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Le Don d'Aimer - Tome 1: Prélude
Le Don d'Aimer - Tome 1: Prélude
Le Don d'Aimer - Tome 1: Prélude
Livre électronique306 pages5 heures

Le Don d'Aimer - Tome 1: Prélude

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À propos de ce livre électronique

Une belle histoire d'amour qui fait rêver, ancrée dans des siècles de crises importantes...

23 juillet 2030. À Casabasciana, petit village montagnard de Toscane, Lucia et Pierre, confortablement installés dans leur canapé face à la beauté de la montagne, contemplent leurs souvenirs. Ils flirtent avec leur passé, enlacés comme aux plus belles heures de leur amour. Celui-ci n’aurait pas été possible sans l’enchaînement d’événements historiques majeurs, tout aussi improbables qu’extraordinaires. La fuite d’un officier polonais en 1836, l’exode d’un ouvrier italien en 1946 pour devenir mineur en Belgique, les destins se croisent et s’entrechoquent, dans une saga où l’Histoire elle-même est un personnage essentiel. Et qui est Carla aux magnifiques yeux noisette piqués d’or ? Et que dire d’Herman Fridman qui, au bout de la Terre, s’apprête à déclencher le premier tsunami cybernétique ?…

Chapitre par chapitre, découvrez la vie d'une famille au travers de deux siècles d'Histoire. La guerre, l'artisanat, les âmes d'artiste, des alliances et des rencontres improbables ont dessiné le destin de cette famille.

EXTRAIT

Espiègle, enjouée, vive d’esprit, curieuse, coquette, à la silhouette gracile, les yeux smaragdins magnifiques au regard ensorcelant, de longs cheveux brillants ébène ondulant sur son dos, Graziella n’était encore qu’une enfant, mais déjà les œillades coquines des garçonnets, attirés par la beauté naturelle de cette gamine, se posaient sur elle.
Les parents et les grands-parents n’étaient pas dupes du manège de ces petits dons Juans impubères. Ils ne laissaient jamais seule la prunelle de leurs yeux. Graziella s’amusait de ces clins d’œil séducteurs. Elle faisait comme si elle ne les remarquait pas, jouait l’indifférente voire l’ingénue, mais elle se sentait une véritable princesse. La plus belle des petites filles dans le miroir de la vanité.
Sans l’ombre d’un doute, la plus heureuse fut sa grand-mère Lucia. Tant de traits de caractère communs !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Michel Bartnicki est né en 1957 dans le nord de la France. Professeur des écoles à la retraite, il peut se targuer d’avoir eu l’un de ses livres de chansons préfacé par Carine Reggiani. Poète, parolier (membre de la SACEM), nouvelliste à ses heures, ce touche-à-tout littéraire signe avec le premier tome du Don d’Aimer son premier roman historique.
LangueFrançais
ÉditeurLibre2Lire
Date de sortie31 oct. 2019
ISBN9782490522248
Le Don d'Aimer - Tome 1: Prélude

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    Aperçu du livre

    Le Don d'Aimer - Tome 1 - Jean-Michel Bartnicki

    Note de l’auteur et remerciements

    Ce récit est une pure fiction, excepté le contexte historique. Il m’a fallu plus d’un an et demi d’écriture pour mettre le point final à ce premier tome. Puisse-t-il vous donner l’envie de lire le second, lequel est en gestation dans mon esprit.

    L’un de mes soucis et de mes objectifs fut de donner de l’épaisseur et de la crédibilité à la kyrielle de personnages qui vous attendent au fil des pages. Puissiez-vous vous y attacher comme si vous aviez affaire à des êtres réels.

    La frontière entre la réalité et l’imaginaire est si ténue, n’est-ce pas ?

    Force est de constater que je ne serais jamais parvenu à produire ce premier tome sans le concours extraordinairement efficace d’Alain Dautriche, correcteur hors pair, dont je ne saurais trop recommander les services.

    En outre, je vous prie de bien vouloir m’excuser si des personnes portent le même nom que tel ou tel de mes personnages ! N’y voyez là, bien entendu, qu’une simple coïncidence.

    Bonne lecture à vous qui me faites l’honneur de tenir mon premier roman entre vos mains ! N’hésitez pas à me faire part de vos réactions en m’écrivant par le biais de mon site :

    jeamichelbartnicki.org.

    Merci !

    Écrire est l’une des plus belles libertés de l’Homme, un acte de résistance au temps qui passe. Cet acte est amour…

    Jean-Michel Bartnicki, Hauts-de-France,

    le 11 avril 2019

    Les personnages principaux

    Belgique

    Famille Dubois

    Pierre Dubois, chef étoilé.

    Paul Dubois, père de Pierre, maître verrier.

    Irène Dubois, née Irène Merteens, épouse de Paul et mère de Pierre.

    Lucia Dubois, née Lucia Brizzi, épouse de Pierre.

    Lorenzo Dubois, fils de Lucia et Pierre.

    Chiara Dubois, fille de Lucia et Pierre et sœur de Lorenzo.

    Luigi Dubois-Moretti, fils de Monica Moretti et de Lorenzo.

    Familles Sykora et Martin

    Borys Gradinowski (Borys Sykora), Capitaine Gradinowski dans l’armée polonaise et qui devient Borys Sykora, dès son arrivée en Belgique.

    Mathilde Sykora, née Mathilde Lambert, épouse de Borys.

    Michal Sykora, fils de Mathilde et Borys.

    Anastasia Sykora, née Anastasia Janik, épouse de Michal.

    Marek Sykora, fils d’Anastasia et Michal.

    Gustaw Sykora, fils de Marek et de Mariella d’origine italienne, décédée à la naissance de son fils.

    Marie Sykora, née Marie Martin, épouse de Gustaw, non-voyante.

    Jeanne et Ernest Martin, parents de Marie.

    Jerzy Sykora, fils de Marie et Gustaw.

    Louise Sykora, née Louise Berry, épouse de Jerzy.

    Matthias Sykora, fils de Louise et Jerzy.

    Carla Sykora, née Carla Giacometti, épouse de Matthias.

    Enzo Sykora, fils de Carla et Matthias, ami de Pierre Dubois.

    Italie

    Famille Giacometti

    Alfredo Giacometti, né à Casabasciana en Toscane, mineur à Blegny-Mine au nord-est de Liège.

    Giuseppe Giacometti, père d’Alfredo, agriculteur et vigneron à Casabasciana.

    Maria Santa Giacometti, épouse de Giuseppe et mère d’Alfredo.

    Elena Giacometti, sœur d’Alfredo.

    Carlo Giacometti, frère d’Elena et d’Alfredo, décédé à quatre ans.

    Serafina Giacometti, née Serafina Pelligrini, épouse d’Alfredo.

    Rita (née Iacopucci), sans profession, et Gianni Pelligrini, jardinier et homme à tout faire, parents de Serafina.

    Carla Giacometti, fille unique de Serafina et d’Alfredo.

    Famille Brizzi

    Lucia Brizzi, épouse de Pierre Dubois.

    Eva (née Picci), professeure de français et Guidi Brizzi, chirurgien, parents de Lucia.

    Marco Brizzi, frère de Chiara, psychologue en couple avec Loredana, infirmière divorcée d’avec Alberto Lampi.

    Sara Lampi, fille de Loredana et d’Alberto, la belle-fille de cœur de Marco.

    Famille Moretti

    Monica Moretti, mère de Luigi, hôtesse de l’air puis créatrice et directrice de sa propre agence de voyage.

    Luigi Moretti-Dubois.

    France

    Famille Richelieu

    André Richelieu, informaticien, mari de Chiara Dubois.

    Graziella Richelieu, la fille de Chiara et d’André.

    1

    Casabasciana

    23 juillet 2030. Le regard pétillant de vie, penchés sur le visage sans âge sans ride de leurs souvenirs, enlacés comme aux plus belles heures de leur amour sur leur canapé en cuir beige trois places, long siège à dossier convertible en lit, dont ils ne se sépareraient pour rien au monde, usé par des centaines d’étreintes folles et tendres à la fois, Lucia et Pierre flirtent avec leur histoire.

    Face à la beauté de la montagne apennine, qu’ils ne se lassaient jamais d’admirer, on eût dit deux peintres inspirés, concentrés, prêts avec le pinceau de leur âme à enluminer, à enflammer la toile céleste de leurs chefs-d’œuvre émotionnels, aspirés par la magnificence et la singularité des paysages de Casabasciana.

    Ce petit village toscan de moins de deux cents habitants se dresse à une cinquantaine de kilomètres de Pise, à moins de quarante de la sublime ville de Lucques, laquelle, en 1858, vit naître le célébrissime compositeur Puccini. Casabasciana, l’île en pleine terre de Lucia et Pierre. Leur nid. Leur refuge. Leur maison d’amour.

    Casa ne signifie-t-il pas maison en italien ? Étymologiquement, la casa di Bassianus, légionnaire romain à qui Rome fit cadeau d’un lopin de terre, comme cela était coutumier à l’époque. Casabasciana, la naissance de l’attirance indéfectible entre Lucia et Pierre un soir d’été du mois de juillet 1982. Perché à cinq cent soixante-dix-huit mètres au-dessus du niveau de la mer, accessible de la vallée par une unique route exiguë, aux périlleux lacets d’un peu plus de quatre kilomètres au macadam surchauffé l’été, à peine tempéré par l’ombrage d’arches de verdure faisant office d’ombrelles providentielles, ce petit coin de paradis n’avait pas encore cédé au chant des sirènes de la pseudo-modernité.

    Pour accéder à Casabasciana, il faut faire preuve de patience et de vigilance, user régulièrement du klaxon pour avertir les conducteurs des voitures qui déboulent en sens inverse, même si de facto la priorité est donnée aux véhicules qui montent vers le village. Quant à ceux qui descendent, après avoir dompté les pièges du serpent bitumineux, à gauche ils peuvent se diriger vers la ville thermale de Bagni di Lucca, province de Lucques, et à droite vers Abetone, la plus importante station de ski de l’Italie centrale, dans la province de Pistoia.

    Vue du ciel, Casabasciana ressemble à un doigt gargantuesque en pierre sur le sommet duquel on aurait posé une bague de rubis découpée de pentagones réguliers. En cette fin d’après-midi, le soleil dardait toujours sans répit ses flèches de feu sur la Toscane.

    2

    La maison de Lucia et Pierre

    Depuis que le réchauffement climatique avait pris de telles proportions démesurées et que le niveau des océans ne cessait de grimper, des spécialistes annonçaient même une hausse inévitable d’au moins un mètre avant les années 2220, la touffeur mettait davantage les organismes à rude épreuve.

    Lucia et Pierre disposaient de l’air climatisé dans leur maison de quatre étages aux murs rose-thé faisant penser à une bastide. Comme des boucliers protecteurs, une dizaine de battants en bois marron auburn empêchaient toute intrusion solaire par les larges baies vitrées de l’habitation. Pierre pouvait aussi se targuer, après plus d’un an de travaux, d’avoir fait installer un ascenseur dans sa résidence. Le seul du village ! Lucia et Pierre avaient pensé à leurs vieux jours, quand leur santé ne leur permettrait plus de monter quatre à quatre l’interminable escalier aux nombreuses marches étroites en pierre de leur foyer.

    À l’orée du crépuscule, Pierre étreignait exquisément la taille de guêpe de son épouse. Lucia inclinait légèrement la tête vers la gauche pour la laisser mourir lentement sur l’épaule droite de l’amour de sa vie, comme un oiseau qui recherche le confort douillet de son nid. Ainsi, elle avait l’impression que plus rien de fâcheux ne pouvait lui arriver. Les deux sexagénaires ne disaient rien. Ils se parlaient en silence avec leurs yeux.

    Au firmament du ciel azuréen, sans le moindre nuage, on eût dit quatre soleils suspendus qui illuminaient cet écrin de verdure préservé de la moindre pollution. Sur leur grande terrasse au dallage de marbre blanc de Carrare au veinage discret, parée d’une kyrielle de vases ornés de fleurs diverses, Lucia et Pierre avaient une vue sensationnelle sur la vallée, dont seuls les toits aux tuiles rouges des villages éloignés perturbaient l’harmonie, comme les ailes d’insectes nuisibles. Quelques campaniles isolés, difficilement accessibles par des sentiers sauvages caillouteux ou par des voies peu balisées, venaient rappeler à l’espèce humaine sa propension à bâtir dans des endroits improbables des églises, des cathédrales, des édifices voués à Dieu. Surtout à la promesse d’une vie éternelle.

    3

    Lucia

    Lucia et Pierre ne s’interrogeaient plus depuis longtemps sur la probabilité ou sur l’improbabilité d’une vie après la mort. Ils souhaitaient être enterrés côte à côte dans le cimetière de Casabasciana, là où ils s’embrassèrent pour la première fois, près de la fontaine Di Rigorgola. Ce jour-là, ils avaient été bercés par le clapotis harmonieux et régulier de l’eau pure qui effleurait leur peau, tandis que leur baiser inondait leur âme d’un flux de désir.

    Sur leur terrasse, reliés à leurs souvenirs par le fil ténu et invisible de leur mémoire, ils revivaient ce moment inoubliable. Pierre venait d’avoir vingt ans, Lucia dix-huit. Il y avait si longtemps. Quelques secondes pour Lucia et Pierre qui n’avaient que faire des années écoulées. Celles qui leur restaient à vivre comptaient bien plus. Inestimables et rares. Éternelles. Lumineuses, à l’image de la beauté conservée de Lucia, ce prénom avant-courrier d’un éclat et d’une élégance à jamais préservés, comme un pouvoir tiré en partie de sa racine latine. Lux en latin. Luce en italien. Que la lumière soit ! Et la lumière fut !

    L’après-midi caniculaire allait bientôt tirer sa révérence. La soirée s’annonçait merveilleuse tandis que le soleil s’éclipsait graduellement derrière les courbes régulières de la montagne. Le visage à peine plissé légèrement ovale à la peau douce et aux traits réguliers de Lucia, égayé en permanence par deux petites fossettes rieuses à la commissure de ses lèvres en forme de cœur, et par un regard cristallin bleu perle, tranchait avec celui marqué de son mari.

    Seuls ses cheveux naturels gris cendré, qu’elle ne teignait jamais craignant de les abîmer, coupés court, légèrement dégradés tombant sur le front avec un volume étudié, et qui épousaient délicieusement la surface de son crâne, trahissaient imperceptiblement les caprices des jours qui s’égrènent sans pitié, sans relâche. Gracieuse, vive, naturellement élancée, ses jambes fines, fuselées, au galbe parfait, prolongeaient sa taille de mannequin. Elle avait su l’entretenir, la mettre en valeur avec délicatesse et intelligence, en veillant à se nourrir de manière équilibrée. Encore plus depuis qu’elle savait qu’elle était une miraculée…

    Comme une athlète de haut niveau s’entraînant consciencieusement afin d’atteindre des objectifs précis, Lucia effectuait régulièrement de longues balades matinales dans son royaume, son théâtre de verdure où, l’espace d’un instant, elle avait l’impression d’en être l’actrice principale dans un décor de rêve. Lors de ses circuits agrestes, elle était accompagnée de son seul, vieux et fidèle chien Fiumé, bâtard aux longs poils roux qui échoua un soir sur le pas de sa porte, comme une bouteille à la mer qui a dérivé longtemps au gré des vents et marées sur des océans chahutés par des vagues titanesques, et qui cogne à la coque d’un bateau improbable.

    Dès qu’elle le vit, Lucia adopta ce clochard quadrupède affamé et squelettique, aboyant à la mort, abandonné par des moins-que-rien, affirmait-elle, qu’elle ne parvint jamais à identifier malgré son porte-à-porte inquisiteur, dont la plupart des habitants du village se moquaient n’ayant que faire de l’avenir d’un animal.

    Depuis son adoption, le canidé, doux comme un agneau, était devenu un membre de la famille à part entière, passant ses journées à être caressé, cajolé comme un enfant gâté, à manger à sa faim, à jouer, à japper sur l’armée de chats de gouttière ou de race, à la démarche altière et lente, qui sillonnaient la centaine de venelles du village, les vibrisses en éventail et les queues dressées comme des artimons. Des félins curieux, fiers et joueurs, indifférents aux aboiements répétés et improductifs de cette bête étrange aux courtes pattes et aux poils trop longs, qui lui cachaient une grande partie de ses grands yeux noirs, fixés dans ses orbites tels des boulets de canon miniatures prêts à anéantir l’armada féline.

    Ce n’était qu’après une longue salve de gueulements stériles que, désabusé, éreinté et honteux, Fiumé daignait enfin, la queue rentrée entre ses pattes arrière en signe d’abdication, aller consommer sa défaite en se ruant sur son os dans son panier rond en osier. De préférence, à l’ombre de l’un des citronniers plantés par Pierre dans le jardinet occupant une bonne moitié de sa terrasse.

    Fiumé devait son nom au choix aléatoire de Lucia sur une liste de substantifs remise par Pierre et par quelques amis. Ce nom lui plut. Il lui rappelait ses baignades d’adolescente dans le fleuve, il fiume en italien, qui ondoyait un peu plus bas dans la plaine tel un long reptile au corps sans fin.

    Durant ses promenades, d’un pas encore alerte à soixante-six ans, un bâton à la main, chaussée de solides chaussures de marche la protégeant de morsures de vipères capricieuses - leur nombre ayant néanmoins fortement diminué de manière inquiétante depuis le début des années deux mille - Lucia, loin de l’agitation citadine, étrangère au stress durant ces moments privilégiés, dont elle aurait souhaité qu’ils perdurent à jamais, se nourrissait de la beauté exceptionnelle de son cadre de vie.

    Un chapeau de paille ceignait sa tête. Il formait un rempart apprécié contre les rayons du soleil matinaux déjà agressifs. Plus elle marchait, plus la fréquence de ses pas augmentait sur les chemins étroits, pierreux, tapissés de fleurs sauvages, d’herbes hautes et basses, de broussailles enchevêtrées miraculeusement épargnées par la main de l’homme.

    Plus elle naviguait avec aisance entre les champs de vignes et d’oliviers bordés de lavande et autres plantes aromatiques, plus elle déambulait d’une foulée assurée dans des vergers plantés d’arbres aux fruits variés, et plus Lucia savourait le bonheur d’être encore de ce monde après son combat de longue haleine gagné contre son cancer du sein, en 2016. Elle n’avait alors que cinquante-deux ans.

    Marcher était un acte de résistance pour elle, un pied de nez au destin le plus tragique auquel elle ne voulut jamais croire. Elle marchait pour le plaisir d’exister, coiffée du vol des oiseaux qui dansaient dans le ciel. Les volatiles dessinaient des arabesques plus belles les unes que les autres. Ils s’offraient en spectacle à cette reine privilégiée placée aux premières loges de ce défilé d’oiseaux joueurs.

    Comme une enfant curieuse, Lucia se surprenait à tenter d’imiter les sifflements ravissants de ses compagnons ailés. La vie est un chant, se répétait-elle sans cesse. Outre ce bal aérien digne des plus belles acrobaties des aviateurs de la Patrouille de France au-dessus de l’avenue des Champs-Élysées chaque 14 juillet, Lucia se délectait de l’alliance de la variété des conifères, comme les ifs, les cyprès, les pins méditerranéens, avec d’autres espèces d’arbres tels que les châtaigniers et les noisetiers.

    L’ensemble baignait au sein d’une flore éblouissante et généreuse sur une terre fertile à souhait. Lucia fermait régulièrement les yeux pour mieux ressentir les exhalaisons des fleurs, s’imprégner de leur parfum enivrant jusque dans les pores de sa peau. Elle-même devenait une fleur. Ses yeux en étaient les pétales, son cœur la racine, son sang la sève.

    Le sourire aux lèvres, le regard inondé de lumière, protégée par des lunettes de soleil, le cœur léger, Lucia laissait flotter son esprit. Insouciante et rêveuse, elle remontait le cours du passé, croisant de temps à autre un berger menant de main de maître son troupeau de moutons, ou son grappillon de chèvres vers des pâturages proches du village.

    Fiumé n’osait jamais s’approcher des chiens du berger, impressionné par cette marée de laine sous la protection de gardes à la gueule patibulaire et aux crocs inquiétants, qui jouaient parfaitement leur partition. Nostalgique et heureuse à la fois, Lucia se remémorait les courses effrénées de son enfance toscane à travers les champs, à la lisière de futaies, autour de mares et d’étangs. Elle prenait un malin plaisir à tenter d’attraper des papillons affolés avec un filet de fortune, des lapins sauvages épouvantés avec des sacs en tissu, des abeilles occupées à récolter le nectar et le pollen sur les fleurs avec des bocaux, que l’enfant s’empressait d’abattre sur les hyménoptères rarement pris au piège.

    Heureusement, toujours sans gravité, Lucia se faisait occasionnellement piquer par des guêpes vengeresses, mécontentes d’avoir été dérangées en plein travail. Puis, elles s’envolaient plus loin vers d’autres fleurs hors de portée de l’espièglerie et de la cruauté enfantines. Pas si cruelle que cela, en ce qui concernait Lucia, puisque, systématiquement, elle rendait rapidement la liberté aux animaux empiégés.

    La belle sexagénaire, tout en valsant comme une ballerine sur les sentiers couronnés de branches qui s’inclinaient sur son passage tels les sujets dociles de la cour d’une reine adulée, continuait de hisser ses souvenirs sur le mât de sa mémoire.

    Elle se revoyait, des décennies plus tôt, ne réussissant pas à s’endormir, s’adressant aux étoiles en leur donnant des noms insolites de la fenêtre de sa chambre près de la villa Torrigiani, construite dans la seconde partie du seizième siècle par la famille Buonvisi.

    Les Buonvisi étaient des banquiers et des marchands de soie, qui souhaitaient diversifier leurs activités en misant sur des investissements financiers dans le domaine agricole. La villa Torrigiani se situe à une poignée de kilomètres de Lucques, Lucca en italien. En son temps, elle reçut la visite de l’ancien président de la République française Georges Pompidou et de son épouse.

    Les yeux levés vers le ciel comme de minuscules têtes d’épingle, Lucia priait les étoiles de l’enlever vers d’autres mondes sur leurs ramures argentées. La fillette, à l’imagination féconde, considérait ces curieuses luminescences, qui n’apparaissaient qu’à la tombée du jour, comme autant de vaisseaux spatiaux silencieux transportant des extraterrestres chargés d’étudier la Terre sous toutes ses coutures.

    Lucia, contemplative. Lucia, romantique. Lucia, mystérieuse. Lucia, voyageuse. Lucia qui, passion peu commune pour une fille, rêvait de devenir astronaute dès son plus jeune âge, plus précisément depuis, qu’à un peu plus de cinq ans, en ce mémorable dimanche 20 juillet 1969 à 20 h 17, UTC temps universel, elle grava à jamais dans sa mémoire l’amerrissage du module lunaire Eagle de la mission Apollo XI sur la surface grisâtre de la lune. Elle fut plus subjuguée encore par les premiers pas de Neil Armstrong à 3 h 56, dans la nuit du 20 au 21 juillet, sur l’unique satellite naturel de la Terre.

    Or pour Lucia à moins de six ans, la lune n’était un jour rien d’autre que le gros œil gris rond du visage du ciel, qui s’apprêtait à veiller la nuit sur le sommeil des humains, une autre fois un gigantesque ballon lâché dans l’espace, et qui aurait interrompu prématurément sa course très haut dans les airs faute de carburant. Elle ne comprenait pas les raisons pour lesquelles les hommes se permettaient de venir troubler le sommeil céleste, mais en même temps, probablement que ceux-ci, affublés de combinaisons étranges, venaient ravitailler le ballon en perdition pour qu’il puisse repartir de plus belle et s’élever plus haut dans les cieux. Quoi qu’il en soit, les images de la télévision la fascinèrent et la marquèrent à vie.

    Lucia méditait, assise près du lavoir de Casabasciana, là où les femmes usèrent longtemps leurs mains à frotter, à rincer, à frotter encore et encore les vêtements maculés de taches de leur mari, de leur progéniture, les leurs aussi. Lucia, au tréfonds de sa mémoire, revivait parfaitement cette scène, où devant la diffusion mondiale en noir et blanc de l’épopée lunaire, ayant eu exceptionnellement la permission de minuit pour ne pas manquer une miette du spectacle, elle bondit de joie, se mit à sauter comme un cabri dans le salon de ses parents, Eva et Guido Brizzi, ébahis par la réaction inattendue de leur fille à cette heure avancée de la nuit.

    Qu’est-ce qu’une enfant de cet âge, pensaient-ils, pouvait-elle bien comprendre à ce qui se passait à 384 400 kilomètres au-dessus de sa tête ? Parée de deux longues couettes fixées de part et d’autre de sa tête par des élastiques, séparant ses cheveux noirs en deux parties égales, affichant une raie discrète, l’une de ses poupées, serrée contre sa poitrine plate, un pouce dans la bouche, se balançant sur son cheval à bascule en bois, le verbe encore hésitant, Lucia venait au monde.

    Mais elle éprouvait déjà le besoin impérieux de s’inventer de nouveaux univers, de plonger son imaginaire dans des dimensions inexplorées. Le besoin de rêver. Rêver pour exister. Rêver pour se libérer des pressions en tous genres. Lucia ne fut jamais astronaute, mais elle ne cessa jamais de prendre de la hauteur sur les problèmes auxquels chaque être humain est inéluctablement exposé au cours de son existence. De la hauteur comme une force. Comme un espoir. Comme de la grandeur d’âme pour ne jamais baisser les bras. Comme du courage. Comme celui qu’elle manifesta sans cesse pour éradiquer totalement son cancer du sein. Près de deux ans de lutte acharnée contre la Grande Faucheuse qu’elle vainquit.

    Elle marchait, marchait encore et encore, faisait quelques pauses. Elle connaissait les moindres recoins du village. Sur chaque pierre, sur chaque façade, sur chaque arbre, sur chaque plante, sur chaque quartier du ciel, sur chaque parcelle de terre, elle déposait, elle gravait l’empreinte de sa santé retrouvée. Il lui arrivait de pleurer de joie face à tant de beauté.

    Fiumé en profitait pour se blottir contre ou entre les jambes de sa maîtresse en quête de caresses, comme s’il ressentait son émotion. L’automne, de retour au bercail, tantôt avec un panier en bois, tantôt avec un sac en fibre naturelle remplis de champignons cueillis à la main, le bois et les fibres naturelles permettant aux eumycètes de mieux disséminer leurs spores, Lucia confiait son butin à son cordon-bleu de mari.

    4

    La délicatesse de Pierre

    et le combat de Lucia

    Pierre s’affairait alors à concocter avec maestria des mets succulents à base de riz (le risotto), de poulets, de poissons frais, de légumes, de pâtes fraîches, d’œufs cocotte, d’escalopes de veau. Les plats étaient accompagnés de truffes, de morilles, de cèpes récoltés par sa moitié. Les œuvres culinaires étaient servies dans des assiettes blanches en porcelaine. Celles-ci étaient plates ou carrées, décorées de motifs de fleurs discrets.

    Ces derniers ajoutaient une note poétique et bucolique au déjeuner

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