Les six naïades: Polar
Par Laurent Corre
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À propos de ce livre électronique
Le journaliste Frédéric Brawner et le commissaire Marling enquêtent sur la mort d’un notable lillois qui n’avait aucune raison d’être assassiné.
Crime crapuleux ?... Erreur sur la personne ?... De fil en aiguille, le journaliste et le policier finissent par trouver une piste qui semble les mener vers l’un des plus sombres chapitres de l’Histoire de l’humanité.
Un polar original qui nous plonge dans les noirceurs de la folie humaine
EXTRAIT
Allons, allons, qui souhaiterait m’espionner ? D’ailleurs j’ai parfaitement le droit d’être ici. La police est au courant et je ne vois pas qui aurait intérêt à me surveiller. Qui m’en voudrait, voyons ? Je ne suis pas tout de même dans un thriller…
Afin de me rassurer, je me répète mentalement la recette du thriller : un enquêteur traque un tueur dont les agissements, peu à peu, menacent la vie dudit enquêteur.
Or, dans cette affaire-là, le seul tueur existant s’est suicidé. Dans cette histoire, on ne cherche pas l’assassin, mais son mobile.
Oui, mais peut-être que quelqu’un ne désire pas voir ce mobile découvert…
CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE
- « Venant de Lyon, un commissaire (Marling) et son ami, le journaliste et narrateur Brawner, viennent enquêter à Lille sur un crime qui apparaît simple : un octogénaire en a assassiné un autre avant de se suicider. Très vite, les ombres de la seconde guerre mondiale et du nazisme planent sur les recherches et l’enquête se révèlera n’être pas aussi simple que cela. Cette histoire est un roman policier traditionnel, s’appuyant sur de noirs évènements du passé. Un ouvrage sympathique pour amateurs de polar. » Didier Hanquez, Côte d’Opale Magazine
- « Ce polar signé de main de maître par Laurent Corre va vous faire passer un sale moment de suspense, une nuit blanche et quelques sueurs froides. » Fleuves et Canaux
A PROPOS DE L’AUTEUR
Né à Montpellier, Laurent Corre est passionné de musique, de cinéma et de photo. Il a travaillé plusieurs années dans ce dernier domaine, puis est venu à l’écriture en 2000. Après divers récits autobiographiques, il s’est orienté vers le roman policier et a créé le journaliste Frédéric Brawner, personnage intuitif qui assiste son ami le commissaire Marling dans certaines de ses enquêtes. Il a déjà publié : Frisson austral, sous le pseudonyme Helen Addison (Editions J’ai lu 2004) L’inconnu de Lyon, (Editions Ravet-Anceau, 2008) Celui qui se souvient, (Editions Les passionnés de bouquins 2011).
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Aperçu du livre
Les six naïades - Laurent Corre
Brel-Fernand
1
mercredi 12 avril 2000
Vers l’âge de vingt ans, j’ai commencé une carrière de policier. Inspecteur stagiaire Frédéric Brawner. Mais j’ai vite arrêté car ce métier ne me convenait pas. Trop sombre et trop risqué. Alors j’ai exercé d’innombrables petits boulots, avant de devenir journaliste à L’Écho des Traboules, célèbre hebdomadaire lyonnais.
Et maintenant ça baigne.
Le seul petit souci, c’est que mon ami Marling souhaite parfois que je l’assiste dans ses enquêtes…
Le commissaire Marling, de son vrai nom Franz Maertens, estime en effet que je suis le seul capable de l’inspirer lors de certaines investigations. Il affirme que j’ai des sortes d’antennes. Des sortes d’antennes qui finissent toujours par le mener sur la bonne piste.
Et ces soi-disant antennes ne m’ont jamais révélé pourquoi j’accepte à chaque fois de le suivre dans ses aventures plus ou moins drôles…
Quand mon téléphone mobile a sonné, il y a quelques minutes, j’ai vu son nom s’afficher sur l’écran. J’ai alors supposé qu’il appelait pour mon anniversaire, mais, tout en prenant la communication, j’ai eu un doute. J’ai flairé autre chose. Il était presque 17 heures, j’allais quitter le bureau, et je me suis souvenu que pour ce genre d’événement, Marling a l’habitude d’appeler plus tôt.
Quelque chose l’avait donc empêché de le faire avant.
Un service à me demander, sans doute.
Une requête certainement soupesée une bonne partie de la journée…
— Salut Fred.
— Salut Marling.
— Bon anniversaire mon vieux. Trente-cinq ans déjà…
C’était bien ce que je pensais : Marling venait d’achever sa dernière phrase avec une voix douce. Or, quand il prend sa voix toute douce, c’est qu’il a un truc en tête. Comme par exemple de m’entraîner dans une enquête obscure qui lui refile le trac à l’avance.
Je connais cette grande carcasse de Marling.
Presque par cœur.
Presque.
Et je me connais.
J’ai donc posé quelques jours de vacances et j’ai rendez-vous avec lui, à l’Hôtel de police, demain à 10 heures.
2
jeudi 13 avril - 10 h 10
— Happy birthday ! me lance Marling dès mon arrivée dans son bureau.
Il m’adresse un clin d’œil et me tend un paquet.
— L’album import des Sexmen ! m’exclamé-je en l’ouvrant. L’enregistrement du concert de juin 99 au Hammersmith… Ça c’est du cadeau ! Merci, commissaire.
— De rien.
— T’as pas trop galéré pour l’avoir ?
— Si. Épuisé sur tous les sites habituels. Mais j’ai fini par tomber sur un obscur forum de fans du groupe. Un gars s’en était procuré un lot en Angleterre. Dix exemplaires. Il a bien voulu m’en vendre un…
— Une fortune, j’imagine.
— Top-secret, mon pote. Tu sauras rien de moi. Et je te dirai pas non plus le nom du forum.
Je lui envoie une bourrade, le remercie encore, puis nous nous asseyons.
— Dommage que t’aies pas pu passer hier soir, dis-je. On s’est fait une bonne petite fiesta.
— Y avait qui ?
— Sonia, Charles et Marc.
— Que des gens du journal… Soirée Écho des Traboules, donc.
— Tout à fait. Si t’étais venu, t’aurais pu parler à Sonia. Depuis que t’as rompu avec ton ex, ça fait combien de temps que t’as pas causé à une fille, commissaire ?
— Bon, bon, c’est promis : je tâcherai d’avoir moins de boulot l’année prochaine…
— T’as déjà dit ça l’année dernière.
— Je sais.
Marling baisse un peu la tête et je souris.
— Allez mister Maertens, culpabilise pas : je te charriais. Dis-moi plutôt pourquoi tu m’as « convoqué ».
Le commissaire abandonne rapidement son air confus.
— Eh bien… j’ai un meurtre sur les bras, Fred.
— Ça t’arrive presque tous les jours, non ?
— Oui, mais là… c’est un peu spécial.
— J’imagine.
— Le meurtre a eu lieu avant-hier à Lille et…
— À Lille ?…
— Oui. À Lille. Bon, je t’explique : j’ai un vieux confrère, là-bas, le commissaire Clément Vernaekel, qui m’a téléphoné hier pour me parler de ce meurtre qui le rend perplexe…
— Hem, comment se fait-il qu’un policier de Lille fasse appel à toi ?
— Il ne veut pas traiter l’affaire lui-même. Trop sensible. Alors il préfère me la confier plutôt qu’à ses collègues sur place. Comme il m’a rendu quelques services dans le temps, je peux pas refuser.
— D’ac. Je comprends. Mais pourquoi cette affaire est-elle trop sensible pour lui ?
— Il m’a dit qu’il m’expliquerait ça de vive voix.
— Bon. Et naturellement, je suppose que les instances supérieures sont d’accord pour que tu ailles là-bas…
— Oui. C’est inhabituel et pas très catholique, mais le proc de Lille et celui de Lyon sont OK pour la manœuvre.
— Et re-naturellement, je suppose que tu as parlé de moi à ce Vernaekel…
— Oui. Il tient à ce que tu participes à l’enquête…
Je me passe la main dans les cheveux et soupire.
— Ben mon vieux Marling, si tu commences à me trimballer aux quatre coins du pays, on n’est pas sortis de l’auberge…
— Mmh, je n’ai fait que parler de tes talents à Clément… et il a eu l’air convaincu.
— Ça fait loin, quand même, Lille…
— Ça nous changera d’air. Clément nous a dégotté un hôtel-restau sympa dans le centre-ville : le Stella, rue Faidherbe. On prend ma Lancia tôt demain matin et on y est en six ou sept heures. Et puis t’inquiète pas pour les dépenses : ce sera tout aux frais de la princesse.
— T’es sûr que je te serai indispensable ?
— Sûr.
— Tu t’es encore imaginé que, grâce à mon supposé « radar personnel », j’allais t’aider à retrouver rapidement le meurtrier.
— Le meurtrier est déjà identifié, Fred. Et hors d’état de nuire.
— Il a été coffré ?
— Non, l’équipe de Vernaekel l’a retrouvé mort sur la scène de crime.
— Mmh, attends, laisse-moi deviner : le meurtrier a exécuté sa victime, puis il s’est dézingué et les voisins ont appelé la police suite aux détonations.
— Exact.
— Alors si tu as la victime et son bourreau, qu’est-ce que je viens faire dans cette histoire ?
— Le mobile, Fred. J’ai besoin de toi pour m’aider à découvrir le mobile…
3
14 avril - 13 h 45 - commissariat central de Lille
Tout en nous décrivant l’affaire, le commissaire Vernaekel me jette de fréquents regards.
Sans me vanter, j’ose affirmer que je constitue le grand espoir de ce bonhomme. Je suis sa lumière, son dernier recours, LA solution. Et bien entendu, ses regards me mettent plutôt mal à l’aise… Car contrairement à ce qu’il semble croire, je n’ai ni baguette magique, ni boîte à miracles. Je ne suis que Fred Brawner, simple journaliste. Marling a encore dû exagérer et lui laisser entendre que j’allais tout résoudre d’un claquement de doigts ou d’un simple regard aux choses…
Ah ! Marling… mon vieux Marling… tu seras donc toujours persuadé que j’ai un don… Mais où vas-tu chercher tout ça ? Si j’avais un tel don, une telle intuition, je serais plus sûr de moi, non ? Je serais incapable d’interviewer des artistes célèbres comme je le fais — avec cette maladresse qui me caractérise et les séduit. Bon, d’accord, depuis qu’on se connaît je t’ai mis une ou deux fois sur la bonne piste, mais ça ne va pas fonctionner à chaque coup, tout de même…
Enfin bref, la réalité est là : je suis assis dans ce bureau avec ces deux commissaires, en plein début d’une béchamel ténébreuse : le 11 avril 2000, un dénommé Emmanuel Tardy a tué un dénommé Édouard Feldmann, puis il s’est suicidé. Et personne ne sait quels étaient leurs rapports avant le drame.
Pour en revenir à Vernaekel, je dirais que, question profil psychologique, c’est un sensible. Pas le genre gros dur. Il a l’air du gars bientôt retraité qui ignore toujours s’il est vraiment flic ou pas. D’une voix un peu lasse, il nous apprend qu’il a longtemps pratiqué la peinture en amateur — dans une association nommée Pôle Art — en compagnie de Tardy et de Damien Périer, le procureur de Lille. Il nous déclare ensuite que tous les trois ont sympathisé, qu’ils sont devenus proches, et que Périer et lui-même ont souvent été intrigués par l’air triste qu’affichait Tardy depuis quelques années.
Un air triste qui, selon eux, devait être lié à un événement grave survenu dans son existence.
N’ayant jamais trop osé le questionner, Vernaekel et Périer se retrouvent donc avec leur curiosité intacte et ils voudraient bien connaître son mobile.
Quel prétendu événement grave a poussé Tardy à tuer Feldmann puis à se suicider dans la foulée ?
Vous inquiétez pas messieurs-dames, me dis-je : Frédéric Brawner va vous démêler ça.
Mmh.
— En fait, nous ne voyions presque plus Emmanuel depuis environ quatre ans, précise Vernaekel. Il ne venait plus que rarement aux cours de peinture… Et à chaque fois que nous l’invitions à manger ou à prendre l’apéro, il refusait en disant qu’il se sentait fatigué.
— Problèmes de santé ? demande Marling.
— Je lui ai posé une seule fois la question et il m’a dit que tout allait bien. Le légiste vient d’ailleurs de me confirmer que, d’un point de vue physique, à part un peu d’asthme sans gravité, tout était normal chez lui. Organes relativement sains. Constitution robuste.
— Dépression, alors.
— Sans doute. Mais due à quoi ?
— C’est ce qu’on va essayer de découvrir, Clément. Dis-moi : ce Feldmann, tu le connaissais ?
— Non. J’ai simplement aperçu son nom deux ou trois fois dans le journal. Il était président d’une association qu’il avait créée : l’APE. Un truc pour les gosses.
— Et en ce qui concerne le procureur Périer ?
— Idem : il ne le connaissait pas plus que moi.
Marling hoche la tête, puis Vernaekel nous présente un sachet contenant un Luger P08.
— L’arme du crime, dit-il d’une voix toujours aussi lasse.
— Numéro de série limé… constate Marling en déballant le pistolet.
— Oui.
— Dis donc, Clément : sauf son respect, c’était quand même un drôle de zigue, ce Tardy, pour posséder une arme de guerre au numéro limé…
— Je ne sais plus trop quoi penser, Franz. Emmanuel ne m’a jamais parlé de ce pistolet… Cela dit, il y a eu des batailles dans la région en 39-45 : ce doit être une arme de dotation qu’Emmanuel — ou quelqu’un d’autre — a dérobée sur un soldat allemand mort.
— Possible. Mais pourquoi en avoir limé le numéro ?
— Aucune idée, répond Vernaekel en nous remettant un dossier intitulé « Tardy/Feldmann ».
Nous le parcourons en vitesse : photos de la scène de crime, portraits des protagonistes encore vivants, adresses et clés de leurs logements, auxquels s’ajoutent quelques informations concernant les deux hommes.
— Y a pas grand-chose, dit Vernaekel, gêné. Dès que j’ai su qu’il s’agissait d’Emmanuel, je n’ai pas tardé à tout suspendre. Je préfère que ce soit quelqu’un d’autre qui s’occupe de ça. Trop brûlant pour moi… Et je ne veux pas que mes flics s’en mêlent non plus… Emmanuel Tardy était un ami et j’estime que ce qui s’est passé ne les regarde pas…
— OK, fait Marling en refermant le document. Mais dis-moi : et le rapport d’autopsie ?
— Le légiste l’a terminé ce matin. Tu pourras le récupérer à l’Institut médico-légal. Rue Verhaegue. Quartier sud.
— Bon. Eh bien on va s’y mettre de suite, dit Marling en enfournant le dossier dans sa serviette. Rue Verhaegue, quartier sud.
— En bagnole vous en avez pour un quart d’heure. Tu montres ta carte au gars du parking, il te dégottera à coup sûr une place.
— D’accord, Clément. À plus tard.
— À plus tard, messieurs. À plus tard… Je préviens le légiste… Et bon courage…
4
14 h 35
Le médecin légiste qui nous reçoit ne ressemble guère à Christian Vauget, son homologue lyonnais