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L'éternel Recommencement - Tome 1: Le grand Architecte
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L'éternel Recommencement - Tome 1: Le grand Architecte
Livre électronique373 pages5 heures

L'éternel Recommencement - Tome 1: Le grand Architecte

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À propos de ce livre électronique

Dans un futur proche, un architecte à succès doute de son travail, jusqu'à la visite d'un être mystique...

An 2033, New York City. Julien, architecte à succès, est pris de mélancolie. Malgré l’originalité des immeubles qu’il conçoit, il doute de l’utilité de ses travaux, et regrette de dépendre des puissants de la ville. Sa mère, hospitalisée, s’éteint doucement. Julien ne peut s’empêcher de rêver des contes qu’elle lui lisait dans son enfance. Leur magie et leur bonheur naïf n’avaient-ils pas infiniment plus de valeur que le monde du XXIe siècle, si cynique et violent ?
Un soir, un étrange vieillard s’introduit chez Julien et révèle être Gabriel, ange et messager de Dieu. Il lui annonce la destruction imminente du monde et de tous ses habitants, l’humanité étant irrévocablement corrompue, elle doit renaître de ses cendres. L’archange explique à Julien qu’il est l’un des cinq élus choisis par les Êtres Célestes pour réécrire l’histoire de l’humanité. Sans hésitation, Julien endosse ce rôle et se voit conférer les pouvoirs d’un Père Fondateur. Prenant le nom d’Audin, il s’attelle à la construction d’un royaume d’harmonie et de paix, usant de sa magie pour façonner palais, paysages et créatures fantastiques, poursuivant son rêve d’équilibre parfait. Mais Audin sait qu’il n’est pas si simple de mettre un terme à l’attirance des hommes pour le côté sombre, même pour un mage aussi idéaliste et puissant que lui… Préservera-t-il les âmes épargnées de son peuple pour l’éternité, ou, comme à chaque fois, les ténèbres gangrèneront-elles petit à petit, immuablement, le cœur des hommes ?

Suivez les aventures d'Audin, un être élu pour ramener l'équilibre et la paix, dans le premier tome de cette saga fantastique trépidante qui mêle la magie et des créatures fantastiques à des inspirations religieuses !

EXTRAIT

Audin sortit sa baguette magique et appliqua le plus puissant des sorts de guérison qui était en son pouvoir. Au prix d’un effort de concentration phénoménal, le grand Architecte parvint à diminuer les blessures, sans toutefois réussir à les guérir complètement. Malgré sa puissante magie, les terribles cicatrices étaient encore visibles sur la peau blanche et fragile du jeune homme. Audin appliqua encore un onguent tout en psalmodiant quelques prières pendant de longues heures. Il était à bout de forces lorsque Matthew revint à lui. Dans un premier temps, le jeune élu sembla désemparé, écrasé par la douleur encore présente, puis petit à petit, en reprenant ses esprits, il saisit le bras d’Audin et dans un souffle lui dit :
— Il s’est passé quelque chose de terrible dans les terres du sud, Sebastian est en grand danger.
Le jeune oracle sombra à nouveau dans un profond sommeil.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Passionnant et flamboyant. L'auteur nous emmène dans un monde nouveau et son univers est pour le moins fantastique. L'idée est excellente. Vivement la suite.- jlaexpertise, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Stéphane Nançoz est né en Suisse. Passionné par des histoires fantastiques et la science-fiction, il s’imprègne de ses expériences de vie pour écrire La saga de l’éternel recommencement. Ingénieur et manager, il nous livre, avec Le grand Architecte, une véritable cosmogonie des origines de l’humanité. L’Éternel recommencement est un roman fantastique qui mêle inspirations religieuses, « heroic fantasy » et aventures.
LangueFrançais
Date de sortie9 août 2019
ISBN9782851138774
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    Aperçu du livre

    L'éternel Recommencement - Tome 1 - Stéphane Nançoz

    Chapitre 1

    L’architecte

    1.1 : La rencontre

    New York, lundi 28 mars 2033

    Julien Rockwell marchait le long de la 5e Avenue, il était 15 heures à sa montre. Le vent s’engouffrait dans la rue, mais, étonnamment, il n’apportait pas le froid habituel du mois de mars. Cela faisait bien des années que plus personne ne parlait de réchauffement climatique, les efforts de tous les gouvernements du monde, au début des années 2000, avaient porté leurs fruits, la nature avait repris une partie de ses droits et la grande bleue retrouvé un peu de sa superbe. Pourtant cette chaleur était vraiment incroyable pour un mois de mars. Début des années 2000, c’est aussi la date de naissance de Julien. Le 3 avril 2000. Il était né d’un mariage heureux, une famille équilibrée, aimante et sans histoire. Son père était le fameux architecte, David Rockwell, célèbre pour la construction de plusieurs des buildings les plus imposants de Manhattan. Le père avait construit sa renommée et sa richesse grâce à son entregent, son sens de la communication et sa force de persuasion. Non pas qu’il fut un mauvais architecte mais il était surtout un formidable chef d’entreprise. Tout le contraire de son fils, Julien, qui a en horreur tout ce qui touche aux relations publiques, les réseaux de travail, le pouvoir. Il est, de l’avis de tous, un véritable génie de l’architecture, sa seule passion est la création, pas les discours. Tant qu’il dirigeait le cabinet d’architecture avec son père, l’équilibre était simplement parfait, David aux relations, Julien à la création. Le cabinet était prospère et la vie un enchantement permanent. À la mort de son géniteur, emporté par une maladie incurable en juin 2030 à l’âge de 72 ans, les choses avaient changé pour Julien. Le cabinet jouissait toujours d’une excellente réputation, les affaires étaient bonnes et les finances permettaient de belles perspectives pour les années à venir, cependant, Julien sentait une véritable lassitude à cette éternelle recherche de nouveaux mandats, cette course perpétuelle aux dîners d’affaires, aux réunions politiques et aux meetings de soutien d’associations. Son temps de création s’était réduit comme peau de chagrin. À peine quelques impulsions données à de valeureux jeunes architectes qui remplissaient leurs tâches à merveille en perpétuant le style Rockwell. Mais Julien n’était plus l’instigateur de tous les projets, le « grand architecte » comme l’appelait son père.

    En se rendant à son rendez-vous de 15 heures 30, au Rockefeller Center, Julien ne put s’empêcher de constater l’incroyable chaleur qui le faisait transpirer malgré le pas nonchalant adopté en conséquence.

    Julien était un bel homme, charmeur et à l’esprit vif. Sa chevelure fournie blonde, sa belle stature, et ses épaules carrées lui venaient de son père. Mais ses yeux bleus, plein d’humanité et de tendresse, étaient l’héritage de sa mère, Mélanie. Mélanie descendait d’une très vieille famille française. Dans l’intimité, elle avait toujours parlé le français à son fils, ce qui l’enchantait au plus haut point car non seulement il adorait la musique douce de cette langue, mais surtout parce que lorsqu’elle lui parlait dans la langue de Molière, il savait que ce moment n’était que pour eux deux. Elle avait bercé l’enfance de Julien de toutes ces histoires de princes, de princesses, de créatures magiques et d’enchantement. Rien d’étonnant, Mélanie était écrivain, elle écrivait des contes merveilleux pour les enfants et son premier lecteur, tout du moins « écouteur », n’était autre que son fils unique. Depuis la mort de son mari, Mélanie s’était arrêtée net d’écrire, comme si la peine terrible qui avait suivi la disparition de l’être aimé avait mis fin à son royaume des légendes et contes de fées, mais ce lien si fort avec son fils n’avait jamais cessé.

    Julien descendait toujours la 5 th avenue de son pas traînant. Il croisa la Trump Tower, président éphémère des États-Unis d’Amérique qui, indépendamment de sa volonté, avait pour beaucoup renforcé la prise de conscience de ses compatriotes concernant l’écologie. En 2017, il avait décidé de se retirer des accords de Paris sur la régulation du climat ; ouragans, cyclones et inondations avaient pulvérisé les USA, comme pour le punir de cette décision si stupide. Le peuple américain s’était enfin réveillé et avait pris le problème du réchauffement climatique à bras-le-corps, devenant précurseur en la matière, fondant même la première banque mondiale du développement durable dont le siège était justement à Manhattan et était un des fleurons de l’architecture de Julien.

    Arrivé à deux pas du lieu de son rendez-vous, Julien s’épongea le front une fois de plus et rajusta sa cravate presque instinctivement. Il longea la statue de l’atlas, jetant un œil distrait au colosse portant la terre sur ses épaules. Songeur, il ne put s’empêcher de remarquer un homme adossé à une des colonnes qui soutenait l’entrée du Rockfeller, à gauche de la porte principale. C’était un homme noir, assez grand, vêtu d’un costume sombre, d’une chemise blanche et d’une cravate noire. Sa tête était recouverte d’un chapeau noir également, mais malgré sa chevelure blanche et les traits marqués de son visage qui trahissaient un âge certain, Julien fut surpris par la fabuleuse luminosité qui entourait cet homme et qui lui donnait un air d’éternité. Leurs regards s’accrochèrent et le temps s’arrêta. Malgré ses efforts, Julien n’arrivait pas à détacher ses yeux des siens. Il en était gêné, mais dans le même temps, ce moment lui sembla si magique, si frais, si voluptueux qu’en un instant, il fut projeté dans le temps pour revivre ces merveilleuses soirées de lecture, blotti contre sa mère. L’homme lui sourit. Il y avait dans ce sourire quelque chose d’angélique et d’étrange, comme s’il s’agissait d’un ami qu’on est heureux de rencontrer par hasard, sauf qu’ils ne se connaissaient pas. Et cette lumière… Julien avait l’habitude de percevoir les flux énergétiques de certains bâtiments qui s’entremêlaient et se croisaient en milliers de lacets et là où d’autres ne voyaient que briques, aciers et béton, il savait d’instinct que lorsqu’il percevait cela, il fallait foncer et se consacrer tout entier à la rénovation de ce lieu magique. À ses débuts, il s’enorgueillissait d’avoir perçu « l’âme » du bâtiment et jurait qu’elle l’avait appelé, mais à force de voir les gens soulever leurs sourcils, perclus d’interrogations sur sa santé mentale, avec le temps, il avait fini par garder ses visions pour lui. Pourtant, son instinct ne l’avait jamais trahi, chacun de ces fameux bâtiments était devenu de majestueuses références de l’architecture New-Yorkaise. Ce qu’il n’avait par contre jamais révélé à personne, par peur de se faire définitivement interner, c’est que cette « âme du bâtiment » le guidait dans ses choix d’architecte, elle lui révélait la façon de transformer leur vieille carcasse pour se faire revêtir un nouveau costume tout en gardant cette aura venue du fond des âges. Cependant, il n’avait encore jamais ressenti cela chez un être vivant et cette sensation le perturba encore un peu plus.

    Julien finit par atteindre la grande porte d’entrée, il leva la tête pour admirer le bas-relief représentant un dieu barbu censé évoquer la sagesse, et s’engouffra dans le grand hall sans se retourner. Il fut presque surpris de constater qu’il était à l’heure, tellement cette dernière minute lui avait paru durer une éternité. Il retrouva très rapidement ses esprits, son rendez-vous était important pour l’avenir du cabinet et il en était le patron maintenant. Il prit l’ascenseur bien décidé à imposer son nouveau projet.

    Très haut dans les étages, le jeune architecte pénétra dans une salle de réunion particulièrement cossue et au luxe tape-à-l’œil ; parois en bois massif, mobilier de grands créateurs en bois ciselé, une moquette épaisse beige et au centre de la pièce, une gigantesque table de réunion surmontée d’un lustre qui semblait tout droit sorti des salons du Titanic et, bien sûr, une vue sur la ville et Central Park à couper le souffle. En bout de table, cinq hommes en costumes Armani l’accueillirent avec un sourire bienveillant.

    — Julien ! Bonjour, cher ami.

    Lança Paul Smith en s’élançant vers lui le bras tendu pour le gratifier d’une chaleureuse poignée de main.

    — Nous discutions justement de votre dernière merveille, le bâtiment du siège de notre banque, tout le monde nous complimente sur cette réalisation et il est déjà devenu l’emblème de notre établissement dans le monde entier. Je ne vous en remercierai jamais assez, vous devez avoir un secret pour réussir de telles prouesses, mon cher.

    Paul était un des fondateurs et l’actionnaire principal de la banque du développement durable, fondée en 2018 sur la demande des puissances du G20. Cette banque avait, avec le soutien inconditionnel des principales puissances économiques, soutenu la plupart des grands projets verts qui avaient retardé le désastre écologique dans les premières décennies du XXIe siècle. Elle avait, entre autres faits de gloire, porté à bout de bras les différentes solutions mises en place pour remplacer petit à petit l’énergie nucléaire. Paul était grand, mince, le teint mat et les dents blanches. Il avait un visage avenant. Sa chevelure blanche impeccable était le résultat de micros-implants capillaires, comme c’était le cas pour la majorité des hommes âgés de plus de 60 ans. Dans les milieux aisés, être chauve ou dégarni était devenu un signe de faiblesse et de manque de moyens. Paul était affable, malgré sa position dominante de patron des patrons, il avait su garder un regard humain et bienveillant. Julien l’appréciait beaucoup et ce sentiment était réciproque. Malgré cela, à chaque rencontre, il ne pouvait s’empêcher de ressentir au travers de son interlocuteur l’incroyable paradoxe de ce monde. Il se trouvait en face d’un héros, considéré comme un sauveur de l’humanité, adulé par les milieux de la finance et de la politique, ce banquier représentait presque à lui seul le fabuleux défi d’avoir sauvé la planète du naufrage écologique, pourtant, assis sur ses centaines de millions de dollars, il était comme tous les autres, incapable de s’inquiéter du continuel appauvrissement de la population grandissante de la planète. Paul avait lui aussi fermé les yeux pour éviter de voir l’amoncellement des déchets dans les zones pauvres du monde, des montagnes de déjections plastiques expédiées, bien à l’abri du regard des puissants, dans le tiers-monde parce que trop chères pour être traitées dans les pays dits « développés ». De ce côté-là, rien n’avait changé, pour être un héros et impressionner son monde, il fallait être riche. Julien replongea rapidement dans les contes de sa mère où les gens étaient tous heureux et ne manquaient de rien, où il n’y avait pas de limitation des naissances à cause de la surpopulation et aucun passe-droit pour éviter le rationnement de nourriture. Il revint rapidement au moment présent et prit un siège, ce n’était pas le moment de rêvasser au monde idéal.

    Il n’y eut aucun moment de flottement, la discussion démarra sur les chapeaux de roues.

    — Julien, suite à notre dernière entrevue, nous avons bien étudié les deux projets que vous nous avez proposés pour notre centre de traitement des ordres boursiers en ligne. Autant vous le dire de suite, le directoire a décidé de vous suivre les yeux fermés sur ce projet. Nous avons décidé de privilégier la réhabilitation de la tour « new world 6 », comme vous nous l’aviez suggéré. Bien que le projet soit plus cher, vous nous avez convaincus que l’emplacement et l’intégration de l’architecture de la future tour se marieront à merveille avec la vision de la banque. Je présume également que le sans-faute du précédent projet joue aussi en votre faveur. En d’autres termes, vous avez carte blanche, tâchez de ne pas nous décevoir. Quand serez-vous prêt à démarrer ?

    Sans rien laisser transparaître de la subite excitation que venait de lui procurer cette nouvelle, Julien fit mine de réfléchir, pour ménager son effet il se racla la gorge et annonça :

    — Notre devise est ; battre le fer tant qu’il est chaud… Considérez, mon cher Paul, que le projet est sur les rails. D’autant plus que l’obtention des permis de transformation et de réhabilitation prendra du temps.

    Julien savait pertinemment que cette phrase permettrait à son ami Paul Smith de reprendre la main sur la discussion et lui donnerait une belle occasion de reprendre toute la lumière sur lui. Il aimait cela et Julien le savait.

    — Ne vous en faites pas, mon ami, le maire de cet arrondissement de Manhattan et toute sa clique nous doivent bien plus qu’un retour d’ascenseur, les autorisations seront sur votre bureau avant que vous n’ayez eu le temps de fêter les nouveaux contrats. À ce propos, faites parvenir à mon assistante Michelle tous les documents officiels et usuels nécessaires. Elle gérera toute la paperasse de notre côté, je ne veux pas me mêler de cela, pas le temps, elle me les fera signer une fois prêts.

    S’ensuivirent les félicitations d’usage, des discussions sur un ton plus badin. La charmante hôtesse amena le traditionnel champagne français, deux heures légères et insouciantes s’égrenèrent encore.

    Le chemin du retour sembla plus court, non pas qu’il fît moins chaud, Julien étouffait toujours autant bien qu’il ait retiré sa cravate, mais il se sentait quand même soulagé. Même s’il n’avait pas vraiment envisagé que ce contrat puisse lui échapper, il savait par expérience que dans le monde de la haute finance les jeux d’influences pouvaient faire échouer des projets que l’on considérait comme acquis. Ce ne serait pas pour cette fois, il venait de décrocher un contrat de cinq ans minimum et il comptait bien participer beaucoup plus à la réalisation de cette tour quitte à délaisser encore un peu plus les mondanités. Il se réjouissait de partager son bonheur avec ses équipes. Sans s’attarder, il se dirigea vers ses bureaux, sur Madison Avenue, pour annoncer la bonne nouvelle à ses collaborateurs.

    L’arrivée au bureau fut triomphale. Même si tous étaient confiants quant à la réussite de la négociation finale, la plupart s’attendaient à devoir travailler sur le projet du « Lower Manatthan », beaucoup moins enthousiasmant que celui de la réhabilitation de la tour du « new World 6 ». Une fois les acclamations retombées et après l’apéritif d’usage, Julien donna congé à tout le monde et fixa rendez-vous à ses troupes le lendemain pour démarrer officiellement le projet. Il savait qu’une grande partie de ses collaborateurs seraient occupés sur ce projet et que le travail à fournir serait considérable. Une fois seul, il prit enfin le temps de s’asseoir devant son bureau et se permit un peu d’autosatisfaction en pensant au chemin parcouru depuis la mort de son père. Quelques minutes plus tard, Julien était perdu dans ses pensées et celles-ci le ramenèrent quelques heures en arrière, devant l’immeuble du Rockfeller Center. Il se remémora cette drôle de rencontre avec l’homme en noir et se demanda s’il n’avait pas rêvé tout cela. Lorsqu’il reprit ses esprits, il s’aperçut qu’à son habitude, sa main avait machinalement maculé le papier posé sur son bureau. Il fut surpris de voir, à la place de ses traditionnelles esquisses de bâtiments, le magnifique dessin d’un ange imposant et majestueux qu’il venait de réaliser. Julien avait la main experte en dessin de ce type, enfant, il dessinait des personnages extraordinaires sortis des contes de sa mère. Il en avait des cahiers remplis, mais jamais jusque-là il n’avait dessiné d’ange…

    1.2 : Le destin

    Une fois rentré chez lui, Julien sentit son humeur glisser de l’euphorie vers la mélancolie. Depuis sa séparation avec Cécilia, il vivait seul. Son grand duplex de deux cent cinquante mètres carrés au cœur de Manhattan sur la west 84 street était son jardin secret, sa « régénérescence' et son lieu d’inspiration. Après la difficile rupture, il s’était imposé des règles strictes, personne ne devait plus troubler l’atmosphère paisible de son intimité, et surtout pas à l’improviste. Depuis plusieurs mois, il avait ressenti ce besoin de se couper des autres, de se détacher temporairement des plaisirs futiles des fêtes entre amis qu’il affectionnait pourtant beaucoup avant. À la même époque, la vie l’avait aussi un peu éloigné bien involontairement de sa mère. Un seul étage de cette tour, la bien nommée Rockwell & fils, séparait leurs deux appartements, mais l’évolution rapide de la terrible maladie avait contraint Mélanie à garder son lit bien plus souvent qu’elle ne l’aurait voulu. Elle faisait face avec courage et se refusait d’envahir l’espace privé de son fils. Sauf urgence… Et Justement, quelques semaines auparavant, l’urgence redoutée avait marqué leur vie et le destin du jeune architecte.

    L’esprit fatigué de Julien s’évada une fois de plus vers cette terrible journée du 18 mars. Il s’installa dans son salon, s’enfonça dans son grand fauteuil design et un verre de Martini blanc à la main, il se remémora toute la scène. Lors d’un coup de téléphone banal passé du bureau et après avoir parlé comme de coutume à sa mère de ses futurs projets et de sa vie, Julien avait ressenti chez elle une grande fatigue, une lassitude qui l’avait glacé. Avant de raccrocher, il lui avait promis de passer la voir dès qu’il rentrerait du bureau. Moins d’une heure plus tard, l’infirmière de garde le rappelait, le suppliant de prévenir le docteur de famille, Henri King. Julien comprit instantanément que tout avait basculé, la maladie sournoise que sa mère combattait depuis plusieurs années avait pris le dessus. Le combat était perdu depuis longtemps, mais malgré tout Julien voulait encore et encore repousser le moment des adieux. Après avoir prévenu immédiatement Henri, il s’était précipité en bas de la tour de son bureau pour récupérer sa voiture dans le parking. Il avait perdu un temps fou dans le trafic New-Yorkais, paniqué et impuissant face à la masse de voitures qui bloquaient les rues. Il était arrivé très tard au 43e étage de leur tour, dans l’appartement de sa mère. Il y avait du monde partout. Les secours s’affairaient encore autour du lit maternel. Julien voyait défiler les images au ralenti ; perfusions, masque à oxygène, rythme cardiaque faible sur ce maudit écran et des voix lointaines qui donnaient à toute la scène un côté hors du temps et irréel. Et puis, une voix parmi d’autres lui avait semblé soudainement plus claire, plus proche. C’était celle de ce brave Henri. Il avait pris Julien par les épaules et l’avait un peu secoué. Ce geste avait tiré le jeune homme de sa torpeur. Le médecin lui avait expliqué que sa mère était extrêmement faible, que son état nécessitait une hospitalisation immédiate. Un peu plus tard dans l’intimité, Henri lui avait rappelé que le cancer était maintenant généralisé, qu’ils avaient parlé de ce moment tous ensemble. Mélanie s’en allait, il n’y avait pas d’autre solution.

    Brisé par le souvenir de cette terrible journée, Julien pleurait à chaudes larmes, fixant le verre de Martini dans ses mains. Il le but d’une traite et replongea dans ses souvenirs.

    Dès son hospitalisation, il avait rendu visite à sa mère tous les jours. Extrêmement affaiblie par la maladie, le docteur King la maintenait la plupart du temps en coma léger. À chaque pause déjeuner, Julien venait lui lire ses propres contes fantastiques, toujours la version en français, parfois le sourire aux lèvres, souvent les larmes aux yeux, il retrouvait tous les héros de son enfance. Il se rendait bien compte que les derniers liens avec cette période de sa vie étaient en train de s’évanouir à tout jamais, disparaissant avec les derniers souffles difficiles de cette mère tant aimée. Lors de la semaine qui suivit, à deux reprises, Mélanie avait été gardée éveillée par son médecin lors de la visite de son fils, poignants adieux, mais qui, malgré le réconfort apporté égoïstement au jeune homme, ne faisait que rendre les derniers jours de sa mère encore plus douloureux. Au soir du 23 mars, Henri et Julien décidèrent de ne plus la réveiller. Pour la première fois de sa vie, elle ne fêterait pas son anniversaire avec lui.

    Les larmes chaudes qui coulaient sur les joues du jeune architecte le ramenèrent au moment présent. Calfeutré dans son fauteuil, il sut d’instinct que cette nuit était la dernière de sa mère. Il aurait pu hurler de douleur quand il s’aperçut que ses rendez-vous professionnels de la journée l’avaient empêché d’aller la retrouver ce midi-là et qu’elle n’entendrait pas la fin du conte de l’écuyer Audin, apprenti magicien que sa mère avait écrit en faisant référence au grand Odin. Il aurait voulu que le monde entier s’arrête, qu’il n’y ait plus de futur. Il était brisé. Il se dit que sans son père ni sa mère, la vie n’avait plus de sens. Il se sentit seul au monde et abandonné. Une énorme angoisse monta en lui. Les images de ce monde en péril se mirent à défiler dans son esprit, douloureuses et implacables ; les famines d’Afrique, les maladies qui frappaient le tiers-monde, la violence, les guerres, les essais nucléaires, la drogue, les SDF qui mourraient à même le sol, et puis il revit aussi son rendez-vous du jour dans le grand salon du Rockfeller Center, le luxe insolent des riches, les places de golf verdoyantes au milieu des déserts, les usines crachant leur fumée noire pendant que les avions-privés de leurs directeurs se posaient sur les plus belles plages de la planète… Sa propre vie n’était que futilité, il pria alors pour que cette nuit-là ne soit pas seulement la dernière de Mélanie Rockwell, mais pour que l’humanité tout entière disparaisse avec elle. Il ne se trompait pas…

    Machinalement, comme s’il voulait conjurer le sort, il se dirigea vers son téléphone, prit le combiné en main, mais lorsqu’il voulut appuyer sur la touche mémoire du numéro de sa mère, un horrible et pauvre sourire de détresse s’afficha sur son visage fatigué, pauvre sourire suivi instantanément d’un nouveau flot de larmes amères. Il comprit que plus aucun numéro, plus aucun message ne le liait désormais à la femme merveilleuse qui lui avait donné le jour. Il se sentit encore plus seul, en colère et désespéré. Son monde s’écroulait une fois encore et il n’y pouvait rien. Cela le rendait fou. Prostré, le regard figé sur ce téléphone, il ne sursauta même pas lorsque quelqu’un sonna à sa porte. En une fraction de seconde, il sut que ce n’était pas l’annonce redoutée. Seul Henri King se serait permis de venir à sa porte pour le lui dire, pourtant jamais le bon docteur ne l’aurait fait sans demander au gardien en bas de l’immeuble de le prévenir, même pour lui faire part de l’inéluctable. Sans plus réfléchir, Julien s’élança pour traverser sa somptueuse salle à manger et se dirigea vers la grande entrée. En atteignant le couloir qui l’amenait vers la porte, il ralentit soudainement le pas, en un éclair il sut qui attendait derrière cette porte, c’était l’homme au chapeau noir.

    En ouvrant, Julien ne fut pas surpris d’avoir eu raison. L’homme se tenait là sur son palier, le chapeau noir sur la tête, les mains vissées dans ses poches, le dos légèrement courbé vers l’avant. L’étranger releva un peu les yeux, les planta dans ceux de Julien et lui sourit amicalement. La scène était surréaliste, cet homme que Julien ne connaissait pas, qu’il avait à peine croisé dans la rue quelques heures plus tôt, se tenait devant lui comme s’il venait rendre visite à un vieil ami et le plus incroyable fut que notre jeune architecte se sentit soulagé de cette présence, il n’hésita pas une seconde et fit entrer son visiteur sans aucune autre forme de protocole.

    Le temps s’arrêta net. Sans comprendre comment, Julien se retrouva dans son salon assis en face de l’homme. Ce dernier, à cheval sur l’accoudoir du deuxième fauteuil faisait rouler son chapeau entre ses mains, les yeux toujours profondément ancrés dans ceux de Julien. Il lâcha d’une voix merveilleusement douce :

    — Je m’appelle Gabriel.

    Julien sortit de sa douce torpeur et lui lança à son tour :

    — Julien Rockwell.

    Gabriel n’ajouta rien, mais à son sourire, le jeune homme comprit que cette information n’avait rien d’un scoop. Gabriel se leva et se dirigea vers la majestueuse cheminée, il s’appuya sur le tréteau, son chapeau toujours dans la main droite. Malgré la chaleur incroyable de cette fin d’hiver, Il fixa l’âtre vide regrettant de n’y voir danser quelques flammes. Il se retourna vers son hôte et lui annonça sans ménagement :

    — Vous avez raison, cette nuit est l’ultime nuit de notre chère Mélanie sur cette terre.

    Julien ne fut pas autrement choqué ni de l’information ni du fait que l’homme connaissait ses pensées, mais il releva instantanément le NOTRE chère Mélanie.

    — Vous connaissez ma mère ?

    Furent les seuls mots qui sortirent de sa bouche. Immédiatement, il s’autoflagella l’esprit en se disant ; Un homme que tu ne connais pas, que tu as à peine croisé dans la rue, à qui tu n’as jamais adressé la parole, qui est passé au travers de la sécurité d’un des immeubles les mieux gardés de New York, se tient devant ta cheminée en te parlant de tes pensées les plus intimes, et toi en dix minutes, tu lui donnes ton nom et vous connaissez ma mère… Quel abruti tu fais, ressaisis-toi.

    — Je veux dire, vous… êtes son ange gardien.

    Julien ferma les yeux, baissant le front. Alors là bravo, j’ai l’air encore plus con…

    — Si j’en crois le magnifique dessin griffonné sur votre planche de travail, il semble effectivement que vous me ressentiez en tant que tel.

    Le dessin que Julien avait machinalement gribouillé à son bureau après le rendez-vous du projet » New World 6 lui revint aussitôt en tête.

    — Mon dessin, mais comment vous…. Bon stop, inutile ! Je renonce à vouloir donner un sens à cette situation qui dépasse l’entendement, depuis notre rencontre, j’ai ressenti quelque chose d’étrange et de surnaturel. Expliquez-moi s’il vous plaît, pourrai-je revoir ma mère ? Êtes-vous là pour elle ou pour moi ? Ma tête va exploser.

    Gabriel s’avança vers lui à pas lents, il s’assit une nouvelle fois en face de l’architecte et passa du vouvoiement au tutoiement pour mieux marquer leur proximité ;

    — Je suis effectivement un ange. Ou un messager, ou un archange, comme tu préfères. Les mots utilisés par les hommes n’ont pas la moindre importance, si ce n’est celle de pouvoir te permettre de matérialiser ma présence et ma mission. Je suis navré pour ta mère, mais la raison de ma présence ici n’est pas liée uniquement à son sort, mais plutôt à celui de l’humanité tout entière.

    Avant que Gabriel ne poursuive, Julien intervint :

    — L’humanité tout entière, je m’en fous un peu là ! J’aimerais juste savoir si ma mère est… sera… bien là où elle va. Et si j’ai la chance de véritablement parler à un ange, je voudrais savoir, voire simplement me faire croire, qu’elle ira au paradis, ce qu’elle mérite plus que toute autre femme au monde. Si c’est possible d’avoir l’info avant que mon esprit ne sombre définitivement dans la folie, alors je suis preneur. Ensuite, faites de moi ce que vous voudrez.

    Gabriel reprit sur un ton monotone, toujours condescendant :

    — Le paradis, l’enfer, le purgatoire. Débat vain, créé par les hommes et magnifié dans cette version-ci du monde par ce cher Dante pour vous permettre d’espérer quelque chose à la fin du voyage, n’est pas un sujet qui concerne Dieu, ni ses messagers. Ta mère est apaisée, elle s’endort en ce moment même, la conscience tranquille, elle sait qu’elle a fait plus de bien que de mal sur cette terre, elle est en paix avec elle-même. Elle s’en va en pensant à toi, elle est fière de son parcours et du tien, elle sait que toi aussi tu penses à elle avec douceur et bienveillance. Il n’y a rien de plus à savoir pour l’instant. Tu peux te libérer de cette contrainte, elle reposera en paix car ses derniers instants sont ceux d’un être digne, ni enfer ni paradis pour elle, juste une place à part. Quant à toi, tu n’es pas en train de sombrer dans la folie. Ce que tu vis est bien réel et ce que « je veux faire de toi » à une dimension qui t’échappe encore et qui justement, concerne le reste de l’humanité. Tu n’es pas en train non plus de rêver, mais ça, tu l’as déjà compris. Je sais que tu ressens au fond de toi ce changement, cette impression d’immense vide et de solitude, accompagné de ce désespoir horrible qui t’envahit depuis quelques minutes. Et ce n’est pas uniquement dû au fait que ta mère te quitte ce soir, mais plutôt au fait que tu es l’élu. Tu as été choisi pour devenir l’un des cinq Pères Fondateurs de la nouvelle humanité. À partir de cet instant, tu porteras tout un Nouveau Monde sur tes épaules et tu seras le seul à connaître cette vérité. Tu ne pourras jamais partager ce secret avec personne, donc ton désespoir est légitime, tu es seul et tu seras souvent désespéré.

    Julien était désorienté, il repensa à la statue du colosse devant le Rockfeller Center. Il ressentait bien que malgré l’invraisemblance de ses propos, tout ce que disait ce vieil homme était la vérité, toutefois il n’arrivait pas vraiment à intégrer cette dimension de Nouveau Monde et d’élu. Il tenta de revenir à sa mère pour se rassurer :

    — Donc, c’est parce que ma mère meurt ce soir que le monde disparaît ?

    — Non ! Asséna Gabriel sèchement. Tu ne m’as pas écouté. Le monde dans lequel tu as vécu s’éteint, étouffé par vos erreurs. Le temps imparti est écoulé et vous n’avez pas fait de lui ce que nous en attendions, une fois de plus l’humanité a échoué. Les ténèbres sont partout, elles ont gangrené votre monde et vous n’êtes plus en mesure de les contenir. Le mal a cette fois-ci pris les plus insidieuses des formes ; l’avidité, l’égoïsme et la cruauté dominent ce monde. Au nom de la pseudoscience vous avez

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