre électronique201 pages2 heures

Les murs de la ville

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À propos de ce livre électronique

Albuquerque novembre 1982, une série de crimes, un enquêteur alcoolique, un contexte électoral auxquels viens s'ajouter l'atmosphère glauque dune saison triste et morne ! L'enquête est difficile pour ne pas dire impossible tant les faits sont incroyables, mais même pour servir la justice, rien jamais ne pourra faire obstacle aux intérêts politiques en vigueurs. Ils sont la loi, la règle et aussi la morale.
LangueFrançais
Date de sortie4 nov. 2014
ISBN9782312031774
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    Les murs de la ville - Jean-François Demont

    cover.jpg

    Les murs de la ville

    Jean-François Demont

    Les murs de la ville

    LES ÉDITIONS DU NET

    22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-03177-4

    Albuquerque 1982

    UN MATIN DE NOVEMBRE

    Teintée de mélancolie, la saison triste était là ! Depuis quelques semaines déjà elle avait envahi les faubourgs de son lourd manteau de grisaille. Recouvrant les boulevards et les rues traversières, une pluie fine et froide semblait s’être installée pour y pleurer des jours tranquilles. Sur le bitume de la chaussée détrempée, miroitait l’éclairage glauque d’un immense flot de véhicules. Col remonté, des passants anonymes et pressés déambulaient sans fin le long des avenues commerçantes, et dans un dédale de parapluies chahutés par le vent, ils allaient et venaient acteurs désabusés d’une vie citadine, secrète et silencieuse. De jour comme de nuit, les artères du centre-ville s’animaient pauvrement de cette présence constante et monotone.

    Sur les murs gris des quartiers périphériques, figurait un affichage sauvage, à l’effigie des petits candidats à l’élection municipale, les têtes de liste se partageant les panneaux officiels au milieu des pubs de mousse à raser et des voitures de rêve ! Parmi eux prônait Édouard Rollin ! Le maire sortant ! D’un regard ferme il rassurait ses électeurs, affichant à la fois un charisme et une détermination sans faille, toujours prêt à s’ériger contre la violence sous toutes ses formes, il promettait aussi confort, sécurité et prospérité pour toutes les classes sociales, même les plus défavorisée. Mais son bilan mitigé le rendant vulnérable face à une opposition puissante et décidée, son Parti vacillant, multipliait les ruses pour occuper au plus près le devant de la scène ! Pourtant dans cette confrontation, le fil conducteur des programmes politiques s’inspiraient tous d’une même idée « La sécurité » et à cet égard les professionnels de la communication les plus aguerris s’en remettaient eux aussi à la vindicte populaire et à ses codes, pour parler d’avenir. L’objectif étant de séduire par tous les moyens, un électorat traditionnellement insensible aux gesticulations hystériques des partis les mieux représentés. Ainsi dans un climat social chargé d’inquiétude, la pure politique n’intéressait personne, il ne pouvait être question que de paix urbaine et de sécurité. Le chômage, les déficits, les problèmes de logement et les abus financiers en tous genres avaient cédés la place à un simple besoin de sécurité, stérilisant au passage tous débats idéologiques. Il faut dire que depuis six mois environs, une psychose semblait s’être installée dans les banlieues surpeuplées, et depuis peu le centre-ville et les quartiers les plus riches n’étaient plus épargnés ! Alors utilisant l’actualité récente, comme un outil électoral, c’est à grands renforts de formules et de raccourcis très étudiés, que les orateurs politiques tentaient d’apprivoiser les indécis fortement fragilisés par une terreur citadine devenue récurrente. En effet, depuis quelques semaines déjà, la ville entière était devenue le théâtre d’événements tragiques, sans cesse relatés par la presse et la télévision. Les premières pages des gazettes locales et des journaux à fort tirage, ne cessaient d’interpeller les forces de l’ordre, pour des résultats se faisant attendre. Et comme à Londres au temps de Jack l’éventreur, l’angoisse montait, collective et obsédante !

    A l’Est de la ville, au fond d’’une cité sans âme constituée d’immeubles de béton paraissant figés par le temps, le lieutenant de police Hermann Shunt s’éveilla encore engourdi par les effets dévastateurs de sa cuite de la veille. Il avait trente-cinq ans, et malgré son allure athlétique, il se sentait une épave échouée sur les rivages d’une vie morne et sans joie. Les chiffres luminescents de son réveil-radio affichaient six heures du matin, et tout le quartier était encore plongé dans sa nuit froide quand surgissant de son sommeil il avait repris contact avec la réalité. Assis au bord de son lit la tête entre les mains, sa gueule pâteuse et ses courbatures lui donnèrent envie de se recoucher pour ne plus penser à rien, mais son devoir l’appelait et il n’était pas question de faillir à ses engagements. Mais complètement dans le gaz, il n’avait d’autre ambition que de ne rien faire, et la bouteille de bourbon vide négligemment posée sur son canapé attestait de sa soif d’oublier la faillite de son existence. Cependant, comme un héros dont on attend une action d’éclat, depuis deux jours à peine il se trouvait investi d’une enquête criminelle, dont le dénouement était censé rétablir l’ordre et la sécurité dans une ville fortement traumatisée par les crimes les plus atroces. Une série d’affaires où la cruauté le disputait à l’horreur ! Ainsi avec cette enquête, le lieutenant Shunt avait rendez-vous avec l’histoire ! Son histoire ! Celle d’un flic intègre complètement dépassé par des traditions professionnelles en lien avec des velléités carriéristes n’ayant rien à voir avec la justice et la loi. Alors avec cette mission, Hermann Shunt, tenait-il enfin sa revanche ? Peut-être ! Mais en avait-il encore le courage ou la force ? Ses convictions étaient-elles encore intactes ? Pour l’heure il l’ignorait ! Il savait juste, que l’affaire en question, concernait une série de découvertes macabres des plus sordides, mais aussi des plus déroutantes ! Les faits avaient commencé dans les quartiers nord de la ville. À l’aube, au moment de l’enlèvement des ordures ménagères, le corps démembré d’un homme encore jeune, reposait sanglant dans un conteneur municipal ! Plus tard, à des endroits différents, d’autres reliefs humains d’hommes et de femmes de tous âges avaient été découverts gisants misérablement sous le couvercle métallique des énormes poubelles en attente d’être vidées par les ouvriers de la ville. En quelques semaines, toute la banlieue avait eu droit à son offrande morbide. Depuis, comme un brouillard sombre et sournois, une terreur citadine s’était installée, engloutissant le centre-ville et les faubourgs.

    L’inquiétude montait et dans un environnement social extrêmement perturbé, les services de la ville et les journalistes les plus en vus, se rendaient régulièrement au commissariat, tentant d’en savoir plus sur les enquêtes en cours. En conséquence, climat électoral oblige, l’actualité criminelle parvint très vite à s’imposer comme une donnée essentielle dans une campagne politique nourrie par l’insécurité. Les stratèges de tous poils en charge de manipuler l’opinion, s’affairaient fébrilement à valider tout et n’importe quoi ! L’objectif étant d’exploiter la peur, et en faire un atout pour les chevaliers blanc de la politique désireux comme il se doit de rassurer la populace. Face à une criminalité grandissante, les voix de l’opposition dénonçaient une situation résultant d’un laxisme volontaire, alors que d’autres multipliaient les déclarations affichant une assurance déterminée et résolue pour éliminer les criminels sans pitié en cas de victoire de leur camp. Face à la volatilité d’un électorat fortement fragilisé par le doute, les tractations étaient nombreuses, et qu’ils soient policiers, travailleurs municipaux, agents politiques ou travailleurs de l’ombre, désormais tous les acteurs de la ville étaient sollicités pour interagir sur les derniers événements. Leur mission étant d’exploiter au mieux les derniers rebondissements, livrés aux directeurs de campagne qui s’employaient à les transformer en message politique. Dans les fiefs électoraux une dynamique de rentabilité s’était organisée autour de ce que l’on nommait déjà « l’affaire des conteneurs » et pour cela, chaque groupe usait à loisir d’une actualité toujours plus violente, perçue par la population comme une menace rampante sournoise et empoisonnée.

    Victime d’une mutation disciplinaire pour faute grave quelques années plus tôt, le lieutenant Shunt avait refusé de valider une décision politique, mettant un terme à une enquête impliquant un fils de député dans une affaire de vol à main armée. Telle une figure imposée, il fut contraint de fermer les yeux sur des faits pourtant avérés, afin de soustraire un petit malfrat aux foudres de la justice. Mais son père étant un homme important, le fils ne pouvait être concerné par des sanctions pénales ! Alors n’écoutant que son courage et son intégrité, Hermann n’avait pu se résoudre à falsifier son enquête, et à cause de cela, il fut autoritairement relégué dans un petit commissariat de banlieue où il s’ennuyait à mourir. Le plus injuste étant, que le fils du député n’avait pas été inquiété, grâce à d’autres subterfuges mis en œuvre par le pouvoir local. En conséquence, passablement écœuré par les travers d’un univers professionnel déliquescent, Hermann avait pris ses distances avec son métier de flic. En plus de cela, très peu apprécié par ses collègues de travail, la hiérarchie locale lui fut hostile dès son arrivée ! D’ailleurs le commissaire principal Jeff Marvell se gaussait volontiers des échecs et des hésitations d’un subordonné dont la réputation d’alcoolique n’était plus à faire. Au fil du temps son audience professionnelle ayant fondue comme neige au soleil, ses implications personnelles devinrent sans substance, et rapidement il fut un poids mort pour ce petit commissariat de banlieue. En plus de cela, telle la conséquence inéluctable d’une déchéance programmée, ses amis aussi s’étaient évaporés dans les brumes de sa dégringolade, mais à la grande surprise de tous, c’est lui qui fut choisi par le comité départemental pour mener à bien cette mystérieuse enquête sur l’affaire des conteneurs. De ce fait, et bien qu’il fût lui-même étonné par une promotion aussi surprenante, il avait repris du galon, et avait à cœur de ne pas décevoir les sommités départementales qui par leur choix avaient décidé de lui faire confiance. Mais peut-être avaient-ils mis en avant des états de service glorieux mais malheureusement révolus, car depuis cette belle époque, le lieutenant Hermann Shunt n’était plus que l’ombre de lui-même, trop écœuré sans doute par ce dont il fut témoin depuis qu’il était dans la police. Les magouilles administratives l’hypocrisie et la lâcheté, auxquelles c’étaient ajoutés les crimes les plus sanglants, toute cette crasse avait fini par ébranler sa foi en l’humanité, raison pour laquelle depuis deux ans il s’était réfugié dans l’alcool et dans l’indifférence.

    Comme un vent corrosif, le temps aussi avait levé le voile sur les travers de son métier de flic, et cet aveu de l’expérience ayant très durement éprouvé son sens de la justice, à présent sa déception était à la mesure de son écœurement. Alors tel un apôtre de la loi ! Un juste parmi les justes, Herman avait renoncé ! Il n’avait pas su voir que dans cet univers de manipulation, la vérité parfois, pouvait se révéler un piège effaçant toutes les règles ! Un traquenard tendu par le mensonge, un leurre où trop souvent la mystification prenait le pas sur la sincérité. L’objectif étant d’assurer la sauvegarde d’intérêts partisans, un petit enquêteur comme lui ne pouvait s’ériger seul contre de telles forces !

    Pour toutes ces raisons depuis quelques mois déjà, il errait comme une ombre dans un environnement personnel et professionnel dénué de sens. Mais ce matin-là, debout devant son lavabo encombré de flacons de toutes sortes, son miroir était là à le regarder ; la tête basse, il n’osait lever les yeux, comme s’il avait peur de se rencontrer lui-même, refusant de se voir dans sa lâcheté et dans sa veulerie ! Son reflet dans la glace lui aurait imposé de se voir tel qu’il était, pour s’avouer finalement qu’il n’était plus rien ! Non Hermann Shunt ne s’aimait pas, en tout cas pas suffisamment pour espérer l’aboutissement heureux d’une enquête qu’il n’avait pas choisie, et pour laquelle il nourrissait quelques appréhensions bien légitimes, car elles étaient en lien avec la pauvreté de ses motivations.

    Concernant le dossier, trois crimes étaient déjà comptabilisés : Un homme et deux femmes ! La victime la plus âgée était une femme, elle avait trente ans. Trois crimes dont on aurait pu dire qu’ils étaient particulièrement atroces, de par la méthode employée par des assassins aux intentions les plus obscures. Mais dans cette ville, c’eût été un pléonasme tant la criminalité était violente et quotidienne ! S’ajoutait à cela des procédures judiciaires mettant gravement en cause des politiques, des notables, des hommes d’affaires et même des flics ! Autant de procédures qui n’aboutissaient jamais ! Comme si dans cette ville la délinquance et la criminalité se trouvaient sous protection d’un pouvoir occulte ou une instance parallèle possédant des pouvoirs illimités ! Oh bien sûr ! En policier expérimenté le lieutenant Shunt n’ignorait pas que les déviances sociales pouvaient jouer un rôle très important dans l’équilibre d’une cité ! Notamment aux niveaux politiques ! Il savait également que dans le contexte d’une élection, immanquablement les votants se laisseraient tenter par un choix basique en lien direct avec un quotidien plus ou moins supportable. Et si l’insécurité sociale générée par une criminalité en augmentation parvenait à stigmatiser un besoin de sécurité général, un sérial killer devenait alors un moyen pour convaincre les indécis, et de cette façon, l’économie l’emploi, où les libertés ayant disparus occultés par les discours sécuritaires des outsiders de campagne, la gestion municipale, qu’elle soit économique sociale ou politique, devenait une donnée secondaire au regard du quotidien de labeur des électeurs inquiets. Ceux-là vivaient une existence citoyenne toujours parasitée par des heures de transports en commun et des fins de mois difficiles, auxquels s’ajoutait maintenant une insécurité grandissante qui promettait de durer au regard des maigres résultats obtenus jusque-là par les différents policiers chargés de l’enquête.

    Comme dans un labyrinthe inextricable, la ville semblait érigée de hauts murs canalisant une foule immense, laquelle jouait sa partition sans jamais se poser d’autres questions que celles proposées par une actualité quotidienne récurrente, et toujours inquiétante !

    Attaché à certaines valeurs morales, Hermann n’avait pas vraiment évolué dans sa carrière de policier. Comme s’il fût plombé par son intégrité, il n’avait pas vu ses collègues de promotion avancer dans leurs projets professionnels. Lui n’était encore qu’un petit lieutenant de police sans envergure, et en plus il buvait ! Il en était

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