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Emma Morison en Ecosse
Emma Morison en Ecosse
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Livre électronique321 pages4 heures

Emma Morison en Ecosse

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À propos de ce livre électronique

Emma Morison n’est pas une psychiatre ordinaire. Elle mène de dangereuses enquêtes policières. Elle vit et possède un cabinet de psychiatre dans la ville d’Olympia dans l’État de Washington d’Amérique. Ses amies les plus fidèles sont Angela, Kathy et Jessica. Dans les Alpes suisses, Emma Morison a investigué sur des personnes disparues. En Toscane, elle a résolu une énigme spéciale. Au Japon, elle a découvert une secte éco-terroriste. En Ecosse, invitée à un mariage qui tourne à la tragédie, elle vivra dans un château hanté. Dans cette nouvelle aventure, elle s’attaque à des crimes sanglants, à des décapitations.
LangueFrançais
Date de sortie18 oct. 2018
ISBN9782312055794
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    Aperçu du livre

    Emma Morison en Ecosse - Noëlle Ribordy

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    Emma Morison

    en Ecosse

    Noëlle Ribordy

    Emma Morison en Ecosse

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2017

    ISBN : 978-2-312-05579-4

    Mes sincères remerciements vont :

    À ma fille Eléonore, professeure, ma première lectrice et conseillère.

    À Jean-Jacques Michelet, journaliste pour ses précieux conseils.

    Au pays de sa Majesté, l’air était aussi maussade que le visage renfrogné de la reine qui déambulait sur la pelouse parfaitement entretenue de son château en Ecosse. L’image d’Epinal relayée par les journaux et TV du monde entier était bien ancrée dans les croyances populaires.

    Et pourtant contrairement à l’adage très spécial et incompréhensible pour toute personne étrangère à l’Angleterre : « il pleut des chats et des chiens », le ciel du Royaume-Uni, en ce jour de septembre était d’un bleu royal.

    Après être descendues de l’avion à l’aéroport d’Edimbourg, en provenance des États-Unis, Emma Morison, accompagnée de Kathy, se dirigea vers la voiture de location garée sur le grand parking situé à proximité du tarmac.

    Kathy, avec sa coupe de cheveux à la garçonne qui lui seyait si bien, regardait autour d’elle et découvrait ce nouveau continent, avec des lacunes géographiques évidentes, comme toute Américaine qui se respecte. Elle avait répondu à une invitation qui ne se refusait pas, car elle aimait les châteaux et les légendes. Le Royaume-Uni lui offrait des châteaux plus qu’il n’en fallait et surtout une icône, la princesse Lady Di.

    Kathy avait proposé aux inséparables amies d’Olympia, Angela, avocate à la cour, Jessica, chirurgienne à l’hôpital régional et bien sûr Emma Morison de l’accompagner dans ce voyage. Seule la psychiatre Emma répondit présent sans connaître exactement le but de cette pérégrination. La célébration d’un mariage aurait lieu en Ecosse fut la réponse laconique de Kathy.

    En route pour Edimbourg, à vive allure, cheveux au vent, Kathy pilotait la voiture décapotable avec une inconscience qui donnait des sueurs froides à Emma. La conduite à gauche au Royaume-Uni pour les sujets de sa majesté restait une banalité qui pouvait devenir un vrai danger pour tout étranger peu habitué à ces coutumes.

    Kathy ne se souciait pas de cette bizarrerie. Elle fonçait avec l’audace d’une conductrice chevronnée certes, mais avec beaucoup de culot et risquait l’accident à chaque instant. Et en plus, bavarde comme une pie, elle racontait et déroulait le fil de sa vie n’omettant aucun détail du plus banal au plus piquant. Emma Morison l’écoutait avec attention, tout en disciplinant ses longs cheveux décoiffés par l’air vivifiant du pays. Puis une image s’interposa entre elle et le paysage qui défilait. Un serrement au cœur la saisit à l’évocation des moments passés avec Hiro Mistubishi, son amant du Pays du Soleil levant. L’éloignement ne contribua pas à l’apaisement de ses sentiments. Ils étaient aussi vifs et intenses que lors de leur séparation à Tokyo. La mission qu’elle avait menée au Japon avait laissé des traces et elle se demandait si Kathy, qui avait eu une relation amoureuse avec Hiro, ressentait la même émotion qu’elle. Sa réflexion fut interrompue par l’interpellation de Kathy :

    – Emma, j’ai besoin d’une consultation.

    Surprise, la psychiatre tourna la tête vers Kathy. Son air sérieux tranchait avec la mine espiègle et souvent ironique qu’elle présentait habituellement. Et, tout de go, Kathy lui annonça :

    – Je suis attirée par les filles, Docteure.

    Emma resta figée un instant sur son siège. Était-ce de la provocation ?

    – Je ne plaisante pas.

    Le trouble d’Emma s’estompa et laissa la place à son professionnalisme, mais elle se demanda si le lieu, en l’occurrence une autoroute, était propice à entamer une discussion sur un sujet aussi personnel. Kathy s’aperçut de son embarras et la rassura :

    – Ne crains rien, j’ai de bonnes aptitudes de pilote automobile. Le GPS est installé, je conduis les yeux fermés.

    Kathy éclata de rire sur son trait d’humour.

    Emma Morison se demanda comment elle allait aborder cette analyse avec son amie qu’elle connaissait depuis l’enfance, qu’elle semblait bien connaître avant cette déclaration. Les patients qui se sont présentés à son cabinet pour être traités sur le sujet de l’homosexualité avaient reçu de sa part des conseils avisés et il n’en saurait être autrement pour Kathy. Même si des liens d’amitié très forts les unissaient, son approche d’analyste devait être rigoureuse en tous les cas.

    – Ne me fais pas la morale, Emma. Sur ce point-là j’ai donné. Avant de t’avouer mon penchant pour les femmes, j’en ai parlé à mon confesseur, le Père Petterson. Il m’a fait le discours éculé des religieux outrés sur les déviances sexuelles. Sa mise en garde contre ces amitiés particulières a été menaçante à un tel point que je fais des cauchemars. Je le cite : « Ma fille, la colère de Dieu s’abattra sur toi, pauvre pécheresse, tu conduis l’humanité à sa perte »,

    – Tu parles du même Père Petterson qui nous confessait lorsque nous étions enfants et adolescentes ? Tu aurais pu choisir quelqu’un d’autre. Le Père Petterson nous connaît bien, car il nous donnait des cours de religion. Il était d’un abord froid et austère avec les paroissiens qui fréquentaient son église et les tançait vertement. Nos amies Jessica, Angela et nous-mêmes allions régulièrement lui raconter nos péchés. Tu t’en souviens, précisa Emma à Kathy. Avant d’entrer dans le confessionnal, nous mettions au point la liste de nos péchés.

    – Oui, oui, même un jour il était furibond à l’énoncé de mes fautes. J’ai dû dépasser les bornes. Le Père Petterson m’a réprimandée : « Tu racontes des sornettes. Tu blasphèmes, Kathy, fous-le camp d’ici et que je ne t’y reprenne plus ». Et, encore aujourd’hui, même si mes amitiés ne sont pas très catholiques, j’ai passé l’âge des sermons, n’est-ce pas, Emma ?

    – Tu t’es adressée à la mauvaise personne. Le Père Petterson n’est pas l’homme d’église le plus ouvert. Comme nous faisions partie de la communauté minoritaire catholique, la tradition était de participer aux messes et à l’enseignement religieux dispensé par le Père Petterson. Ses idées étaient très strictes. Avec l’âge, il ne s’est pas amélioré, selon les dires de certains de ses paroissiens. Il raillait la nouvelle orientation de l’Eglise et avait un profond mépris pour les initiateurs du Concile du Vatican.

    Kathy regarda Emma d’un œil interrogateur.

    – Où veux-tu en venir ?, lui dit-elle tout en étant plus attentive à la circulation assez fluide de cette matinée.

    – Grâce au Concile du Vatican les progressistes furent satisfaits de l’élan de modernisme que l’Eglise prenait tandis que les traditionalistes tels que le Père Petterson enrageaient. La nouvelle doctrine en lieu et place de condamner sévèrement les mœurs de la société penche plutôt pour la miséricorde. Sa colère s’amplifiait à l’encontre des traîtres de l’Eglise de St-Pierre. Il a eu une petite satisfaction, car l’Eglise rejetait la sexualité hors mariage et considérait la liberté sexuelle dangereuse. Pour l’Eglise, le plaisir charnel est malsain. La relation physique entre un homme et une femme doit se faire pour la conception d’un enfant et non pour le plaisir sexuel de chacun. Et toi Kathy, tu révèles au Père Petterson ton homosexualité.

    – Avec tes explications, la lumière commence à jaillir, répondit Kathy mi-figue, mi-raisin. Je commets donc un grave péché, le péché de la chair.

    – Cela ne fait aucun doute pour le Père Petterson. Tu aurais dû t’adresser directement à moi.

    Un air de gravité s’afficha sur le visage de Kathy :

    – À toi, mon amie, ma sœur de cœur à qui je confiais mes aventures, mes histoires d’amour d’ici et d’ailleurs.

    – Tu veux parler de Hiro Mistubishi. Emma trouva le courage de citer le nom de son amant, l’ex de Kathy.

    – Tout cela me semble si loin et le souvenir de ces liaisons ont le goût sucré du fruit défendu que j’ai croqué à pleines dents, consciente du plaisir que cela me procurait. Peut-on me qualifier de fille légère, de femme inconstante ?

    – Je ne suis pas le Père Petterson. Il a soi-disant pour mission de sauver les âmes mais il ne manque pas l’occasion d’enfoncer le clou de la culpabilité pour détenir la destinée des pécheurs entre ses mains.

    Débarrassée du remords qui la tourmentait au sujet de sa relation avec Hiro, le sismologue réputé du Japon, Emma était heureuse de constater que les anciennes relations amoureuses de Kathy n’étaient qu’une joyeuse parenthèse dans sa vie. Ainsi, elle recevrait avec toute l’attention voulue ses confidences.

    – As-tu le sentiment de faire quelque chose de mal ?

    Emma Morison testa d’abord le ressenti de Kathy.

    – Es-tu désemparée ?

    Le tempérament impétueux de son amie, son caractère libre étaient des éléments à prendre en compte pour une analyse pointue.

    Confiante, Kathy se livra :

    – La culpabilité m’a envahie suite aux injonctions du Père Petterson. Avant ma confession, j’étais plus déstabilisée que désemparée. Je me demandais tout de même si j’étais normale. Dois-je m’inquiéter, Docteure ?

    – Fantasmais-tu sur des relations lesbiennes et, dans tes rêves, imaginais-tu deux corps de femmes enlacés ?

    – Tu veux parler de songes érotiques ? Certainement, mais si ces relations n’avaient été qu’imaginaires, je n’aurais pas fait appel à ton jugement. Il me semble que j’assume cette différence sexuelle mais c’est le regard de l’autre et ses remarques assassines qui me chagrinent.

    Kathy poursuivait sa pensée sans que la psychiatre l’interrompe, jugeant nécessaire qu’elle exprime ses sentiments.

    – Le qu’en-dira-t-on, les allusions humiliantes, est-ce que je suis capable de supporter cette violence ? Jusqu’à quel point puis-je subir un harcèlement avant que ma capacité de résistance soit altérée ?

    Sur l’autoroute menant à la ville d’Edimbourg, Kathy, le visage grave devant les écueils de la vie, conduisait sans trop de vigilance.

    Emma la rassura :

    – À tes doutes existentiels, je peux apporter des réponses. De nombreuses personnes confrontées à ces problèmes d’homosexualité sont dans le même schéma de questionnement. Une fois l’analyse terminée, mes patients retrouvent leur joie de vivre et l’envie de faire des projets.

    Puis, pour détendre l’atmosphère, la psychiatre fit une allusion à ses talents de conductrice.

    – À ce moment-ci, ta conduite est téméraire, je veux parler de ta conduite automobile et elle me semble plus dangereuse que tes amitiés particulières.

    Kathy lui sourit :

    – Aie confiance, et pour ce qui est de ma conduite personnelle, suis-je donc normale, Docteure ? Selon le Père Petterson : « Dieu a créé un homme et une femme avec les attributs nécessaires à chacun pour perpétuer l’espèce. Quiconque déroge à cette règle mérite les flammes de l’enfer ».

    Emma Morison lui toucha le bras dans un geste d’apaisement :

    – C’est l’aspect moral et les religieux traditionalistes s’en tiennent à cette version des faits. Ils sont obtus et veulent ignorer l’avancée des recherches scientifiques dans ce domaine. Ils sont si imbus d’eux-mêmes qu’ils ferment les yeux sur la détresse des homosexuels en quête de vérité. L’orgueil les aveugle. Ils ne révisent pas leurs hypothèses de base et ils campent sur leurs positions. En plus de se comporter en dogmatiques, je dirais en idiots, c’est mon opinion personnelle, les religieux qui osent se prétendre être des hommes de bien refusent de tendre la main aux personnes en difficulté. La compassion est une règle élémentaire pour l’épanouissement de l’individu et le mieux-vivre en société. Le regard méprisant que certains religieux posent sur les homosexuels aggrave leur sentiment d’exclusion. Il peut être un déclencheur de risque de suicide.

    – Je ne leur donnerai pas cette satisfaction, répondit Kathy, le poing levé en signe de défi. Et toi dit-elle malicieuse, tu me fais penser à quelqu’un…

    Kathy d’un air entendu ajouta :

    – À mère Teresa.

    Alors que la voiture filait sur l’autoroute à une vitesse raisonnable, Kathy avait levé le pied pour être à l’écoute de la psychiatre.

    – Je suis une thérapeute et mon objectif est de comprendre les états d’âme de mes patients tout en les soignant, sous un aspect scientifique, bien loin de la mission de mère Teresa. Je ne suis pas la sainte que tu penses. Les thèses scientifiques sont un appui plus sûr pour réconforter l’individu dans son développement psychique. Ces théories écarteraient la déviance sexuelle et, selon les chercheurs on naîtrait homosexuel, car une partie des facteurs de l’homosexualité serait génétique. Il y aurait une « partie immunologique, une réaction immunitaire développée par la mère contre l’embryon du sexe mâle qui affecterait les préférences sexuelles ». Cette nouvelle apporte du baume au cœur aux homosexuels qui ont été si longtemps montrés du doigt, bannis de la société, torturés et mis à mort dans certains pays. L’Eglise doit faire son mea culpa et écarter l’idée qu’il s’agisse-là d’une maladie, d’une perversion. Cette théorie est apaisante, Kathy, puisqu’elle ôte le sentiment d’anormalité.

    – J’ai donc la chance d’être née aujourd’hui dans une société plus tolérante qui tente de désamorcer les idéologies et de faire la nique aux phobies, soupira Kathy, soulagée.

    – En effet, c’est un grand pas pour envisager l’avenir avec sérénité. L’homosexualité devient une « variante de la norme ».

    – Personnellement, j’assume cette orientation sexuelle. Lorsque j’ai des relations avec une femme, aucun doute ne me ronge. Par contre, j’ai peur que les gens que j’aime me tournent le dos.

    – Ne prête pas attention au qu’en dira-t-on. Tu reconnaîtras tes vrais amis à leur fidélité.

    – Encore une question qui me tarabuste, Emma, suis-je lesbienne ou suis-je bi ?

    – Bien souvent les femmes remarquent sur le tard leur nouvelle orientation sexuelle, après avoir aimé les hommes. Suis ton chemin avec confiance et tu t’apercevras que les problèmes se résoudront d’eux-mêmes.

    – Et toi, Emma, tes amours pantouflardes avec Harold sont bien loin des miennes genre montagnes russes ?

    Emma ne releva pas la méchante allusion, consciente que l’état psychologique de son amie était bouleversé. Kathy lançait des piques parfois caustiques mais jamais mesquines.

    – Je vais te décevoir en bien, comme on dit en Suisse, et tu vas être agréablement surprise. Harold et moi, nous faisons une pause. Nous réfléchissons sur notre avenir.

    – J’en étais sûre, s’exprima Kathy, avec enthousiasme. Je disais à nos amies, Jessica et Angela : il y a de l’eau dans le gaz. Emma nous cache quelque chose ! En t’attendant, dans notre bar préféré d’Olympia, nous discutions de tes amours et nous pensions que sous tes airs de vierge effarouchée, tu cachais bien ton jeu. Lors de tes voyages aux quatre coins du monde, des opportunités se sont offertes à toi, des amants en veux-tu en voilà et tu n’as rien laissé filtrer. Ce n’est pas sympa !

    – Vous vous mêlez de ce qui ne vous regarde pas.

    – Ne te vexe pas, ma choupinette.

    Kathy regarda Emma d’un air tendre et ambigu :

    – Et surtout ne te méprends pas sur mes sentiments envers toi. Je te sens tendue. Et voilà, s’exclama-t-elle, c’est ce que je pressentais. J’annonce que je suis lesbienne et chaque femme pense que je la drague.

    Emma s’abstint de répondre à la provocation de son amie. Peut-être un jour lui parlerait-elle de la passion qu’elle avait pour Hiro Mistubishi ? Elle ne pourrait pas cacher indéfiniment son aventure amoureuse d’autant plus qu’un retour imminent de Hiro dans sa ville d’Olympia était prévu.

    Tout en consultant son GPS, Kathy précisa :

    – La distance entre l’aéroport et l’entrée de la ville d’Edimbourg est courte, mais je pense avoir le temps de poursuivre mon analyse. Je sollicite ton attention, Emma, sur l’événement le plus marquant de ma vie.

    – Je t’écoute, n’est-ce pas là la fonction d’une psychiatre, lui répondit-elle avec amusement ?

    – Mes amours tumultueuses n’ont de secret pour personne jusqu’au jour où j’ai rencontré Maggy, Maggy Anderson. Je suis tombée follement amoureuse d’elle et j’ai caché mes amours saphiques. Nous nous sommes vues à l’université d’Olympia où nous fréquentions les mêmes cours. Nos échanges s’arrêtaient aux civilités d’usage entre étudiantes. Puis, elle m’interpella et me demanda si j’étais intéressée à travailler avec elle pour le doctorat. D’emblée, j’acceptai sa proposition qui allait alléger la charge de travail qui pesait sur nos épaules. Pendant plus de deux mois, nous avons tenté d’enregistrer la matière de nos cours pour l’obtention du doctorat. Nous avons établi un programme que nous avons tenu avec rigueur et nous avons étudié jour et nuit avec beaucoup de concentration. Sûres d’avoir mis tous les atouts de notre côté, nous avons relâché nos efforts et nos fous rires nous jetaient dans les bras l’une de l’autre. Nous nous sommes rapprochées lors de mes visites régulières. Nous avons échangé des confidences, nos conversations devenaient de plus en plus intimes et dévoilaient notre personnalité. Je mets mon cœur à nu, dit Kathy d’une voix anxieuse à Emma qui l’encouragea à poursuivre.

    « Nous avions besoin de décompresser. Nous nous évadions du quotidien en organisant des sorties festives dans les bars de la ville. Je ne sais pas quand exactement s’est développé ce sentiment trouble à son égard. Les baisers sur la joue devenaient plus tendres, plus sensuels, sa peau douce et parfumée enivrait mes sens jusqu’à ces picotements au bas du dos qui me procuraient un délicieux agacement. Un soir, l’étreinte entre Maggy et moi ne s’est pas desserrée et le baiser qu’elle a posé sur mes lèvres m’a fait chavirer. Cette nuit-là, Maggy m’a révélé son penchant pour les femmes et son homosexualité assurée ».

    – Emma, je te fais découvrir des choses que j’ai cachées.

    Tout en donnant un coup d’œil au GPS, Kathy changea d’attitude. Elle devint rêveuse et se souvenait.

    Dans le spacieux studio, le blanc et le beige, les couleurs préférées de la maîtresse de maison se mariaient harmonieusement et créaient une atmosphère cosy. Sur les murs d’un blanc immaculé étaient suspendues de grandes fresques modernes ramenées de voyages autour du monde. Peu de meubles, deux poteries chinoises étaient les seuls joyaux de décoration. Ce style épuré seyait à Maggy. Grande sportive, elle adoptait des tenues vestimentaires naturelles, conformes à ses goûts simples. Ce soir-là, Maggy poussa doucement Kathy sur le lit tout en l’embrassant sur les yeux, dans le cou. Sa langue pénétra sa bouche qui ne se déroba pas. Les mains expertes de son amie caressèrent ses seins et descendirent jusqu’à son entrejambe qu’elle écarta avec autorité. Kathy ne résista pas à son amie, femme libérée, vive et enjouée ; celle-ci assumait ses choix sexuels et lui dévoilait une autre facette de l’amour. Kathy se lança à corps perdu dans cette aventure ne sachant si elle allait se brûler les ailes. Ce fut un premier envol vers l’inconnu qu’elle choisit en se débarrassant de ses angoisses. Elle s’autopersuada que les conséquences de ses actes ne la déshonoreraient pas, car elle ne trichait pas avec ses sentiments.

    Emma Morison se garda d’interrompre Kathy dans ses réflexions. Alors que la voiture s’engageait sur l’artère principale Princes Street, la psychiatre regardait le paysage. Edimbourg présentait deux visages : la nouvelle ville avec ses maisons à l’architecture élégante géorgienne contrastait avec les anciennes bâtisses austères de l’époque. La foule jeune et animée qui se déversait dans ces rues chargées d’histoires tourmentées apportait un souffle nouveau.

    La diversité des types humains dans le Nord du Royaume-Uni était déconcertante et attrayante. L’Ecossais roux côtoyait l’Asiatique aux yeux bridés et personne ne se focalisait sur leur différence. La bonne entente régnait dans ce milieu cosmopolite car l’échange verbal favorisait les contacts humains grâce à la langue universelle, l’anglais. La ville d’Edimbourg fourmille d’activités pour les jeunes du monde entier venus en grand nombre étudier dans les Universités de renommée internationale.

    Emma Morison, plongée dans la contemplation de la ville et du château d’Edimbourg, une forteresse imposante surplombant la cité, abritant les vestiges des fiers guerriers écossais face aux Anglais, fut tirée de sa rêverie par la voix de Kathy :

    – Vraiment, le GPS est indispensable pour trouver la juste direction, on ne remerciera jamais assez son génial inventeur ! Emma, ajouta-t-elle, nous approchons de notre destination. Devant ta moue dubitative et ton regard réprobateur, je te donne enfin les précisions que tu attendais au sujet de ce voyage imprévu. Un instant, dit-elle, je dois me concentrer sur la lecture du GPS. Ah ! voilà, George Square, s’exclama-t-elle, l’endroit de l’université d’Edimbourg. Voilà la première étape ! Neil et Stuart doivent nous attendre sur le parking destiné aux étudiants. Emma, regarde si tu les vois, dit Kathy en retirant de sa poche une photo représentant deux jeunes hommes.

    Le mystère s’épaississait, pensa la psychiatre.

    – J’ai rendez-vous ici avec ces deux universitaires, signifia Kathy à son amie, tout en garant sa voiture. Elle venait de couper le contact lorsque deux silhouettes s’approchèrent de la voiture avec circonspection.

    Grands et plutôt séduisants, les jeunes se ressemblaient. À n’en pas douter, ils étaient frères. Avant d’ouvrir la portière, Kathy, légèrement déstabilisée par cette venue si soudaine, s’adressa à Emma avec un ton péremptoire.

    – Pour que tu ne mettes pas les pieds dans le plat, je te donne une information. Dans un débit de paroles accéléré, elle raconta : il s’agit des deux fils de la professeure Doreen Grant, celle qui me donnait les cours de droit international à l’université d’Olympia et aussi à mon amoureuse, Maggy. Le mariage auquel nous sommes invitées unira les destinées de Maggy et de Doreen, termina Kathy, soulagée qu’elle ait pu placer l’essentiel des nouvelles que la psychiatre devait entendre.

    Après s’être présentés brièvement devant l’ensemble des bâtiments à l’architecture prestigieuse de l’université d’Edimbourg dont la renommée est tout aussi célèbre, Stuart et Neil montèrent à l’arrière de la voiture.

    Kathy prit les choses en main. Elle aimait conduire les voitures mais aussi prendre la direction des événements inédits. Alors qu’elle s’en retournait sur la rue South Bridge, elle consulta son GPS et annonça à haute voix :

    – Notre prochaine étape, le château de Chillingham !

    Emma n’eut pas le temps de rassembler ses idées, juste une piqûre de rappel, se dit-elle, pour intervenir à bon escient. Elle avait bien enregistré que Maggy Anderson, l’amie lesbienne de Kathy allait convoler en justes noces avec Doreen Grant.

    Dans l’habitacle de la voiture depuis peu recouverte du toit escamotable, les fils de Doreen Grant, Stuart et Neil, peu causeurs, espéraient que le silence de plomb qui s’était abattu se brise. Emma eut un pincement au cœur de ne plus pouvoir circuler à ciel ouvert, car elle avait pu découvrir avec un plaisir

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