Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

L'âme sœur: Quête angoissante
L'âme sœur: Quête angoissante
L'âme sœur: Quête angoissante
Livre électronique244 pages3 heures

L'âme sœur: Quête angoissante

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Le passé oublié d'Anne ressurgit avec l'arrivée de Philippe qui, lui ne l'a jamais oubliée...

« Tu n’imagines pas ce que je ressens, Maman. Ma vie a commencé quand j’avais neuf ans, au milieu des blouses blanches de l’hôpital. Avant, c’est le trou noir. J’ai perdu ma sœur. Nous devions être très proches, mais je ne le sais pas. J’ai perdu mon père. Il devait être le plus merveilleux des papas, mais je ne me rappelle pas. J’ai perdu mes camarades de classe. Ce devait être une super classe, puisque vingt ans après, il y a un certain Philippe qui débarque chez moi dans le but de refaire connaissance. Mais comment savoir ? Quand le ciel nous est tombé sur la tête à toi et à moi, tu m’as coupée de mon passé. Je me suis construite sur du néant. Aucun repère... À part toi, bien sûr. »
Lorsque Philippe frappe à la porte d’Anne, elle ne le reconnaît pas. Elle ne se souvient plus de sa demande en mariage l’année de leurs huit ans. Tout s’est évanoui dans l’amnésie qui a suivi le grave accident dont sa famille a été victime. Philippe, lui, ne l’a jamais oubliée et dorénavant, il n’aura plus qu’une obsession : entrer définitivement dans sa vie. Mais Philippe et Anne peuvent-ils avoir un avenir commun ? Quel est le prix à payer pour faire renaître le passé ? Avec ce roman, Agnès Karinthi nous entraîne dans une quête angoissante où chacun traîne sa part d’ombres et de secrets.

Plongez dans une quête angoissante où chacun traîne sa part d'ombres et de secrets, et découvrez l'histoire de Philippe et Anne : quel est le prix à payer pour faire renaître leur passé commun ?

EXTRAIT

Aux premiers mots d’Anne, ses amis ont repris le contrôle sur eux-mêmes. Ils saluent Philippe avec un naturel aux antipodes de leur stupéfaction première.
Matéo lui offre une cordiale poignée de main.
« Sa femme, Léa, enseignante également, fait souffrir les CM2 de l’école Paul Bert, notre ancienne école. »
Léa fait un signe à Philippe puis interroge Anne, surprise.
« Tu te rappelles avoir été à l’école avec lui ? Mais alors, tu as retrouvé la mémoire ?
– Non, non. C’est Philippe qui m’a raconté tout ça. Depuis qu’il a débarqué chez moi, il est bien décidé à réveiller mes souvenirs. Il a même apporté une vieille photo de classe pour remuer mes neurones. Grâce à lui, j’ai déjà appris des tas de choses sur mon enfance.
– C’est génial ! Philippe, tu vas servir de mémoire à Anne. On compte sur toi, hein ?
– Promis. Je m’y efforce en tout cas.

A PROPOS DE L'AUTEUR

Agnès Karinthi est née en France en 1969, mais son berceau familial est la Hongrie, Budapest précisément, où son grand-père et son arrière-grand-père sont de célèbres écrivains. D’un caractère profondément rationnel, bien qu’attirée par la littérature dès son plus jeune âge, elle a développé une prédilection pour la chimie ; elle s’est consacrée à des études scientifiques et une carrière industrielle. Aujourd’hui, elle accompagne les entreprises à la prévention des risques professionnels. Pourtant, durant toutes ces années, elle continuait à dévorer livre sur livre. Et un beau jour, elle a pris la plume à son tour.
LangueFrançais
Date de sortie29 juin 2018
ISBN9782376920960
L'âme sœur: Quête angoissante

Lié à L'âme sœur

Livres électroniques liés

Fiction psychologique pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur L'âme sœur

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    L'âme sœur - Agnès Karinthi

    cover.jpg

    Couverture et iconographie :

    Alain Cournoyer / alaincournoyer.com

    Sources photographiques :

    123RF / Wavebeak Media Ltd

    © L’Astre Bleu Éditions, 2017

    709 RD 933 – Les Leynards – 01140 GARNERANS

    astrebleueditions@laposte.net

    http://lastrebleu-editions.fr

    Collection « Hélium »

    ISSN : 2497-4811

    Création des versions numériques :

    IS Edition, via son label Libres d’écrire, Marseille.

    ISBN (version papier) : 978-2-490021-03-1

    ISBN (versions numériques) : 978-2-37692-096-0

    Du même auteur

    Quatorze appartements – Astre Bleu Éditions. 2017

    Pour Christine et Francis

    Et tous ces héros de l’ombre qui se battent contre la fatalité

    Dimanche 4 janvier 2015

    Chez Anne Rambaud, Combriseau

    Il ne faut pas longtemps à Philippe pour repérer le nom sur l’interphone, à droite de l’entrée. Le portail à deux battants est entrouvert ; il pousse le vantail. Dans le couloir haut de plafond, les boîtes aux lettres lui fournissent l’ultime précision dont il a besoin. Troisième étage. Il monte à pied.

    Une fois devant l’appartement, il s’arrête. Sur la plaquette dorée collée au bois de la porte, le nom d’Anne Rambaud est gravé en noir. Cette fois, ce n’est plus un rêve. Il l’a retrouvée.

    Il prend une longue inspiration et sonne.

    Le visage d’une femme jeune s’encadre dans l’entrebâillement de la porte. Philippe ébauche un sourire.

    « Tu me reconnais ? »

    Il lui tend un bouquet de roses. Elle élargit suffisamment l’ouverture pour passer le bras et attraper les fleurs, mais ne fait pas un geste de plus. Ils s’observent quelques instants dans un profond silence.

    Il sourit, encourageant.

    « Ça fait des semaines que je te cherche. Ça n’a pas été facile de te retrouver. Tu n’as pas de compte Facebook ni Twitter.

    – Je n’en veux pas.

    – Pas grave. Je n’en suis pas fan, moi non plus. Je me suis débrouillé autrement. »

    Il la dévisage avec un plaisir qu’il ne cherche pas à cacher.

    « Tu n’as pas changé. Les mêmes cheveux, les mêmes yeux. »

    Comme elle ne réagit pas, il insiste.

    « Tu vois qui je suis ? Tu me reconnais ?

    – Je suis désolée, mais...

    – Regarde, j’ai apporté une photo de classe pour t’aider. »

    Philippe fouille dans son sac à dos et en extirpe une pochette. Anne ouvre alors la porte en grand.

    « Entre. »

    Elle le conduit dans sa pièce de vie. Ils s’assoient sur le canapé. Il sort la photographie de son enveloppe, en redresse les coins. Il la tend à la jeune femme.

    « Elle est un peu abîmée, je sais, mais c’est qu’elle n’est pas toute récente ! Regarde. Tu es là, au premier rang. Au fond, le deuxième à partir de la droite, c’est moi. Philippe Bérichon. »

    Anne prend le cliché entre ses mains.

    « Année 1994-1995. Cette photo date d’avant mon accident. »

    Philippe lève des yeux interrogateurs.

    « Un accident ? Quel accident ?

    – Un accident de voiture. Mon père et ma sœur sont morts sur le coup et je suis tombée dans le coma. Depuis mon réveil, je suis amnésique.

    – Je suis désolé, je n’étais pas au courant ! Ça a dû être horrible. Je te présente mes condoléances. Et moi qui viens remuer ces souvenirs... Nous avons quitté la ville durant l’été 1995, pour Nevers. Mes parents y sont toujours. »

    Il se gratte la tête, gêné.

    « Je regrette pour ton père et ta sœur. Vraiment. Ta sœur s’appelait Claire, n’est-ce pas ?

    – Claire, oui.

    – C’est ça. Je n’ai rien oublié, tu sais, pourtant ça fait vingt ans. Claire et Anne. Les jumelles, comme on vous appelait à l’école. Les autres vous confondaient, mais moi, vous ne m’avez jamais trompé. Pas une seule fois ! Ce n’est pas faute d’avoir essayé ! Ah, les jumelles ! »

    Il rit. Elle ne dit rien.

    Il continue.

    « Ça fait des années que je pense à revenir te voir, ici à Combriseau. Ça n’a pas été simple de te retrouver. Je me rappelais ton prénom, ça oui, mais ton nom ? J’ai commencé par chercher sur internet. Je me suis inscrit sur les réseaux sociaux. J’ai fouillé les sites d’anciens amis, mais bizarrement il n’y avait aucune trace de notre classe. Aucune photo. J’ai appelé la mairie. J’ai même contacté l’école Paul Bert. Je me suis fait envoyer bouler de partout. Puis, dans un vieux carton au fond de mon garage, j’ai découvert une pochette avec des affaires de mes années de primaire. Dans un cahier de brouillon de CE2, tu avais dessiné une princesse et tu avais signé ton œuvre d’art. Je connaissais enfin ton nom. Après, ça a été du gâteau pour te retrouver. Même sans le net ! »

    Philippe pose la photo sur les genoux d’Anne.

    « Alors ? Les souvenirs te reviennent ? »

    Devant son geste impatient, il poursuit.

    « Je vais te raconter la classe. Je commence par toi, au milieu du premier rang, la petite blonde aux nattes. Bien plus tranquille sur la photo qu’à la récré ! À côté de toi, c’est Émilie Décourt. Mathieu Passignol est juste derrière elle. Tu te rappelles Mathieu ? Il rigolait tout le temps. »

    Anne ne répond pas. Elle ne se montre pas fermée pour autant à l’exercice et contemple la photo avec application. Son visage s’éclaire.

    « Mon T-shirt ! Ce que j’ai pu le mettre, celui-ci ! J’aimais tellement ce petit singe coloré ! Au collège aussi, j’ai porté des objets de marque Waikiki. Un jour, j’ai échangé ma montre contre les chaussons d’une copine qui m’avait invitée chez elle. En sixième, je crois. Ma mère était hors d’elle quand elle l’a découvert. J’ai été sacrément punie.

    – Toi, punie ? Ça n’a pas dû être la dernière fois ! Ce que tu étais chipie, à huit ans ! Une vraie fille ! »

    Ils sont soudain gênés, l’un à côté de l’autre sur le canapé. Philippe range la photo dans son sac à dos. Anne tend la main vers son paquet de cigarettes. Elle en propose une à Philippe qui refuse, actionne son briquet et aspire longuement la fumée. Il la regarde. Ses cheveux blonds lui tombent sur les épaules en masse épaisse. D’un geste machinal de la main, elle rabat vers l’arrière une mèche menacée par la braise de sa cigarette et dégage un front d’une grande pureté. Elle a souligné ses yeux gris d’un trait de mascara. Philippe sourit. Son visage a gardé sa candeur d’enfant.

    « Physiquement, je peux t’assurer que tu n’as pas changé. Pour le reste, nous apprendrons à nous connaître. »

    Anne reste silencieuse, les yeux dans le vague. Philippe poursuit.

    « Tu fais quoi dans la vie ?

    – Je suis secrétaire.

    – Où ça ?

    – À l’imprimerie Publi’Art. Pas très loin de l’église Saint-Jean, sur le boulevard Général de Gaulle.

    – Moi, je travaille dans l’intérim. À Nevers.

    – Nevers ? Mais c’est au moins à 200 kilomètres !

    – Tu ne t’attendais pas à ce qu’un homme vienne te chercher d’aussi loin, pas vrai ? »

    Il rit avant de reprendre, plus sérieux.

    « En tout cas, je suis heureux... Drôlement heureux de t’avoir retrouvée. »

    Il l’observe encore quelques instants et se lève.

    « Bon, ben, maintenant que ça y est, que nous nous sommes retrouvés... »

    Il hésite.

    « J’aimerais bien te revoir. Qu’on apprenne à se connaître adultes aussi bien que dans l’enfance. Ça te dit ?

    – Tu sais, moi... Peu de choses ont de l’importance pour moi.

    – Laisse-moi une petite chance ! Je t’aiderai peut-être à retrouver la mémoire, qui sait ? »

    Anne, entièrement absorbée par sa cigarette, semble ne pas avoir entendu.

    Il prend son sac.

    « Pour le moment, je te laisse. Je suis très content de t’avoir revue. Vraiment. Je te laisse mon téléphone. »

    Philippe sort de sa veste une feuille pliée en quatre et la lui tend.

    « Tu vois, je l’avais préparée d’avance. On s’appelle, d’accord ?

    – C’est ça.

    – Super ! Je m’en vais, maintenant. On s’embrasse ?

    – Si tu veux. »

    Il prend Anne par les épaules et lui fait une bise franche sur les deux joues.

    Elle l’accompagne jusqu’à la porte d’entrée. Il la franchit en lui adressant un joyeux signe de la main.

    Mardi 6 septembre 1994

    Chez les Bérichon, Combriseau

    Suzanne Bérichon pose un plat sur la table. Philippe se lève pour mieux voir ce qu’il contient. Il bat des mains d’excitation ; sa mère lui avait promis des frites pour fêter la rentrée des classes et les voici devant lui, odorantes et croustillantes. Un régal pour les sens. L’enfant lui a rappelé sa promesse trois fois ce matin et deux autres fois en revenant de l’école. Pour les petits plaisirs de la vie, son enthousiasme est toujours sans limites. Ce n’est pas comme pour les leçons, pense sa mère en poussant un soupir.

    Depuis que leur fils est scolarisé, l’organisation du dîner répond à des règles bien établies. La mère décide seule du menu du soir. Il y a invariablement des féculents ; de la viande les lundis, mercredis, vendredis et samedis. Dès qu’elle entend au salon les premières notes du jingle du 19-20, elle dresse la table. Le père préside ; elle-même s’installe au plus près de la gazinière ; l’enfant se glisse contre le mur du fond. Une marque personnalise chaque emplacement. Philippe a droit à un verre à moutarde décoré d’un héros de dessin animé. Madame Bérichon dispose sa serviette en diagonale dans son assiette et prend soin de rendre apparent le cœur peint par Philippe sur le rond qui l’entoure. Elle sort une bière du réfrigérateur pour son mari, qu’il troque parfois contre une bouteille de vin ; la nature de l’alcool qu’il consomme est le seul élément imprévisible du dîner familial.

    À 19 h 25 précises, Suzanne appelle son fils à table. Elle inspecte ses mains, le renvoie dans la salle de bains jusqu’à une hygiène parfaite, puis l’autorise à s’assoir. Elle surveille son installation en même temps que l’horloge murale ; lorsque la grande aiguille annonce 19 h 30, et alors seulement, son mari les rejoint. Il pose le journal sportif sur le plan de travail et tire bruyamment la chaise à lui. Il secoue sa serviette et la coince dans l’encolure de son T-shirt. Dès qu’il est prêt, elle apporte les plats.

    Michel Bérichon tend son assiette en premier. Il commence à manger sans attendre. Personne ne s’en offusque ; les gestes ont l’aisance des habitudes.

    Lorsque tout le monde est servi, elle se tourne vers l’enfant.

    « Alors, cette rentrée ? Comment s’est passée ta journée ? Qui est ta maîtresse ?

    – C’est Catherine.

    – Elle est gentille ?

    – Ouais. »

    Le fils avale les frites à une vitesse vertigineuse. Sur le bord de son assiette, il a étalé une bonne dose de ketchup. D’une main il trempe les morceaux dans la sauce et emplit sa bouche. Il termine en un clin d’œil et se fait aussitôt resservir.

    Le père prend son temps. Il décapsule sa bouteille de bière et la boit directement au goulot. Après une longue première gorgée qu’il accompagne d’un bruyant soupir d’aise, il interroge son fils à son tour.

    « Vous êtes combien dans la classe ?

    – Vingt-cinq, elle a dit la maîtresse.

    – Combien de garçons ? »

    Philippe se met à compter sur ses doigts.

    « Douze ! Il y a Kevin, Stéphane…

    – Ça va, on s’en fout, des noms. »

    Philippe plonge les doigts dans ses frites. Un sourire illumine son visage.

    « Anne est dans ma classe !

    – Anne qui ?

    – Anne Rambaud. »

    Le père reprend une gorgée de bière et pousse son assiette vide vers sa femme. Elle la remplit sans dire un mot.

    « Elle a l’air de quoi, Anne Rambaud ?

    – Ben, je sais pas, moi ! »

    Philippe hausse les épaules. Il réfléchit avant de tremper une nouvelle frite dans la sauce.

    « Elle est super drôle ! Elle rit tout le temps. À la récré, elle a toujours des bonnes idées de jeux. Je suis assis à côté d’elle.

    – Et pourquoi pas à côté d’un garçon ?

    – Ben, parce que ! La maîtresse, elle a dit qu’on pouvait s’assoir comme on voulait, voilà. »

    L’enfant est de plus en plus volubile.

    « Aujourd’hui, Anne m’a donné une carte de Mathieu le Dégueu. Elle l’a en double, elle m’a dit.

    – C’est quoi, ce truc ?

    – Une carte des Crados. J’avais rien à lui donner en échange alors je lui ai dit que j’en achèterai et que comme ça, on fera des trocs. Je peux, Papa ? Maman ? »

    Le petit garçon tourne la tête alternativement vers chacun de ses parents, soudain craintif. Sa mère lui fait signe de continuer son repas.

    Le père vide le reste de sa bière d’un trait. Il va chercher une autre bouteille dans le réfrigérateur. Pendant qu’il la décapsule, il demande.

    « Anne Rambaud, c’est celle qui a une sœur jumelle ? »

    Philippe avale trois frites d’un coup. Il essuie du dos de la main le ketchup qui dégouline le long de son menton.

    « Oui. Mais sa sœur est pas dans ma classe. »

    Le père grommelle entre deux gorgées.

    « Et la sœur, c’est ta pote, aussi ? »

    Le ton n’a rien d’amical. Le fils lève la tête de son assiette, hésite sur la réponse à donner.

    « Ben oui ! À la récré, on joue ensemble. »

    Michel Bérichon invective alors sa femme.

    « C’est toi qui l’incites à se détourner des garçons et à s’occuper des poufs ? »

    Philippe ne comprend pas le mot, mais ressent le caractère injurieux de l’appellation.

    La tension vient de monter d’un cran. L’enfant n’est plus au cœur de la conversation.

    Suzanne tente l’apaisement.

    « Michel, s’il te plaît… »

    L’homme pose brusquement sa bouteille.

    « Ta gueule ! Je fais et je dis ce qui me plaît. Ces filles sont des poufs, ça se voit au premier regard. Je veux que mon fils se comporte comme un garçon de son âge. Les gonzesses, c’est pas pour lui. »

    Il se tourne alors vers le petit.

    « T’entends ce que je dis ? Un mec reste avec les mecs. Je veux te voir jouer avec des garçons à partir de maintenant. »

    Philippe baisse les yeux et pousse son assiette à moitié pleine au centre de la table. Suzanne l’interroge avant de débarrasser.

    « Tu n’en veux plus ? »

    L’enfant secoue la tête.

    Elle prend l’assiette, la vide et la place dans le lave-vaisselle.

    Ils achèvent le repas en silence.

    Lundi 5 janvier 2015

    Rues de Combriseau

    Malgré ses vingt années d’absence, Philippe retrouve l’église Saint-Jean sans l’ombre d’une hésitation. Ses pieds ont gardé en mémoire les irrégularités du sol, anfractuosités pour ses baskets d’antan, et le conduisent droit à la vieille place. Il est vrai que s’il avait levé les yeux, du haut de sa grande taille, il aurait repéré la flèche monumentale ; dans une petite ville comme Combriseau, les clochers ne se comptent pas par dizaines.

    Il marque un temps d’arrêt sur le trottoir opposé à l’édifice religieux.

    Rien n’a changé.

    La boulangerie où il achetait ses Malabars existe toujours, coincée entre le café et le marchand de fleurs. Les maisons lui paraissent peut-être plus basses, les arbres moins imposants ; mais dans l’ensemble, il retrouve l’ambiance de son enfance. Pour un peu, il chercherait les jumelles dans la rue commerçante, de retour d’une course avec leur mère.

    Il s’approche des magasins. L’aménagement intérieur de la boulangerie a changé, mais la peinture bleu pastel est restée semblable à celle de ses souvenirs. Il poursuit jusqu’au fleuriste. Quelques sapins en solde évoquent les fêtes de fin d’année tout juste terminées. De l’autre côté de la porte, malgré la saison hivernale, des pots de fleurs aux couleurs chatoyantes décorent le trottoir. Philippe jette un coup d’œil à l’intérieur du magasin et sourit. À droite du comptoir, des dizaines de roses trempent dans des seaux. Elles lui paraissent plus fraîches que dans la zone commerciale où il a acheté le bouquet, hier. Joyeux, il entre et en choisit une d’un joli jaune clair qui n’est pas sans lui rappeler la blondeur de la chevelure d’Anne. Une attention qu’elle appréciera certainement.

    Il traverse la place, effleure de la main quelques-uns des plots en granit qui délimitent le parvis devant l’église et s’approche du porche central.

    Il lève la tête vers la gargouille en forme de singe, dans l’angle droit du bâtiment. Elle n’a pas pris une ride. Il se surprend à lui renvoyer sa grimace, comme lorsqu’il avait huit ans.

    « Va bouffer des bananes, sale macaque ! »

    Chaque mercredi matin, il la saluait par ce rituel pour protester contre les cours de catéchisme imposés par sa mère. Son dégoût pour les messes et les sermons ne s’est pas estompé. Il n’a aucun désir de pénétrer dans l’église, pas même pour le plaisir de tremper les doigts dans la cire brûlante des cierges, à l’insu du curé.

    Philippe la contourne par le nord.

    Le centre-ville de Combriseau disparaît brutalement à trois cents mètres de là : le boulevard Général de Gaulle prend naissance. Rejoint un kilomètre plus à l’est par l’itinéraire de

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1