Ce que dit la Bible sur la jalousie: Comprendre la parole biblique

Par Marie-Reine Mezzarobba et Bénédicte Draillard

Omniprésente dans la Bible, la jalousie n’y est pas seulement décrite ; les récits bibliques pourraient-ils aller jusqu’à nous en libérer ?

Qui n’a jamais connu la morsure de la jalousie ? Qui n’est pas tenté de la cacher comme une maladie honteuse ? Ou de la nier... On trouve dans la Bible bien des récits où il est question de jalousie. Le plus connu est certainement l’histoire de Joseph et de ses frères. Et la jalousie dans la fratrie est une expérience commune que redoutent les parents.
Quels sont les ressorts secrets de la jalousie ? Les récits bibliques nous permettent-ils de mieux les cerner ? Offrent-ils des possibilités de guérison ? L’expérience intime de la jalousie, qui se révèle dans toute cure psychanalytique digne de ce nom, aiguise le regard de l’auteur, à l’affût de la connaissance profonde de l’âme humaine qui se donne dans les textes bibliques. Jésus, nous dit Jn 2,25, « n’avait nul besoin qu’on lui rendit témoignage au sujet de l’homme : il savait, quant à lui, ce qu’il y a dans l’homme. » Jésus n’a pas utilisé cette connaissance pour accuser l’humanité mais pour la sauver.
Une lecture fine, profonde et originale, proche de la lecture de Marie Balmary, fameuse psychanalyste et exégète biblique. On y retrouve cette capacité à lire la Bible avec un regard renouvelé.

Un ouvrage riche d'enseignements pour mieux déchiffrer les textes bibliques.

EXTRAIT

La jalousie est l’un des maux les plus redoutables que subit tout humain venant en ce monde. Saint Augustin la repérait déjà sur le visage du bébé qui regarde son frère de lait téter au sein de leur nourrice commune ! Chacun sait que l’on trouve dans la Bible des récits où il est question de la jalousie. Mais la Bible peut-elle faire autre chose que la décrire ? Pourrait-elle aller jusqu’à nous en libérer ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Reine Mezzarobba est docteur en théologie, elle assure le cours d’anthropologie chrétienne du Centre universitaire Guilhem de Gellone à Montpellier.
Sa recherche prend en compte le fait que la Bible n’a jamais ignoré la dimension de l’inconscient dans la structure humaine.

À PROPOS DE LA COLLECTION

Chaque année, 30 millions de bibles sont vendues dans le monde, dans plus de 2 000 langues et dialectes. Mais combien sont ouvertes et lues ? La Bible est un trésor souvent difficile d’accès. Et pourtant elle recèle des pépites de sagesse, des paroles de vie. Comment y accéder avec justesse et finesse si ce n’est en prenant pour guide un expert des textes bibliques, un exégète, amoureux de la Parole de Dieu ?
C’est ce que propose cette nouvelle collection intitulée : Ce que dit la Bible sur....
Son approche est originale : une lecture transversale de la Bible. Douze chapitres d’un petit livre, des entretiens faciles à lire et riches d’enseignements.

• Langue: Français
• Éditeur: Nouvelle Cité
• Date de sortie: 14 févr. 2018
• ISBN: 9782853139557

Aperçu du livre

PROLOGUE

La jalousie est l’un des maux les plus redoutables que subit tout humain venant en ce monde. Saint Augustin la repérait déjà sur le visage du bébé qui regarde son frère de lait téter au sein de leur nourrice commune ! Chacun sait que l’on trouve dans la Bible des récits où il est question de la jalousie. Mais la Bible peut-elle faire autre chose que la décrire ? Pourrait-elle aller jusqu’à nous en libérer ?

Lorsque nous la lisons, nous sommes parfois tentés de chercher des réponses concrètes aux questions que nous nous posons, ou au contraire, de la congédier puisque nous n’y trouvons pas souvent des recettes à appliquer immédiatement. Pour entendre la Parole vivante que ces textes si anciens adressent à nos interrogations existentielles, il faut parfois accepter de changer de lunettes. Notre culture occidentale nous donne une formation essentiellement scientifique, très performante pour tout ce qui touche à la connaissance du fonctionnement de toute chose. Certains ont ainsi perdu les clés qui leur permettraient d’aborder la littérature biblique qui ne soucie pas de technique.

Nous ne lisons qu’à partir de notre propre enracinement culturel. Pour ma part, c’est dans la psychanalyse que j’ai trouvé ce qui me permet d’entendre la Bible à frais nouveaux. La psychanalyse et la Bible se soucient toutes deux de ce qui fait vivre ou souffrir, de ce qui détruit l’humanité de l’homme ; elles veulent offrir un chemin de guérison, de libération. La psychanalyse a mis en évidence la dimension de l’inconscient dans ce qui constitue l’humain, dans ce qui est à l’œuvre dans son histoire et dans ses relations. Il est passionnant de relire la Bible, non en cherchant à faire la psychanalyse des personnages bibliques, mais en prenant en compte cette dimension dans notre lecture. Ce que nous apprend la psychanalyse de la jalousie affûte le regard que nous portons sur les récits bibliques. À son tour, cette lecture vient éclairer notre expérience. Les récits bibliques s’adressent aussi à l’inconscient du lecteur ! Oserais-je dire que la Bible parle de la jalousie, page après page, pour nous en délivrer ?

Avec l’aide de deux jésuites, le psychanalyste Denis Vasse et l’exégète Paul Beauchamp, qui m’ont appris à croiser l’approche psychanalytique et l’exégèse biblique et m’ont ainsi ouvert les Écritures, je pars à la découverte de ce que nous dit la Bible de la jalousie.

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JALOUX, MOI ?

Dès la toute petite enfance nous comprenons vite, dans les yeux de nos parents, que la jalousie est un vilain défaut !

Hélas oui, on reproche souvent aux enfants d’être jaloux, au lieu de leur donner simplement et humainement ce qui leur permettra de nommer et donc de se distinguer eux-mêmes de ce sentiment trouble qu’ils éprouvent. Si l’adulte peut nommer la jalousie, c’est qu’il en a une expérience. C’est donc que l’enfant n’est pas seul, dans une solitude abyssale, à éprouver ce trouble. Mais, pour se soustraire au reproche, pour redorer le plus rapidement possible l’image idéale brisée, beaucoup d’enfants se sont acharnés à faire disparaître la jalousie pour satisfaire leurs éducateurs et plus encore leur narcissisme propre. Cela prend parfois la figure de l’enfant-modèle dont les parents affirment qu’il n’est pas jaloux de son petit frère qui vient de naître, mais qu’au contraire il le couvre de baisers, lui fait de nombreux cadeaux, multiplie des attentions à son égard… sans que cet excès de manifestations d’amour, destinées à contrer l’agressivité qu’il ressent et veut faire disparaître, alerte les parents.

Le résultat de cette opération de dissimulation est que les adultes que nous sommes ont souvent perdu tout moyen de reconnaître en eux-mêmes la jalousie. Ils souffrent de jalousie, mais ils ne le savent même plus. Seule la tentative de restauration d’une image de soi lisse et parfaite a atteint son but, mais le mal est là, d’autant plus efficace qu’il est bien caché : il « pourrit » la vie de sa victime et de son entourage ! En mettant en récits la jalousie, comme nous le verrons, la Bible nous donne les moyens de la reconnaître, et par là de retrouver le chemin de la joie de la vie partagée avec les autres.

Vous dites que la jalousie est un mal qui pourrit la vie, qui fait souffrir ?

Oui, la jalousie est un mal, une maladie, qui nous atteint, qui attaque la vie qui est en nous. C’est comme une voix qui vient susurrer à notre oreille que la vie ne nous a pas été totalement donnée ou qu’il faudrait la mériter. Que la vie est en l’autre, en mon frère, en ma sœur, qui réussit si bien ceci ou cela, tandis que moi je suis nul ! C’est un mal qui frappe beaucoup de gens, et le plus souvent à leur insu. Je vous propose que nous allions dans la Bible chercher deux éléments : les symptômes de la maladie et leurs traitements, puisque le Seigneur a décidé de nous guérir ! Cela est signifié clairement par cette affirmation : […] c’est moi le SEIGNEUR qui te guéris (Ex 15, fin du v. 26). Cette déclaration est précédée des conditions nécessaires (écoute, obéissance) pour que la guérison puisse se faire, puisque le Seigneur ne peut pas nous imposer une guérison de l’extérieur, il ne nous violente pas. Mais sa volonté de guérir est clairement exprimée. C’est elle que nous voyons à l’œuvre dans la totalité de la Bible, dès ses toutes premières pages. Cependant, la condition première pour soigner, c’est de repérer le mal, de le faire sortir de sa cachette pour pouvoir le vaincre.

Selon les récits bibliques quels sont les symptômes de cette maladie ? Comment la reconnaître ?

L’indice premier est la comparaison ; on le trouve dans ce petit mot : comme. Ainsi, dans le récit programmatique de la Genèse, il se trouve – et ce n’est pas un hasard – dans la bouche du serpent. Dieu a recommandé à l’homme de ne pas manger de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, avait-il dit : du jour où tu en mangeras, tu devras mourir (Gn 2,16). Le serpent – qui a visiblement une connaissance supérieure à l’homme, puisqu’il se targue de savoir la vérité sur Dieu tandis que l’homme, pauvre benêt, aurait pu croire Dieu sur parole – vient prétendre que Dieu est menteur et jaloux de l’homme en affirmant : Non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais (Gn 3,4-5). Ainsi donc, à entendre la voix du serpent, Dieu ne veut pas que l’homme soit comme lui : il tient à ce que l’homme lui reste inférieur ! Nous avons là, dès les toutes premières pages de la Bible, ce repère concernant la voix de la jalousie : elle susurre à notre oreille qu’il n’y a pas d’autre mode de relation avec l’Autre que la relation dominant/dominé, supérieur/inférieur. Qui plus est, le discours du jaloux est